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Les autoroutes de la mer au creux de la vague

Publié le 18/09/2014
1. La fin de l'autoroute Montoir-Gijón, 17 septembre 2014

Dernière rotation pour le Norman Atlantic, mercredi 17 septembre 2014. Le ropax qui assurait la liaison entre Saint-Nazaire et Gijón (Espagne) dans le cadre de l’autoroute de la mer pilotée par LD Lines, a procédé à son dernier débarquement de passagers, voitures et semi-remorques. Il devrait rester à quai jusqu’à nouvel ordre.
L’arrêt de la ligne est justifié par un manque de rentabilité, malgré un très bon taux de remplissage avec quelque 20 000 camions et 5 000 passagers par an depuis l‘ouverture, en 2010. Depuis son lancement, l'autoroute a bénéficié d'importantes aides publiques de la France, de l'Espagne (15 millions chacun) et de l'UE (4 millions d’euros). Celles-ci s'arrêtent, d'où la décision de l'exploitant de la ligne, l'armateur Louis-Dreyfus (LD Lines). Il manquerait six millions d'euros pour un retour à l'équilibre.
Une dizaine d'emplois directs sont touchés par la fermeture de cette liaison maritime.
Depuis l’annonce de la suspension de cette ligne, les réactions politiques se multiplient. Côté français, des appels au gouvernement sont lancés. Côté espagnol, le ton est plus virulent vis-à-vis de LD Lines, accusé de « violation du contrat qui prévoit l’exploitation de la ligne pour un minimum de sept ans ».


Les navires exploités par LD Lines sur cette liaison accueillaient également des passagers, appréciant d’éviter un long trajet en voiture entre la France et l’Espagne. En été, les sièges et cabines disponibles sur le bateau étaient littéralement pris d’assaut. Reportage texte et photo d’une traversée passager de 16 h les 8 et 9 septembre 2014. Mer et Marine, 18 septembre 2014, « Une dernière traversée Montoir-Gijón sur le Norman Atlantic » http://www.meretmarine.com/fr/content/une-derniere-traversee-montoir-gijon-sur-le-norman-atlantic
 

2. Les explications de la fermeture
  • Une analyse des données du problème par Mer et Marine, 18 septembre 2014 : « On ne peut en effet, d’un côté, faire l’éloge du report modal et financer à grands frais des initiatives permettant de réduire le trafic routier (en quatre ans pour Montoir-Gijón, plus de 34 millions d’euros d’argent public de l’Europe, des Etats et des collectivités) et, de l’autre, ne pas traiter le fond du problème : la route coûte aujourd’hui moins cher que la mer. Sans des solutions d’écobonus ou d’écotaxe afin d’inciter les transporteurs routiers à mettre leurs camions ou marchandises sur un train, une barge ou un bateau, le constat économique est sans appel et les services maritimes alternatifs n’ont, pour beaucoup, aucune chance d’être pérennisés. » http://www.meretmarine.com/fr/content/lautoroute-de-la-mer-transgascogne-sest-arretee

 

  • La Croix, 3 septembre 2014 : « Il ne faut plus guère compter sur les subsides européens. Le programme Marco Polo, lancé en 2007, s’est achevé en 2013. Et à Bruxelles, les services de la Commission voient d’un mauvais œil le versement d’aides publiques dans un secteur aussi libéralisé que le transport. Ces autoroutes de la mer n’ont donc pas pu résister face au transport routier, qui propose des prix parfois deux fois moins élevés, notamment avec des chauffeurs provenant des pays d’Europe de l’Est. « Les pouvoirs publics avaient eu l’initiative des liaisons maritimes à un moment où l’on parlait beaucoup de la création d’écotaxe ou d’écovignette pour les camions. Maintenant que ce n’est plus d’actualité, elles sont condamnées à disparaître », résume un expert du secteur. » http://www.la-croix.com/Actualite/Economie-Entreprises/Economie/L-armateur-Louis-Dreyfus-abandonne-la-liaison-France-Espagne-2014-09-03-1200504

 

3. Les positions des partenaires
  • L'UE avec le programme européen Marco Polo II (2007-2013). Le transport routier de marchandises dépend largement des énergies fossiles contribuant fortement à la production de CO2. Il doit en outre faire face au problème de l'engorgement des infrastructures. Dans ce contexte, un recours plus fort à l'intermodalité est nécessaire puisqu'elle se sert des ressources existantes grâce à l'intégration du transport maritime à courte distance, du rail et du transport fluvial dans la chaîne logistique. Le programme Marco Polo II (2007-2013) vise à déplacer les marchandises de la route vers des modes plus compatibles avec l'environnement.

sur le site de la Commission européenne http://europa.eu/legislation_summaries/environment/tackling_climate_change/l24465_fr.htm
mais le Conseil de l'Union européenne a pris acte des recommandations formulées par la Cour des comptes européenne dans son rapport sur l'efficacité des programmes Marco Polo. À l'avenir, les projets seront plus encadrés. 10 février 2014 http://www.wk-transport-logistique.fr/actualites/detail/73048/europe-les-programmes-marco-polo-sous-surveillance.html#&panel1-1

  • L'Etat : le site du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’énergie fait le point sur les autoroutes de la mer : réalité et projets en cours (au 14 mars 2014), avec une carte. Il examine ensuite les autoroutes de la mer entre la France et l’Espagne, entre la France et le Portugal, en Méditerranée et dans la région de la mer du Nord. Il abrite aussi une FAQ sur les autoroutes de la mer. http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Autoroutes-de-la-mer,1748-.html
     

les horaires de LD Lines et les terminaux : http://www.ldlines.fr/horaires_stn-gij.php
une tentative qui a échoué : fin 2013, la logique de sortie par le haut de LD Lines avec l’ouverture de nouvelles lignes entre l’Espagne, la France, l’Irlande et l’Angleterre. Avec une carte du  réseau de LD Lines et DFDS. Mer et Marine, 20 décembre 2013 http://www.meretmarine.com/fr/content/ld-lines-ouvre-de-nouvelles-lignes-entre-lespagne-la-france-lirlande-et-langleterre

 

4. Pour approfondir
  • Pour comparer avec les autres autoroutes de la mer

- une future autoroute de la mer Montoir-Vigo ?
Plus ancienne ligne régulière du port de Nantes-Saint-Nazaire, la liaison entre Montoir et Vigo existe depuis 1974. L'armement espagnol Suardiaz propose deux rotations par semaine à l'aide du navire roulier "Suar Vigo". Ses chargements actuels sont composés principalement de remorques routières opérées par Gefco, logisticien de PSA et de voitures neuves (Picasso 2, Partner et Berlingo) fabriquées à l'usine PSA de Vigo.
Pour accéder au statut d’autoroute de la mer, une troisième rotation est nécessaire, avec un second navire, avec une ouverture à d’autres trafics. Le 19 mai 2014, l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (Inea) a acté le principe d’une subvention de 3 millions d’euros, mais pour démarrer, il faut encore la décision de la Commission intergouvernementale franco-espagnole, et les aides des deux Etats. Les Echos, 14 septembre 2014 http://www.lesechos.fr/pme-innovation/actualite-pme/0203771710491-lautoroute-de-la-mer-franco-espagnole-au-bord-du-naufrage-1042177.php?TW6xyJZZCK0xixXo.99

- les autoroutes en Méditerranée, qui semblent en panne également :

- ailleurs :
« Les autoroutes de la mer fonctionnent, notamment en Europe du Nord, dans la Baltique, mais généralement sur de très longues distances, en non accompagné (camions sans chauffeurs), sur des contrats industriels et dans le cas d’une grande périphéricité géographique, analyse Paul Tourret, de l’observatoire maritime Isemar. Dans ces conditions seulement, elle offre une vraie alternative à la route. » Les Echos, 14 septembre 2014 http://www.lesechos.fr/pme-innovation/actualite-pme/0203771710491-lautoroute-de-la-mer-franco-espagnole-au-bord-du-naufrage-1042177.php?TW6xyJZZCK0xixXo.99
 

Sélection : Marie-Christine Doceul, Sylviane Tabarly, pour Géoconfluences