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Le paysage dans tous ses états

Le drone Pixy, une nouvelle plate-forme aéroportée pour l’étude des dynamiques paysagères

Publié le 20/10/2006
Auteur(s) : Jérôme Lejot, doctorant - ENS de Lyon

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L'imagerie aérienne et spatiale est devenue un outil incontournable dans l'étude et le suivi des phénomènes naturels et des dynamiques paysagères. Le développement de ressources "grand public" pour la visualisation d'images verticales, tels que celles de "Google earth" ou du Géoportail de l'Institut Géographique National (IGN), répond à une demande croissante de données spatiales précises. Les images satellites et aériennes disponibles actuellement sur le marché couvrent un grand panel d'offres en terme de résolution, d'emprise au sol, de fréquences de passage et cela à des coûts très variables. Parallèlement de nouvelles plate-formes aériennes d'acquisition de données images, plus légères, sont développées : par exemple, la technologie drone. Elle a été approchée, avec un drone de type Pixy, dans le cadre d'études portant sur la restitution de la topographie et de la végétation fluviale à petites échelles et dans le suivi d'opérations de restauration de zones humides sur la Basse vallée de l'Ain.

 

La mise en œuvre du drone Pixy

C'est un petit para-moteur radio-télécommandé produit par la société Philae Concept (France). L'appareil est équipé d'un moteur thermique 25 cm³ couplé à une hélice bipale. Il décolle comme un avion et atterrit en planant. Il dispose d'une voile tubulaire, de type parapente, reliée au châssis par des suspends. Vecteur léger (6 kg à vide), il bénéficie d'une autonomie d'une heure avec une portée de 800 m. À partir d'un seul point de pilotage et avec une visualisation directe, son rayon d'action est d'1,6 km. Des capteurs peuvent être placés à l'avant de la nacelle (charge embarquée maximale 4kg). Sa faible vitesse, de 15 à 25 km/h, permet d'acquérir des clichés de haute qualité.

Le capteur utilisé ici est un appareil photo numérique grand public CANON PowerShot G5 (focale 35mm). Le drone est également équipé d'un GPS embarqué (Garmin III+). L'altitude de vol peut donc être contrôlée approximativement ainsi que la vitesse et la trajectoire grâce à un "pocket PC" placé sur la radio commande.

En plus de la prise de clichés, le capteur numérique permet d'avoir un retour visuel des zones survolées par le biais d'un écran de contrôle au sol. Il s'agit d'une paire de lunettes dans laquelle est incrusté un petit écran CCD. Ce système permet de visualiser, en temps réel, les surfaces survolées et de s'assurer que l'emprise des acquisitions correspond bien à l'objet d'étude afin d'optimiser les temps de survol.

Caractéristiques techniques et mise en œuvre du drone Pixy

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Décollage et envol

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Dispositifs de rampe d'envol

Les sites de décollage correspondent à des surfaces planes bitumées ou en herbe rase. La plupart des espaces ouverts le long des cours d'eau étant rugueux, une "rampe d'envol" a été construite ici afin d'élargir les sites potentiels de décollage et d'accroître le rayon d'action (photographie ci-contre).

 

Les images acquises par le drone Pixy ont été comparées à un échantillon d'autres plate-formes de gamme de restitution proche, c'est-à-dire celles de la Très Haute Résolution (THR) : satellites SPOT 5, QuickBird, avion type de l'IGN (figures ci-dessous). Pour les satellites SPOT 5 et QuickBird les modes panchromatique (*) et multi-spectral (*) sont découplés.

1 - Tout dépend de l'altitude du vol

2 - Avion de l'IGN (1/20 000e - scan 1 000 dpi)

3* et 4* - SPOT 5 et QuickBird : p = panchromatique (toute la gamme du spectre électromagnétique visible et une partie du proche infra-rouge) ; m = multispectral (combinaison de bandes spectrales resserrées, dans le domaine du visible ou du non visible)

5 - Sur l'hypothèse d'un jour sur deux

Le drone évoluant à une altitude plus basse que les autres vecteurs (entre 50 et 300 m d'altitude), il produit tout naturellement des images à très haute résolution, variable cependant selon les capteurs optiques embarqués. Il est le seul à pouvoir offrir une vraie résolution centimétrique.

À cette résolution, tous les emboîtements d'échelle sont possibles (ci-dessous : état n°1) que ce soit la végétation (herbacée, aquatique, arbustive, arborée), les chenaux de petite taille (les bras secondaires et morts) et les substrats (affleurement ou dalle en fond de chenal) jusqu'à la structure granulométrique des bancs.

Pour les plate-formes à résolutions plus faibles, l'individualisation des galets ou bien la dissociation de taxons (groupes homogènes) au sein d'une unité végétale ne pourront être détectées (ci-contre : état n° 2,3 & 4) et cela jusqu'à la disparition des objets inférieurs à la résolution du support (végétation herbacée ou bien chenaux de faible largeur (ci-contre : état n° 4).

L'échelle spatiale à couvrir est également un facteur important dans le choix d'une image (figure ci-dessus). Avec une largeur de fauchée de plusieurs kilomètres, l'avion IGN peut acquérir en un seul passage l'ensemble d'un lit majeur (ci-contre : état n° 2) jusqu'à couvrir tout ou partie d'un bassin versant pour les vecteurs spatiaux (ci-contre : états n°3 et 4). En revanche la technologie drone qui est limitée en moyenne à 200 m sur une seule trace (en fonction de son altitude et des capteurs embarqués) n'autorise que la couverture limitée d'un linéaire (ci-contre : état n°1).

Dans le but d'établir un suivi diachronique, la fréquence des images pouvant être acquises au cours d'une année est un facteur important à considérer. L'imagerie aérienne IGN, dont l'échelle de couverture représente l'ensemble du territoire français, ne propose que des passages quinquennaux (ou bien sur commande à des coûts prohibitifs). Il faut aussi tenir compte des risques de masques : le drone peut voler en dessous de la couverture nuageuse. L'élément déterminant de la technologie drone, en termes de temporalité, c'est sa réactivité : en l'absence d'un vent trop fort, il est mobilisable dès le lendemain d'une crue pour un premier état des lieux. Alors que les technologies satellites supposent des programmations parfois lourdes à mettre en œuvre.

Le dernier facteur limitant dans le choix d'acquisition d'une image aérienne est son coût. Naturellement, la comparaison devrait se faire à travers le prix d'une image au km². Ce rapport est cependant peu représentatif de ce que peut apporter une image car plusieurs paramètres diffèrent en fonction de la problématique et de la taille de l'objet à étudier (résolution, fréquences, emprise au sol et types de capteur.

Le choix d'une référence de comparaison s'est donc porté sur le coût minimal pour l'acquisition d'une image (tableau ci-contre). Le prix d'une image est en général proportionnel à la résolution du support. En partant de ce postulat, le drone est effectivement très coûteux par rapport aux autres vecteurs à superficie égale : 500 € pour 0,17 km².

En revanche la technologie drone est compétitive pour de faibles périmètres d'étude et seulement dans le but de caractériser des objets ou bien d'identifier des dynamiques temporelles à échelle centimétrique.

Le choix du drone Pixy dans l'étude des systèmes fluviaux et des zones humides relève donc de la nécessité de caractériser de façon fine les entités qui composent le corridor fluvial : plan d'eau, bras mort, végétation aquatique et riparienne. Grâce à son gabarit léger, le drone offre des avantages en termes de souplesse, de maniabilité et surtout de réactivité qui permettent de répondre rapidement à un aléa, cela plusieurs fois dans l'année et à moindre coût.

Ses principales contraintes d'utilisation sont les conditions météorologiques. Compte tenu des caractéristiques aéronautiques (couple voile / moteur), le drone est fortement dépendant du vent. Au-delà de 20 km/h, il devient difficile à piloter car il ne peut remonter au vent. La nacelle devient instable et ne garantit plus la verticalité des prises de vue. La pluie est également un des facteurs limitant son utilisation.

 

Le protocole terrain

Comme pour toutes prises de vue à partir d'un vecteur aérien, l'optique des capteurs induit des déformations géométriques dont l'origine est double. En premier lieu, l'optique génère une déformation due à la forme lenticulaire des objectifs. La seconde distorsion est engendrée par le sol lui-même. En effet, la terre n'étant pas une surface plane, sa rotondité induit également une déformation qui est d'autant plus grande que le capteur est éloigné du sol. Afin de minimiser ces distorsions et pour pouvoir rectifier et géoréférencer les images du drone, des points de repère sont répartis sur le site (ci-dessous à gauche). Ce sont des balises (carrés de toile cirée de couleur rouge) facilement identifiables sur les photographies aériennes. Ces balises sont disposées de façon à couvrir l'ensemble des sites. En présence d'un chenal en eau, la configuration du site contraint la répartition des balises le long des berges.

L'acquisition des coordonnées des balises permet de faire le lien entre l'image et le sol. En fonction de la configuration des sites, des points d'amer fixes au sol peuvent compléter le balisage. Ce recalage est effectué par DGPS (Differentiel Global System Positioning). Le matériel utilisé ici est un DGPS Trimble bi-fréquence 5800 RTK. Les points acquis autorisent une précision centimétrique en relatif sur les 3 axes (x, y, z) lorsque toutes les conditions sont réunies (absence de masque et bonne constellation des satellites).

À partir de cette étape, l'image peut être rectifiée (ci-contre à droite – état de 1 à 2) et ainsi toutes les images sont regroupées pour ne former qu'une seule et même image : une mosaïque (état 3)

 

Des applications du drone

Des mosaïques d'images portent sur différents secteurs fluviaux à des échelles variables. Les zooms permettent d'apprécier la qualité des détails et les possibilités offertes par l'imagerie drone.

Le premier exemple correspond à une lône de 300 m de long sur 30 m de large (ancien bras de l'Ain, abandonné lors d'un recoupement de méandre). Deux survols en période hivernale et estivale permettent d'apprécier la propagation de la végétation aquatique sur le plan d'eau et d'identifier les essences présentes sur site.

Le second exemple représente un banc de galets dans une concavité de méandre. La précision du support autorise une première analyse morphologique : langue de progression de galets en queue de banc (partie sud de la photo), substrat granulométrique hétérogène. Il permet également d'identifier la présence de végétation pionnière (saule, peuplier ainsi qu'une strate herbacée).

Le dernier exemple correspond au chenal principal de l'Ain sur un linéaire de 2 km. Le tronçon est de forme linéaire mais à cette échelle, c'est l'ensemble d'un méandre qui peut être visualisé. Les secteurs à faible hauteur d'eau (seuils) peuvent être distingués des secteurs plus profonds (mouilles). Par transparence, on peut également visualiser les différents faciès lithologiques de fond de chenal : végétation algale, dalle calcaire, surface limoneuse, bois mort etc.

Dans le cadre du programme LIFE Nature Ain (programme européen répondant ici aux objectifs de préservation de l'Ain et de ses milieux associés), des réflexions sont menées sur les actions à entreprendre pour revitaliser les paysages fluviaux de la Basse vallée de l'Ain et lutter contre le déficit sédimentaire de la rivière constaté par de récentes études réalisées dans le cadre du Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) et du programme LIFE Nature. Le suivi concerne l'évolution spatiale et temporelle de zones humides et de secteurs de recharge sédimentaire dans le chenal principal de la rivière afin d'évaluer scientifiquement la pertinence de ces opérations, l'efficacité des travaux et leur pérennité.

La rivière Ain connaît un déficit de charge sédimentaire important dans la partie amont de sa basse vallée. Ce déficit induit des transformations du paysage fluvial, notamment, l'enfoncement du lit du cours d'eau. Ce qui a pour conséquence, entre autre, de fixer les berges et de réduire la mobilité latérale du cours d'eau, processus à l'origine de la création des lônes et des zones humides. Aussi, plusieurs lônes atterries (comblées) ont fait l'objet d'une restauration par curage. Les graviers extraits ont été réinjectés dans le chenal pour former une zone de dépôt remobilisable lors d'une crue afin de recharger les tronçons déficitaires en galets.

L'Ain dans le secteur de Bellegarde

Parmi les sites concernés, le secteur de Bellegarde (à l'aval de Pont d'Ain) fait l'objet d'un suivi pluriannuel.

La figure ci-contre montre le survol du site à 3 dates différentes :

  • juillet 2005, état des lieux avant les travaux (a) ;
  • février 2006, survol après travaux qui ont eu lieu en décembre 2005 (b). Deux secteurs d'épandage ont été créés par génie civil (bulldozer, pelleteuse) ;
  • juin 2006, le tronçon a subi des modifications importantes (c). On constate une forte érosion des zones de stockage à la suite de la succession de crues durant les mois de mars et avril.

Les prochains survols permettront d'observer les conséquences de cette opération sur le secteur considéré et sa partie aval.

En conclusion, la technologie drone permet d'appréhender, grâce à ses images à très haute résolution, de nouveaux objets naturels. Il est un outil complémentaire des plate-formes aériennes et spatiales déjà existantes. Les améliorations techniques qui pourront être apportées permettront d'accroître son potentiel d'étude et de suivi des processus naturels et plus particulièrement des dynamiques paysagères.

 

Pour compléter, prolonger, des ressources

Bibliographie
  • Bryant R. and Gilvear DJ. - Quantifying geomorphic and riparian land cover changes either side of a large flood event using airborne remote sensing, river Tay - Scotland 23: 1-15 - 1999
  • Gilvear DJ., Bryant R. - Analysis of Aerial Photography and Other Remotely Sensed Data - in Kondolf GM, Piégay H, Tools in Fluvial Geomorphology - Wiley: 135-170 - 2003
  • Raclot D., Puech C., Mathys N., Roux B., Jacome A., Asselime J., Bailly JS. - Photographies aériennes prises par drone et Modèles numériques de terrain : apports pour l'observatoire sur l'érosion de Draix - Géomorphologie: Relief, Processus, Environnement n°1: 7-20 - 2005
  • Toutin T. - Photogrammétrie satellitale des capteurs de haute résolution: état de l'arts - Bulletin de la Société Française de Photogrammétrie et de Télédétection 175 (3): 57-68 - 2004
  • Westaway RM., Lane SN., Hicks DM. - Remote survey of large-scale braided, gravel-bed rivers using digital photogrammetry and image analysis - International Journal of Remote-Sensing 24(4): 795-815 - 2003
Ressources en ligne

 

Jérôme Lejot, doctorant à l'UMR 5600 (Environnement, ville et sociétés),

pour Géoconfluences, le 20 octobre 2006

Mise en page web : Sylviane Tabarly

 

Mise à jour :   20-10-2006

 

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Pour citer cet article :  

Jérôme Lejot, « Le drone Pixy, une nouvelle plate-forme aéroportée pour l’étude des dynamiques paysagères », Géoconfluences, octobre 2006.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/paysage/PaysageDoc.htm