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Vitesse et immédiateté

Publié le 31/03/2022
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La vitesse est, dans son sens premier, le rapport qui mesure une distance parcourue en un temps donné. On emploie de plus en plus le terme vitesse pour parler de la rapidité d’une action ou d’un processus. En effet, la course à la vitesse a été une obsession majeure des XIXe et XXe siècles et elle est toujours au cœur des aspirations du monde contemporain. Le juste à temps productif impose de nouveaux rythmes et davantage de flexibilité.

L’immédiateté renvoie au temps réel et aux événements et actions qui se déroulent à l’instant présent. Ce temps réel est celui du monde de l'information et de la communication. Le XXe siècle a permis l'explosion des moyens de communication individuels aboutissant à des modes de plus en plus diversifiés de mobilité, tant physique que virtuelle.

Les sociétés humaines pratiquent aujourd'hui des vitesses de déplacement de plus en plus différenciées (marche, automobile, avion, télécommunications...) et elles peuvent se mouvoir dans un espace à plusieurs vitesses et dimensions simultanées : il est par exemple possible de téléphoner depuis un TGV. Les différentiels de vitesse ne sont pas sans paradoxes : après un trajet Lyon-Paris effectué en TGV en 2 h, on pourra mettre une ou deux heures pour parcourir quelques kilomètres en voiture à travers la capitale. Il arrive aussi de se diriger vers un lieu en commençant par prendre une direction opposée : pour rejoindre une bretelle d'autoroute par exemple (Ollivro, 2000).

La vitesse est devenue un avantage comparatif entre les territoires : la connexion aux réseaux à grande vitesse est un facteur d'attractivité. Cela concerne aussi les réseaux immatériels : l'organisation spatiale très hiérarchisée de la « planète financière » est fortement liée à la capacité d'un lieu à émettre et à recevoir le plus rapidement possible les informations et les transferts de données et d'argent. Le système Swift est ainsi une organisation groupant des banques et des États et visant à accélérer et à sécuriser les transferts financiers à l'échelle mondiale (Carroué, 2022).

La grande vitesse est devenue une caractéristique des transports terrestres contemporains. Ses débuts datent de 1964 avec la mise en service du Tokaïdo-Shinkansen au Japon, rapidement suivi par d’autres constructeurs : TGV français, ICE allemand de Siemens. Les records récents, par train magnétique, dépassent les 600 km. On a aussi vu apparaître des « navires à grande vitesse » (NGV). Pour Paul Virilio (père de la « dromologie », la science de la vitesse), la perspective du temps réel impose de repenser complètement l'organisation spatiale de notre existence basée sur la géométrie : la proximité physique entrerait en dissonance avec les télécommunications et les anciens modèles fonctionnant sur les concepts de centre et de périphérie seraient en train de disparaître. Il faudrait également selon l’auteur repenser la notion de mobilité : « il y a une sorte de ville-monde dont les villes locales sont les quartiers et les habitants sont connectés, avec, en contrepartie, le repli sur soi, le problème des exclus et des nationalités (...) D'une certaine façon, on assiste à la fin du déplacement au profit de l'inertie polaire et d'une contemplation solitaire » (cité par Cassé, 1992).

La vitesse, depuis l’entrée dans le XXIe siècle, fait également l’objet d’une critique : aboutissant à une perte de sens, à une aliénation des individus, et à leur soumission à des injonctions qui les dépassent. S’inscrivant dans un mouvement plus vaste de questionnement de la modernité, les appels à ralentir sont de plus en plus nombreux, ainsi qu’on peut le lire dans un Manifeste pour une politique des rythmes (Antonioli et al., 2020) : « Nous vivons dans un monde toujours plus saturé. Saturé de signes, de normes, d’objets et de sollicitations qui tous contribuent à nos aliénations quotidiennes. Afin de retrouver les voies d’une émancipation, ce manifeste défend l’idée que la réponse à cette saturation réside dans la capacité à retrouver la maitrise politique de nos rythmes, qu’ils soient individuels ou collectifs. »

(ST) 2005, dernière modification (LF, JBB) en février 2021.


Références citées
  • Laurent Carroué, « Swift : le réseau international de messagerie au cœur de la mondialisation financière face à la crise ukrainienne », Géoconfluences, mars 2022.
  • Antonioli Manola, Drevon Guillaume, Gwiazdzinski Luc, Kaufmann Vincent, Pattaroni Luca, Manifeste pour une politique des rythmes, éditions EPFL-PRESS, 2020.
  • Marie-Claude Cassé, « Réseaux de télécommunications et construction territoriale », in Encyclopédie de géographie, 1992.
  • Jean Ollivro, L’homme à toutes vitesses. De la lenteur homogène à la rapidité différenciée, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, 184 p. 
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