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Image à la une. Ouidah, centre spirituel du Bénin, capitale mondiale du vaudou

Publié le 22/09/2020
Auteur(s) : Jean Rieucau, professeur émérite de géographie - université Lyon 2. Administrateur de Tourisme Sans Frontières

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À Ouidah, sur le littoral béninois, la fréquentation touristique s’appuie sur la patrimonialisation du passé esclavagiste et de la traite transatlantique. S’y ajoutent la culture et la religion vaudou qui assoient le rayonnement spirituel de la ville sur la communauté vaudou, en Afrique de l’ouest et dans les communautés Afro-descendantes établies outre-Atlantique (Brésil, Haïti, Cuba).

Bibliographie | citer cet article

Jean Rieucau — Vaudou au Bénin

Document 1. Le complexe religieux du temple des Pythons et la basilique de l’Immaculée Conception à Ouidah (Bénin)

Au premier plan, deux couvents du temple des Pythons font face à l’imposante basilique de l’Immaculée Conception qui se dresse à l’arrière-plan.

Cliché : Jean Rieucau, septembre 2018.

 

Lieu de prise de vue : temple des Pythons, Ouidah, Bénin.
Date : septembre 2018.
Droits d’usage : photographie libre de droits pour l'usage pédagogique dans la classe.
Auteur : Jean Rieucau.

Document 2. Carte de localisation : les villes du Bénin →

Jean Rieucau — Carte des villes au Bénin

Le regard du géographe

Ouidah, ville-mémoire de l’esclavage et de la traite transatlantique

La ville de Ouidah, 162 034 habitants, est située à 42 kilomètres à l’ouest de Cotonou, à proximité de l’océan Atlantique. Sur le golfe du Bénin, Ouidah et Lagos, situées sur l’ancienne Côte des Esclaves, étaient les ports les plus actifs pendant la période esclavagiste (XVIIIe et XIXe siècles). Deux millions d’esclaves furent déportés, au départ de ces deux cités portuaires, vers les Amériques (Grenouilleau, 2018).

Au début du XXIe siècle, la mémoire de l’esclavage repose sur un circuit mémoriel : la « Route de l’esclave » de Ouidah. Cet itinéraire, classé Unesco en 1995, s’étire du centre de la ville jusqu’à la côte. Il passe successivement par le Fort portugais, la Maison des esclaves, la place aux Enchères, l’Arbre de l’oubli, l’Arbre du Retour et la Porte du Non-Retour. Ces lieux mémoriels de l’esclavagisme reçoivent des touristes internationaux non-Africains, des visiteurs africains subsahariens et des touristes dit « pèlerins », Afro-descendants, venus du Nouveau Monde (Rieucau, 2019). 

Jean Rieucau — Porte du Non-retour à Ouidah

Document 3. La porte du Non-Retour

Au Bénin les acteurs internationaux (Haïti, Organisation Mondiale du Tourisme, Union Européenne, Unesco) obtiennent en 1995 l’édification et le classement au patrimoine mondial du Mémorial de la Porte du Non-Retour. De ce classement découle l'acquisition d'une notoriété mondiale et la garantie d’une fréquentation touristique pérenne.

Cliché : Jean Rieucau, septembre 2018.
 
Le Bénin, pays du foisonnement religieux

Les populations du Bénin déploient un foisonnement de croyances et de pratiques religieuses. Une situation de tolérance religieuse caractérise ce pays. Il compte une centaine de confessions (Agossou, 2018), que la Constitution de 1990 garantit, en combinant laïcité de l’État, liberté de pensée, d’expression et de pratique religieuse.

Le Bénin compterait 43 % de Chrétiens, 27 % de Musulmans et 18 % d’adeptes de religions traditionnelles (Agossou, op. cit.), dont le vaudou. Mais la pluriappartenance religieuse des Béninois rend difficile une comptabilisation exacte des pratiquants de chacune des religions. Une même personne est dite « pluriappartenante » et « pluripratiquante ». Nombre de Béninois pratiquent à la fois une des religions du Livre (islam ou christianisme) durant la journée et le culte vaudou la nuit. En fait, une majorité de Béninois se trouve en lien étroit avec la culture et la religion vaudou.

Ouidah, berceau de la culture vaudou

Le Bénin constitue le berceau historique du vaudou au XVIIe siècle. En Afrique subsaharienne, cette religion endogène s’est diffusée dans le sud du Nigeria, dans le Bénin méridional et dans le sud du Togo. Ultérieurement, par le biais de la traite transatlantique des esclaves, elle s’est répandue dans le Nouveau Monde. Les Africains acheminèrent leurs croyances dans les navires négriers (Pourtier, 2001). Le vaudou du Bénin se perpétue outre-mer (Pourtier, op. cit.), de manière remaniée, au travers de nombreux cultes : candomblé brésilien, santeria cubaine… En Haïti (Saint-Domingue), le vaudou accompagne toutes les phases de la contestation du système colonial. Dans cette île, la vivacité de cette religion traditionnelle, plus ou moins transformée, contribue à l’affirmation du rejet du « dieu de l’homme blanc ». L’importance internationale du vaudou et de sa capitale religieuse Ouidah se fonde, à la différence des autres religions traditionnelles africaines, sur cette projection outre-Atlantique.

La religion vaudou est faite d’emprunts au christianisme, contractés aux Amériques par les descendants d’esclaves. Elle reconnaît l’existence d'un Être suprême, créateur de l’univers. Les rites comprennent des sacrifices d’animaux, des éléments de sorcellerie et la croyance aux morts-vivants. Les ancêtres sont divinisés. Le vaudou s’appuie sur un panthéon qui renvoie aux éléments de la nature (ciel, foudre, mer, arbre). L’animal le plus vénéré est le python. Pour les adeptes de cette religion endogène, la ville de Ouidah est construite sous le signe de Dangbé, le python sacré, divinité protectrice et bienfaitrice (Agossou, 2008).

La culture vaudou constitue bien plus qu’une religion traditionnelle. Elle se compose de traditions orales, de rites, de danses, d’une musique, d’une philosophie, d’une justice, d’une médecine traditionnelle.

Jean Rieucau — Vaudou au Bénin

Document 4. Le siège d’un féticheur vaudou à Ouidah

Les termes féticheur, marabout, désenvouteur, qualifient les « tradi-praticiens » qui réalisent des soins en lien avec la nature, par le biais des plantes, pour traiter des affections aussi diverses que le diabète, l’épilepsie, la stérilité. Nombre de Béninois s’endettent, d’autres ont recours au micro-crédit, pour rémunérer ces praticiens.

Cliché : Jean Rieucau, juillet 2019.

 

Le vaudou constitue un patrimoine matériel et immatériel unique dans l’Afrique subsaharienne. Chaque année, le 10 janvier, jour férié à travers le Bénin, est célébrée la « Fête nationale des religions endogènes ». À Ouidah, le rite vaudou (parade des troupes cultuelles, défilés des différents couvents) occupe une place centrale.

Le temple des Pythons

Jean Rieucau — Vaudou au Bénin

Document 5. Visiteurs au temple des Pythons

Les visiteurs se prennent en photo devant le temple des Pythons, ou bien portent un reptile sacré autour du cou, comme acte de purification. Ce lieu sacré est fréquenté par des milliers de personnes : des adeptes du culte vaudou issus du monde entier, des « touristes-pèlerins » afro-descendants venus d’outre-mer, des touristes internationaux intéressés par les cultures de l’Afrique subsaharienne.

Cliché : Jean Rieucau, septembre 2018.

 

Un temple vaudou se compose d’une cour ou péristyle, accessible aux visiteurs, où se déroulent des cérémonies et des sacrifices, et d’un couvent en forme de petite hutte pointue, contenant l’autel et son « esprit », dont l’accès est interdit au public. Le temple des Pythons abrite quelques dizaines de pythons vivants, ainsi qu’un cimetière pour ces reptiles. Nul n’a le droit de maltraiter ou de tuer ces serpents inoffensifs. Le Dangbé, python sacré, est libre de parcourir la ville, une fois par mois. Il contribue à la nettoyer des petits rongeurs ; il se nourrit aussi d’œufs. Les habitants ramènent au temple les reptiles égarés.

Jean Rieucau — Vaudou au Bénin

Document 6. Pythons sacrés, inoffensifs, vivant dans le temple.

Cliché : Jean Rieucau, septembre 2018.

Jean Rieucau — Vaudou au Bénin

Document 7. Arbre sacré, cultuellisé.

De vieux arbres morts, sculptés, revêtent une dimension sacrée et possèdent une fonction rituelle (échanges avec les esprits, réception d’offrandes).

Cliché : Jean Rieucau, septembre 2018.

 
Le vaudou, religion traditionnelle, endogène, face au christianisme, religion se pensant comme universelle

Ouidah accueille la première mission catholique du royaume du Dahomey en 1860 (missions africaines de Lyon). Plus tard, au XIXe siècle, la ville devient le point de départ des missions catholiques vers l’intérieur des terres. Les missionnaires chrétiens combattent le culte vaudou de manière brutale. Par contre, « l’islam africain » tolère davantage les usages religieux traditionnels, propres aux civilisations subsahariennes. De ce fait, dans le sud du pays, la conversion de certaines populations à l’islam, antérieure à l’arrivée du christianisme, par les commerçants islamisés (Haoussa, Yoruba), s’est faite de manière plus apaisée.

Le vaudou constitue une religion, d’abord diabolisée par les voyageurs, ensuite combattue par les missionnaires chrétiens, plus tard interdite par les colonisateurs, puis enfin rejetée par le régime béninois d’inspiration marxiste, dans les années 1970. Le caractère du vaudou, souvent perçu comme mystérieux, insondable, face aux religions se considérant comme universelles, a longtemps contribué à le dévaloriser, comme étant une croyance considérée comme satanique, maléfique (par exemple dans les Antilles françaises). Le vaudou, auquel les Béninois attribuent de puissants pouvoirs, imprègne le vécu quotidien des hommes et des femmes. Il est recherché, mais aussi craint, comme il est redouté d’une majorité des populations subsahariennes.

Jean Rieucau — Vaudou au Bénin

Document 8. L'entrée du temple des Pythons

Le temple des Pythons est le plus sacré des sanctuaires vaudou de Ouidah. Derrière le mur d’enceinte, sur la droite du cliché, apparait le temple abritant les pythons sacrés. Sur la gauche se dresse un drapeau blanc, couleur de la religion vaudou. Au milieu se trouve la billetterie d’entrée. Le lieu combine recueillement religieux et tourisme international.

Cliché : Jean Rieucau, 23 septembre 2018.
 
Conclusion

Ouidah appartient au triangle historico-culturel Abomey-Ouidah-Porto-Novo (Rieucau, 2020), composé de trois cités fortement impliquées dans le commerce des esclaves, dotées d’un des plus importants patrimoines architecturaux précoloniaux d’Afrique subsaharienne. « Bénin révélé 2016-2020 », volet tourisme du plan gouvernemental lancé en 2016, a inscrit la ville parmi les six axes prioritaires du développement touristique de la « destination Bénin ». Il a spécialisé Ouidah dans le tourisme mémoriel de l’esclavage et de la traite transatlantique. À proximité de la Porte du Non-Retour édifiée par l’Unesco, le Musée International de la Mémoire de l’Esclavage comprendra un jardin du souvenir, une zone de recueillement et la construction d’une réplique d’un bateau « négrier ». La restauration du fort portugais qui abrite le musée d’histoire de la ville de Ouidah devrait compléter l’effort patrimonial de la cité. Cette cité touristique attire pour partie des touristes internationaux intéressés par les civilisations de l’Afrique subsaharienne. Cependant, la majorité des visiteurs se composent de Béninois (tourisme domestique), d’Africains subsahariens (Ivioiriens, Ghanéens, Nigérians), et de « touristes-pèlerins » afro-descendants, venant découvrir la terre où leurs ancêtres ont perdu la liberté. Ceux-ci sont des Afro-Américains qui côtoient des Afro-Antillais et surtout des Afro-Brésiliens résidant au Brésil. À ces touristes-pèlerins issus du Nouveau Monde, se mêlent des Afro-Brésiliens, descendants d’esclaves, mais dont les ancêtres sont venus s’établir sur les côtes du golfe du Bénin (Togo, Bénin, Nigeria), dès la vague des premières abolitions de l’esclavage. Ces retours se produisent dès le XVIIIe siècle et se sont poursuivis jusqu’au début du XXe siècle.

 


Bibliographie

 

 

Les enquêtes à Ouidah se sont déroulées en septembre et octobre 2018, dans le cadre d’une première mission financée par l’Agence Universitaire de la Francophonie. Une deuxième mission, soutenue par l’Université Lumière Lyon 2, a eu lieu en juillet 2019.

 

Jean RIEUCAU
Professeur émérite de géographie, université Lyon 2, UMR 5600 (CNRS) Environnement, Ville, Société. Administrateur de Tourisme Sans Frontières.

 

Mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cet article :

Jean Rieucau, « Image à la une. Ouidah, centre spirituel du Bénin, capitale mondiale du vaudou », Géoconfluences, septembre 2020.
URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/ouidah

 

Pour citer cet article :  

Jean Rieucau, « Image à la une. Ouidah, centre spirituel du Bénin, capitale mondiale du vaudou », Géoconfluences, septembre 2020.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/image-a-la-une/ouidah

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