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Statistiques officielles en Russie

Publié le 21/10/2021
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Statistiques officielles | en Chine | en Inde | dans l’Union européenne | en Russie

Au temps de l'URSS, lorsque les données fournies par la direction de la statistique ne convenaient pas au pouvoir, plutôt que de s'interroger sur la réalité qu'elles reflétaient, elles étaient remises en cause. Lorsqu'un chiffre mettait en évidence un échec, il était considéré comme faux et les producteurs de ces données devenaient des ennemis du peuple. Les statistiques soviétiques fonctionnaient de la manière suivante : quand des chiffres étaient diffusés, ils étaient compilés de façon aussi sérieuse qu’ailleurs dans le monde. Quand le régime souhaitait masquer un problème, il n’y avait tout simplement pas de chiffres diffusés (par exemple, il n’y avait plus aucun chiffre sur la répartition des productions agricoles par régions). De leur côté, les unités de production fournissaient des chiffres conformes aux Plans mais sans préciser les conditions dans lesquelles les objectifs avaient été atteints et sans indication sur la qualité et la réelle valeur d'usage des productions.

Alain Blum note, pour la démographie historique, qu'il faut distinguer ce qui était publié et ce qui était archivé dans des dossiers tenus secrets. C'était en effet au niveau de la diffusion qu'il y avait manipulation : on donnait les bons chiffres et on occultait les autres. Les résultats du recensement de 1937 ont ainsi été annulés (Blum, 2003).

Dans la Russie post-soviétique, les statistiques sont tributaires de la qualité des chiffres fournis par les différents acteurs. Les observations montrent que nombreux sont ceux à ne pas vouloir rendre leur activité transparente, à l’image des transporteurs : en 2001, le nombre de passagers transportés par services de minibus (11-25 places) dans la région de Saint-Pétersbourg était de 74 millions, d’après les données fournies par les transporteurs. Ce chiffre cadrant mal avec l’observation visuelle, les économistes de l’université de Saint-Pétersbourg ont procédé par enquête et ont sélectionné un échantillon représentatif correspondant à 10% des lignes desservies (sur 250). Pour chaque service, huit relevés ont été faits sur toute la longueur de la ligne, à des heures différentes de la journée, à des jours différents de la semaine. L’observateur enregistrait chaque passager qui montait ou descendait. En extrapolant les données observées à l’ensemble du réseau, les chercheurs ont estimé qu’on pouvait « évaluer avec prudence le nombre de passagers à 225 millions de passagers par an », soit trois fois plus que l’estimation officielle. Par ailleurs, selon les données du Comité du transport de l’administration de Saint-Pétersbourg, il y avait en réalité, non pas 250 lignes comme déclaré, mais 436. Dans ces conditions, le trafic réel du segment considéré pouvait être évalué à 330 millions de passagers par an, soit un chiffre d’affaire supérieur à 3 milliards de roubles, qui échappait à la statistique comme au fisc (Veikher, 2005).

Les années 2000-2010 ont marqué un tournant, avec la règlementation et la centralisation des statistiques par le service statistique de l’État fédéral. En novembre 2007 a ainsi été adoptée la loi fédérale « sur la comptabilité statistique officielle et le système de statistiques d’État dans la Fédération de Russie », suivie du lancement de plusieurs grandes enquêtes (recensement démographique panrusse en 2010, enquête sur les petites et moyennes entreprises en 2011, etc.). Si la Fédération de Russie s’efforce de contrôler et de produire davantage de statistiques de bonne qualité, leur fiabilité reste néanmoins sujet à débat sur la scène internationale, en atteste les accusations de manipulation des données lors de la crise de Covid-19 en 2020 : la Russie a été accusée de publier de fausses statistiques, en cachant une partie des décès.

(ST), février 2005. Dernière modification (LF) en juillet 2021.


Références citées
  • Alain Blum et Martine Mespoulet, L'Anarchie bureaucratique. Statistique et pouvoir sous Staline, La Découverte, 2003. 
  • Veikher et al., in « Les régions de Russie à l’épreuve des théories et pratiques économiques », Liliane Bensahel et Pascal Marchand, publications du Pôle d’Études en Politiques Sociales et Economiques, Grenoble II.
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