Glossaire du dossier
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Aménagement du territoire, aménagement des territoires
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L'aménagement du territoire désigne l'ensemble des politiques mises en œuvre pour encadrer ou infléchir les évolutions d'un territoire généralement à l'échelle de l'État en fonction de choix politique et du contexte. L'aménagement est l'une des formes de l'appropriation d'un territoire. La racine latine d'aménagement, manere, évoque la maison, le manse, le manoir. Aménager comme emménager ou déménager fait allusion, originellement, à l'espace domestique et à des actions de la vie quotidienne. L'un des objectifs de l'aménagement du territoire peut-être de corriger les déséquilibres. En France, pendant plusieurs décennies, la DATAR, une institution placée sous la responsabilité du Premier ministre, a été le chef d'orchestre de l'aménagement du territoire, dont elle définissait les grandes orientations.
Les champs d'application des politiques d'aménagement du territoire peuvent être divers : armatures et réseaux urbains ; planification et priorités en matière d'infrastructures et de grands équipements considérés comme « structurants » ; développement, localisation, relocalisation des activités productives ; définition et localisation de pôles d'innovation et de recherche et développement ; aménagement des régions à spécialisation territoriale (tourisme, montagne, littoral) ; prise en compte des dimensions supranationales et transfrontalières ; préoccupations dites de « développement durable ».
L'aménagement du territoire est apparu comme un domaine d'action autonome, identifié dans les politiques globales des États développés au cours des années 1930 et il s'est généralisé dans les années 1950. C'est par leurs politiques d'aménagement du territoire que les acteurs publics agissent pour corriger les déséquilibres et orienter les développements spatiaux à partir d'une appréhension d'ensemble et d'un projet global et prospectif. Les formes prises par l'aménagement du territoire ont une composante idéologique, dans la mesure où celui-ci consiste à réaliser un projet politique : favoriser les territoires les plus compétitifs pour attirer les entreprises et créer de l'emploi, ou maintenir une offre de services publics dans tous les territoires et pour tous les habitants, sont deux orientations différentes, même si elles ne sont pas nécessairement contradictoires. C'est ainsi qu'en France et ailleurs, l'aménagement du territoire, entendu comme le territoire national, est parfois devenu sous l'effet des politiques d'attractivité et de compétitivité l'aménagement « des » territoires, entendus comme la juxtaposition de collectivités locales mises en concurrence entre elles.
À partir des années 1980, dans la plupart des pays à économie de marché, puis dans les anciens pays socialistes, l'aménagement a progressivement cessé d'être une politique publique de long terme à visée planificatrice destinée à corriger les déséquilibres d'un territoire. C'est l'époque de la dérégulation et de l'inflexion néolibérale des politiques publiques : l'aménagement est segmenté en grands projets, conduits par des partenariat public-privé : la puissance publique identifie un besoin et lance un appel d'offre, et l'opération est réalisée par des acteurs privés, le plus souvent une grande firme transnationale (grands cabinets d'architecture ou d'urbanisme, multinationales du BTP, géants miniers...). C'est dans ce contexte que fleurissent dans tous les pays, des plus riches aux plus pauvres et encore plus dans les pays émergents, les mégaprojets mobilisant des capitaux privés considérables, mais aussi des investissements publics massifs.
Aujourd'hui, le terme est souvent utilisé sans épithète : l'aménagement.
(ST) juillet 2004. Dernières modifications (JBB) juin 2019, janvier 2022, mai 2022.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Marie Guilpain, « Aménager des espaces publics favorables à la santé en contexte rural : l’exemple du bourg de la commune d’Augan (Morbihan) », Géoconfluences, décembre 2023.
- Serge Bourgeat et Catherine Bras, « Le rond-point en France : approches plurielles d’un objet géographique émergent », Géoconfluences, mai 2023.
- Antoine Beyer, « Grandeur, décadence et possible renouveau du réseau ferroviaire secondaire français », Géoconfluences, novembre 2021.
- Antoine Grandclement, « Les pôles de compétitivité : d’une géographie de l’innovation à une géographie de la production », Géoconfluences, décembre 2020.
- Marjolaine Gros-Balthazard, « À la découverte des territoires néo-industriels français », Géoconfluences, décembre 2019.
- Laurent Carroué, « Paris-Saclay, une Silicon Valley à la française ? », Géoconfluences, mars 2017. Sommaire :
Aménagement du territoire et gestion des risques | Aménagement du territoire et santé | Aménagement du territoire et transports | Aménagement du territoire français | Aménagement du territoire européen | Aménagement du territoire chinois
Aménagement du territoire et gestion des risques La politique d’aménagement du territoire participe aux politiques de prévention dont le but est d’anticiper la manifestation éventuelle d’un risque en limitant ses effets destructeurs. On peut citer Rousseau qui, en réponse à Voltaire voyant dans le tremblement de terre de Lisbonne en 1755 (plus de 40 000 morts) une pure fatalité, lui répondit, dans une lettre datée du 18 août 1756, que « la nature n'avait point rassemblé là 20 000 maisons de 6 ou 7 étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul ».
De nos jours, différents types de documents législatifs et réglementaires fixent des cadres à la prévention, et imposent des zonages qui orienteront les choix d'aménagement des territoires :
Penser le risque en termes d'aménagement du territoire consiste à passer d'une logique de probabilité surtout temporelle à une logique de probabilité spatiale. C'est une approche indispensable à la gestion territoriale du risque. Elle pose certains problèmes dont :
- celui des arbitrages entre le caractère relativement continu des phénomènes spatiaux liés aux risques (variable selon le risque considéré cependant) et le caractère discontinu de leur gestion territoriale : délimitation de zones réglementées, protégées ; délimitation des zones aidées, des aires déclarées en « catastrophe naturelle », etc.
- celle de la nécessaire prise en compte des emboîtements d'échelle et de responsabilités, qui, selon le risque concerné, pourront aller du local au global.
Diverses échelles peuvent être prises en considération, par exemple :
- certaines unités naturelles : vallées et bassins versants par exemple pour les risques d'inondation, d'éboulements et de glissements de terrain, d'avalanches, etc.
- des aires urbaines, des bassins industriels et des axes de transport pour les risques technologiques,
- des échelles souvent transfrontalières pour les risques biologiques, chimiques, et nucléaires majeurs et pour certaines catégories de risques naturels (climatiques notamment).
Les situations à risques peuvent être localisées de manière très variée, voire atomisée selon qu'elles se situent à des niveaux collectifs ou individuels : risques urbains, risques de la mobilité (accidents de la route), risques liés à la santé et au travail (infection par le VIH, effets de l'amiante ...). Les maillages administratifs ne seront donc pas toujours pertinents et devront souvent être transgressés pour permettre une gestion adaptée du risque.
Pour prolonger dans Géoconfluences :
- La loi et le risque : réglementations, alerte, organisation des secours
- Mégapoles et risques en milieu urbain. L'exemple d'Istanbul
Mise à jour : novembre 2010
Sur le même thème, voir le glossaire Risques et sociétés
Aménagement du territoire et santé La politique d'équité territoriale par compensation volontariste des déséquilibres et des inégalités économiques et sociales trouve ses déclinaisons en matière de santé. Sa mise en œuvre vise à améliorer l'accessibilité aux soins en pratiquant une discrimination positive impliquant des choix, des arbitrages.
Dans ces perspectives, la géographie de la santé s’intéresse aux liens réciproques entre dynamiques sanitaires et dynamiques territoriales, entre organisation de l’offre de soins et aménagement du territoire, entre situations sanitaires et inégalités socio-spatiales. Elle trouve de nombreux champs d’application dans le domaine de la santé publique : critères d’allocations de ressources, gestion sanitaire des territoires, montage d’observatoires locaux de santé etc.
Pour compléter, pour prolonger dans Géoconfluences :
- L'organisation territoriale et la planification sanitaire en France
- La démographie médicale en France, le risque des déserts médicaux. L’exemple de la montagne ardéchoise. (Virginie Chasles, Alice Denoyel, Clément Vincent)
Mise à jour : mars 2013
Sur le même thème, voir le glossaire Géographie de la santé
Aménagement du territoire et transports Les grands programmes d'aménagement des territoires sont fréquemment tournés vers la réalisation de nouvelles infrastructures de transports (highways aux États-Unis, autoroutes en Europe, lignes à grande vitesse en France). Ils ont généralement pour objectif de réduire l'enclavement des territoires et de renforcer leur accessibilité, avec le projet plus ou moins affirmé d'une forme "d'égalisation territoriale" tendant vers l'isotropie.
Paradoxalement, si l'achèvement d'un réseau déjà établi (chemin de fer, autoroutes) permet de tendre vers cet objectif, tout nouveau réseau (TGV, téléphone mobile, internet haut débit, wifi) recrée de la différenciation territoriale au profit des pôles et des axes desservis.
Sur le même thème, voir le glossaire Mobilités, flux et transports
Aménagement du territoire français Le concept d'aménagement du territoire est apparu à la fin de la Deuxième guerre mondiale, mais l'idée et sa pratique en étaient plus anciennes, et remonte au moins à la création des grands corps d'ingénieurs de l'État comme l'École des mines au XVIIIe siècle ou les Eaux et Forêts plus tôt encore.
Après la Deuxième guerre mondiale et la reconstruction, l'aménagement du territoire connaît en France une impulsion sans précédent, dans la logique de l'État planificateur. L'objectif principal des politiques d'aménagement est la réduction des inégalités régionales, dans une logique de prise de décision verticale et centralisée. La loi du 1er juin 1950 crée un Fonds national d'aménagement du territoire (FNAT) et une direction du même nom.
La Délégation à l'aménagement du territoire (DATAR) est fondée en 1963. Elle a un rôle de coordination interministérielle impulsée par les Comités interministériels d'aménagement du territoire (CIAT). Le FNAT est remplacé par un Fonds d'intervention pour l'aménagement du territoire (FIAT). Nombreux ont été les dossiers pris en charge par la DATAR. On peut citer entre autre, successivement, les métropoles d'équilibre, puis les villes moyennes et enfin les pays.
En 1995 la Loi pour l'orientation et l'aménagement du territoire (LOADT ou loi Pasqua) réactive la politique d'aménagement du territoire. Le FIAT devient, après fusion avec d'autres fonds sectoriels, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Des Directives territoriales d'aménagement (DTA) précisent les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme en les adaptant aux spécificités locales.
En 1999, la Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire LOADDT (ou loi Voynet) modifie la loi Pasqua : elle y intègre les notions de développement durable et de participation citoyenne, à travers une Charte de développement durable et un Conseil de développement. Elle abandonne les schémas sectoriels de la loi Pasqua au profit des Schémas de services collectifs. Le rôle des Schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire est de fixer les orientations fondamentales à moyen terme, de développement durable du territoire régional, en veillant à la cohérence entre les projets d'équipement des différentes collectivités territoriales avec ceux de l'État. La LOADDT modifie aussi l’organisation des pays.
Enfin, la Loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003 simplifie les procédures d'organisation et de reconnaissance des pays. Elle introduit davantage de liberté dans l’élaboration des Schémas de cohérence territoriale (SCOT), elle simplifie la procédure de constitution d’un pays, réaffirme l’échelle des bassins de vie ou d’emploi comme échelle de référence pour étudier les territoires.
L'approche de l'aménagement du territoire a donc évolué pour tenir compte des processus d'urbanisation et de métropolisation, pour prendre en compte les aspirations au « développement durable » des territoires et des populations. Les oppositions Paris/province et rural/urbain ne sont plus pertinentes pour orienter les stratégies adoptées. Au demeurant, les projets d'aménagement des territoires inspirés des logiques d'agglomération, de réseaux, de pays, de dépassement de maillages hérités ont parfois du mal à s'imposer.
Mise à jour : juillet 2005
Aménagement du territoire européen L’aménagement du territoire ne fait pas partie des attributions de l’Union européenne (UE), il est de la compétence des États-membres. Mais, pour accompagner son intégration spatiale, l'UE a une action politique et aménagiste qui repose sur les principes suivants : la subsidiarité par laquelle l’intervention se fait aux niveaux et avec les acteurs les plus appropriés ; l’engagement des États membres dans les dispositifs communautaires
L’aménagement de l'espace communautaire de l'UE s’appuie sur un certain nombre d’outils et de politiques : les réseaux transeuropéens, les fonds structurels et de cohésion dans le cadre de la politique de cohésion ; la Politique agricole commune ; la politique environnementale, les actions en faveur de la recherche et de l’innovation ; les documents d’orientation en premier lieu desquels figure le Schéma de développement de l’espace communautaire (SDEC).
Le SDEC, décidé en 1993 lors du Conseil des ministres de Liège, puis élaboré de 1994 à 1999 par le Comité de développement spatial, a été approuvé en mai 1999 par la Conseil des ministres de Potsdam. Il pose trois principes directeurs de l’aménagement du territoire européen : le développement urbain équilibré et polycentrique pour engager de nouvelles relations ville-campagne ; l'équité d’accès aux infrastructures et aux savoirs ; la promotion du développement durable. Le SDEC possède une dimension territoriale et intersectorielle et il se fonde sur un diagnostic global du territoire européen.
Mise à jour : décembre 2010
Sur le même thème, voir le glossaire Territoires européens : régions, Etats, Union
Aménagement du territoire chinois L'immensité du territoire chinois et son rapide développement posent des défis d'aménagement du territoire qui nécessitent des réponses en termes de continuité territoriale et de cohésion, de contrôle et de gestion des ressources, des mouvements migratoires quotidiens ou saisonniers, d'infrastructures, etc. Une gouvernance de nature autoritaire et centralisée, organisée autour du Parti communiste chinois, a certes les moyens de prendre les décisions et de les faire appliquer rapidement. Mais c'est en faisant souvent l'impasse de la négociation, en imposant des expropriations et des déplacements des populations.
Depuis le début des années 1990, cinq politiques principales d’aménagement se sont succédé :
1. l’aménagement du bassin du Yangzi, avec des projets phares comme la construction du barrage des Trois Gorges, mis en service en 2003 et la dérivation d’une partie des eaux du Yangzi vers le nord de la Chine à partir de 2002, puis la ligne à grande vitesse qui relie Shanghai à Chengdu (ouverte en 2012) ;
2. la politique de développement de l’Ouest en 2000, qui entend désenclaver les périphéries occidentales du territoire national avec des infrastructures de transports (dont la ligne Pékin-Lhassa en 2006) et des avantages fiscaux et économiques offerts aux entreprises chinoises ou étrangères. Dans les faits, Xi’an et Chongqing sont les villes centrales de cette stratégie et soulignent sa vraie priorité : développer la Chine intérieure des Han. Chongqing se trouve dès lors à la croisée des deux axes majeurs de développement des années 1990 et 2000 ;
3. dans la deuxième moitié des années 2000, les lignes ferroviaires à grande vitesse ont été multipliées, d’orientations nord-sud et est-ouest : Pékin-Shanghai (en 2011, 5 heures de trajet) ; Pékin-Canton (en 2012, 8 heures, desservant des villes secondaires comme Shijiazhuang, Zhengzhou, Yueyang et Changsha), Lanzhou-Urumqi (en 2014, 12 heures), Canton vers Nanning ou Guiyang en 2014 - en vue d’un raccordement aux lignes irriguant la région du Grand Mékong au-delà des frontières de la République populaire ;
4. la création de vastes pôles urbains fondés sur des conurbations en 2009, avec la désignation de « dix grandes régions urbaines » : Pékin-Tianjin-le Hebei, le delta du Yangzi, le delta de la rivière des Perles, la péninsule du Shandong, le centre-sud du Liaoning, la plaine centrale, le cours moyen du Yangzi, la rive ouest du détroit de Taiwan, Chongqing-Chengdu, et la région de Xi’an ;
5. les nouvelles routes de la soie depuis 2013 : deux axes terrestres, dont celui qui relie Lianyungang à Xi’an, Urumqi, puis au Kazakhstan, la Russie, la Pologne, l’Allemagne, Rotterdam et Anvers, et celui qui doit gagner le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, l’Iran et la Turquie ; un axe maritime au départ de Shanghai et de la province du Fujian. La Chine, nouvelle puissance globale, aménage dorénavant son territoire à une autre échelle qu’elle-même.
Au total, ces politiques d’aménagement ont permis une modernisation de l’espace national, une meilleure desserte des provinces intérieures et une diffusion du développement depuis le littoral. Un léger rattrapage a ainsi eu lieu depuis 2005.
Le ralentissement de l’économie chinoise pousse les autorités à se tourner davantage encore vers les régions les moins développées du pays, d'autant plus que certaines de ses provinces sont en proie à des mouvements contestataires ou indépendantistes.
Pour compléter
- Thierry Sanjuan, « La fin des trois Chine ? », 2016
- Julia Nawrocki, « Carte à la une. Shenzhen au cœur d’un corridor d’innovation dans le Delta de la rivière des Perles », Géoconfluences, novembre 2020. Mise à jour : janvier 2016
Sur le même thème, voir le glossaire La Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalNo publisherMobilités, flux et transportsGéographie critique des ressources : énergies, matières, foncierDéveloppement, inégalités, richesse et pauvretéLa France : des territoires en mutationLe développement durable, approches géographiquesRisques et sociétésTerritoires européens : régions, États, UnionLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalGéographie de la santé : espaces et sociétésgénéral2023-12-12T08:53:12ZPloneGlossaryDefinitionArmée, armements et stratégies en Chine et en Russie
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Armée, armements et stratégies en Chine | Armée, armements, alliances en Russie
Armée, armements et stratégies en Chine La République populaire de Chine (RPC) est une puissance militaire majeure du monde contemporain.
L’Armée populaire de libération (APL) ou armée Rouge poursuit sa modernisation, bénéficiant d’un budget qui augmente depuis 1989 plus rapidement que son PIB pour se fixer officiellement à 145 milliards de dollars en 2015, certes encore loin derrière l’américain (585 milliards de dollars) mais bien au-dessus des dépenses militaires des autres puissances régionales ou moyennes, comme la Russie (70 milliards), le Japon (48 milliards) ou la France (53 milliards). La modernisation de l'APL se traduit par un recul de ses effectifs (2,3 millions d' hommes en 2015) et une hausse de ses investissements. L'armée Rouge a abandonné depuis la fin des années 1970, la théorie de la "guerre populaire" pour s'adapter aux exigences technologiques des conflits modernes.
L'armée Rouge chinoise poursuit, depuis 1964, des programmes de recherche et de production d'armes nucléaires ainsi qu'un programme spatial de grande ampleur. On met à son actif, entre 1964 et 1996, 45 essais nucléaires dont 23 atmosphériques et 22 souterrains. Ces essais ont lieu dans la région désertique de Lop Nor au cœur du Sinkiang. Le 15 octobre 2003, une fusée Longue Marche a mis un astronaute chinois en orbite terrestre faisant de la RPC une nouvelle puissance spatiale maîtrisant les vols habités et manifestant ainsi ses ambitions tant dans les domaines militaires que civils. Pékin possède en 2015 5 sous-marins nucléaires d'attaque, un porte-avions et des missiles intercontinentaux avec un rayon d'action de plus de 10 000 km. Dans le domaine des armes classiques, la Russie reste le premier fournisseur d'armes depuis les années 1990.
Les objectifs militaires chinois sont divers, parmi lesquels : le renforcement du poids géopolitique mondial de la Chine ; le maintien de la pression sur son environnement proche, à commencer par Taiwan ; la préparation d'éventuelles interventions destinées à sécuriser ses approvisionnements en ressources énergétiques. C'est à cette dernière préoccupation que répond la stratégie dite du "collier de perles" consistant à jalonner de points stratégiques le couloir maritime qui la relie à ses approvisionnements proche-orientaux en pétrole : contributions au développement des ports de Gwadar (Pakistan), de Chittagong (Bangladesh), d'Hambantota (Sri Lanka), construction des ports de Mergui, Dawei et Sittwe (Myanmar) ; importante station de renseignement et d'écoute dans les îles Cocos (nord de l'île d'Andaman, Birmanie). La Chine se dote aussi d'une marine de haute mer (139 navires, 51 sous-marins classiques et 5 nucléaires en 2015) pour protéger cette voie maritime : si un affrontement sino-américain devait avoir lieu à propos de Taiwan, elle craint l'asphyxie pétrolière qui résulterait du blocage des détroits stratégiques (Ormuz, Malacca), ce que les Chinois appellent le "dilemme de Malacca" car 80 % de leurs importations de pétrole passent par ce détroit. La modernisation de la flotte de guerre a été affichée aux yeux du monde lors de la parade navale de Qingdao en 2009. Parallèlement, pour contourner cette dépendance extrême à l'égard de la voie maritime, Pékin s'efforce de donner une nouvelle impulsion au corridor terrestre nommé nouvelle route de la soie, ce qui s'accompagne de présences militaires renforcées.
De plus en plus, ce sont les villes et les points névralgiques de l'économie du pays qui deviennent les priorités du dispositif de défense armée.
(Coll.) dernière modification : janvier 2016
Pour compléter
- le rapport du Département de la Défense des États-Unis : Annual Report to Congress. Military and Security Developments Involving the People's Republic of China 2015
- la base de données "Facts on International Relations and Security Trends" (FIRST) du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) : http://first.sipri.org
- la base de données du Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP)
- Thierry Sanjuan, « L'Armée populaire de libération : miroir des trajectoires modernes de la Chine », Hérodote 2005/1 (n° 116), p. 164-174.
- Jean-Pierre Cabestan, « Les relations internationales de la Chine après la crise de 2008 », Géoconfluences, 2016. Armée, armements, alliances en Russie Le potentiel militaire et les armements dont la Russie dispose constituent toujours, aux côtés de la détention de ressources naturelles stratégiques, un levier géopolitique essentiel pour lui permettre d'affirmer son rôle mondial. Rappelons par ailleurs que la Russie a hérité du siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU de l'ex-URSS.
La Russie conserve un important arsenal nucléaire, comportant environ 5 000 têtes nucléaires stratégiques et sans doute environ 3 000 têtes nucléaires tactiques en condition opérationnelle. Entre 2002 et 2007 ses dépenses militaires ont progressé à un rythme d'environ 20% par an en moyenne, largement grâce aux excédents budgétaires (environ 10% du PIB en 2006), engrangés par les exportations de matières premières.
L'armée russe est toujours une armée de conscription, peu professionnalisée, dont l'effectif en uniforme est supérieur à 1,1 million d'hommes. Le climat s'y est détérioré depuis le début des années 1990 et l'insoumission y atteint des proportions très significatives (en 2003, 38 000 jeunes n'auraient pas répondu à l'appel) alors qu'un Comité des mères de soldats tente de sensibiliser l'opinion publique sur les mauvais traitements subis par les appelés, dans le cadre d'un "bizutage" qui provoquerait, selon elles, près de 3 000 morts par an. Dans ces conditions, à l'épreuve de la guerre en Tchétchénie, l'armée a recours aux Kontraktniki, mercenaires qui constituent 80% des recrues.
L'indicateur d'exportations d'armes conventionnelles établi par l'Institut de recherche internationale sur la paix (Stockholm International Peace Research Institute / SIPRI) montre une progression régulière des ventes d'armes par la Russie qui n'a cessé de gagner des parts du marché mondial depuis la fin des années 1990. Sur la période 2001-2005, la Russie est en tête du commerce international des armes conventionnelles avec 31% des parts de marché, juste devant les États-Unis (30%). Le pays a vendu aux alentours de 6 milliards d'USD d'armes conventionnelles en 2004 et en 2005.
La Russie est aussi une grande puissance spatiale, tant militaire que civile. À l'issue de l'éclatement de l'URSS, la grande base de lancement de Baïkonour s'est retrouvée sur le territoire de la République du Kazakhstan (par 45,6° N et 63,25°E). Les deux pays se sont mis d'accord, en 1994, sur un statut particulier pour le cosmodrome, loué à la Russie pour 115 millions de dollars par an. Mais les tensions et les incidents divers entre les deux pays ont convaincu Moscou de posséder un accès indépendant à l'espace et la plupart des installations techniques kazakhes ont été transférées vers les principaux sites spatiaux russes, à Plessetsk (62,8°N et 40,2 E) et Svobodny (51,2°N et 128°E). Cependant, Baïkonour, située à une moyenne latitude mieux adaptée, reste la base de lancement des missions vers la Station spatiale internationale (ISS).
Sur le plan des alliances, la situation a évolué depuis la guerre froide. Les relations avec l'OTAN sont officiellement fondées sur l'"Acte fondateur", signé le 27 mai 1997, qui établit un cadre unique de consultation et de coopération entre l'OTAN et la Fédération de Russie à travers le Conseil conjoint permanent, le Conseil OTAN-Russie (COR), institué en mai 2002.
Afin d'avoir les coudées franches, Washington a dénoncé unilatéralement, en 2002, le traité anti-missile (ABM) de 1972, sur lequel reposait largement l' "équilibre de la guerre froide". La Russie n'a pu qu'en prendre acte et ce traité, rendu caduc, a permis aux membres de l'Alliance atlantique d'avancer l'idée d'un "bouclier" anti-missile pour l'Europe, de conception américaine, basé sur des missiles à deux étages qui pourraient être installés en Pologne et en République tchèque. La Russie vit aussi comme une provocation le fait que les avions de l'OTAN assurent la sécurité de l'espace aérien des États baltes et que des bases américaines s'implantent en Roumanie et en Bulgarie.
La Russie de Vladimir Poutine a-t-elle engagé des contre-feux face à ce qui est vécu comme des humiliations. Moscou a ainsi suspendu, en juillet 2007, sa participation au traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE). Ce traité FCE limitait depuis 1990 le déploiement de forces militaires conventionnelles sur le continent. Sa révision en 1999, suite à la dissolution du Pacte de Varsovie, n'a jamais été ratifiée par l'OTAN dans la mesure où la Russie conservait ses bases militaires en Géorgie (Abkhazie) et en Moldavie (Transnistrie). Quant à l'accord Start-1 de 1991 qui limitait l'arsenal nucléaire des deux grandes puissances de la guerre froide à 6 000 têtes nucléaires chacune, il expire le 5 décembre 2009 et ni la Russie, héritière de l'URSS, ni les États-Unis n'ont l'intention de le prolonger. Enfin, si russes et américains ont signé en 2002 le Strategic Offensive Reductions Treaty (SORT) qui prévoit une réduction mutuelle comprise entre 1 700 et 2200 têtes nucléaires, il ne fixe rien en matière de destruction de missiles et de lanceurs et ne prévoit aucun mécanisme de vérification.
(ST) septembre 2007.
Pour compléter - Le rapport du Sénat, La Russie et ses relations extérieures après la réélection de Vladimir Poutine - Rapport d'information n° 317 du 19 mai 2004 : www.senat.fr/rap/r03-317/r03-317_mono.html
- Le glossaire OTAN - Russie des termes politiques et militaires contemporains, en anglais, français et russe (en .pdf, 249 pages et 2,7 Mo) : www.nato.int/docu/glossary/fr/index.htm
- La base de données "Facts on International Relations and Security Trends" (FIRST) du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) : http://first.sipri.org
- Sur le site Nuclear Threat Initiative (NTI), les pages consacrées à la Russie :
www.nti.org/db/nisprofs/russia/tc_ru.htm
Sur le même thème, voir le glossaire La Russie : des territoires en recompositionNo publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalLa Russie : des territoires en recompositionLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global2013-02-26T14:33:04ZPloneGlossaryDefinitionASEM (Asia-Europe Meeting)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/asem-asia-europe-meeting
Le Dialogue Asie-Europe ou ASEM (Asia-Europe Meeting) a été instauré en 1996 au sommet de Bangkok. Il s'agit dun forum interrégional qui regroupe d'une part la Commission européenne et les 28 membres de l'Union européenne, et d'autre part les 13 membres de l'ASEAN Plus Trois, c'est-à-dire le secrétariat de l'ASEAN ainsi que la Chine, le Japon et la Corée du Sud auxquels se sont joints la Mongolie, l'Inde et le Pakistan. Se sont ajoutés en 2010, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Russie, en 2012, trois nouveaux membres : le Bangladesh, la Norvège et la Suisse, puis en 2014, la Croatie et le Kazakhstan.
Quoique marqués par des rencontres régulières, les rapports au sein de l'ASEM sont particulièrement superficiels.
Mise à jour : janvier 2016
No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalTerritoires européens : régions, États, Union2016-01-28T14:59:20ZPloneGlossaryDefinitionAssociation des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/association-des-nations-asie-du-sud-est-asean
L'Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) est une association d'États été fondée en 1967 à Bangkok pour stimuler le développement économique de la région ainsi que sa stabilité dans un contexte de guerre froide. Elle regroupe dix pays d'Asie du Sud-Est parmi lesquels de nombreux émergents : Philippines, Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande depuis 1967, auxquels se sont ajoutés Brunei en 1984, le Vietnam en 1995, le Laos et la Birmanie en 1997 et le Cambodge en 1999. Son secrétariat est installé à Jakarta.
Elle a été comprise et dénoncée par la Chine comme un outil destiné à la contenir. Mais depuis la fin des années 1990, l'ASEAN plus Trois (APT) réunit l'ASEAN, la Chine, la Corée du Sud et le Japon dans un but de coopération et de libre-échange. Le commerce entre la Chine et l’ASEAN a atteint 480 milliards de dollars en 2014.
(MCD) janvier 2016. Dernière modification (JBB), avril 2022.
Pour compléter
- Manuelle Franck, « Une géographie de l’Asie du Sud-Est », Géoconfluences, juin 2020.
- Vaimiti Goin, « L’espace indopacifique, un concept géopolitique à géométrie variable face aux rivalités de puissance », Géoconfluences, octobre 2021.
- Jean-Daniel Cesaro, « Transformation des agricultures en Asie du Sud-Est : la paysannerie face aux défis de la mondialisation », Géoconfluences, septembre 2020.No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalL'Asie du Sud-Est, carrefours et confins2022-04-04T06:50:24ZPloneGlossaryDefinitionBanque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/banque-asiatique-investissement-pour-les-infrastructures
La Banque asiatique de d'investissement pour les infrastructures (BAII) est une institution financière internationale promue par la Chine, sur le modèle d’autres banques comme la Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement. Elle vise à soutenir financièrement des projets de développement, principalement en Asie centrale et du Sud (Inde, Indonésie, Turquie, Azerbaïdjan, Pakistan…) dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’aménagement urbain et des télécommunications.
Les besoins de financements d'infrastructures en Asie sont extrêmement importants (de l'ordre de 800 milliards de dollars par an) et l'aide de la Banque Mondiale et de la Banque asiatique de Développement (BAD) n'est pas suffisante (leur capital total s'élève respectivement à 223 et 160 milliards de dollars). La puissance financière chinoise, avec sa réserve de 3 000 milliards de dollars, s'impose comme un acteur de premier plan, cherchant à soutenir le développement régional non seulement pour les besoins de son économie, mais aussi pour ses ambitions stratégiques.
Le succès de la BAII est dû à sa capacité à réunir un nombre d’États membres suffisant pour apparaître crédible (87 pays à l’automne 2018). Après le ralliement du Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et l'Italie ont décidé d'en devenir membres fondateurs. Dix-sept des puissances du G20 ont rejoint la nouvelle banque d'investissement (le Mexique, les États-Unis et le Japon en sont absents). Toutefois, cette institution reste avant tout la créature de la Chine, qui détient un tiers du capital de la Banque, contre 8 % pour l’Inde, deuxième contributeur, et 4 % pour l’Allemagne, premier contributeur hors du périmètre d’intervention de la BAII (chiffres 2018).
Si officiellement les réserves des États-Unis et du Japon notamment se portent sur des aspects réglementaires, les objections sont en fait bien plus stratégiques, il s'agit avant tout du nouveau rôle central que prend la Chine en étant au cœur du financement d'une grande partie des infrastructures du continent asiatique.
Pour la Chine, les bénéfices de cette banque sont pluriels. Économiquement, la BAII est une manne d'opportunités pour ses routes d'exportation et pour ses sociétés de travaux publics. Bien que n’étant pas officiellement associées, la BAII a principalement été mise en place pour financer les projets issus du programme des Nouvelles routes de la soie (One Belt One Road, OBOR). Financièrement, le développement de cette banque d'investissement va de pair avec l'internationalisation du yuan et l'augmentation du rendement de ses réserves financières. Stratégiquement, l'organisation lui permet de structurer en sa faveur l'ordre régional en matière économique et financière – et donc de diminuer l'influence du Japon et des États-Unis via la moindre influence de la Banque asiatique de Développement –, et à une autre échelle de contribuer à un ordre financier international multipolaire, dominé depuis les accords de Bretton Woods (1944) par les États-Unis et l'Europe. La Chine est ainsi en train de créer un nouvel ordre financier en affirmant son autonomie et son influence macro-économique mondiale.
Nashidil Rouiaï
Docteure en Géographie, Sorbonne université, Laboratoire ENeC (Espaces, Nature et Culture, UMR 8185)
- Dans ce texte l'auteure a actualisé et condensé des éléments d’un article paru dans Carto :
Nashidil Rouiaï, « Vers un ordre financier dirigé par la Chine ? », Carto n° 30, juil-août 2015.
Pour compléter :
- Carte des États membres en 2018 : https://www.aiib.org/en/about-aiib/basic-documents/_download/AIIB-presentation.pdf
- La liste et le nombre des États-membres changent rapidement. Pour des chiffres actualisés, voir le site officiel de l’AIIB (en anglais) : https://www.aiib.org/en/index.html
- Jean-Pierre Cabestan, « Les relations internationales de la Chine après la crise de 2008 », Géoconfluences, 2016.
- Nashidil Rouiaï, « Sur les routes de l'influence : forces et faiblesses du soft power chinois », Géoconfluences, septembre 2018.
Septembre 2018. Mise à jour : septembre 2018.
No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global2016-01-27T15:47:43ZPloneGlossaryDefinitionBRICS (anciennement BRIC)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/bric
Les BRICS sont un groupe géopolitique regroupant dix pays du « Sud global », notamment des grands émergents (Brésil, Chine, Inde), des puissances régionales (Afrique du Sud, Égypte, Iran, Russie), des pétromonarchies (Arabie saoudite, Émirats arabes unis) ou des pays précaires à forte croissance économique (Éthiopie).
L'acronyme BRICS désigne initialement le rapprochement de quatre pays aux vastes territoires, les BRIC : le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, auxquels s'est intégré l'Afrique du Sud en 2011. Depuis le sommet de Iekaterinbourg en 2009 (Capdepuy, 2024), le groupe des BRICS a pris la forme d'une conférence diplomatique à part entière, donnant lieu à un sommet par an, se déroulant à tour de rôle dans chacun des cinq États. Le but de ces sommets est d'affirmer la place majeure de ces pays sur la scène internationale, et de mettre en scène leur poids économique et politique, en particulier au regard d'autres États ou groupes d'États comme les États-Unis ou l'Union européenne. Le 1er janvier 2024, le groupe s'est élargi à cinq nouveaux membres, ce qui représente un basculement important dans son histoire : Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, et Iran. Cela portera le nombre de membres de cinq à dix (Loïzzo, 2023).
L'acronyme est apparu pour la première fois en 2001 sous la plume de l'économiste britannique Jim O’Neill, dans un rapport de la banque d'investissement Goldman Sachs intitulé Building Better Global Economic BRICs (le "S" final étant celui du pluriel et ne désignant pas l'Afrique du Sud). L'article établissait une projection de croissance montrant que ces pays, déjà importants dans l'économie mondiale en raison de leurs vastes marchés intérieurs, étaient appelés à peser de plus en plus, étant donné leur croissance économique annuelle rapide. On peut y voir un exemple de performativité du discours, dans la mesure où l'annonce, par une grande banque d'investissement, du fort potentiel économique de ces pays, a pu encourager les investisseurs et contribuer à leur croissance et à leur émergence rapide. L'acronyme inventé par un économiste est finalement devenu une réalité économique et politique.
C'est surtout à partir de 2011, avec la tenue régulière de sommets et l'entrée de l'Afrique du Sud, que les BRICS sont devenus un groupe officiel. Sur le plan économique, ils se sont également dotés en 2014 d'une banque de développement, la Nouvelle banque de développement, basée à Shanghai. Parmi les thèmes qui ont pu être au centre de leurs préoccupations, on trouve la lutte contre le protectionnisme de certains de leurs partenaires du G20 (G8 élargi) ou la réforme de la gouvernance du Fonds monétaire international (FMI) et du Système monétaire international. Ils ont pu également faire front commun contre certaines contraintes environnementales internationales jugées pénalisantes pour leurs économies. D'une manière générale, les BRICS sont l'une des instances promouvant une reconnaissance de la multipolarité des équilibres économiques et politiques mondiaux, en rupture avec les organisations héritées de l'après Seconde guerre mondiale.
Quelques indicateurs de la puissance des BRICS (à 5 membres) comparés à l'Union Européenne et aux États-Unis Population en millions (ONU via Banque Mondiale 2018) PIB en PPA, en milliards de dollars (Banque Mondiale 2018) Pétrole (Réserves prouvées en milliards de barils de brut (OPEP 2016) Nombre d’ogives nucléaires (Federation of American Scientists 2013, Wikipedia) Statut à l’ONU Brésil 209 3 366 (8e) 13 0 État membre (*) Russie 144 4 051 (6e) 80 4 450 (2016) Membre permanent du Conseil de sécurité Inde 1 352 10 498 (3e) 5,5 80 à 100 État membre Chine 1 393 25 361 (1er) 26 environ 200 Membre permanent du Conseil de sécurité Afrique du Sud 57 793 (29e) 1 0 (**) État membre Total BRICS 3 155 44 069 135 environ 4 900 2 membres sur 5 du Conseil de sécurité Union Européenne 513 22 435 11 300 (France) + 225 (Royaume-Uni) 2 membres sur 5 du Conseil de sécurité États-Unis 327 20 494 (2e) 32 4 018 (2016) Membre permanent du Conseil de sécurité Notes : (*) Depuis 1947, le Brésil s’exprime en premier lors des Assemblées générales (Le Monde, 2013) (**) L'Afrique du Sud possédait 6 ogives avant de mettre fin à son programme nucléaire en 1990.
Les quatre BRICS initiaux ont des points communs : population nombreuse et une vaste superficie (ils sont classés dans les dix pays les plus vastes et les plus peuplés du monde), importantes ressources naturelles (minerais, énergie, forêts, agriculture, pêche...), émergence d'une classe moyenne, croissance élevée, et insertion récente et rapide dans les circuits économiques mondiaux. L'Afrique du Sud tient à ce titre une place à part, mais importante en terme de symbole politique.
Les différences et les divergences n'en sont pas moins importantes entre ces différents pays. Régimes politiques démocratiques ou autoritaires, démographies dynamiques face au déclin démographique russe, situations économiques très variées (capacités de recherche et d'innovation, poids industriels inégaux)...
Les dirigeants des BRICS au 15 septembre 2023 Pays Dirigeant En fonction depuis Prédécesseur Afrique du Sud Cyril Ramaphosa 2018 Jacob Zuma (2009–2018) Brésil Luiz Inácio Lula da Silva (2003–2011), 2023 Jair Bolsonaro (2019–2023) Chine Xi Jinping 2012 Hu Jintao (2002–2012) Inde Narendra Modi 2014 Manmohan Singh (2004–2014) Russie Vladimir Poutine (1999–2008), 2012 Dmitri Medvedev (2008–2012)
(JBB) novembre 2019. Dernières modifications : novembre 2023, janvier 2024.
Références citées
- Capdepuy, Vincent, à paraître dans Géoconfluences.
- Loïzzo Clara, « Les BRICS passent de 5 à 10 membres et deviennent les BRICS+ », brève de Géoconfluences, novembre 2023. Mise à jour en janvier 2024.
- O’Neill Jim, « Building Better Global Economic BRICs », Global Economics Paper No: 66, Goldman Sachs, 30 novembre 2001 [PDF]. Pour compléter avec Géoconfluences
- Dossier « Le Brésil, ferme du monde ? »
- Dossier « La Russie : des territoires en recomposition »
- Dossier « Le monde indien : populations et espaces »
- Dossier « La Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global »
- Vincent Capdepuy, « La ligne Nord-Sud, permanence d’un clivage ancien et durable », Géoconfluences, janvier 2024.
- Vincent Capdepuy, « Le Sud global, un nouvel acteur de la géopolitique mondiale ? », Géoconfluences, septembre 2023.
- Jean-Benoît Bouron, Laurent Carroué et Hélène Mathian, « Représenter et découper le monde : dépasser la limite Nord-Sud pour penser les inégalités de richesse et le développement », Géoconfluences, décembre 2022.
- Olga V. Alexeeva et Frédéric Lasserre, « Le concept de troisième pôle : cartes et représentations polaires de la Chine », Géoconfluences, octobre 2022.
- Baffi Solène, Vivet Jeanne, 2017, « L’Afrique australe : un ensemble composite, inégalement intégré à la mondialisation », 2017
- L’Afrique du Sud a un nouveau président (par intérim), brève de mars 2018
- Nashidil Rouiaï, « Sur les routes de l'influence : forces et faiblesses du soft power chinois », Géoconfluences, septembre 2018.No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalL'Amérique latine : émergence, inégalités, défisAfriques : dynamiques régionales2024-01-26T08:58:38ZPloneGlossaryDefinitionBureau de quartier (en Chine)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/bureau-de-quartier
Le bureau de quartier (jiedao banshichu) est l’échelon le plus fin de l’administration territoriale publique chinoise. l’échelle du bureau de quartier fournit des équipements spécialisés comme les hôpitaux ou les collèges pour une population d’environ 40 000 personnes.
D'après Georgina André, novembre 2020.
Pour compléter Georgina André, « Wuhan, d'un centre industriel secondaire à une "Chicago de l'Est" », Géoconfluences, novembre 2020.No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global2020-10-23T08:31:35ZPloneGlossaryDefinitionChinafrique
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/chinafrique
La très rapide montée en puissance de la présence chinoise dans une large partie de l'Afrique a incité à parler d'une Chinafrique, qui supplanterait une Françafrique à l'agonie et, plus généralement, les intérêts occidentaux sur le continent. Ce concept a été largement repris par les journalistes et le monde des médias.
Précisons tout d'abord que l'expression, qui intègre l'ensemble des États du continent africain, permet mal de saisir des situations économiques pourtant très variées à l'intérieur du continent.
Au-delà des fantasmes, partons des constats. Entre 2000 et 2015, les échanges chinois avec le continent ont été multipliés par 30, pour atteindre la barre des 300 milliards de dollars. Depuis 2011, la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique sud-saharienne prise comme un ensemble. Elle a consolidé ses positions dans les secteurs des industries extractives et des infrastructures. Elle a aussi commencé à investir dans l’industrie manufacturière, mais les flux restent encore assez modestes (officiellement 22 milliards de dollars en 2012 mais probablement beaucoup plus).
Les grands sommets entre les représentants de la Chine et les gouvernements africains se multiplient, ce qui traduit l'intérêt réciproque pour ces relations. Avec la création du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), l’an 2000 constitue un tournant à partir duquel les relations sino-africaines connaissent un essor particulièrement rapide. La Chine multiplie les gestes de séduction, en annulant la dette de plusieurs pays africains par exemple. Lors du sommet du Focac de Johannesburg en décembre 2015, le président chinois Xi Jiping a annoncé une enveloppe de 60 milliards d'aide financière pour l'Afrique incluant 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels.
Les Chinois sont aussi présents dans les opérations de maintien de la paix en Afrique et la Chine use de son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies pour entraver les possibles ingérences internationales dans les affaires africaines, ce qui lui sert de monnaie d'échange diplomatique et économique. Inversement, Pékin convoite les voix des États africains pour défendre ses propres intérêts dans les instances internationales (dans ses relations avec Taïwan par exemple) et le temps où les ex-colonies votaient comme un seul homme à l'ONU derrière l'ancienne puissance tutélaire est fini.
Contrairement aux Occidentaux, la Chine n'impose pas de conditions politiques en échange de ses investissements et ne pose pas de questions sur les Droits de l’Homme. Les Chinois s'efforcent d'emporter l'adhésion des gouvernants africains et, autant que possible, des populations en se centrant sur un échange largement fondé sur les extractions de matières premières contre des infrastructures : construction de ports, de routes, de barrages (par exemple, sur l'Omo en Ethiopie, barrage de Merowe au Soudan), de stades et d'hôpitaux, de zones industrielles (parc industriel sino-éthiopien de Dukem). Ils prennent souvent en charge une large partie, voire la totalité des travaux et s'installent alors parfois durablement, créant de véritables villages ou quartiers chinois, multipliant les installations d'entreprises ou de commerces. On compte plus de 2 500 entreprises chinoises installées sur le continent en 2015. En Algérie, la Chine a détrôné la France depuis 2012 comme premier partenaire du pays en remportant quasiment tous les grands appels d’offres dans le BTP, comme la construction de la grande mosquée d’Alger, la troisième plus grande au monde, ou encore l’agrandissement de l’aéroport de la capitale. Partout sur le continent, les produits chinois bon marché remplacent peu à peu ceux importés d'Occident mais aussi les productions locales et africaines.
Au demeurant, ce qui pourrait sembler une forme de néo-colonisation de l'Afrique peut être confronté à certaines limites et réactions. Bon an, mal an, une part des pays africains est engagée dans des processus de démocratisation et l'opinion publique, la société civile se font de plus en plus entendre. La présence chinoise est parfois perçue comme une menace ou une forte concurrence pour les productions et les emplois locaux et des incidents, voire des émeutes populaires, en résultent parfois. Dans certains pays l'immigration massive de travailleurs chinois est mal vécue, en Algérie par exemple, des émeutes ont éclaté.
Certains auteurs comme Thierry Pairault (2018) estiment que l'expression est à bannir. Parmi d'autres arguments, ils estiment qu'elle donne une vision trop uniforme des pays du continent, que l'attitude de la Chine n'est en rien comparable à celle des anciennes puissances coloniales. Thierry Pairault insiste sur le fait que les chiffres des investissements chinois en Afrique sont souvent gonflés, ou portent sur des annonces de projets plutôt que sur des réalisations concrètes. De plus, dans de nombreux cas, les transferts de capitaux correspondent plutôt à des commandes africaines que des investissements chinois, et l'implication locale de la Chine ne dure que le temps du chantier.
Dans le cadre de la compétition mondiale entre la Chine et l'Occident, les Africains ont compris qu'ils seront de plus en plus courtisés et ils sont bien décidés à faire monter les enchères. La Chine contribue certainement à la « désoccidentalisation » de l'Afrique. Elle contribue aussi largement à l'actuel décollage économique de certains pays africains comme l'Éthiopie et au transfert de nouvelles technologies adaptées au continent. Plusieurs pays africains sont considérés, de plus en plus souvent, comme des émergents. C'est un retournement de perspective susceptible de s'accélérer avec la montée en puissance des échanges Sud-Sud et avec le renforcement du rôle d'autres nouveaux intervenants que sont le Brésil et l'Inde. Dans ce contexte, parler de « Chinafrique » est un moyen de souligner le rôle de la Chine dans l'insertion plus générale des pays africains au système économique mondial multipolaire.
(La rédaction) mise à jour : janvier 2017 ; mars 2018.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Karine Bennafla et Hala Bayoumi, « Démonstration de puissance ou aveu d’impuissance ? La nouvelle capitale administrative de l’Égypte », Géoconfluences, mars 2023.
- David Bénazéraf, « Les Chinois, faiseurs de villes africaines », Géoconfluences, février 2016.
- Jean-Pierre Cabestan, « Les relations internationales de la Chine après la crise de 2008 », Géoconfluences, février 2016.
- La Chinafrique, mythe ou réalité ?, brève de Géoconfluences, mars 2018, avec le café géographique ci-dessous. Pour aller plus loin
- Thierry Pairault, « Quelle présence chinoise en Afrique ? », Les cafés géographiques, janvier 2018.
- Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), site développé par le Ministère des Affaires Etrangères de la RPC
- Chinafrica.info site du journaliste Sébastien Le Belzic
- Ressler, N., 2016, « La Chine en Afrique, une implantation pas si simple », Carto n° 38, novembre-décembre 2016.
- J.-J. Gabas & J.-R. Chaponnière (éds), 2012, Le temps de la chine en Afrique : enjeux et réalités au Sud du Sahara. Karthala-GEMDEV, collection « Hommes et sociétés », 216 p.
No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalAfriques : dynamiques régionalesDéveloppement, inégalités, richesse et pauvretéAfrique subsaharienne : territoires et conflits2023-03-30T07:28:34ZPloneGlossaryDefinitionConcessions (étrangères en Chine)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/concessions-etrangeres-en-chine
Les concessions étrangères en Chine sont, aux XIXe et XXe siècles, des territoires chinois sous contrôle étranger. Le régime des concessions en Chine a été établi par le traité de Nankin de 1842, le traité de la rivière Bogue de 1843, et divers traités bilatéraux avec les pays concernés. Ces traités ont été appelés traités inégaux par les Chinois, car signés sous la contrainte.
À Shanghai, la première est la concession britannique dès 1846. Comprenant 199 hectares, elle fusionne en 1863 avec la concession américaine établie en 1848 pour former la concession internationale de Shanghai. La concession française, créée en 1849, s'étendait sur 66 hectares au début, pour atteindre en 1899, 226 hectares. Le colonialisme, en établissant des distinctions entre la "ville indigène" et les concessions étrangères, a inscrit des divisions dont les traces sont encore perceptibles de nos jours tant dans l'espace que dans les esprits. Situées à l'origine sur des terrains agricoles et des marécages au nord de la ville, les concessions se sont étendues à plusieurs reprises au point de surpasser les quartiers chinois en population et superficie vers 1910. Elles deviennent alors le véritable coeur de la ville alors que la ville fortifiée, dont la muraille est rasée en 1912, est marginalisée.
Les concessions sont occupées à partir de 1941 par les Japonais et cessent d'exister de fait en 1943.
Pour en savoir plus :
- Christian Henriot, "Les divisions de la ville à Shanghai : les mots de la croissance métropolitaine", Géoconfluences, 2003.
- "L’ancienne concession française : bref historique", sur le site La France en Chine, Consulat général de France à Shanghai.
No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global2016-01-18T17:48:06ZPloneGlossaryDefinitionDéveloppement (économique)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/developpement-economique
Le concept de développement désigne l’ensemble des transformations techniques, sociales, territoriales, démographiques et culturelles accompagnant la croissance de la production. Il traduit l’aspect structurel et qualitatif de la croissance et peut être associé à l’idée de progrès économique et social.
Après avoir privilégié la seule croissance de la production de richesses par des indicateurs comme le PIB, le concept de développement s'est élargi pour inclure différentes dimensions constitutives du bien-être, voire du bonheur : l'état global de santé des populations, les niveaux d'instruction, d'une manière générale, les conditions de vie.
La réflexion sur les indicateurs pertinents pour mesurer le développement prend de plus en plus en compte la dimension du bien-être (et/ou du bonheur) et il y a profusion d'indicateurs économiques, sociaux et environnementaux qui tentent de l'évaluer, le mesurer.
(ST), 2006.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Vincent Capdepuy, « Le Sud global, un nouvel acteur de la géopolitique mondiale ? », Géoconfluences, septembre 2023. Pour aller plus loin
- Sur le site partenaire SES ENS : Peut-on mesurer le bonheur ? Réflexions sur les indicateurs de bien-être. Note au lecteur : les informations contenues ci-dessous n'ont pas été mises à jour depuis 2006. Développement en Afrique Le développement économique et social a partie étroitement liée avec la pacification et l'atténuation des conflits, en Afrique ou ailleurs dans le monde. Parmi les 10 pays en bas de tableau de l'IDH en 2004, neuf ont connu un conflit violent depuis les années 1990.
Le développement peut être mû par des mécanismes endogènes. Mais, dans le cas des pays d'Afrique subsaharienne les plus démunis, divers mécanismes d'aide internationale paraissent indispensables.
L'Onu avait défini en 2000, des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)* visant à réduire l'extrême pauvreté d'ici à 2015. De nombreux États africains sont concernés. Les fonds nécessaires à leur mise en œuvre doivent être rassemblés pour 2010, l'Aide publique au développement (APD) devrait alors atteindre 130 milliards d'USD (contre 80 en 2004), soit 50 milliards supplémentaires, dont la moitié destinéeà l'Afrique. Mais, selon les derniers engagements pris par les pays développés du G8, il n'est pas précisé si les mesures d'annulation de la dette feront partie de ces montants.
Des mécanismes de taxation redistributive ont également été proposés. Par exemple, le Trésor britannique espère lever 4 milliards d'USD d'ici à 2015 par le biais d'un système de "Facilité financière internationale". Les Français, suivis par les Chiliens et les Britanniques, ont proposé une taxe sur les billets d'avion qui devrait être effective en France pour la mi-2006.
Mais l'aide au développement ne se résume pas aux différentes formes d'aide publique. Les règles des échanges mondiaux définies dans le cadre de l'OMC, ou dans des cadres bilatéraux, peuvent inciter ou, au contraire, freiner, le développement économique des pays les plus pauvres. Les financements privés, par le biais de fondations d'entreprise par exemple, jouent aussi leur rôle (par exemple, la fondation Bill et Melinda Gates, dotée de 30 milliards de dollars, investit beaucoup dans le domaine de la santé et de la lutte contre le sida). Le bilan global est donc délicat à faire.
À moins de 10 ans de l'échéance de 2015, les OMD des pays d'Afrique subsaharienne paraissent souvent loin d'être acquis : 42 des 47 pays concernés ne pourront pas atteindre la moitié d'entre eux et 12 pays ne devraient en atteindre aucun. Au demeurant, la définition de ces objectifs a mobilisé la coopération internationale contre la pauvreté en la dotant d'un contrat collectif et d'un calendrier, premier exemple d'une planification de développement à l'échelle mondiale. La gestion de l'aide a été recentrée sur la recherche de résultats plutôt que sur le suivi des moyens mis en œuvre. Des cercles vertueux d'un développement durable en Afrique pourraient en être favorisés.
La réflexion sur les conditions du développement en Afrique passe aussi par l'examen du couple développement x gouvernance. Comment fonctionne leur corrélation ? Une bonne gouvernance est-elle la condition d'un développement vertueux ou l'inverse ?
La Banque mondiale, dans son dernier rapport sur la "gouvernance mondiale" (2005), a passé en revue 209 pays en fonction de 352 critères provenant de la Banque mondiale elle-même mais aussi de la fondation Freedom House ou du cabinet d'audit PriceWaterhouseCoopers. Son constat est le suivant : l'amélioration des conditions de vie est le résultat d'une meilleure gouvernance et non l'inverse. C'est donc la démocratie qui prime, pas l'économie, du moins pour une majorité de pays car il peut y avoir des exceptions (la Chine ou les pétro-monarchies du Golfe, par exemple, dont les caractéristiques sont à bien des égards particulières). D'une manière générale, une bonne gouvernance, à savoir une redistribution équitable des richesses et des ressources, des transferts raisonnés en faveur de l'éducation, de la santé, débouche sur des conditions de vie meilleures et sur une réduction renforcée de la pauvreté. Les effets sont rapidement efficaces : l'amélioration des droits humains, l'efficacité de l'administration et des régulations publiques, la lutte contre la corruption, le respect de règles de droit ont, d'après le rapport de la Banque mondiale, des résultats en moins de 10 ans.
Rédigé en 2006.
Sur le même thème, voir le glossaire Afrique subsaharienne : territoires et conflits Développement en Chine De 1980 à 2005, le taux de croissance annuel moyen du PIB de la RPC a été d'environ 8%. La Chine, par son PIB de 7 430 milliards d'USD (en parité de pouvoir d'achat), est devenue la cinquième économie mondiale en 2004, après les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. Et si elle ne pèse encore que 5% dans le PIB mondial, très inférieur au poids de sa population, elle contribue pour 20% à la croissance mondiale (données 2006). Ces chiffres sont à prendre avec précaution et il faut tenir compte de l'importante économie parallèle qui échappe aux statistiques, soit environ 20% d'économie "non-fiscalisée". Certains économistes pensent donc qu'ils sont sous-évalués et que les taux officiels seraient volontairement minorés pour limiter la méfiance et les accusations de surchauffe des partenaires commerciaux de la Chine.
Cette croissance rapide s'explique par un "effet de rattrapage" et elle partage plusieurs points communs avec d'autres "miracles" de la zone Asie-Pacifique (Japon, Corée du Sud, Taiwan, Singapour) : une stratégie de développement industriel volontariste et fondée sur l'ouverture libérale et la conquête des marchés extérieurs, une population travailleuse et économe dont l'épargne finance en partie le développement. Mais la croissance économique chinoise a ses spécificités : c'est avant tout une économie de flux dont l'évolution repose sur une très rapide privatisation et sur la restructuration du secteur étatique.
Un tel rythme de croissance, concernant une population aussi importante, n'est pas sans conséquences : pression sur les ressources (énergie, matières premières) tant à l'échelle régionale que mondiale, dégâts environnementaux, risques de surchauffe, risques d'amplification des disparités. Les goulets d'étranglement traditionnels de l'économie chinoise s'aggravent ainsi qu'en attestent les pénuries énergétiques (fréquentes coupures d'électricité), les engorgements des infrastructures de transport. En l'absence de correctifs adaptés, les tensions induites pourraient provoquer un ralentissement de la croissance chinoise à plus ou moins court terme.
La compétitivité de l'économie chinoise a des composantes contrastées : si elle a un faible coût du travail, elle souffre de facteurs moins favorables en termes de gouvernance, de qualité des infrastructures, de gestion environnementale. Les autorités chinoises mettent, depuis 2003, officiellement du moins, l'accent sur la "qualité de la croissance" et les "respect des grands équilibres", dans les campagnes par exemple. Parallèlement, des efforts importants sont réalisés pour compenser le retard chinois en Recherche & développement : le développement scientifique et technologique est prioritaire dans le cadre du XIe plan quinquennal (2006-2010). La Chine recrute ses meilleurs chercheurs au même niveau de rémunération qu'aux États-Unis et bénéficie du retour d'une diaspora de scientifiques formés dans les laboratoires occidentaux, principalement anglo-saxons ("reverse brain drain"). En 2003, la Chine occupait le cinquième rang mondial pour la production scientifique derrière les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni et l'Allemagne avec 5,1% des publications internationales. Et elle cherche à s'affranchir de sa dépendance à l'égard des brevets étrangers en concevant de nouveaux produits, avec de nouveaux standards, basés sur des brevets chinois.
Rédigé en 2006.
Sur le même thème, voir le glossaire La Chine entre espaces domestiques et espace mondial
Développement en Russie La croissance du PIB russe est soutenue : selon le FMI, elle devrait atteindre 6% du PIB en 2004 (7,3% en 2003 et 4,7% en 2002). De 1998 à 2003, le PIB a augmenté en Russie de 25%, les investissements de 35% et la production agricole de 20%. Cette croissance est largement tirée par l'effet des recettes d'exportation, résultat du renchérissement des prix des hydrocarbures et de l'ensemble des matières premières sur les marchés mondiaux. Les secteurs pétrolier et gazier contribuent à environ 12% du PIB et 1/5e de la croissance serait exclusivement due à la hausse des cours du pétrole (données 2003). Cette rente a également permis de ramener la dette publique à 33% du PIB (contre plus de 98% en 1998). Notons aussi qu'une part non négligeable de l'économie russe relève du secteur informel, échappant donc tout à la fois aux statistiques et à l'impôt.
Mais la croissance n'est pas le développement. La dynamique d'un réel développement de la Russie n'est pas encore enclenchée. Si l'on se reporte à l'indicateur de développement humain (IDH), qui donne une mesure plus globale du niveau de bien-être, le recul de la Russie est notable : elle occupait le 34e rang en 1991, mais le 71e en 1997, se situant alors derrière la Belarus, pour revenir au 57e en 2003 (0,795).
L'économie russe n'a pas encore acquis une dynamique propre combinant production et consommation domestiques. L'exploitation de la rente énergétique place l'État dans une situation de dépendance et de vulnérabilité aux variations des cours des matières premières, d'autant plus que les recettes fiscales tirées de la vente de ces ressources alimentent en grande partie le budget fédéral. Drainant l'essentiel des investissements (75%), le secteur énergétique tend à brider le développement des autres secteurs d'activité (ce que les économistes appellent le "syndrome hollandais"). L'économie domestique n'est, de ce fait, pas en mesure de répondre à la demande intérieure, en particulier en matière de biens de consommation courante, ce qui favorise les importations.
Rédigé en 2005.
Sur le même thème, voir le glossaire Russie : des territoires en recompositions
No publisherGéographie critique des ressources : énergies, matières, foncierLa Russie : des territoires en recompositionDéveloppement, inégalités, richesse et pauvretéLa Méditerranée, une géographie paradoxalegénéralLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalL'Amérique latine : émergence, inégalités, défisAfrique subsaharienne : territoires et conflits2023-09-25T14:37:01ZPloneGlossaryDefinitionDiaspora
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/diaspora
Le terme de diaspora vient du verbe grec speirein (semer) ou plus précisément du verbe composé diaspeirein (disséminer) et indique la dispersion d'une population. Longtemps appliqué seulement à la diaspora juive, le terme ne s’étend à d’autres diasporas qu’à partir des années 1960 et n’entre dans les dictionnaires que dans les années 1980.
Selon Michel Bruneau (2011), le terme « diaspora » désigne un phénomène migratoire et transnational répondant à quatre principaux critères :
1. Une population dispersée sous la contrainte dans plusieurs lieux ou territoires non immédiatement voisins de celui d’origine.
2. Des territoires de destination choisis en raison de la constitution de chaînes migratoires qui relient les migrants à ceux qui sont déjà installés dans les pays d’accueil.
3. Une population s’intégrant dans les pays d’accueil sans s’assimiler, c’est-à-dire conservant une conscience identitaire liée à la mémoire de la société et du territoire d’origine.
4. Des groupes dispersés qui conservent et développent entre eux et avec la société d’origine (lorsqu’elle existe encore), des échanges matériels et immatériels organisés en réseaux (personnes, biens, informations, capitaux, etc.).
La durée est indispensable pour prouver la résistance à l’assimilation des migrants. Après avoir reculé aux XIXe et XXe siècles face aux progrès des nationalismes, les diasporas connaissent un renouveau qui s’explique par plusieurs facteurs : l’essor des mobilités, en particulier circulatoires, le développement des réseaux mondialisés, en particulier les réseaux de télécommunications, l’affaiblissement des capacités intégratrices des sociétés nationales, les réactions identitaires face à la mondialisation culturelle.
Les diasporas asiatiques (chinoise, indienne) occupent une part croissante des diasporas mondiales tout en représentant une faible part de la population d’origine.
(MCD) septembre 2015.
Pour compléter
- Pierre-Yves Trouillet, « Les populations d'origine indienne hors de l'Inde : fabrique et enjeux d'une "diaspora" », 2015
- Michel Bruneau, "Phénomène diasporique, transnationalisme, lieux et territoires", CERISCOPE Frontières, 2011. No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalL'Asie du Sud-Est, carrefours et confins2015-09-01T12:00:55ZPloneGlossaryDefinitionDisparités
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Disparités socio-spatiales en Union européenne | Disparités socio-spatiales en Chine
Différences de niveau de développement dans les domaines économiques, sociaux et culturels. Elles sont souvent appréhendées comme révélatrices d’une situation de déséquilibre voire d’injustice. Leur mesure, leur évaluation, permettent de comparer divers territoires.
Utilisée essentiellement au pluriel, la "disparité" est toujours qualifiée selon le paramètre, la variable, pris(e) en compte pour la comparaison. Il peut s’agir des revenus, des niveaux de vie, de l’accès à la formation ou aux soins, etc.. Les disparités, issues de la mesure d’un différentiel, sont donc souvent quantifiables et elles permettent de dénoncer une situation de déséquilibre territorial. Mais il arrive de parler de "disparités" dans un sens plus qualitatif, pour qualifier une situation générale vécue et perçue comme injuste.
Ainsi, contrairement aux "différences", expression générale de l’ordre du constat, les "disparités" dénoncent toujours une situation péjorative. Elles sont donc sources de revendications ancrées dans un territoire. Les disparités spatiales sont l’un des enjeux de l’aménagement du territoire et des politiques redistributives.
Disparités socio-spatiales en Union européenne Ces disparités expriment des différences de niveau de développement des entités territoriales dans les domaines économiques, sociaux et culturels. Leur mesure, leur évaluation permettent de comparer divers territoires et ainsi d'en dénoncer les déséquilibres pour mieux les cibler dans les mesures européennes.
La question des inégalités semble indissociable de l'objectif premier de la construction européenne de réduire retards de développement entre les régions. Le défi de l’Union est de garantir la convergence économique entre les États membres tout en diminuant les disparités infra-étatiques qui ont tendance à s’accroître. Depuis l'Acte unique européen en 1986 jusqu'à la stratégie de Lisbonne en 2000, la recherche de la compétitivité s'est ajoutée aux politiques redistributives de cohésion économique et sociale. Mais l'objectif général de lutte contre les disparités par le moyen, entre autre, des politiques européennes à visée territoriale, nécessiterait sans doute de dépasser les simples objectifs de "rattrapage" qui entrent en porte-à-faux avec la doctrine de la compétitivité des territoires.
Sur le même thème, voir le glossaire Territoires européens : régions, États, Union
Mise à jour : décembre 2010
Disparités socio-spatiales en Chine Les disparités socio-spatiales s'amplifient en Chine. Elles peuvent s'observer à différents niveaux d'échelle : mondes urbains et ruraux ; littoraux et espaces ouverts sur l'espace mondial d'une part, espaces périphériques de l'intérieur et des confins continentaux d'autre part.
Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, aurait atteint 0,45 en Chine (2005), alors que les experts internationaux fixent la cote d'alerte socio-politique à 0,4. Rappelons que le coefficient de Gini varie entre 0 et 1 : 0 en cas d'une parfaite égalité des revenus, alors que 1 signifierait qu'une seule personne concentre toutes les richesses. Dans la réalité d'un panel d'environ 100 pays, les coefficients de Gini oscillent entre 0,26 et 0,60.
En 2005, 10% de ménages les plus pauvres se partagaient 1,4% du patrimoine en Chine, contre 45% pour les 10% les plus riches. Une enquête du Bureau national des Statistiques montre aussi que les inégalités de revenu en Chine s'accentuent progressivement, et que cette inégalité croissante existe non seulement entre les villes et la campagne (en 2005, revenu annuel moyen de 1 281 USD en milieu urbain contre 397 USD en milieu rural), mais également entre les différentes provinces et régions. Dans les villes, les plus hauts revenus sont 11,8 fois supérieurs aux plus bas en 2005 contre 4,16 fois en 1996.
En effet, la forte croissance chinoise, aux alentours de 9,5% de 2000 à 2006, est surtout tirée par les flux d'investissements des entreprises étrangères et par les exportations, alors que la consommation intérieure ne croit pas au même rythme (elle représentait 39% du PIB en 2005 contre 46% en 1995) et est répartie de manière très inégale.
Ces disparités peuvent-elles être facteurs d'implosion sociale et politique ? Les mouvements de revendications sont souterrains mais se multiplient partout, dans les campagnes surtout, en touchant telle usine, tel village. Les travailleurs migrants (mingong) manifestent parfois de manière très violente et spectaculaire, montant sur les tours ou les grues des chantiers qui les ont embauchés en menaçant de se suicider pour obtenir leur salaire ou pour protester contre leur licenciement, leurs conditions de travail.
Dans quelle mesure ces tensions peuvent-elles aboutir à une implosion de la société dans une Chine dont on sait qu'elle a toujours oscillé entre unification et division ? En attendant, elles justifient une répression particulièrement forte et de sérieuses entorses aux droits de l'Homme les plus élémentaires.
Sur le même thème, voir le glossaire La Chine entre espaces domestiques et espace mondial
Mise à jour : septembre 2006
No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalDéveloppement, inégalités, richesse et pauvretéTerritoires européens : régions, États, Uniongénéral2022-01-05T02:56:22ZPloneGlossaryDefinitionDragons asiatiques
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Les quatre dragons asiatiques sont la Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong. On distingue parfois les "petits dragons" du "grand dragon" japonais.
Appelés NPI, nouveaux pays industrialisés, ils ont connu une forte croissance industrielle dans la deuxième moitié du XXe siècle, en suivant le modèle économique développé par le Japon auquel ils font concurrence dans les activités industrielles (automobile, électronique grand public) depuis 1980.
À partir des années 1990, ils sont considérés comme des pays développés à part entière et non plus comme des pays émergents.Ils jouissent d'un niveau de vie comparable à celui des pays de l'Union européenne ou du Japon, et leurs indices de développement humain (IDH) sont parmi les plus élevés au monde.
Mise à jour : février 2016No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire globalDéveloppement, inégalités, richesse et pauvreté2022-01-05T02:56:07ZPloneGlossaryDefinitionDroits de l'Homme
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/droits-de-lhomme
NB. Cette entrée de glossaire date de 2006-2008 et n'a pas été mise à jour depuis.
Droits de l'homme en Chine | Droits de l'homme en Russie
Droits de l'homme en Chine Le régime politique chinois est toujours celui du Parti unique (PCC), la libéralisation économique ayant été découplée de la libéralisation politique. D'où une approche des droits de l'Homme qui n'est pas celle des démocraties. Mais elle n'a pas, jusqu'à présent, interdit à la Chine d'adhérer à l'OMC, de présenter sa candidature pour l'organisation des J.O. de 2008 et de l'emporter, de participer à la plupart des grands rendez-vous du "concert des nations".
Depuis le lancement de la campagne de répression de la criminalité "Frapper fort" en avril 2002, une augmentation spectaculaire du nombre d'exécutions a été constatée en Chine. À la fin de l’année 2004, Amnesty International avait recensé, à partir des données disponibles, au moins 3 400 condamnations à la peine capitale et au moins 6 000 exécutions, mais tout portait à croire que ces chiffres étaient bien en deçà de la réalité. En mars 2004, un membre éminent de l’Assemblée populaire nationale a déclaré que la Chine exécutait chaque année une dizaine de milliers de personnes, soit cinq fois plus que dans tous les autres pays pratiquant la peine capitale.
Pour actualiser, prolonger :
- la situation d'après Amnesty International, par exemple sur le site de la section belge : www.amnestyinternational.be/doc/rubrique.php3?id_rubrique=28
Droits de l'homme en Russie
La vie politique russe est encore marquée par les centaines d'années d'autocratisme tzariste suivies par les décennies de "dictature du prolétariat" du régime soviétique. Le post-soviétisme laissait espérer une démocratisation en profondeur, accompagnée de garanties permettant le respect des droits de l'Homme. En cette première décennie du XXIe siècle, certaines tendances peuvent paraître inquiétantes.
L'apprentissage démocratique des Russes est d'autant plus lent que tous ne semblent pas convaincus de son intérêt. Selon un sondage cité par le Courrier des Pays de l'Est (n° 1038 de septembre 2003 : "Bilan du premier mandat de M. Vladimir Poutine", La Documentation française), 67% des Russes pensent que le vote est sans effet sur la vie politique du pays et nombreux sont ceux qui estiment que les hommes au pouvoir ne sont préoccupés que par leurs privilèges. À tel point que 43% seulement des sondés considèrent les élections comme indispensables.
Ce que l'on appelle en Russie les “structures de force” ( les "siloviki" : armée, police, et services de renseignement), dont le Président V. Poutine est lui-même issu, jouent un rôle important dans l’administration présidentielle et elles infiltrent aussi toutes les couches de la société.
À l'inverse, la "société civile" a toujours des difficultés pour s'organiser et s'exprimer. Par exemple, une nouvelle loi sur les Organisations non gouvernementales (ONG), entrée en vigueur le 17 avril 2006, oblige - entre autre - les ONG étrangères travaillant en Russie à se conformer à une procédure stricte d'accréditation auprès d'un Service fédéral d'enregistrement (FSR) dont la justification officielle est de "recueillir des statistiques sur les ONG en Russie". En conséquence, près de 3 000 ONG pourraient cesser leur activité en Russie, des organisations souvent les plus actives dans la promotion de la société civile seraint touchées.
Le système judiciaire russe reste étroitement dépendant de l'exécutif et la tentative de réforme judiciaire démocratique semble avoir tourné court. Loin de constituer le troisième pilier d'une Russie en voie de démocratisation, procureurs et juges sont sous influence, voire sous contrôle du pouvoir politique, du Kremlin et du FSB (ex-KGB) qui exercent leurs pressions via les présidents de tribunaux. Sans prendre les proportions qu'elles avaient auparavant, les arrestations arbitraires ne sont pas rares. La corruption entache la régularité des procédures.
Enfin le système d'information passe de plus en plus sous le contrôle du pouvoir (voir cette entrée).
Selon un rapport d'information du Sénat (mai 2004)* :
"S'agissant du déroulement des deux scrutins successifs [législatives de 2003 et présidentielles de 2003], on peut constater qu'il n'a pas donné lieu à des irrégularités massives ou manifestes qui auraient faussé le résultat final, tout en estimant que l'égalité des chances entre les différentes formations n'était pas pleinement assurée. Les difficultés rencontrées par certains candidats, le recours à la "ressource administrative", euphémisme désignant les pressions de diverse nature exercées par les autorités, mais surtout le traitement non équitable des différents partis et candidats dans les médias contrôlés par l'État, comme l'a souligné la mission internationale d'observation des élections constituée sous l'égide du Conseil de l'Europe et de l'OSCE, semblent avoir contribué à réduire la concurrence et à amplifier la victoire de l'exécutif. Plus généralement, le lien étroit entre la télévision d'État et l'exécutif, comme le ton de moins en moins critique de la presse nationale au demeurant peu diffusée hors des grandes métropoles, renforcent l'impression d'un affaiblissement du débat démocratique, accentué par l'absence de parti politique susceptible de défendre une alternative crédible.
Tous ces éléments dénotent, sur nombre de points, des écarts sensibles avec les standards de la démocratie pluraliste, lesquels, il est vrai, n'ont guère eu l'occasion d'être pleinement mis en œuvre en Russie."
*Sénat, rapport d'information n° 317 : La Russie et ses relations extérieures après la réélection de Vladimir Poutine (19 mai 2004)
Relevons aussi que les guerres en Tchétchénie et "contre le terrorisme" justifient, aux yeux des autorités, diverses entorses au respect des droits de l'Homme. Aux lendemains de la prise d'otages meurtrière de Beslan (septembre 2004), la Douma a adopté, en février 2006, une loi antiterroriste qui codifie les actions des forces de l'ordre en cas d'attentats. Elle établit, entre autre, que la Russie se réserve le droit d'avoir recours à la force pour éliminer des cibles terroristes en dehors de son territoire. Au nom de la lutte anti-terroriste, les forces du maintien de l'ordre sont désormais autorisées à "pénétrer librement" chez des particuliers, à se livrer à des écoutes téléphoniques, à intercepter du courrier - y compris électronique - et à limiter la liberté de mouvement des individus. L'adoption de cette loi est intervenue une semaine après la mise en place, sur décret de la présidence, d'une superstructure de lutte contre le terrorisme, le Comité national pour la lutte antiterroriste (NAK), supervisé par le chef du FSB. Mais il faut reconnaître que la Russie n'est pas seule à avoir adopté des législations anti-terroristes "musclées" dans le monde !
Pour compléter et prolonger :
- Dans la rubrique Savoir faire : Mémoires et territoires en Fédération de Russie
- Divers articles de Marie Mendras (enseignante et chercheuse CNRS / CERI / Sciences Po) : www.ceri-sciencespo.com/cerifr/cherlist/mendras.htm
- Les Cahiers Russie sont publiés à Sciences Po par le Centre d'Études et de Recherches Internationales (CERI), sous la direction de Marie Mendras : http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/groupe/observatoire-russie
- Le rapport d'information n° 317 du Sénat, La Russie et ses relations extérieures après la réélection de Vladimir Poutine (19 mai 2004) : www.senat.fr/rap/r03-317/r03-317_mono.html
- Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) : http://www.fidh.org/-Russie,277-
- Human rigths watch : http://www.hrw.org/fr
Mise à jour : septembre 2007
No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global2013-02-26T14:40:23ZPloneGlossaryDefinitionEntreprises (en Chine)
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/entreprises
Pour les entreprises dans le monde, voir : Entreprise ou firme transnationale (FTN, FMN...)
Entreprises en Chine (2010) À côté des entreprises à capitaux domestiques il y a, en Chine RPC, les entreprises d'investissements de Hongkong, Macau ou Taiwan et les entreprises à capitaux étrangers. Ce sont ces dernières qui produisent la plus grande part des marchandises exportées : en 2009, les firmes étrangères assuraient encore 70 % de la production et 85 % des exportations chinoises.
Les entreprises à capitaux domestiques, comprennent : des entreprises d'État à capitaux publics ; des entreprises collectives et coopératives, intermédiaires entre public et privé ; d'autres formes d'entreprises, mixtes, à capitaux privés. Mais il est difficile de définir avec précision ce qu'est le secteur privé en Chine tant sa diversité est grande et le capital des firmes opaque : anciennes entreprises publiques passées aux mains de leurs salariés, joint-ventures, firmes étrangères à 100 %, sociétés créées par des Chinois licenciés, etc. De 1978, date du début des réformes lancées par Deng Xiaoping, à 2003, la contribution des entreprises d'État au sens strict (State Owned Entreprises ou SOE) au PIB national global est passée de 80 % à 17 %. Mais il faut aussi tenir compte de la participation de l'État au capital de la plupart des grandes sociétés chinoises cotées (TCL, Lenovo, Baosteel, Haier, etc.) ainsi que dans celles à capitaux mixtes. Il y a très peu de sociétés chinoises entièrement privées et ce sont essentiellement des PME. Mais la productivité globale du secteur privé industriel est estimée à deux fois celle des entreprises contrôlées par l'État.
Un des nombreux défis économiques de la Chine est donc la réforme de ses entreprises publiques. La réforme principale, concernant les entreprises d'État, a été adoptée en 1994 sur le mode du zhuada fangxiao ("retenir les grandes [entreprises d'État], lâcher les petites"). Depuis 2002, l'État a accéléré la politique de cession de ses nombreuses participations dans l'objectif affiché de réduire de moitié le nombre des entreprises publiques en 2006. Depuis février 2005, les infrastructures, les télécommunications, les transports ferroviaires, l'aviation civile ou les services publics par exemple, se sont ouverts à la concurrence des firmes privées.
Les entreprises privées qui opérent en Chine sont donc étrangères surtout. Elles représentaient, en 2006, 43 % du nombre total des entreprises, occupaient la moitié des travailleurs urbains et assuraient environ 60 % à 70 % du PIB de la RPC. Leur activité explique largement le rythme de la croissance chinoise. Mais, après deux décennies d'euphorie et de large ouverture aux investissements étrangers au cours des années 1980 et 1990, lorsque le pays avait besoin de ces capitaux et de leurs technologies, la RPC manifeste des tendances récentes au repli nationaliste. Une nouvelle loi "antimonopole", entrée en vigueur le 1er août 2008, a bouleversé le droit de la concurrence dans le pays. L'article 29 de la loi prévoit la tenue d'une enquête de "sécurité nationale" avant toute acquisition étrangère d'une entreprise chinoise. C'est le Parti (et donc l'État) qui fixe les règles du jeu et la politique industrielle est décidée par une commission d'État au Plan qui décide où produire et par qui. Les entreprises étrangères se voient imposer leurs partenaires domestiques et elles doivent aussi évoluer dans un environnement sociétal et politique délicat : traitement de faveur réservé aux concurrents locaux, corruption et fragilités de l'État de droit. Les observateurs pointent la récente multiplication des conflits plus ou moins larvés avec des sociétés chinoises qui ont pris de l'assurance et qui évoluent sous la protection d'un pouvoir aux penchants de plus en plus nationalistes. Les exigences chinoises en matière de transfert de technologie et de maîtrise nationale des droits de propriété intellectuelle deviennent parfois dissuasives et les risques de piratage et de contrefaçon inquiètent.
Les investisseurs étrangers hésitent face à cette nouvelle donne, entre l'accès à ce vaste marché aux perspectives de croissance attractives et les risques politico-économiques qu'ils encourent. À ce titre, les aventures récentes de Google en Chine sont instructives. En novembre 2009, l'audience globale du moteur de recherche sur le web était de 13,2 % en Chine (67,5 % à l'échelle mondiale) contre 62,2 % pour son concurrent national chinois, Baidu. Les pressions politiques expliquent en partie (Baidu appliquant les règles de la censure gouvernementale à la lettre), mais pas seulement, ses difficultés également dues aux différences culturelles.
De leur côté les grands groupes chinois, dont le niveau de formation de l'encadrement progresse rapidement, se lancent à la conquête des marchés extérieurs. Les investissements chinois ont doublé entre 2007 et 2008 pour atteindre 52,1 milliards d'USD, hors secteur financier. Au demeurant, leur présence dans le classement mondial est encore modeste : 37 sociétés chinoises seulement parmi les 500 premiers groupes mondiaux selon le classement 2009 du magazine Fortune, parmi lesquels Huawei (télécommunications), CNPC, Sinopec et Cnooc pour les marchés pétroliers et gaziers, etc. La Chine veut se donner les moyens de construire des champions nationaux dans la majorité des domaines et elle s'efforce de siniser ses standards de production en contournant les règles imposées par l'OMC.
Mise à jour : janvier 2010No publisherLa Chine, la modernisation encadrée d'un territoire global2013-02-26T14:41:36ZPloneGlossaryDefinition