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Le lynx : l’Est et les Alpes

Publié le 15/05/2006

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Les lynx connaissent une expansion territoriale dont on connait mal les effectifs. Dans le Jura et dans les Alpes suisses, une opération de réintroduction a été menée dès le début des années 1970. La recolonisation du Jura français où le lynx refait parler de lui en 1974, s'inscrit naturellement dans cette opération. Dans le sud des Vosges, sous l'impulsion de protecteurs de la nature puis des pouvoirs publics, une réintroduction a lieu de 1983 à 1993 avec une vingtaine de lynx.
Même si on estime les effectifs français de 100 à 150 lynx, il est plus juste de raisonner en terme d'aires de présence plus aisément quantifiables (Stahl et al., 2002). Ainsi dans le Jura français, 7 300 km² sont concernés par la présence du félin. La population y a une bonne croissance (18% /an) tempérée par le fait que la plupart des secteurs sont déjà occupés. En revanche, cette croissance est plus forte dans les Vosges et atteint près de 35% par an. Les lynx occupent au moins 4 800 km² dans les Vosges avec une présence quasi permanente entre le val de Villé et la vallée de Masevaux. Cependant, la population demeure fragile en raison de facteurs de mortalité liés aux activités humaines (tirs, route).
Actuellement une jonction entre les populations vosgiennes et jurassiennes est possible puisqu'en 1998 elles étaient distantes de moins de 100 km. Dans les Alpes, la présence est plus incertaine en fonction du peu d'indices récoltés et 3 200 km² sont concernés. Même si divers massifs ont recelé des indices (Chartreuses, Bauges, Hautes-Alpes, Vercors…), parfois depuis plus de 20 ans, la présence de lynx n'y paraît pourtant pas aussi stable que dans les Vosges et le Jura.
Les réactions ont été différentes en fonction des contextes locaux. Dans tous les cas, les lynx se sont bien adaptés aux grandes forêts où abonde sa proie de prédilection : le chevreuil. Dans le Jura, ce sont surtout les éleveurs de moutons qui se sont fortement opposés à la présence du lynx car il arrive que le félin s'attaque aux brebis ou aux agneaux. Leur système d'exploitation est devenu très extensif dans un cadre de parcs clôturés, entourés ou très proches de la forêt, sans gardiennage. De plus, la déprise entraîne un embroussaillement très fort favorable au peuplement de lynx. 
Dans les Vosges alsaciennes où la réintroduction du lynx a été très populaire localement, la fronde est venue principalement des chasseurs. En effet, l'Alsace et la Moselle ont gardé l'organisation de la chasse issue de l'époque allemande. Le système fonctionne par lots qui sont l'objet d'adjudications représentant des sommes d'argent importantes. Le nombre de chasseurs par lot devait être limité pour restreindre le nombre de chasseurs en des temps des faibles densités d'ongulés sauvages. La conséquence est que le chasseur a l'impression que le territoire et le gibier lui appartiennent et le lynx apparaît bien souvent comme "un braconnier à quatre pattes". Alors que les chasseurs ont l'impression de gérer les effectifs de gibier "en bon père de famille", l'idée que les lynx, prolifiques, déciment les populations d'ongulés (chamois et surtout chevreuils) est très activement relayée et dénoncée.
Compte tenu des faibles impacts du lynx sur l'élevage de mouton, des études contredisant la baisse des effectifs de chevreuil et de la grande discrétion du félin, la situation est en général beaucoup moins tendue que dans les territoires à ours et à loups.

Farid Benhammou, le 15 mai 2006

Pour citer cet article :  

« Le lynx : l’Est et les Alpes », Géoconfluences, mai 2006.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2006/popup/Benhamlynx.htm