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Mexico, au risque de son développement : documents annexes

Publié le 24/03/2006
Auteur(s) : Samuel Rufat, agrégé de Géographie - Laboratoire Géophile à l'ENS de Lyon

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Ci-dessous dans l'ordre : Mexico, de la macrocéphalie à la mégalopolisation / Accès au foncier et ségrégation sociospatiale / Pollution atmosphérique et indice de la qualité de l'air

 

Mexico, de la macrocéphalie à la mégalopolisation

La macrocéphalie s'explique par une série de facteurs, le site exceptionnel de Mexico, la permanence de structures étatiques centrées sur le Valle de Mexico, et une centralisation politique et économique. Le choix d'un bassin fermé par de hautes montagnes, loin de toute rivière ou étendue d'eau douce, se justifie par la variété des milieux agricoles complémentaires : forêts, marécages, pâtures, labours sur des sols légers et jeunes issus des cendres volcaniques. La cuvette endoréique abrite de hautes terres, avec un climat tropical dégradé aux températures tempérées, connaît une saison sèche marquée de décembre à mai. Les contrastes écologiques, hydrologiques et topographiques permettent des complémentarités agricoles entre terres froides et tempérées, favorisant le maintien de hautes densités. Ces complémentarités ont permis le développement de cités-Etats successives (Tula, Teotihuacan, Tenochtitlan), asseyant leur domination sur le cœur du continent. En construisant Mexico, ville terrestre et administrative, par dessus Tenochtitlan, lacustre et militaire, à partir de 1522, les Espagnols se posent en héritiers des précédents empires. La centralisation se poursuit et, dès la fin du XIXe siècle, la concentration des activités industrielles et commerciales fait de Mexico une métropole isolée dans un semi désert économique. L'explosion urbaine se poursuit jusque dans les années 1970, la première phase de la transition démographique s'accompagne d'une politique d'industrialisation. Le décollage industriel date de la fin des années 1930, avec la nationalisation des compagnies pétrolières en 1938 et la création de PEMEX, qui permet au Mexique de développer une industrie de base puis de substitution aux importations. Mexico devient le grand centre industriel du pays, avec un quart de la production industrielle nationale en 1940 ; l'apogée date de 1960 avec près de la moitié des employés et un tiers des établissements industriels. La forte croissance économique du Mexique entre 1940 et 1970 (croissance du PIB de 6 à 7% par an), repose en grande partie sur cette industrialisation.

La progressive saturation du centre se traduit par des tentatives de déconcentration industrielle ; d'abord vers la périphérie, puis vers les villes de la Région Centre, alors que la Ville Centre se désindustrialise dès la fin des années 1970. Aujourd'hui, l'agglomération a retrouvé son poids industriel des années 1930, mais elle conserve une forte productivité, avec un peu moins du tiers de la production pour un cinquième de la population active industrielle. La tertiarisation transforme les paysages urbains, même si l'essor fulgurant du secteur tertiaire (39% actifs en 1980, 71% en 1990) est dû à l'effondrement des secteurs primaire et secondaire après la crise de 1982, ainsi qu'à l'explosion des activités informelles. Ces changements fonctionnels accompagnent l'étalement urbain : l'espace urbanisé double entre 1970 et 2000, alors que la densité décroît de 127 à 117 habitants/ km². La création de zones industrielles dans les communes agglomérées du Nord, de part et d'autre de la Sierra de Guadalupe, produit dans les années 1960 un double couloir industriel dans le prolongement des quartiers centraux et d'Azcapotzalco. Dans les années 1970, ce sont les capitales voisines du DF qui accueillent les nouveaux établissements, structurés par la déconcentration automobile (Puebla, Cuernavaca, Toluca). C'est Puebla, sur la route qui relie Mexico au port de Veracruz, qui profite le plus de l'asphyxie du DF, avec l'implantation de l'usine Volkswagen puis l'autoroute qui la met à 2 heures du plus grand marché du pays.

 

Accès au foncier et ségrégation sociospatiale

La moitié du sol urbain actuel de l'agglomération échappait originellement à la propriété privée. Il s'agit d'une part des terrains fédéraux de l'ancien lac de Texcoco, d'autre part des terres collectives issues de la Révolution, les ejidos. La réforme agraire de 1916 a distribué les grandes propriétés en usufruit, chaque communauté agraire reçoit des terres et forme un ejido. La Constitution le rend inaliénable, une loi de 1991 offre dans certains cas la possibilité de céder ou de vendre la terre, mais il conserve sont caractère inconstructible. Le gouvernement reconnaissait dans les années 1970 qu'il était non seulement incapable de produire, mais aussi de contrôler la production de logements pour tous ceux qui ne pouvaient y accéder par le marché [1]. Il a été contraint d'accélérer les régularisations dans les années 1980, ce qui a fait descendre la proportion de l'habitat informel sous les 20% après 1995. Même si la régularisation urbanistique (réseaux, voirie, services) suit souvent celle du foncier, les conditions d'habitabilité sont très contrastées et très souvent médiocres (matériaux, surface, hygiène). La stratégie du fait accompli ou "parachutage" est la plus prisée : sous l'autorité d'un chef local (cacique), plus ou moins soutenu par un syndicat, un parti politique ou le pouvoir local, un groupe important de personne s'installe sommairement sur les terrains visés, puis se met à réclamer l'installation des réseaux et des services urbains. Les quartiers aisés se sont développés symétriquement, vers l'Ouest, sur les anciennes rives assainies et les premières pentes. La majeure partie de l'extension du tissu urbain est due aux lotissements de villas (colonias) qui fleurissent hors du centre dès début du XXe siècle, chacun pour une catégorie de revenus précise, et représentent ¾ de l'espace urbanisé du DF. Lorsqu'ils sont bien situés, ces lotissements se valorisent avec l'âge ; mais les plus riches préfèrent s'installer dans les anciens villages précoloniaux (Coyoacan, San Angel), recherchés pour la qualité de l'environnement, ainsi que les nombreux équipements installés dans le sud à partir des années 1960 (centre commercial Périsur, Université, site olympique). Plus loin vers l'ouest et le sud-ouest, des résidences fermées se développent sur des sites conquis sur les pentes reboisées ou les coulées de lave consolidées (Alvaro Obregon, Pedregal), à l'écart des aléas, de la circulation et de la pollution.

L'habitat informel s'est donc développé au contact entre le DF et l'État de Mexico, par une appropriation illégale, grâce à l'attitude permissive des autorités. Cette appropriation informelle a nécessité la création de nouvelles communes : Nezahualcóyotl, issue de la commune de Chalco, est créée en 1965 pour donner un cadre légal au lotissement des terrains fédéraux lacustres. Cet habitat précaire, sans eau potable, égout ni électricité, est généralisé dans l'Est de l'agglomération. Il est difficile de parler de "bidonville", malgré sa coexistence avec les décharges à ciel ouvert : seules les avenues principales sont goudronnées, mais le quartier est peu à peu construit "en dur". Il s'agit en fait d'auto construction progressive (durcification), un habitat pauvre et monotone de parpaings et de terrasses, en travaux continuels, mais avec un début de promotion sociale des parties plus anciennes (peinture de façades, boutiques). La commune, avec 1,2 (recensement) à 3 millions selon les études, a été le symbole de la pauvreté, de la précarité et de la revendication, au Mexique, notamment avec l'image de l'écheveau de fils électriques par dessus l'autoroute. Le manque d'eau potable a conduit les habitants à creuser des puits qui donnent une eau saumâtre et souillée par les déchets. La croissance a été foudroyante, de 6 000 habitants en 1950 à 600 000 en 1970, les nouveaux venus continuent à affluer et la commune accueille ¼ des migrants arrivant dans l'État de Mexico. D'autres banlieues pauvres ont pris le relais (Ecatepec, Chalco), poursuivant la logique d'une croissance urbaine le long des axes autoroutiers avec des migrants qui s'installent dans les zones basses à la frontière entre le DF et l'État de Mexico.

 

Pollution atmosphérique et indice de la qualité de l'air

Dans les années 1970 on attribue une part égale à l'industrie et à l'automobile dans la formation de la pollution atmosphérique : la ville englobe dans son tissu la raffinerie d'Azcapotzalco, des cimenteries et de nombreuses chaufferies fonctionnant grâce au fioul bon marché. Dans les années 1980, le fioul est remplacé par le gaz, moins polluant, et l'industrie lourde subit de plein fouet la crise économique : le thème de la pollution industrielle a laissé place à celui de la circulation automobile, qui représente aujourd'hui près de 80% des émissions. Le problème des transports est lié à l'étalement urbain, les artères principales sont au bord de l'asphyxie, en saison des pluies la circulation peut être bloquée des heures par les débordements d'égout. La circulation automobile a des racines très anciennes à Mexico : l'autobus remplace le tramway dès les années 1940, la première autoroute urbaine perce la ville d'est en ouest au début des années 1950 (Miguel Aleman), deux périphériques concentriques sont construits dans les années 1970. La multiplication des autoroutes urbaines (circuito interior, viaducto, periferico) ne permet pas de désengorger la ville, en 2005, le projet de troisième étage sur le périphérique a donné une nouvelle fois lieu à une consultation publique. Le métro apparaît comme une solution, il est rapide, silencieux, et non polluant. Ce métro, inauguré en 1968 pour les JO, a été conçu sur le modèle du RER, mais il est victime de son succès : il transporte chaque jour plus de 5 millions de passagers sur les 189 km du réseau. Les taxis collectifs ont profité de la privatisation des compagnies de bus dans les années 1990, mais ils sont encore insuffisants, surchargés et chers pour les moins favorisés.

Le Ministère de l'environnement du DF crée en 1986 le Système de surveillante atmosphérique [2] (Simat), qui publie quotidiennement un Indice métropolitain de la qualité de l'air [3] (Imeca) et des études synthétiques annuelles [4], permettant de suivre l'évolution de la pollution de l'air. Elle reste importante, mais les efforts ont permis de diviser les émissions de plomb et d'hydrocarbures par trois au cours des années 1980. La généralisation des pots catalytiques a permis une forte baisse des émissions d'oxydes de soufre (SOx) : après un pic en 1990 au dessus de 0,1 parties par million, la concentration moyenne a chuté jusqu'à 0, 02 ppm en 2004. De même, après un pic au dessus de 0,25 ppm en 1991, la concentration d'ozone a diminué jusqu'à 0,15 ppm en 2004. La concentration des microparticules en suspension, après un pic au dessus de 900 µg/m3 en 1991, est passée à 350 µg/m³ en 2004. Mais les concentrations d'oxydes d'azote (NOx) ne diminuent pas, elles fluctuent entre 0,2 et 0,3 ppm, avec un pic en 1997, du fait de l'augmentation du nombre de véhicules.

 

Notes

[1] Mexico est la métropole latine qui a consacré le plus gros effort pour loger les exclus du marché : plus d'un quart des logements de la ZMCM sont dit "d'intérêt social". Mais ils étaient destinés aux salariés des entreprises publiques et non aux plus pauvres, vivant du secteur informel (la moitié des actifs) ; de plus, la crise de 1982, en provocant une forte paupérisation des classes moyennes, a mis un coup d'arrêt à cet équilibrage.

[2] www.sma.df.gob.mx/simat

[3] www.sma.df.gob.mx/simat/pnimeca.htm

[4] www.sma.df.gob.mx/simat/anuales/inf_anual_2004.pdf

Samuel Rufat, le 24 mars 2006

Pour citer cet article :  

Samuel Rufat, « Mexico, au risque de son développement : documents annexes », Géoconfluences, mars 2006.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2006/popup/Rufat.htm