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Savoirs, pratiques, innovations et changement de paradigme de l'agriculture dans la région du lac Alaotra (Madagascar)

Publié le 23/06/2011
Auteur(s) : Eric Penot - Cirad
Andriatsitohaina Rakotoarimanana - Cirad

Mode zen

1. Les savoirs, les pratiques, leurs évolutions

2. Les processus d'innovation et les changements techniques et sociaux

La région du lac Alaotra est une région clé de l'agriculture malgache, un des principaux greniers à riz de Madagascar. Elle a par ailleurs toutes les caractéristiques d'un front pionnier permanent à l'échelle d'un vaste bassin versant : forte croissance démographique, migration des Betsileos et des Merinas, ethnies des Hautes Terres du centre et du sud du pays et en conséquence la colonisation des marais et des tanety (zones de collines où dominent l'agriculture exondée).

Localisations du lac Alaotra et contexte régional

Localisation Google Maps du lac Alaotra

http://maps.google.fr/maps?/.../=h&hl=fr

Carte ci-contre : réalisation H. Parmentier

Cette dynamique d'expansion agricole a été jusqu'à présent globalement maîtrisée par la société Sihanaka (et principalement ses notables), ethnie locale du lac qui, avec les Merina, Betsiléo et Betmimisaraka, fait partie du groupe originel indonésien issu de la première vague de migration et de colonisation de l'ile entre le Ve et le VIIe siècle. Cependant, la productivité des périmètres irrigués stagne et la situation foncière se complexifie [2] (Devèse, 2006). Une approche durable s'avère indispensable dans des milieux où domine l'érosion, la pauvreté des sols de tanety, le caractère fortement aléatoire des productions dans les zones de "rizières à mauvaise maîtrise d'eau" (RMME), un contexte économique difficile, des filières de commercialisation à reconstruire et un contexte de front pionnier permanent avec le doublement de la population tous les 18 ans.

Région du lac Alaotra : caractéristiques et contrastes

Les formes d'érosion, principalement dans les tanety

Des lavaka

Clichés : Eric Penot, 2010

Autour du lac Alaotra, Madagascar : mise en valeur

Sur ce croquis : les tanety (zones de collines, sols ferralitiques à faible fertilité) ; les baiboho (sols colluviaux avec remontée capillaire de  l'eau en contre saison)

Les photos ci-contre illustrent le phénomène de lavaka ("trou" en malgache) ou effondrement de la colline. Favorisé par la présence d'une nappe d'eau et de couches géologiques particulières (de nature ferralitique, plus ou moins lixiviées et plus ou moins agileuses) il aboutit à une érosion spectaculaire. Le phénomène peut éventuellement être localement accéléré par l'action de l'homme mais il est essentiellement d'ordre géologique sur plusieurs milliers d'années. Les lavaka  génèrent des quantités importantes de sables et de limons qui rehaussent le lit des rivières , modifient les cours d'eau et surtout ensablent les infrastructures hydrauliques locales.

Sur la photo ci-dessus : le lavaka est déjà bien avancé ; la destruction de la colline s'arrête quand la crête est atteinte.

Les caractéristiques des formes d'agricultures actuelles face aux défis d'un développement durable de l'agriculture malgache dans la région du lac Alaotra impliquent une réflexion en profondeur sur les modalités d'adaptation et sur les processus d'innovation dans un contexte de très grande diversité des exploitations agricoles. Comment se font l'introduction et la diffusion des savoirs ? L'objectif de cet article est de comprendre les stratégies paysannes et les déterminants des réels changements techniques et sociaux de cette région riche d'histoire et d'actions depuis la colonisation en 1898, en séparant les mythes, souvent tenaces, des réalités.

La région du lac Alaotra, lieu d'intervention privilégié des projets de développement depuis les années 1960

La Société malgache d'aménagement du lac Alaotra (Somalac)

La Société malgache d'aménagement du lac Alaotra (Somalac) a porté son attention sur les périmètres irrigués de 1960 à 1991 date à laquelle le désengagement de l'Etat a stoppé son action. De 1990 à 1994 le projet Imamba-Ivakaka a concerné le foncier et les aménagements anti érosifs. Enfin, depuis 2003, le projet  BV Lac concerne le développement intégré au niveau bassin versant (voir ci-dessous). Ce dernier intègre les cultures pluviales sur tanety avec les systèmes de "semis direct à couverture végétale" (SCV) ou de l'"agriculture de conservation" (AC selon la définition de la FAO [3]), les zones de "rizières à mauvaise maîtrise de l'eau" (RMME) et les périmètres irrigués à maitrise complête de l'eau (PC 15 - Vallée Marianina). Le tableau de l'encadré infra (périodisation et principales innovations) rappelle une périodisation basée sur les principales introductions d'innovations techniques et organisationnelles de 1890 à nos jours.

Le projet BV Lac

Dans un contexte de dégradation accélérée des ressources, l'objectif est de repenser complètement l'appui aux systèmes de cultures des paysans afin d'en garantir la durabilité. Le projet repose sur une approche en termes de gestion des terroirs intégrant versants et rizières. Mis en œuvre depuis 2003, programmé jusqu'en 2013 à travers le projet de mise en valeur et de protection des bassins versants du lac Alaotra (BV Lac) financé par l'Agence française de développement (AFD) il comporte les actions suivantes :

  • la sécurisation foncière ;
  • l'agroécologie ;
  • le traitement des ravines et des lavaka (encadré supra) ;   
  • la lutte contre les feux de brousse ;
  • la vulgarisation de nouvelles variétés de riz polyaptitude [4] ;

.../

 

  /...

  • l'intégration de l'agriculture et de l'élevage ;
  • l'amélioration de la santé animale (bovin et petits élevage) ;
  • les travaux d'infrastructures de désenclavement, d'approvisionnement en eau potable ;
  • la construction/réhabilitation d'aménagements hydroagricoles ;
  • le crédit agricole, en lien avec une banque et avec des institutions de microfinance implantées dans la région ;
  • l'appui à la structuration paysanne (animation, formation, organisation et appui aux organisations paysannes).

     

Le périmètre de culture n° 15 (PC 15)

Cliché : Eric Penot, 2010

Situé en périphérie de la principale ville de la zone, Ambatondrazaka, le périmètre de culture n° 15 (PC 15) a été créé dans les années 1950, il est alimenté par le barrage de la Beava et il offre 2800 ha de rizières irriguées à très bonne maitrise de l'eau. Il a été intégré à la Somalac de 1961 a 1991. Depuis cette date , l'entretien lourd est assuré par l'AFD alors que la gestion de l'eau et l'entretien courant est assuré par la FAUR, fédération des 16 Associations des usagers de l'eau (AUE). Ce périmètre est très bien géré localement et il constitue un exemple intéressant de bonne gestion par les populations locales. Les collines à l'arrière plan constitue la zone nord-est du lac où se développent les techniques de l'agriculture de conservation (AC) sur tanety.

Les savoirs, les pratiques, leurs évolutions

Les systèmes d'activités (une exploitation agricole = un ménage au sens décrit par E Chia 2006) ont beaucoup évolué depuis les années 1930 au lac Alaotra à Madagascar. La pluri-activité est venue compléter les revenus agricoles pour les plus pauvres. Cette pluri-activité inclue la diversification des activités agricoles (élevage, bois, fruits et maraichage de contre saison…) et surtout les activités non agricoles (off-farm) : saisonnières chez les autres paysans voisins pour les plus pauvres, activités de collecte, de transformation et de vente des produits (décorticage), de transport (suite à l'acquisition d'un motoculteur de type "kubota" (petits motoculteurs multi usages de marque chinoise, au prix très attractif, utilisé pour le labour, les facons culturales et le transport), activités de services ou emplois en ville…  

Les pratiques et les systèmes agricoles ont progressivement mais fondamentalement changé, tant en riziculture irriguée qu'en agriculture pluviale, du fait des introductions techniques et organisationnelles variées. Elles ont abouti à de véritables systèmes d'innovation centrés sur les priorités et les opportunités des agriculteurs selon les époques : 1) labour, repiquage et traitement herbicide pour la riziculture irriguée depuis les années 1960 et 2) utilisation de variétés améliorées, d'engrais et de traitements herbicides, puis de pratiques "semis direct à couverture végétale" (SCV) pour le cultures exondées sur les tanety. Le tableau ci-dessous à droite associe à une périodisation historique les introductions de savoirs et le développement de savoir-faire et de pratiques selon les époques.

Les savoirs locaux se sont très fortement enrichis avec de profondes mutations depuis 80 ans (Penot & Garin, 2009), déjà anciennes pour la riziculture irriguée (depuis les années 1950) et plus récentes pour l'agriculture pluviale (années 1980). Elles constituent de véritables changements de paradigmes pour les agriculteurs. Une telle masse de "savoirs" déversés dans une sorte de "front pionnier" permanent pose le problème de la différenciation entre savoirs et savoir-faire, des pratiques réelles qui en découlent et de l‘impact de ces savoirs sur les paysages et les modes de mises en valeur. Les priorités stratégiques des producteurs, initialement centrées sur la riziculture irriguée se sont modifiées avec la mise en valeur des tanety. L'intégration progressive agriculture-élevage et la petite motorisation modifie également les pratiques d'élevage traditionnellement extensif. Le zébu devient un moyen de production (bœufs de trait, engraissement..) et plus seulement une forme de capitalisation.

Périodisation et principales innovations techniques et organisationnelles du XIXe à nos jours.

 

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C'est au cours des années 1980 que la riziculture pluviale a permis la poussée pionnière des tanety et des baiboho, sols colluviaux avec remontée capillaire de l'eau en contre saison. La riziculture pluviale est possible dans de très bonnes conditions sur les zones de baiboho, (40 000 ha) et dans des conditions plus risquées sur les zones de tanety (10 000 ha voire plus vers l'Ouest) (cartes ci-dessous). La saturation du foncier de plaine rizicultivable amène les paysans à coloniser de plus en plus les tanety : dans l'Est (zone d'Imerimandroso) et dans les zones les plus reculés de l'Ouest, certaines familles n'ont plus accès aux rizières irriguées ou aux "rizières à mauvaise maîtrise de l'eau" (RMME).

Région du lac Alaotra, carte du milieu physique

Partie nord, avec légende (8,4 Mo)
Partie sud (5,8 Mo)

Réalisation : Institut de recherches agronomiques tropicales

À partir de 1978, la station du Centre agronomique du lac Alaotra (CALA) a commencé à diffuser de nouvelles variétés de riz pluvial à cycle plus court (100-110 jours) ce qui permet de récolter en période de soudure. Mais le riz pluvial exige de 1 à 3 sarclages pour un bon rendement ce qui constitue une nette intensification en travail. Le désherbage chimique économisateur de sarclages est également partiellement adopté. Une partie du fumier traditionnel sec (la poudrette de parc, à partir des déjections des parcs à zébus, aux qualités dégradées par rapport au vrai fumier humide) est alors transférée sur les tanety et non plus exclusivement sur les rizières aquatiques [5].

Les zones de baiboho sont devenues extrêmement intéressantes car elles permettent un bon accès à l'eau par remontée capillaire en saison sèche autorisant sans risque majeur les cultures de contre-saison ou des plantes de couverture (Styloxanthes, Vesce, Bracharia, Dolique, niébé et vigna spp,  Crotalaria spp etc.) dans les systèmes de type "semis direct sous couverture végétale" (SCV). Ce sont des zones où l'intensification est la plus payante si l'enherbement est maitrisé.   

D'un autre côté, la riziculture irriguée s'est modernisée à partir des années 1950 mais sans apporter de solution miracle que d'aucuns escomptaient. Avec les travaux d'aménagement entrepris par l'administration coloniale (1930-1958) puis par la Somalac après l'indépendance (1961-1990), la surface des terres en riziculture irriguée dans la région du lac est de 30 800 ha en 2010. Les périmètres traditionnels hors Somalac occupent 12 470 ha, ceux des paysans ayant aménagé des rizières irriguées par des drains en aval des périmètres irrigués "officiels" (ou in-mailles, mailles correspondant  à des canaux d'irrigation dans le périmètre officiel) couvrent 70 000  ha en 2009 (zones RMME). Le bilan des trente années de la Somalac est mitigé malgré des acquis indéniables [6].

Une riziculture irriguée modernisée s'est cependant progressivement mise en place entre 1950 et 1990. Elle est basée sur l'adoption massive du labour attelé et du repiquage en ligne (un véritable premier changement de paradigme), sur l'utilisation d'une sarcleuse, la maîtrise de l'eau, la fertilisation de type urée, au moment de la montaison, et le désherbage chimique. On est ainsi passé d'une riziculture traditionnelle du XIXe siècle avec piétinage et semis à la volée, faiblement productive, à une riziculture irriguée intensive donnant une moyenne de 2,5 t/ha de paddy (riz non décortiqué) autour du lac et un maximum de 4,5 t/ha pour le périmètre le plus productif. La figure ci-contre montre la répartition des rendements sur les parcelles cultivées de ce périmètre pour l'année 2005-2006 (source rapport Andriko, 2006).

Le désengagement de l'État (arrêt de la Somalac en 1991) a nécessité l'organisation des producteurs autour de la gestion de l'eau (financement par une redevance). Mais, par manque d'entretien "lourd" des réseaux, moins de 50% de la surface de 30 000 ha de riziculture irriguée mise en œuvre en 1990 restent en totale maîtrise de l'eau en 2010. Lorsque l'irrigation est réellement maîtrisée elle apporte un niveau de productivité et de sécurité certain qui a cependant généré un mythe : la sécurité alimentaire par l'irrigation.

Tous les grands périmètres demandent un entretien lourd qui ne peut être supporté que par l'État, qui constitue un investissement national dans la production rizicole (éventuellement considéré comme une "subvention" à la production) et qui participe à la recherche de l'autosuffisance. Les usagers sont représentés par des organisations de producteurs fiables, bien gérées, socialement fortes pour appliquer des règles voulues ou acceptées par les populations locales. Si ces conditions d'ordre politique et social ne sont pas satisfaites le système s'écroule progressivement. Plus de 50% des rizières initialement irriguées en 1990 sont maintenant en maîtrise partielle de l'eau (RMME). Au final, le mirage d'une révolution verte rizicole irriguée aura duré 30 années jusqu'au retour à une dure réalité devant le coût global des infrastructures hydro-agricoles et au désengagement de l'État en 1990. Les rendements des principaux systèmes de culture rizicoles du lac sont montrés dans le tableau ci-dessous.

Les formes de la riziculture : riziculture irriguée, riziculture en maîtrise partielle de l'eau

Clichés : Eric Penot, décembre 2009

  • à gauche, rizières a mauvaise maitrise d'eau (RMME) à l'aménagement sommaire (diguettes) et avec un accès à l'eau très aléatoire ou dépendant du pluvial. Les rendement de ce type de riziculture sont très hétérogénes et dépendent de la quantiét d'eau de pluie effectivement recue ;
  • à droite : repiquage de la variété Makalioka en riziculture irriguée, PC 15.

     

Les processus d'innovation et les changements techniques et sociaux

Dans un contexte de dégradation accélérée des ressources naturelles de la région du lac Alaotra, il est apparu nécessaire de repenser complètement l'appui aux systèmes de cultures locaux pour les améliorer et pour en garantir la durabilité (Devèse, 2006). La principale innovation sur les tanety, les baiboho et dans une moindre mesure en RMME a été l'introduction progressive, puis l'adoption à relativement large échelle, des systèmes SCV (Domas et Penot, 2008, Chabiersky, Penot et al, 2008). Les tanety et les baiboho ouvrent une large gamme de situations agro-écologiques qui nécessitent des techniques diversifiées et localement adaptées pour une production régulière et durable (réduction des risques), une protection des sols contre l'érosion et une "mise en défens" aboutissant également à une renégociation des relations agriculture - élevage.

Une approche en termes de gestion des bassins versants avec le continuum tanety/baiboho/rizières a été initiée depuis 1998 et réellement développée depuis 2003, basée sur les techniques de l'agriculture de conservation (systèmes SCV), l'aménagement concerté des bassins versants, l'intégration des relations agriculture-élevage et la prise en compte des stratégies paysannes (Penot, 2008). Le suivi, depuis 2003, de plusieurs centaines de parcelles, encadrées par les opérateurs  Bas-Rhône Languedoc (BRL) et Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), a permis la création d'une base de données solide sur les résultats réellement observés en milieu paysan (Penot, 2010). En effet, les techniques novatrices de l'agriculture de conservation (elle repose, selon la FAO sur les trois principes suivant : non labour, plantes de couverture associés et rotations) impliquent l'abandon du labour ou de tout travail du sol, la combinaison de plantes dont certaines ne sont pas productives mais qui génèrent, au sein du système, des services et des externalités positives et des rotations adaptées [7]. Le riz pluvial reste la priorité des agriculteurs dans les rotations et la stratégie adoptée par les paysans est massivement  orientée vers les systèmes à bas niveaux d'intrants, comme dans les systèmes conventionnels. Le rôle des engrais organiques, compost et surtout du fumier de parc devient crucial puisque unique.

Agriculture de conservation en zone de tanety

Cliché : Eric Penot, juin 2007

Paillage des cultures de contre saison (maraichage de plein champ) après et avec la paille de riz de la saison précédente. Zone de tanety à l'ouest du lac, ouest d'Amparafaravola.

Google Earth. Pointeur .kmz sur Amparafaravola : 17°35'11.17"S / 48°13'17.77"E

L'image montre les zones de tanety (collines, sols ferralitiques à faible fertilité) avec des petits bas fonds étroits où se concentre la riziculture irriguée ou éventuellement RMME si l'eau n'est pas suffisante, alimentée par des sources et la captation des eaux de pluies du bassin versant.

Ces nouvelles techniques constituent un véritable changement de paradigme à double titre : d'une part sur le plan des pratiques avec l'abandon du labour, l'intégration de plantes de service et des nouvelles rotations nécessitant une réflexion des systèmes et des pratiques sur le moyen et long terme et d'autre part sur le plan de la durabilité des systèmes en passant d'une agriculture de type "minière" (avec destruction progressive du potentiel "sol") à une agriculture de conservation. Ce double changement de paradigme des pratiques et des stratégies implique un investissement très important en formation technique et en appui des services associés pour assurer son adoption.

Pour mettre en œuvre ces systèmes intensifs, les agriculteurs doivent disposer de trésorerie ou de crédit. Les efforts conjugués du projet BV Lac, des banques et des institutions financières locales a permis de rendre accessible à presque tous le crédit, en particulier le crédit à caution solidaire, avec toutes les réserves habituelles sur les conditions de développement de ce type de crédit [8]).  Les systèmes de type SCV ne peuvent également se développer sans prise en compte des services à l'agriculture (information technique de qualité, techniques d'étables fumières et de compostage pour limiter l'emploi des engrais chimiques, groupements pour l'accès au crédit à caution solidaire, commercialisation des produits et information sur les marchés,…) et sans un effort d'apprentissage contextualisé important (Serpantié, 2009).

L'évolution des techniques de fumure : du parc traditionnel aux pratiques de stabulation en parc couvert

C'est de ce type de parc non couvert qu'est tirée la "poudrette de parc" séche qui comporte du potassium (K), du phosphore (P) mais qui est pauvre en azote (N).

Parc couvert dont la fumure est de meilleure qualité

Clichés : Eric Penot, avril 2011

Il faut rappeler que les systèmes SCV économiquement et agronomiquement performants, tout comme les Systèmes de culture conventionnels (SCC) sans jachère, ont généralement recours à des intrants chimiques (engrais minéraux, phosphore et potasse plus particulièrement ; herbicides ; traitement accru des semences) et éventuellement à des équipements plus ou moins onéreux (semoir spécifique, canne planteuse, épandeur d'herbicide, matériels peu utilisés à Madagascar). Le recours à ces intrants et à ces équipements est souvent indispensable et permet de faire face à des aléas (prolifération d'adventices, paillage pas assez épais, parasitisme, etc…) et d'intensifier la production.

Globalement , les résultats issu de l'analyse des bases de données parcelles du projet BV lac (en 2010 plus de 3 000 parcelles suivies depuis 2004) montre que, si c'est bien  l'intensification par les engrais qui augmente les rendements, en labour comme en SCV [9]), cette intensification n'est pas durable et abouti rapidement à la diminution de la matière organique et de la fertilité des sols ferralitiques relativement dégradés et fragiles des tanety du lac. Avec des techniques SCV la fertilité des sols semble maintenue et non plus dégradée et ces pratiques introduisent de la durabilité dans l'activité agricole, ce qui est bien le principal effet attendu de l'agriculture de conservation : les rendements en SCV sont stables avec une très légère tendance à la hausse sur 5 ans alors qu'en système conventionnel, les rendements en céréales baissent pendant les 4 ou 5 premières années, puis le producteur plante du manioc pendant 2 à 4 ans puis laisse le terrain en jachère. Sur la durée, les systèmes SCV permettent clairement de maintenir une production en céréales/légumineuses. Au bout de 10 ans, la production totale du système en est significativement accrue.      

Pourcentage des parcelles abandonnées et causes de leur abandon  la seconde année(rentrée effective en système SCV)

Les taux d'abandon du système SCV sur la zone du projet BV Lac sont encore relativement élevés, entre 40 et 60% entre l'année zéro (en labour) et l'année 1 (première année SCV) selon les années. Le tableau ci-contre montre les principales raison d'abandon : la tenure foncière (insécurité en fermage ou métayage) apparait comme la première contrainte, suivi du non respect des techniques proposées ce qui suppose que soit le système proposé n'est pas adapté aux contraintes du paysan, soit que le producteur ne soit pas prêt au changement de paradigme, soit, aussi, que l'encadrement technique n'ait pas été bon.

Cause d'abandon principale %
 Problème foncier 34
 Problème technique 22
 Problème financier 15
 Changement d'exploitant 19
 Divagation, feu de brousse 7
 Autres 3
 Total 100

Source : rapport BRL, 2010

Enfin, l'intégration agriculture–élevage est une priorité associée aux SCV d'une part pour assurer les transfert de fertilité, garantir des débouchés d'utilisation pour certaines céréales (maïs), diversifier les revenus et permettre un aménagement des pratiques et des territoires équilibré entre zones de production agricole et forestière, entre zones de pâturages et de protection/conservation. Plusieurs études sont en cours en 2010 pour identifier les processus d'innovation et la perception des agriculteurs à moyen terme sur la validité de ces systèmes (pour les "adoptants" de plus de 5 ans) (Domas et al, 2008).

La tendance globale est à la diminution importante du cheptel bovin et à une évolution de son utilisation, de type "capitalisation", vers une forme plus utile et productive : animaux de trait, engraissement et plus timidement production laitière. On observe donc la fin de "l'hégémonie du zébu", qui servait à capitaliser et, anciennement, à mettre en œuvre des rizières. Parallèlement, une double diversification s'opère avec les petits élevages  (oie et canards) et avec une diversification "porcs" pour les non Sihanakas car pour ces derniers la pratique de l'élevage de porc est encore interdite. L'élevage constitue souvent une valorisation intéressante de nombreuses productions en rotation avec le riz dans les systèmes SCV (maïs, autres légumineuses, dolique etc…).

Les pâturages de bord du lac se réduisent du fait du développement des cultures pluviales sur tanety alors que, dans le même temps, le cheptel bovin a été réduit du fait des risques de vol (enquêtes 2007). La vaine pâture existe toujours mais sur de plus petits parcours pour des raisons de sécurité (insécurité croissante dans l'Ouest du pays  où sévissaient les voleurs de bétail ou "Dahalo" dans les années 1980) et elle reste confinée dans les abords des villages. Les familles limitent volontairement leurs troupeaux à une trentaine de têtes ou moins. En saison sèche, le fourrage pour les zébus devient une ressource rare et la paille de riz est alors utilisée car il n'y a aucune technique de conservation des fourrages de type foin ou ensilage. La charrette devient alors indispensable renforçant le besoin en traction attelée.

Le système élevage et agriculture : deux exemples contrastés (descriptions)

Une exploitation en voie de décapitalisation, sans élevage bovin

L'exploitation O16 est située dans le village d'Ankorika à l'ouest du lac. Elle est en voie en décapitalisation car le chef d'exploitation ne peut pas investir dans l'agriculture ou l'élevage, ses revenus finançant en priorité la scolarisation de ses enfants et l'entretien de base de sa famille.

Cette exploitation est représentative d'une agriculture aux limites de la survie.

Voir la description : l'assolement 2008-2009, la gestion du stock de riz, les pratiques d'élevage et de fertilisation.

Bilan : Cette exploitation présente une faible intégration entre l'agriculture et l'élevage. En effet, la fumure qui est épandue sur les parcelles est d'origine végétale et l'alimentation des porcs est achetée. Les seuls flux entre l'agriculture et l'élevage sont d'ordre financier puisque c'est l'argent des récoltes du riz qui peut permettre d'acheter un porc à engraisser en cas de bonne production.

Une exploitation diversifiée axée sur la riziculture avec bovins de trait

L'exploitation O03 est située sur la rive Ouest du lac. Elle est représentative d'une agriculture qui parvient à capitaliser, à investir et à se développer.

Voir la description : l'assolement 2008-2009, la gestion du stock de riz, les pratiques d'élevage et la fertilisation.

Bilan : Ce producteur valorise toutes les déjections sous forme de compost qu'il épand préférentiellement dans ses rizières. Il utilise uniquement la paille de riz produite sur son exploitation pour alimenter ses zébus. En revanche, ses productions de maïs et de soja ne sont pas suffisantes pour nourrir les porcs et il doit acheter la majorité des constituants de la provende. L'élevage porcin, présent toute l'année dans sa ferme, lui permet de diversifier ses sources de revenu (15% du résultat monétaire). Cet atelier vient bien après la vente du riz. Toutefois ce revenu "porcin" s'étale sur l'année et permet de payer la main d'œuvre des travaux rizicoles.

 

 

 

Source : "Analyse des relations agriculture-élevage et place des techniques d'agriculture de conservation au sein d'exploitations du lac Alaotra (Madagascar)", projet ANR PEPITES, rapport d'étude, Cirad / UMR Innovation, Montpellier, mai 2010 www.orpd.mg/rapports_stagiaires/Etude_FSA.pdf

Adaptation : S. Tabarly

À cette évolution importante des pratiques d'élevage et du rôle social du zébu s'ajoute le développement des transports et le développement de services de labour qui expliquent l'engouement pour les motoculteurs dans les années 2000.  La petite motorisation à base de motoculteurs a décollé de façon impromptue, en 2004, à la suite d'une excellente production rizicole qui a permis de dégager des surplus importants, immédiatement réinvestis dans l'achat de motoculteurs de marque chinoise ("Kubota") bien moins chers que les modèles japonais (Andriatsitohaina et al, 2009). De 9% des exploitations équipées en 2007, on passe à 30% en 2010 pour le périmètre PC 15-VM. Ils sont utilisés tant pour le travail du sol (labour, hersage,  battage du riz) que pour le transport et la vente de services à d'autres agriculteurs. Les roues cages (roues spéciales pour les motoculteurs travaillant dans les rizières) permettent de raccourcir le temps de hersage (durée 1 jour/ha au lieu de trois passages de herse répartis sur une semaine) et donc de préparer plus tôt les parcelles pour le repiquage. Cette petite mécanisation s'est développée au détriment des animaux de trait, entraînant également une baisse du cheptel de capitalisation, le Kubota devenant une forme d'investissement productif. La combinaison traction attelée/petite motorisation constitue un nouveau changement tant au niveau des pratiques d'élevage que sur le plan social, totalement endogène et sans aucune intervention de l'État ou de projets administrés.

La motorisation progresse : les multiples emplois des motoculteurs "kubota"

Labour en zone RMME très infestée par les adventices, zone est du lac, Ambohipasika
Labour avec roue cage en rizière irriguée, après mise en boue, périmètre PC 15

Clichés : Eric Penot, novembre 2009

La structuration des producteurs en Organisations paysannes (OP) de fonctions diverses, assez proches de la notion de "groupes d'intérêt", lancée trop rapidement dans les années 1990 et pas assez professionnalisée, n'a pas débouché historiquement sur la reprise des fonctions techniques, de crédit et de commercialisation inhérentes à la Somalac dans les périmètres aménagés. Les nombreux changements de cap et de politique et le passage très brutal d'une économie centralisée à une économie de marché sans aucun accompagnement ont laissé des traces profondes dans les mentalités : perte de reconnaissance sociale et de repères dans une société ouverte mais fortement modifiée dans ses structures et ses rapports de pouvoir, perte d'informations et de formation. Les risques sont devenus multiples : incertitudes sur le foncier, incertitudes climatiques, avec une pluviométrie très aléatoire (en quantité, durée et répartition) dans la région du lac, et économiques, avec l'immersion directe des producteurs dans des marchés totalement libéralisés mais aussi désorganisés.

L'analyse des services et de la viabilité des OP (enquêtes BV lac 2007 et 2009) montre que finalement peu d'entre elles (une vingtaine tout au plus sur plus de 600 en 2010) sont réellement efficientes, elles de remplissent pas les fonctions qui leur dévolues : credit, approvisionnement et commercialisation. Le crédit et en particulier les formes de crédit à caution solidaire introduites dans les années 1980 à la Somalac a d'abord été utilisé depuis 2004 pour financer les techniques SCV puis a chuté de façon spectaculaire depuis 2008 avec le doublement du prix des intrants. Là encore, le mythe du crédit à caution solidaire, solution apparemment idéale pour les producteurs capables de gérer de façon endogène le remboursement, a perduré depuis les années 1980 sur une illusion qui n'a pas résisté aux réalités : l'absence de responsabilisation et une individualité marquée des producteurs (Oustry, 2008). Le mythe de la "coopérative" est également tenace alors que ces dernières ont été catastrophiques pendant la période socialiste et ont laissé un mauvais souvenir tenace. On peut raisonnablement se poser la question du devenir de ces OP et de leur capacité à intégrer certaines fonctions des projets actuels après leur fin, programmée en octobre 2013 pour le projet BV-lac par exemple.

Conclusion

La dynamique d'expansion agricole dans la région du lac Alaotra semble bien maîtrisée par les populations locales et les organisations paysannes. Cependant, la productivité des périmètres irrigués stagne. Quels sont alors les déterminants d'une modernisation de l'agriculture familiale dans un contexte d'évolution somme toute assez rapide ? Le patrimoine actuel des savoirs provient d'introductions historiques multiples, essentiellement portées par les projets de développement en général [10]. Ce qui pose le problème du choix de l'approche des projets actuels. Les savoir-faire issus des différentes sources de savoirs impliquent un processus d'apprentissage, de test, d'adaptation, d'interaction avec les acteurs locaux, techniciens et producteurs. Ces acteurs ont besoin de construire leur propre système de connaissances (Penot, Garin, 2009).

Le passage à une riziculture moderne irriguée, la colonisation des tanety et l'adoption des techniques de l'agriculture de conservation, la mini-révolution sur l'intégration agriculture - élevage avec la priorité au zébu de trait par rapport au zébu "capital" et le développement de la petite mécanisation a fini de parfaire une évolution vers une agriculture familiale sans cesse renouvelée qui a montré une aptitude assez remarquable à l'innovation, en particulier par comparaison avec d'autres secteurs, tel le Vakinankaratra sur les Hautes Terres. Les changements techniques qui en découlent, l'augmentation de productivité et la conquête de nouveaux espaces, a permis de maintenir un niveau de vie décent à une population qui double tous les 18 ans et qui exporte une part de ses productions [11].

Même si les résultats économiques n'ont pas toujours été à la hauteur des ambitions politiques affichées, l'État et les bailleurs de fonds associés ont joué un rôle moteur dans le développement régional et les aménagements hydro-agricoles. L'État continue depuis 2003 avec la création des guichets fonciers à promouvoir une politique d'amélioration foncière innovante. Le niveau technique global de la population est élevé et a montré historiquement une capacité d'adaptation et d'innovation remarquable : riziculture irriguée intensive, intégration agriculture-élevage et intégration de nouveaux paradigmes comme les systèmes SCV. Il ne faut donc pas ériger en mythe des réussites qui dépendent essentiellement de contextes particuliers et qui le plus souvent ne sont pas extrapolables, du moins sans prise en charge de mesures adéquates : connaissances du milieu, organisations technique et sociales, approche pluridisciplinaire, développement de services à l'agriculture…

La richesse de Madagascar réside dans la forte capacité des producteurs à innover et à profiter des opportunités  (aménagements hydro-agricoles, agriculture de conservation..) mais l'expérience a montré que dès que l'État se désengage de l'entretien lourd, le système rizicole irrigué périclite. On ne peut pas parler de développement durable dans ces conditions sans un engagement soutenu de l'État. Avec 70% de rizières en RMME et une expansion sur les tanety où le risque climatique prédomine, les paysans ont développé des stratégies de minimisation du risque. Leur objectif principal est la résilience des systèmes de production : la sécurité alimentaire (indépendante ainsi de la volatilité des prix car autoconsommée) avec la riziculture irriguée et des systèmes de type SCV sur baiboho (minimisation des risques climatiques) et tanety, la diversification par l'élevage et les cultures de contre-saison et la pluri-activité.

L'économie du lac est certes une économie de subsistance, condamnée à une productivité sans cesse accrue par la très forte pression démographique, en tant que front pionner, où les gains ne sont donc apparemment pas "visibles" et qui malgré tout dégage des surplus. On est bien obligé de constater le dynamisme important de la région du lac capable d'absorber une telle pression démographique.

Notes

[1] Eric Penot, chercheur Cirad, UMR innovation et URSCA/SCRID, consultant pour le projet BV lac. Andriatsitohaina Rakotoarimanana, Cirad, département Environnements et sociétés, adjoint au directeur du Projet BV Lac.

Cet article est largement issu de "Savoirs, pratiques et changement de paradigme : de l'agriculture irriguée à la colonisation des tanety. Mythe, espoirs et réalités pour un développement durable" au lac Alaotra", ISDA 2010, Montpellier, http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/52/12/82/PDF/ISDA_Penot.pdf

Son adaptation a été réalisée par Jacques Imbernon (ENS Lyon / Cirad) et Sylviane Tabarly (ENS Lyon / Dgesco).

[2] Sur le plan du foncier, le lac Alaotra est une zone relativement bien titrée avec 17% des terrains possédant un titre : toutes les zones Somalac et les anciennes concessions coloniales plus quelques titres privés. Beaucoup d'anciennes concessions coloniales sont maintenant occupées, depuis les années 1960 par des familles locales malgaches. Depuis 2003, l'ouverture du premier guichet foncier de Madagascar, dans le cadre du Programme national foncier (PNF), a permis la distribution d'un grand nombre de certificats fonciers.  Aux confins de la zone du lac commence la forêt ou s'applique la loi "Gélose" qui autorise une exploitation locale commune des ressources naturelles, ce qui peut se superposer aux titres et certificats.  

[3] L'agriculture de conservation (AC) repose, selon la FAO sur les trois principes suivant : non labour, plantes de couverture associés et rotations. L'AC vise donc des systèmes agricoles durables et rentables et tend à améliorer les conditions de vie des exploitants, www.fao.org/ag/ca/fr/index.html

[4] Ces variétés de riz, mises au point au Brésil par L. Seguy, S. Bouzinac et Taller étaient dites "poly-aptitudes" mais toutes les variétés de riz sont poly-aptitudes, de nombreuses variétés irriguées sont cultivées en pluvial en inversement. Ces variétés dites "flexibles" sont susceptibles de commencer leur cycle en  irrigué et de le finir en pluvial ou inversement : elles sont capables de tolérer des manques ou des excès d'eau et peuvent aussi bien être semées que repiquées. 

[5] Le suivi des rendements rizicoles des périmètres irrigués PC15/VM (rapports Andri-Ko de 2000 a 2010) montre une baisse tendancielle des rendements entre 2000 et 2010 de 10 % sur 10 ans ce qui est très vraisemblablement du à cette baisse de l'utilisation du fumier sec et de son détournement partiel vers les tanety).

[6] Il en ressort les constats suivants : 1) l'aménagement hydraulique jugé incomplet et des rendements n'ayant pas augmenté de manière significative, moins de 60% des réseaux étaient correctement irrigués avec extension limitée du repiquage pour 35 à 45% des rizières aménagées ; 2) la politique d'intensification agricole trop rigide, le manque de complémentarité tanety/rizière, et la rentabilité aléatoire des systèmes rizicoles extensifs ; 3) les services d'appui à l'agriculture insuffisamment développés, en particulier pour le crédit rural ; 4) le remaniement foncier trop important et violent par rapport aux structures agraires traditionnelles ; 5) l'échec dans la distribution des titres ; en 1979, 11 000 demandes étaient encore en suspens et, en 1994, seuls 163 riziculteurs avaient pu obtenir un titre sur les 7 600 prévus (Teyssier, 1994), la majeure partie des titres n'a pas été distribuée depuis ; 6) l'arrêt trop brutal de la SOMALAC en 1991 (désengagement soudain de l'État) sans que les Organisation de producteurs (OP) aient eu le temps de prendre la relève ; 7) l'intensification rizicole restée inachevée, avec une diffusion partielle des nouvelles variétés, du repiquage précoce, du désherbage chimique et des différents modes de fertilisation (urée–montaison, fumure de fonds…).

[7] Ceci est conforme avec la définition de la FAO. Il arrive assez souvent que les paysans re-labourent momentanément leur parcelle suite à une très forte pression des adventices impossible a maîtriser. Un labour occasionnel et/ou des pseudo-labour (consécutif à la récolte d'une arachide ou d'une pomme de terre)  ne constituent pas un abandon de la technique en soi mais plutôt un "artefact" temporaire en réponse à une contrainte majeure.

[8] Le crédit à caution solidaire a été popularisé par la Grameen bank au Bangladesh dans les années 1970 : il est basé sur l'obtention d'un crédit à un groupe de paysans formant une caution morale et solidaire pour le remboursement des crédits sans autre garantie matérielle. En cas de non remboursement : l'ensemble du groupe est interdit de crédit. Le remboursement est donc basé sur la pression sociale du groupe.

[9]  En d'autres termes et contrairement à ce qui a pu être dit localement dans le passé en confondant les  effets des pratiques SCV et celles de l'intensification : ce ne sont pas les  SCV qui augmentent les rendements mais ils les maintiennent, ce qui est déjà une révolution en soi dans un contexte d'agriculture globalement minière sur les sols.

[10] Avec en particulier la Somalac (1960-1990), le projet PSDR (depuis 2000), le projet Imanba Ivakaka (1990-1994), le projet BV lac (AFD (2003…) etc.

[11]  La comparaison entre les niveaux de revenus des différentes catégories de paysans entre l'enquête FAO/UPDR de 2000  et celle de 2007 (Durand, Nave et Penot) montre que non seulement les revenus n'ont pas baissé mais pour certains ont pu augmenter.

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Quelques ressources webographiques


Eric Penot, Cirad, UMR innovation et URSCA/SCRID

Andriatsitohaina Rakotoarimanana, Cirad, projet BV lac

Adaptations : Jacques Imbernon et Sylviane Tabarly
pour Géoconfluences le 23 juin 2011

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Mise à jour :  23-06-2011

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Pour citer cet article :  

Eric Penot et Andriatsitohaina Rakotoarimanana, « Savoirs, pratiques, innovations et changement de paradigme de l'agriculture dans la région du lac Alaotra (Madagascar) », Géoconfluences, juin 2011.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Afsubsah/AfsubsahScient6.htm