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Places marchandes, places migrantes dans l'espace saharo-sahélien - Témoignages, entretiens

Publié le 18/05/2004
article obsolète

NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2004.

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Entretien mené auprès du premier taxi-phone de la ville de Reggane

Le taxi-phone a ouvert en 1990.

"Nous comptons deux catégories de clients : les voyageurs africains et les militaires. Les Africains transitent par le Niger, traversent la frontière à In Guezzam pour rejoindre Tamanrasset, sauf les Maliens qui viennent directement depuis la frontière. On les voit surtout en hiver. En été, ils quittent l'Algérie pour retourner dans leur village. S'il n'ont pas de papiers en règles, ils se font arrêter à Adrar en général, même si on peut arriver jusqu'au Nord sans problème. Mais entre ici et Adrar, les contrôles ne sont pas fréquents. Ils viennent par groupes de 30 à 100 personnes ; les groupes arrivent quotidiennement en hiver. En été, les flux sont bien moindres. Ils restent à Reggane un ou deux jours, le temps de se mettre en règle avec la brigade. Ils passent au moins une nuit ici, à l'hôtel Tanezrouft, ou dorment sur la place de stationnement des taxis. Sinon il y a aussi l'auberge de jeunesse. Ils utilisent les douches qui sont à côté du taxi-phone."

Khartoum : témoignages et choses vues

Un propriétaire d'agence témoigne. Âgé de moins d'une trentaine d'années, il travaille avec son frère aîné. Originaire de l'Ouest, musulman, il se réclame de la tribu des Zaghawa (la plupart des entrepreneurs travaillants dans cette rue relèvent de cette affiliation). Son bureau, c'est un entrepôt qui stocke les marchandises des voyageurs sur le départ où se trouve également un bureau proprement dit et un coffre-fort (toutes les transactions s'effectuent en liquide). Entrepreneur des circulations à travers le désert, il travaille avec son téléphone portable et distribue des cartes de visite de son agence. Cette dernière s'occupe de la ligne Omdourman - El Fasher. La majorité des voyageurs est originaire de cette région, effectuant des allers-retours avec la capitale pour différentes raisons : santé, administration, éducation, commerce, visites familiales. L'entrepreneur mentionne la présence régulière de Nord-Nigérians, commerçants-pélerins en route vers la Mecque. Ces derniers privilégient la migration par étape afin de commercer à chacune des haltes de leur périple.

Nous rencontrons par exemple ce jeune commerçant (30 ans environ), en partance pour El Fasher, qui fait le trajet une fois par mois. Ayant vécu quatre ans au Tchad, il a pu y tisser des liens et se construire son réseau. Depuis deux ans et demi il fait du commerce entre le Tchad et le Soudan, sur la ligne Omdourman - El Fasher. Il achète au souk libya des vêtements qui proviennent d'Asie, via les grandes places franches, et il y ramène des produits du Tchad.

Les jours de départ pour l'Ouest sont très animés et c'est à cette occasion que l'on a pu observer au mieux la connexion place marchande / place migrante. Le transport s'effectue à bord de bus qui sont en fait des camions semi-remorque transformés pour transporter des voyageurs. L'un d'entre eux est neuf, de marque Renault, acheté ici à Khartoum où il est fabriqué. Il peut transporter 60 personnes, à raison de 70 000 livres soudanaise le trajet (environ 23 euros) soit un total de 1 380 € par trajet. Les marchandises transportées par les voyageurs, pesées et taxées, constituent un revenu supplémentaire pour le transporteur. Diverses marchandises sont ainsi chargées sur le toit des camions : légumes secs, fruits, céréales à destination des régions ravagées par la guerre civile au Darfour, en pénurie des denrées les plus courantes, ainsi que divers biens de consommation acheminés par les particuliers. Parallèlement, s'organise toute une économie informelle "de l'attente" fondée sur les échanges entre les petits commerçants qui investissent le rue et les voyageurs en attente de départ. Cigarettes, lanières, bidons, produits d'alimentation et de consommation courante, café-thé qui s'installent à proximité des camions, toute une micro-économie éphémère qui meurt à chaque départ avant de renaître au suivant.

Observations et propos recueillis par Martine Drozdz,
en Octobre 2003 en Algérie et en mars 2004
au Soudan

Pour citer cet article :  

« Places marchandes, places migrantes dans l'espace saharo-sahélien - Témoignages, entretiens », Géoconfluences, mai 2004.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2005/popup/Sahara.htm