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Afro-pessimisme

Publié le 04/11/2024
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L'Afrique noire est mal partie ! Ce titre de René Dumont, datant de 1962 , est repris à l'envi au fil de bien des ouvrages, articles et propos divers concernant le continent. La perception des réalités africaines est bien souvent catastrophiste et revient régulièrement sur les "malédictions" qui frappent le continent (famines et pénuries, épidémies, guerres et guerillas, catastrophes et aléas naturels de toute nature, etc.) et sur les nombreux déficits (éducatifs, démocratiques, de gouvernance, etc.) qui le pénalisent.

L'afro-pessimisme radical de certains est nourri de l'idée qu'il y a des blocages entretenus par les Africains eux-mêmes, qu'aucune aide au développement ne suffira à surmonter. Violences, conflits, mauvaises gestions, corruption, trafics illicites et mafieux feraient partie d'une africanité indépassable. Les sociétés africaines ne seraient pas faites pour la démocratie, ni pour le respect des droits de l'homme, ni pour bénéficier d'un État de droit équitable dans les domaines politique, économique et social ! L'afro-pessimisme peut aussi reposer sur le cliché d'une acceptation fataliste des africains à leur propre sort. Ces différentes formes d'afro-pessimisme aboutissent à abandonner le continent à son propre sort ou aux simples intérêts à court terme de ceux qui en exploitent les hommes et les ressources (factions au pouvoir, entreprises peu scrupuleuses, etc.). La marginalisation du continent noir dans les échanges économiques et culturels mondiaux en est la conséquence.

À cet afro-pessimisme tente de s'opposer une vision plus positive des réalités africaines, sur la base de l'énergie, des capacités créatives, imaginatives et d'adaptation des sociétés africaines. Le processus de mondialisation qui bénéficie actuellement au développement de nombreux pays de la planète, pourrait, sous certaines conditions d'accompagnement et d'aide, bénéficier aussi à l'Afrique subsaharienne.

La confrontation de ces points de vue peut être illustrée par le débat autour d'un film documentaire traitant de la situation des populations vivant de la pêche dans les étendues d'eau douce de l'est africain, plus particulièrement celles du lac Victoria. Il s'agit du film Le cauchemar de Darwin d'Hubert Sauper (distribué en France en mars 2005), aux tonalités apocalyptiques, qui évoque, pêle-mêle, les dégâts écologiques, la dissémination de la prostitution, du Sida, le financement de trafics d'armes, etc. Ce film a bénéficié d'un assez large succès dans les pays développés d'Europe. Mais un article du East African Standard évoque les propos du Dr Alice Kaudia, directrice régionale de l'IUCN pour l'Afrique orientale, contestant l'image négative que donne le film sur la situation et lui reprochant, notamment, d'occulter les effets positifs des pêcheries sur le développement de la région. De son côté, Thomas Maembe, directeur de l'Organisation des pêcheries du lac Victoria dénonce, dans une lettre adressée à Hubert Sauper, une vision européenne stéréotypée sur l'Afrique ("There were better sides of the story, but the documentary preferred to confirm the stereotypical image of Europe towards Africa ... the documentary does not depict how East Africa gains from the export of fish").

Selon une formule de Sylvie Brunel, l'Afrique peut-elle être pensée comme "un continent en réserve de développement" ? Le pari est engagé, le débat est ouvert.

(ST), 2006.


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