La France périphérique, débat autour d’un livre
Revue de presse et tribunes de Christophe Guilluy en 2014
À la mi-septembre 2014, les médias se sont emparés du livre de Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, paru chez Flammarion, pour en faire des manchettes et des gros titres. Par exemple,
- Le Figaro, 11 septembre, Christophe Guilluy : « Le 93 n'est pas un espace de relégation, mais le cœur de l'aire parisienne »
"La focalisation sur le «problème des banlieues» fait oublier un fait majeur: 61 % de la population française vit aujourd'hui hors des grandes agglomérations. Les classes populaires se concentrent dorénavant dans les espaces périphériques: villes petites et moyennes, certains espaces périurbains et la France rurale."
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/09/11/31003-20140911ARTFIG00355-christophe-guilluy-le-93-n-est-pas-un-espace-de-relegation-mais-le-coeur-de-l-aire-parisienne.php
- Libération, 16 septembre, « La gauche a-t-elle oublié la France populaire ? »
"D’ouvrage en ouvrage, Christophe Guilluy a pulvérisé l’image d’une France tranquille des pavillons. Et d’une classe moyenne, certes paupérisée, mais qui passait globalement entre les gouttes. Brossant les contours d’une nouvelle géographie sociale, axée sur la notion de « France périphérique », où vit 60% de la population." http://www.liberation.fr/politiques/2014/09/16/la-gauche-a-t-elle-oublie-la-france-populaire_1101969
- Sur le blog d’une journaliste de FranceTvInfo "La France périphérique : Christophe Guilluy met à mal cinq clichés sur les classes populaires". « Le géographe Christophe Guilluy expose "comment on a sacrifié les classes populaires" aux gagnants de la mondialisation. Le divorce de cette France rurale et périurbaine avec les élites, estime-t-il, est désormais "irrémédiable" ».
http://blog.francetvinfo.fr/livres-actualite/2014/09/16/la-france-peripherique-pulverise-cinq-cliches-sur-les-classes-populaires.html
De nombreux entretiens et émissions ont permis à Christophe Guilly de développer ses thèses :
- Un entretien avec Le Nouvel Obs, 27 septembre, " Pourquoi la France périphérique a-t-elle basculé dans le vote FN ?"
- France Culture, Les matins, 16 septembre. « Des statistiques aux réalités territoriales : une nouvelle carte sociale se redessine-t-elle ? » avec les géographes Christophe Guilluy, Béatrice Giblin, et le député Jean Lassalle, http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-des-statistiques-aux-realites-territoriales-une-nouvelle-carte-sociale-se-redess
Réponses des sciences sociales
Cet affichage a suscité, on s’en doute, des réactions de géographes et de sociologues, comme l’avaient déjà fait les ouvrages précédents sur les « fractures françaises ».
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Tout d'abord dans Libération du 16 septembre 2014, un corpus d’articles :
- Le portrait de C Guilluy « Le Onfray de la géographie », 16 septembre. "Présenté comme géographe, il n’a aucune attache universitaire. « Ni prof, ni CNRS, je n’ai jamais passé ma thèse.»" http://www.liberation.fr/politiques/2014/09/16/guilluy-le-onfray-de-la-geographie_1101977
- L’éditorial de Laurent Joffrin, « Oeillières ». "Bien sûr les thèses de Christophe Guilluy sont contestées par d’autres géographes ou par des sociologues spécialistes des mêmes sujets. Ce n’est pas parce qu’on est iconoclaste qu’on a toujours raison. Mais le sentiment d’abandon ressenti par la « France périphérique » décrite par le géographe est indiscutable." http://www.liberation.fr/societe/2014/09/16/illeres_1101965
- Le sociologue Michel Kokoreff réfute l’analyse de Christophe Guilluy sur les cités : « Si la politique de la ville était un succès, ce serait un scoop ». "Quand Christophe Guilluy compare la Seine-Saint-Denis et la Meuse pour dire que les plus pauvres ne vivent pas dans les quartiers «sensibles», il mélange tout. La Seine-Saint-Denis représente officiellement 1,2 million d’habitants (en fait sans doute beaucoup plus), la Meuse, environ 200 000. En revanche, il est vrai que c’est dans les petites villes de province qu’on trouve les situations de violence et de pauvreté les plus dures." http://www.liberation.fr/societe/2014/09/16/si-la-politique-de-la-ville-etait-un-succes-ce-serait-un-scoop_1101964
- La sociologue Violaine Girard et le géographe Jean Rivière pointent deux carences du livre de Guilluy. « Certes la mondialisation transforme la géographie des inégalités, mais…». "Comme Guilluy, nous partageons l’idée selon laquelle la mondialisation économique transforme la géographie des inégalités sociales françaises. Au-delà de ce constat, deux carences du livre nous apparaissent. D’abord, il s’appuie sur des catégories sociologiques et géographiques grossières. Ensuite, il repose sur une base empirique qui semble faible." http://www.liberation.fr/politiques/2014/09/16/certes-la-mondialisation-transforme-la-geographie-des-inegalites-mais_1101968
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Eric Charmes montre les apports du travail de Christophe Guilluy tout en soulignant ses limites, car la France périphérique n’est pas qu’une zone de relégation. "Les zones de pauvreté existent aussi au sein des métropoles». « Ambigu, Guilluy et plus encore ses lecteurs ont trop tendance à inclure le périurbain dans la France périphérique. Or seuls les territoires périurbains les plus éloignés des centres peuvent être qualifiés de périphériques au sens de Guilluy. Cette confusion vient avant tout de ce que les uns finissent là où commencent les autres." http://www.liberation.fr/politiques/2014/09/16/les-zones-de-pauvrete-existent-aussi-au-sein-des-metropoles_1101967
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Sur Slate.fr, Jean-Laurent Cassidy fait le point, le 2 octobre 2014 sur la polémique en cours : « La France périphérique de Christophe Guilluy : la géographie est un sport de combat » http://m.slate.fr/story/92641/christophe-guilluy-france-peripherique
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Dans la revue Espaces et sociétés, 2014/1-2 (n° 156-157), Cécile Gintrac et Sarah Mekdjian, Le peuple et la « France périphérique » : la géographie au service d’une version culturaliste et essentialisée des classes populaires, "On assiste donc probablement à l’émergence d’une nouvelle version du déterminisme spatial – ou spatialisme – pour laquelle la culture (« l’insécurité culturelle ») et la distance au centre sont déterminantes. En assignant des habitants-types racialisés à des espaces-types, cette approche évite complètement une remise en cause de la production des inégalités". http://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2014-1-page-233.htm
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Sur le blog du géographe Eric Verdeil, 17 septembre, « La géographie des fractures sociales françaises en débat ». "Une polémique idéologique et/ou corporatiste ?" http://rumor.hypotheses.org/3618
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Dans Le Café pédagogique, Gilles Fumey, 19 septembre 2014 : '"La géographie scolaire et universitaire doit donc abandonner ses lubies sur la banlieue et s’intéresser aux espaces du peuple" .http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/09/19092014Article635467071302815607.aspx
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Sur son site Prospective urbaine, Stéphane Cordobès, conseiller auprès du délégué de la Datar, responsable du service "prospective & études". « Contre le populisme géographique de Christophe Guilluy » dans La France périphérique, 28 septembre 2014. Se soucier de la fragilisation actuelle de certains espaces français périurbains et « ruraux » est indispensable. Mais instrumentaliser ces territoires et leur population pour, sous couvert de scientificité, propager une idéologie identitaire et séditieuse relève d’un populisme géographique dangereux". (Le texte initialement publié sur Prospective urbaine est désormais accessible sur EspacesTemps : http://www.espacestemps.net/articles/les-dangers-du-populisme-geographique)
- L’Observatoire des Inégalités a publié le 18 septembre 2014, un article qui rappelle quelques données statistiques : « Villes, périurbain, rural : quels sont les territoires les moins favorisés ? ». Selon une thèse qui rencontre un certains succès médiatique [2] ce serait désormais loin de la ville, dans l’espace périurbain et rural que se localiserait la pauvreté. Pourtant, selon les données de l’Insee, l’espace périurbain, même s’il est très loin d’atteindre les niveaux de vie des quartiers aisés de centre-ville, reste, en moyenne, largement favorisé. Les personnes aux revenus les plus faibles vivent en partie dans le monde rural éloigné et vieillissant, mais surtout dans les quartiers d’habitat social". http://www.inegalites.fr/spip.php?page=analyse&id_article=1709&id_rubrique=110&id_mot=30&id_groupe=9
Pour rappel, les Veilles passées de Géoconfluences sur le sujet :
- la Veille du 3 février 2014 avec un débat entre géographes sur les « fractures françaises » https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/fractures-territoriales-et-amenagement-des-territoires
- et un an avant, La fracture entre territoires métropolitains et territoires périphériques en France https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=412978268792119&id=178580135522255
Mise à jour : travaux ultérieurs pour prolonger le débat
En 2016, Christophe Guilluy a publié un ouvrage au titre toujours plus provocateur :
- Christophe Guilluy, Le Crépuscule de la France d'en haut, Flammarion, 2016, 272 p.
Géoconfluences a proposé en 2018 un résumé de la controverse, dans notre bibliographie consacrée aux espaces ruraux en France : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/programmes/concours/espaces-ruraux-france-bibliographie#guilluy
Un billet de Samuel Depraz propose une réponse argumentée et construite aux thèses de Christophe Guilluy :
- Samuel Depraz, « De la France périphérique à la France des marges : comment rendre leur juste place aux territoires urbains marginalisés ? », Carnet des études urbaines, 2018.
Mise à jour : juin 2018