Vous êtes ici : Accueil / Actualités / Veille / Revues de presse et ressources classées / La liberté d’expression et la question du blasphème en France

La liberté d’expression et la question du blasphème en France

Publié le 19/10/2020
La brutalité de l’assassinat d’un professeur d’histoire et de géographie le 16 octobre 2020 rappelle la place centrale de l’éducation dans la capacité d’une société à accepter les différences d’opinion. Le rôle de l’École est ici multiple : continuer à former des citoyens en devenir et les aider dans leur construction d’adultes et d’acteurs ; poursuivre le travail sur les valeurs dans une république laïque sans que cela ne provoque de nouvelles tragédies en continuant d’éduquer à la liberté d’opinion ; empêcher toute récupération politicienne en accompagnant les élèves dans la construction d’un jugement nuancé ; aider à comprendre les mécanismes du fanatisme religieux dans le temps long et pas uniquement dans le temps de l’actualité, plus propice à l’émotion qu’à l’éducation.

Dernière mise à jour : 2 novembre 2020.

Malgré la sidération qui est celle de l’ensemble de l’École républicaine, nous avons tenté de réunir des ressources sur la thématique de la liberté d’expression.

Pour travailler sur la liberté d’expression

Dessin de presse et blasphème

La liberté d’expression permet à tous les individus de s’exprimer librement « sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » (article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen). Dans les limites liées à la loi, on peut indiquer le fait de porter atteinte à la réputation d’une personne, la discrimination et à la haine à l’égard d’une personne ou d’un groupe à raison de son appartenance religieuse. Ces faits sont des délits. Le blasphème n’existant pas en droit, il ne peut être interdit. Nous sommes dans l’exercice ordinaire de la loi : « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché » (art. 5 de la Déclaration des droits de 1789).

Représenter Mahomet

Si l’islam interdit la représentation des êtres humains en général, de dieu et du principal prophète de l’islam en particulier, cette interdiction s’est limitée à des périodes et à des contextes historiques précis. Cette interdiction de représentation inclut évidemment la possibilité de caricaturer le prophète (une interdiction qui ne s'applique, en dehors des pays de loi islamique, qu'à ceux des musulmans décidant en conscience de s'y conformer),

Le prophète Mahomet ou Muhammad, représenté sur un manuscrit copié au nord de l’Irak ou au nord-ouest de l’Iran en 1307-1308. Source : Institut du monde arabe.

 

Ressources scientifiques

  • Françoise Lorcerie. « Quelle liberté d’expression religieuse reste-t-il aux élèves ? », in Fatiha Kaouès, Myriam Laakili. Prosélytismes : Les nouvelles avant-gardes religieuses, CNRS Éditions, p. 229-254, 2016.
  • Dominique Avon & Abdellatif Idrissi, « Du Coran et de la liberté de penser », La Vie des idées, 21 octobre 2008.  Résumé : « Il y eut une époque où l’on avait le droit de critiquer l’entourage du Prophète, où les controverses religieuses se faisaient avec une grande liberté de ton, où des érudits musulmans glorifiaient l’athéisme. Aujourd’hui, nombre de débats relatifs à l’islam présentent leur problématique sous la forme d’une unique alternative : l’abandon de la foi ou l’expression intégraliste. Dans cet article, un linguiste et un historien rappellent que deux principes tenus aujourd’hui pour acquis – l’impeccabilité de l’entourage de Muhammad et l’inimitabilité du Coran – se sont établis progressivement. Il s’agit, en d’autres termes, de réconcilier l’Islam, la science des textes et le libre examen. »
  • Mohamed Chérif Ferjani. Le politique et le religieux dans le champ islamique. Fayard, 2005. L’ouvrage rappelle (p. 146 et suivantes) que, comme pour bien d’autres sujets, le texte coranique constitué en 610 et 632 est contradictoire sur la question de la liberté de conscience. S’il contient bien des versets appelant à tuer les impies, fournissant la matière d’une interprétation intolérante de l'histoire, d’autres insistent sur la liberté de conscience : « Dans le deuxième registre, nous trouvons les versets qui rappellent qu'il n'y a « pas de contrainte en matière de religion » (2/256), que « la vérité provient de votre seigneur ; celui qui veut être croyant, qu'il le soit et celui qui veut être incroyant qu'il le soit » (18/29), que « si Dieu l'avait voulu, il aurait fait des humains une seule communauté » (5/48,11/18, 16/93) ; qu'il faut dire aux incroyants « vous avez votre religion et j'ai la mienne », que le Prophète a pour mission de « rappeler » et non de « contraindre » (88/21) et que « si un associateur [polythéiste] te demande l'asile accorde-le lui afin qu'il entende la parole de Dieu » (9/6). »

Sur Géoconfluences

 

Jean-Benoît Bouron, responsable éditorial de Géoconfluences
avec la contribution de Laurent Carroué, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche
et de Nathalie Reveyaz, IA-IPR, académie de Grenoble, référente académique laïcité et valeurs de la République.