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L’Église catholique, l’écologie et la protection de l’environnement : chronique d’une conversion théologique et politique

Publié le 18/10/2016
Auteur(s) : Bertrand Sajaloli, maître de conférences - Université d’Orléans, EA 1210 CEDETE
Étienne Grésillon - Université Paris Diderot

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Confrontées aux crises environnementales et à la montée en puissance de l’écologie politique, la plupart des religions du monde ont pris position sur les grands enjeux du développement durable, et plus généralement sur l’écologie et la défense de l’environnement. Lors du second Sommet de la terre de Rio de Janeiro, en juin 2012, le spirituel a ainsi fortement imprégné les discours et les prises de position. Dans la Conférence officielle, la Pacha Mama, la terre-mère, a été évoquée par Evo Morales, président de la Bolivie, et par Rafael Correa, président de l’Équateur, ces derniers faisant référence à une loi de la terre-mère adoptée par la Constitution équatorienne [1], loi qui s'inspire également de la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l'ONU [2]. Au Sommet des peuples, forum alternatif de la société civile, de nombreuses réunions débutèrent par des séances consacrées à la mystique ou par des phases de recueillement invoquant les esprits de la nature ou les ancêtres tandis que les Indiens Potigoras priaient pour la réussite du sommet [3] . Les religions chrétiennes étaient également fortement impliquées : le cardinal Reinhard Marx, président de la Commission des épiscopats de l’Union européenne  [4]  appelant à une nouvelle culture du respect pour la création, de la solidarité et de la justice, afin d’atteindre un développement humain véritable et authentique, tandis que le Conseil œcuménique des Églises [5].

Dans la doctrine de l’Église catholique, si le souci écologique de la terre ne s’impose de manière explicite que depuis l’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI (29 juin 2009) [6] , l’intérêt pour les questions environnementales, via notamment le thème de la défense de la création, est allé croissant depuis la proclamation de saint François d’Assise comme patron des écologistes par Jean-Paul II en 1979. L’engagement de l’Église, et plus généralement de toute la chrétienté, dans la protection de la nature (Hervieu-Léger, 1993), s’est depuis considérablement accru au point de générer de nouveaux mouvements au sein des fidèles et de peser sur la vie de la cité. En attestent les prises de position papales en faveur de l’environnement (François, 2013), le texte du groupe de travail Écologie et environnement de la Conférence des évêques de France (2012), l’influence d’évêques verts comme Mgr Stenger (2005, 2008) [7] , ou encore l’émergence d’intellectuels et de scientifiques catholiques qui plaident pour une approche chrétienne de l’écologie.

Complément 1 : Quelques intellectuels et scientifiques catholiques français au service d'une approche chrétienne de l’écologie

À cet égard, l’ONG consultative Pax Christi qui a initié une réflexion œcuménique portant sur les fondements religieux de la protection de la nature dès la fin des années 1980 a eu un rôle pionnier : marquée par le Sommet de la terre de Rio, soutenue par les prises de position de Jean Paul II (Jean-Paul II, 2006), cette ONG, sous l’égide de René Coste (1994) puis de Jean-Pierre Ribault (2012) [8] , a fourni un argumentaire pour l’intervention de l’Église catholique dans le débat public  [9] .

Il s’ensuit une profusion d’initiatives catholiques vertes qui investissent les grands champs de l’écologie, et ce à toutes les échelles.

Complément 2 : Les mouvements catholiques engagés dans les champs de l'écologie

Parachevant cet engagement, la lettre encyclique Laudato Si [10] sur la sauvegarde de la maison commune, publiée en mai 2015 par le pape François, évoque l’écologie intégrale, c’est-à-dire les relations des humains entre eux, avec leur environnement et avec la transcendance. Il y dénonce la société de consommation, la mondialisation financière de l’économie et invite l’Église catholique à jouer un rôle spirituel et social dans la défense de l’environnement. Dès lors, être croyant, suivre la parole de Dieu, ne serait-ce pas en quelque sorte choisir la voie de la décroissance et de l’écologie politique ?

Pourtant, relever la radicalité et le caractère très récent de cet engagement soulève bien des questions. D’une part, sur quelles nouvelles lectures spirituelles se fonde-t-il et pourquoi intervient-il si tardivement dans la pastorale chrétienne ? D’autre part, l’Église catholique ayant été accusée de porter la responsabilité de la crise écologique par l'historien américain Lynn White en 1967 [11] , quels sont les liens entre discours profanes et religieux, et en quoi les conceptions religieuses de la nature sont-elles des modèles partagés voire co-construits  par la société civile et la communauté scientifique ? Enfin, si les prises de position du Vatican sont claires, elles sont loin d’être unanimement partagées et divisent les fidèles et leurs prélats. Certains, libéraux, dénoncent la dérive décroissante de François ; d’autres, plus traditionnalistes, trouvent même dans l’écologie intégrale des arguments en faveur d’une lecture très conservatrice des faits de société avec un hymne à la procréation et à la puissance de l’homme. Afin de démêler cet entrelacs entre écologie, protection de l’environnement et religion catholique, trois temps et trois postures de l’Église sont distingués à partir des trois frises chronologiques qui confrontent l’enchaînement des politiques écologiques de l’Église catholique aux grandes étapes de la pensée écologique, des crises environnementales et des politiques de l’environnement (figures 1, 2 et 3).

L'Église catholique, l'écologie et la protection de l'environnement : chronique d'une conversion théologique et politique

Conception : B. Sajaloli, E. Grésillon ; Réalisation : M. Aletti.
Les trois temps de la figure sont décomposés dans les trois figures présentes dans le corps du texte.

 

1. De la Seconde Guerre mondiale à la proclamation de Saint François d’Assise comme patron des écologistes (1979) : une nature au service de l’homme
 

Figure 1. 1945-1979 : pour l'Église catholique, une nature au service de l'homme

Conception : B. Sajaloli, E. Grésillon ; Réalisation : M. Aletti.
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Le positionnement anthropocentrique génésiaque exposé dans l'article d'E. Grésillon et B. Sajaloli, « Lire les rapports entre humains, nature et divin dans l'exemple des écosystèmes catholiques », sous-tend d’abord le discours environnemental de l’Église : la nature est au service de l’homme et celui-ci est son maître. Pourtant, au tournant des décennies 1960 et 1970, l’ampleur des crises environnementales et le dialogue  du  clergé avec les scientifiques suscitent une inflexion majeure : l’homme-maître doit aussi être gardien.

1.1. L’homme, maître de la nature

En 1967, Paul VI dans sa lettre encyclique Populorum Progressio (Le développement des peuples) interroge l’anthropocentrisme dans une perspective progressiste.

« "Emplissez la terre et soumettez-la" (Gn 1, 29) : la Bible, dès sa première page, nous enseigne que la création entière est pour l'homme, à charge pour lui d'appliquer son effort intelligent à la mettre en valeur, et, par son travail, la parachever pour ainsi dire à son service. Si la terre est faite pour fournir à chacun les moyens de sa subsistance et les instruments de son progrès, tout homme a donc le droit d'y trouver ce qui lui est nécessaire » [12] .

Pour le Vatican, cette domination doit permettre un développement de l’humanité. C’est ce qu’affirme le concile Vatican II dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes (Joie et espoir, 1965) même si l’accent est mis sur la nécessité d’un juste partage des ressources naturelles et sur l’importance du caractère communautaire de la vocation humaine dans le dessein du monde.

« Pour les croyants, une chose est certaine : considérée en elle-même, l’activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. L’homme, créé à l’image de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer son être ainsi que l’univers : en sorte que, tout étant soumis à l’homme, le nom même de Dieu soit glorifié par toute la terre » [13] .
« En effet, lorsqu’il cultive la terre de ses mains ou avec l’aide de moyens techniques, pour qu’elle produise des fruits et devienne une demeure digne de toute la famille humaine, et lorsqu’il prend part consciemment à la vie des groupes sociaux, l’homme réalise le plan de Dieu, manifesté au commencement des temps, de dominer la terre et d’achever la création, et il se cultive lui-même. En même temps, il obéit au grand commandement du Christ de se dépenser au service de ses frères »  [14] .

L’humain est ainsi le couronnement du processus de création du monde. Il est à l’image de Dieu et doit donc être distingué des autres vivants [15] : les textes génésiaques placent l’homme au centre du monde. Sa domination est d’ailleurs peu discutée jusqu’à l’arrivée des crises écologiques (marée noire du Torrey Canyon, notamment) et des critiques de White qui poussent l’institution catholique à réinterroger la Genèse. Paul VI, puis Jean-Paul II vont ainsi opérer une inflexion dans l’interprétation biblique : le pouvoir offert aux hommes devient plus provisoire, il est soumis au regard critique de Dieu et des hommes.

1.2.  L’homme gestionnaire et gardien de la création

L’année 1970 apparaît comme charnière. D’une part, l’Église connaît une émulation spirituelle avec l’hypothèse Gaïa avancée par James Lovelock (1972, 1999). D’autre part, Paul VI consulte beaucoup de scientifiques s’alertant de la destruction de l’environnement par l’homme et de l’épuisement des ressources naturelles. Le 16 novembre 1970, dans son discours à l’occasion du 25ème anniversaire de la FAO [16] , le pape affiche son inquiétude :

« Il a fallu des millénaires à l’homme pour apprendre à dominer la nature, "à soumettre la terre" selon le mot inspiré du premier livre de la Bible (Gen. 1, 28). L’heure est maintenant venue pour lui de dominer sa domination, et cette entreprise nécessaire ne lui demande pas moins de courage et d’intrépidité que la conquête de la nature. La prodigieuse maîtrise progressive de la vie végétale, animale, humaine, la découverte des secrets même de la matière aboutiraient elles à l’anti-matière, et à l’explosion de la mort ? En cette heure décisive de son histoire, l’humanité oscille, incertaine, entre la crainte et l’espoir. Qui ne le voit désormais ? Les progrès scientifiques les plus extraordinaires, les prouesses techniques les plus étonnantes, la croissance économique la plus prodigieuse, si elles ne s’accompagnent d’un authentique progrès social et moral, se retournent en définitive contre l’homme ».

Le 27 mars 1971, prononçant un discours sur les problèmes de la pollution de l’air et de l’eau, il cite Teilhard de Chardin (1956, 1962) [17], longtemps mis à l’index de l’Église, en évoquant « la puissance spirituelle de la matière » et évoque « l’anxiété, désormais mondiale, suscitée par la pollution de ces éléments naturels auxquels est liée d’une façon inéluctable la vie physique et même morale de l’homme » [18] . De même, le cardinal Villot, secrétaire du Vatican, énonce la même année cette phrase fondatrice : « toute atteinte à la création est un affront au créateur » (cité dans Coste et Ribaut 1991, p. 17), qui ne connaîtra pourtant que peu d’échos immédiats au sein de l’Église et chez les croyants. La participation de Paul VI à la Conférence de Stockholm en 1972 illustre enfin la préoccupation croissante de l’Église pour ces questions environnementales.

Cette préoccupation s’accompagne d’un glissement de posture théologique. La nature prenant figure de création divine, le monde devenant le reflet de la puissance de Dieu, le rapport de l’homme avec cette création s’inscrit désormais sous la figure tutélaire de Dieu sans que l’axiome anthropocentrique soit pour autant reconsidéré. Il existe donc une ambigüité dans cet anthropocentrisme chrétien : Dieu confère un pouvoir omnipotent à l’homme tout en soumettant ce pouvoir à un examen critique divin. Pour Jacques Arnould, cette ambigüité découle de la confession de foi théocentrique  [19]  des religions chrétiennes (Arnould, 1995) : spirituellement, le monde est vu au prisme d’un Dieu créateur.

Ainsi, l’inflexion anthropocentrique, qui conduit de l’homme-maître à l’homme-gardien, fournit à l’Église une première réponse aux critiques émises par White. Elle repose principalement sur deux arguments : l’idée de soumission est étrangère au christianisme [20], la traduction des versets génésiaques est mal interprétée [21]. Cette inflexion se nourrit aussi, dans les années 1970, d’une riche actualité scientifique, politique et liée aux catastrophes écologiques (accident industriel de Seveso, marée noire de l’Amoco Cadiz, accident nucléaire de Three Mile Island) à laquelle l’Église, interpellée par l’ampleur du débat public, doit répondre. Comment se situer, en effet, devant les conclusions du rapport Meadows et son fameux « Halte à la croissance », comment accompagner ou dénoncer, en France, les luttes contre l’extension du camp militaire du Larzac ou contre la centrale nucléaire de Creys Malville ? Comment enfin se positionner au sein de l’effervescence intellectuelle de la décennie ?

Complément 3 : Les penseurs critiques des années 1970 à l'origine de la prise de conscience de l'Église catholique


Si l’Église demeure silencieuse durant la décennie 1970 marquée, pour la seule année 1978 par la mort à 81 ans de Paul VI, celle de Jean-Paul I et l’intronisation de Jean-Paul II, sa réflexion chemine à la fois vers une prise de conscience des enjeux écologiques contemporains et vers la nécessité d’élaborer une doctrine spirituelle intégrant les rapports homme-nature. C’est ainsi qu’en 1979, Jean-Paul II, proclame Saint François d’Assise patron des écologistes et que s’amorce une mutation théologique et politique.

 

2. De la proclamation de saint François d’Assise comme patron des écologistes à l’encyclique Caritas in veritate (2009), l’intégration de l’écologie dans la doctrine de l’Église catholique

 
Figure 2. 1980-2009 : l'intégration de l'écologie dans la doctrine de l'Église catholique
1980-1999, la propédeutique œcuménique

Conception : B. Sajaloli, E. Grésillon ; Réalisation : M. Aletti.
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La prise de conscience de l’Église d’intégrer l’écologie à la théologie catholique et de peser dans le débat public se nouant autour des questions environnementales se nourrit d’une réactivation de la vision théocentrique du monde (exposé dans la deuxième partie de l'article d'E. Grésillon et B. Sajaloli, « Lire les rapports entre humains, nature et divin dans l'exemple des écosystèmes catholiques ») et se forge au sein des mouvements œcuméniques, comme Pax Christi : la question de la sauvegarde de la création ne peut relever que de la seule Église catholique. L’œcuménisme est ainsi un laboratoire, une propédeutique de la pensée écologique de l’Église d’autant plus féconds que les concepts scientifiques et les prises de position politiques émanant de la société civile sont riches et foisonnants. Ce sont ces échanges à la fois inter-religieux et entre profane et sacré, entre science et foi, qui se déroulent au sein des décennies 1980 et 1990, qui modèlent la pensée environnementale de l’Église et qui, dès les années 2000, l’incitent à se convertir à l’écologie et à agir.

2.1. L’œcuménisme, propédeutique écologique de l’Église catholique

La question de l’enchantement du monde, posée à la fois par les philosophes, les géographes (Gauchet, 1985 ; Grésillon, 2009 ; Grésillon et Sajaloli, 2013 ; Moscovi, 2002 ; Racine, 1993) et les tenants de la deep ecology avec l’hypothèse Gaïa (Kingsley, 1995 ; Lovelock, 1972, 1999 ; Sessions, 1994 ; Spangler, 1996), d’une part, l’intérêt de l’Occident pour les religions bouddhistes et hindouistes plus engagées dans la protection de la nature (Harvey, 1993 ; Swearer, 1998 ; Chappel, 2000), d’autre part, conduisent l’Église à réinterroger une tradition catholique qui fait de la création, et donc des milieux naturels, une manifestation de Dieu et un chemin d’accès à lui. Tout en dénonçant le panthéisme dans la vision de la nature de la deep ecology (Lovelock, 1999, Næss, 2009) [22] , les textes officiels de l’Église catholique commencent à associer directement ou indirectement la nature à Dieu (Coste, 1994 ; Bastaire, 2004), même si des visions très différentes distinguent ceux qui voient Dieu dans l’ensemble des phénomènes à observer sur terre (les créationnistes  [23]) , fortement critiqués par les intellectuels catholiques (Euvé, 2009 ; Théobald et al., 2006 ; Cagnon, 2007) et ceux qui pensent que le monde et les humains sont des symboles ou des métaphores pour comprendre la prodigalité divine (Euvé, 2000 ; Théobald, 2005).

Trancher cette délicate question théologique, résoudre les tensions entre visions anthropocentriques et théocentriques de la nature (Grésillon et Sajaloli, 2015 ; Sajaloli et Grésillon, 2016), s’avère plus facile au sein d’un dialogue inter-religieux, par définition plus libre, plus ouvert et qui n’engage pas le Vatican en tant que tel. C’est ainsi que dès 1980, l’ONG Pax Christi  [24]  prend résolument parti pour la défense de l’environnement en créant le mouvement Paix, environnement et modes de vie, création . Elle se rapproche alors des Églises protestantes et orthodoxes dont l’intérêt pour l’écologie fut bien plus précoce [25] . En effet, dès 1979, la Commission de la défense de la nature des Églises de la Confession d’Ausbourg et réformée d’Alsace et de Lorraine publiait un ouvrage, Nature menacée et responsabilité chrétienne, qui définit sept priorités dont la protection des animaux, l’aménagement du territoire et vers une théologie de la terre. De même, la tradition orthodoxe a une vision terrestre de la création qui explique son rôle pionnier  [26] . En 1983, la sixième Assemblée des Églises œcuméniques à Vancouver prône un processus conciliaire d’engagement mutuel en faveur de la justice, de la paix et de l’intégrité de toute la création. En 1987, le scientifique allemand Carl Fiedrich von Weizsäcker  [27]  lance un appel en vue d’une assemblée mondiale des chrétiens pour la paix, la justice et la sauvegarde de la création. Il sera entendu notamment lors du premier rassemblement œcuménique de Bâle en 1989 qui, autour du thème « paix et justice pour la création », réunit 700 délégués officiels des Églises catholiques, protestantes, orthodoxes et anglicanes. C’est à un véritable aggiornamento que procèdent alors les Églises unies en matière d’environnement  [28] . Il en sera de même au Conseil œcuménique des Églises de Séoul en 1990, puis surtout lors du deuxième rassemblement œcuménique de Graz en 1997 où un appel pressant, reprenant celui de Klingenthal émis en 1995  [29] , est lancé vers toutes les Églises afin qu’elles s’engagent à prendre soin de la création et où est instituée une Journée de la création  [30] .

Ce laboratoire œcuménique est également très ouvert sur les nouvelles notions mobilisées par l’écologie et sur les politiques environnementales lancées par le rapport Brundtland, puis par le Sommet de la terre de Rio en 1992. Les notions de biodiversité (Wilson, 1988) et d’empreinte écologique sont explicitement reprises dans les rapports finaux de ces rassemblements ; de même, la finitude du monde, évoquée par Albert Jacquard (1991) et rendue concrète par l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986, sous-tend les démonstrations. Enfin Graz fait directement allusion à l’Agenda 21 qui devient de facto un tableau de bord pour les Églises.

Ainsi, la réflexion environnementale de l’Église catholique s’effectue sur ses marges, au sein de l’œcuménisme qui, en reprenant le titre de François Euvé (2015), peut être vu comme l’antichambre de sa conversion écologique.

2.2. La conversion écologique de l’Église catholique

Figure 3. 1980-2009 : l'intégration de l'écologie dans la doctrine de l'Église catholique
2000-2009, la conversion écologique

Conception : B. Sajaloli, E. Grésillon ; Réalisation : M. Aletti.
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Durant ce temps œcuménique, l’Église catholique prend néanmoins plusieurs initiatives et des messages pontificaux soulignent la nécessité d’un engagement envers la création. En 1987, le professeur Marini présente aux évêques réunis en synode un texte alarmant intitulé : « Les rapports entre l’homme et son environnement ». La même année, Jean-Paul II, dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis  [31]  évoque le « souci de l’écologie » qu’il réitèrera en 1990 pour la célébration de la journée mondiale de la paix « la paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création ». Surtout, en 1991, Jean-Paul II ajoute dans l’encyclique Centesimus annus (l’année du centenaire)  [32]  que l’humanité croit pouvoir disposer arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n'avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l'homme peut développer mais qu'il ne doit pas trahir. Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l'œuvre de la création, l'homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui » [33] .  

Mais, si Jean-Paul II fait de la défense de la vie de l’homme la base du rapport des catholiques à l’écologie, dans sa définition d’une écologie chrétienne, qu’il appelle l’écologie humaine, il insiste sur l’importance de la vie humaine dans l’approche de l’environnement :

« alors que l'on se préoccupe à juste titre, même si on est bien loin de ce qui serait nécessaire, de sauvegarder les habitats naturels des différentes espèces animales menacées d'extinction, parce qu'on se rend compte que chacune d'elles apporte sa contribution particulière à l'équilibre général de la terre, on s'engage trop peu dans la sauvegarde des conditions morales d'une "écologie humaine" authentique » [34] .

L’homme doit ainsi respecter « sa propre structure naturelle et morale pour acquérir une attitude cohérente vis-à-vis de l’environnement »  [35] . De même, à la suite des différentes catastrophes écologiques de la fin du XXe siècle, Jean-Paul II réaffirme cette perspective morale  [36]  lors de l’homélie du samedi 12 juin 1999 à Zamosc : « il faut donc se rendre compte qu'il existe un péché grave contre l'environnement naturel qui pèse sur nos consciences, qui engendre une grave responsabilité à l'égard de Dieu le créateur » [37]. Nuire aux équilibres écologiques et aux richesses naturelles est donc un péché, c’est-à-dire une offense à l’égard de Dieu, mais aussi une faute morale que commet l’individu. La question écologique est donc recentrée sur l’homme.

Institutionnellement, le véritable virage écologique de l’Église catholique peut être daté de la publication par la Commission sociale des évêques de France de l’opuscule Le respect de la création en 2000  [38] . D’extérieure et périphérique, de simple constat ou de recommandations, la prise de conscience devient un manifeste d’actions . Chaque chrétien doit ainsi « repenser fondamentalement ses habitudes de vie, qu’il s’agisse de nourriture – il convient de valoriser la frugalité et la modération -, des moyens de transport, des achats de biens d’équipement, du choix de destination des vacances, ou du renoncement aux gaspillages inconsidérés. […] De même que l'Église de France s'exprime au sujet des immigrés, du racisme et des sans-logis, elle veut également prendre la parole au sujet des problèmes écologiques qui affectent l'intégralité de la création de Dieu et compromettent la vie harmonieuse des hommes et des femmes, tout spécialement celles des générations à venir »  [39] .

Tête de pont de la Curie romaine, les évêques de France, alertés par le naufrage de l’Erika sur les côtes atlantiques (1999) et par le succès de la notion d’anthropocène avancée par Paul Crutzen (2000), initient ainsi la conversion écologique de l’Église catholique. Tout s’enchaîne alors assez vite : Jean-Paul II et le patriarche orthodoxe oecuménique Bartholoméos 1er signent une déclaration commune à Venise pour la sauvegarde de l’environnement en 2002. L’année suivante Jean-Paul II (2003) adresse un message aux évêques d’Europe dans lequel il affirme :

« Enfin, on ne saurait oublier qu’il est parfois fait un usage indu des biens de la terre. Manquant en effet à la mission de cultiver et de garder la terre avec sagesse et amour (Gn 2, 15), l’homme a, dans de nombreuses régions dévasté plaines et forêts, pollué les eaux, rendu l’air irrespirable, bouleversé les systèmes hydrogéologiques et atmosphériques, et provoqué la désertification de vastes zones. Même dans ce cas, servir l’évangile de l’espérance veut dire s’engager de manière nouvelle pour un usage correct des biens de la terre développant l’attention qui, en plus de sauvegarder des habitats naturels, défend la qualité de vie des personnes, afin de préparer pour les générations futures un monde plus conforme au projet du créateur ».

Dans cet élan, en 2005, sept mouvements de l’Église catholique engagés dans la préservation de l’environnement invitent les fidèles à vivre Noël autrement et les incitent à la sobriété et à la simplicité faisant ainsi directement écho à la publication de l’ouvrage de Paul Ariès, Décroissance ou barbarie (2005), et plus généralement aux thèses de la décroissance qui seront développées par Serge Latouche (2006) l’année suivante. Écologie et spiritualité, pour reprendre le titre de l’ouvrage collectif paru en 2016 (Comte-Sponville, Jacquard, Monod, Pelt, Rhabi, 2006), ne font plus qu’un. La conversion écologique de l’Église ouvre en 2009 la voie à l’action et à l’engagement (Beauchamp, 2008).

 

3. De 2009 à aujourd’hui, l’engagement écologique de l’Église catholique

 
Figure 3. 2009-2016 : l'engagement écologique de l'Église catholique

Conception : B. Sajaloli, E. Grésillon ; Réalisation : M. Aletti.
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Si le virage écologique du Vatican s’amorce en 2009, il faut encore quelques années pour qu’il soit intégral. Le temps pour Benoit XVI et François d’aménager peu à peu les piliers de la foi afin qu’il soit acceptable d’écrire : « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous »  [40] . Le terme conversion est ici très fort, il suppose que l’Église et la société doivent changer. Si cette conversion appelle un retour résolu vers Dieu, elle s’accompagne également d’un aveu des fautes de l’humanité et de l’Église vis-à-vis de la création. Il a fallu un long parcours pour que le pape François ajoute : « Le mouvement écologique mondial a déjà parcouru un long chemin, digne d’appréciation, et il a généré de nombreuses associations citoyennes qui ont aidé à la prise de conscience » . Le pape s’associe ainsi pleinement avec la société civile de l’écologie contemporaine.

3.1 L’intégration de l’écologie dans la doctrine de l’Église

En 2009, l’encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI (29 juin 2009)  [41]  ouvre une brèche théologique et intègre officiellement l’écologie dans la doctrine de l’Église. Quatre longs paragraphes du chapitre IV sont consacrés à l’environnement et si les postures panthéistes sont toujours dénoncées, si la préséance de l’homme sur la nature est maintenue, Benoit XVI affirme que « l’Église a une responsabilité envers la création et doit la faire valoir publiquement aussi. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l’eau et l’air comme dons de la création appartenant à tous, elle doit surtout protéger l’homme de sa propre destruction ». La transition doctrinale s’effectue ainsi par le truchement de l’écologie humaine en droit fil de la pensée de Jean-Paul II : protéger la nature, c’est protéger l’homme et une même morale chrétienne doit présider aux deux actions  [42] .

Cette posture, liant par exemple défense de l’environnement et lutte contre la contraception et l’avortement, a paradoxalement renforcé les courants conservateurs de l’Église catholique française. Le mouvement les Veilleurs (Bès G. et al., 2014) créé suite à la Manifestation pour tous  [43]  en France reprend ainsi l’écologie intégrale de Benoît XVI et l’écologie humaine de Jean-Paul II (Bès, 2014)  [44] . Ces jeunes, faisant de l’ouvrage de G. Bès un manifeste, promeuvent la famille traditionnelle regroupant un papa, une maman et des enfants  [45] . Les Veilleurs critiquent « l’apologie contemporaine du trans (transgenrisme, transgenèse, transhumanisme), symptôme d’une société anomique, sans structure, sans ordre et sans unité » (Ibid., p. 59). Ils dénoncent « une certaine écologie libertaire » (Ibid., p. 66) qui selon eux est contradictoire puisqu’elle défend la suppression des contraintes de la société sur l’individu et en même temps demande la mise en place de contraintes sur l’individu pour empêcher le saccage de la nature et des cultures autochtones. Ils défendent un développement fondé sur « la conscience de notre finitude ». Cette écologie intégrale moralisatrice et traditionaliste ressurgit également à la faveur des discours contre le mariage homosexuel. Mais, instrumentalisant l’écologie, notamment dans son champ défense de la vie, récupérant et mettant au service de valeurs très conservatrices la réflexion engagée au sein du catholicisme sur les rapports homme-nature, ce mouvement est loin d’être partagé par tous les catholiques. Il s’ensuit un débat très complexe au sein même de l’Église entre partisans ou non de cette écologie intégrale, entre écologistes non catholiques, mais sensibles au dogme moralisateur de la famille, et écologistes chrétiens ou non très opposés aux postures réactionnaires de la Manifestation pour tous  [46] , entre militants écologistes et de gauche très attachés à la défense des libertés individuelles, notamment aux droits des homosexuels [47] et leurs confrères sensibles aux arguments biologiques et inquiets devant la manipulation du vivant. Face à ces oppositions sur la manière de concevoir la famille,  la « cellule de base de la société »  [48] , l’Église peine à avoir un discours harmonieux.

3.2. L’Église verte

L’élection de Jorge Mario Bergolio, le 13 mars 2013, après la renonciation pour raison de santé de Benoit XVI, confirme à plusieurs titres le virage écologique de l’Église. Premier pape non européen issu du continent sud-américain, il choisit significativement le nom de François en hommage à saint François d’Assise, patron des écologistes. François est également proche des théologiens de la Libération  [49]  de fidèles, développent un discours politique. C’est cette démarche qu’il va lancer : les engagements catholiques pour l’environnement se nourrissent successivement d’une dénonciation de la consommation et de la mondialisation financière ainsi que d’une intégration de la notion de biodiversité dans le discours ecclésiastique. En cela, il fait écho à une posture de la non-modernité (Latour, 1991) rejetant le progrès, consciente de la finitude du monde et proche des théories de la décroissance (Georgescu-Roegen, 1979 ; Gorz, 1978 ; Ellul, 1954 ; Illich, 1973 ; Latouche, 2006). Il fait également sienne la critique de la consommation émanant d’intellectuels chrétiens (Pelt, 2008, Bastaire, J. Bastaire H., 2004, Bastaire, J., 2009) qui s’appuient sur l’Évangile pour exalter la sobriété  [50].  Pour Jean-Marie Pelt, par exemple, « L’Évangile relaie ici étonnamment l’attitude de sobriété et de distance à l’égard des biens matériels (…) mais une sobriété joyeuse, car Jésus ne refuse pas un bon repas chez les amis ; il apprécie les biens de la terre, mais en fait un usage parcimonieux » (Pelt, 2008, p ; 168). Nous retrouvons ici, peu ou prou, les propos défendus dans Vers une sobriété heureuse  de Pierre Rabhi (2010). Cette conception motive l’initiative « jeûne climatique » proposée par des organisations religieuses (chrétiens, bouddhistes, musulmans, hindous…) et par les représentants d’ONG laïques ( Climate Action Network International, Friends of the Earth  [51]  notamment) ou confessionnelles (CIDSE  [52] , le pendant international du CCFD-Terre Solidaire…). À l'approche et lors de la Conférence sur le climat de Paris (30 novembre au 11 décembre 2015), ce jeûne, soutenu par l’Église catholique de France, par Pax Christi , Nicolas Hulot et Mgr Stenger, invita les pratiquants et les non-pratiquants à renoncer à manger ou à éviter au maximum les émissions de gaz à effet de serre, le premier jour de chaque mois, en solidarité avec les victimes des dérèglements climatiques.

Si la trajectoire spirituelle et géopolitique de François a incontestablement accentué l’engagement écologique de l’Église, celui-ci s’inscrit également dans toute la décennie 2010, traumatisée par la catastrophe de Fukushima (2011) et déçue par les faibles avancées du second Sommet de la terre de Rio (2012). Ainsi, l’Église de France sous la plume d’un groupe de travail regroupant plusieurs évêques  [53]  a produit un document assez engagé sur « les enjeux et les défis écologiques de l’avenir » (Conférence des évêques de France, 2012). Les évêques suivent le constat des scientifiques : « l’épuisement des ressources naturelles, les changements climatiques, la dégradation des écosystèmes, l’appauvrissement de la biodiversité » ( Ibid ., p. 8). Ils insistent « sur le caractère non durable de notre modèle de développement actuel » ( Ibid ., p. 8). L’expérience de foi peut permettre de revisiter les fondements de la société (consommation, production, déplacement). Il s’agit d’apporter une réflexion à partir de la foi chrétienne sur les bouleversements opérés par la crise écologique sur les rapports au temps, à l’espace et à autrui  [54] .

C’est en droit fil de cette conversion écologique, de cet engagement de l’Église dans la défense de l’environnement, que se situe l’encyclique Laudato Si de François du 24 mai 2015 qui invite à une conversion écologique globale. Radicale, elle prône une écologie intégrale, dans laquelle la bioéthique, l’éthique planétaire, les justices sociales, environnementales et intergénérationnelles, les dimensions spirituelles de la personne s’associent aux versants écologiques biologiques et humains déjà présents dans l’Église depuis une décennie. Politique, elle marque la volonté du Vatican d’influer sur la vie de la cité en dénonçant violemment le consumérisme, le paradigme techno-économique, la financiarisation planétaire de l’économie et en préconisant des modes de vie sobres, décroissants, solidaires (« écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres », Laudato Si, n°49) et une spiritualité écologique. Ainsi entendue, l’écologie intégrale est une forme d’anthropologie philosophique (Bourg et Roch, 2010 ; Descola, 2005 ; Ricoeur, 2013).
 

Conclusion

Depuis 1945, au gré des progrès scientifiques, des événements écologiques, de l’avènement de l’écologie politique (figures 1, 2 et 3), le contact entre science et foi, entre religion et écologie, a produit un choc, une sorte de « révélation » liée à la conscience d’habiter un monde fini, contrôlé voire détruit par l’homme alors qu’il a été créé par Dieu. C’est selon nous cette tension qui, d’une part, a conduit, l’Église catholique, et plus globalement les grandes religions du monde, à intégrer l’écologie dans leurs doctrines théologiques et à s’engager dans la politique de la cité et, d’autre part, a favorisé une aspiration au divin, à la spiritualité chez nombre d’humains habitant la planète terre (Todd et alii., 2013). Confronter l’écologie chrétienne à l’histoire récente de l’écologie (Acot, 1988 ; Deléage, 2000 ; Bourg et Fragnière, 2014 ; Dupuy, 2014 ; Mortagne, 2003 ; Western, 1994), et notamment à celle de l’écologie politique (Fremion, 2007 ; Jacob, 1999) montre in fine comment l’Église a construit son discours en fonction des courants de pensée qui traversent la société civile, des catastrophes environnementales majeures comme Tchernobyl ou Fukushima et des grandes scènes politiques comme les sommets de la Terre de Rio 1992 et Rio 2012 (Revel, 2014). De même, l’émergence d’une éthique environnementale (Afeissa et alii, 2009 ; Brenner, 2010 ; Ferrari et alii, 2010 ; Hess, 2013) la conduisit, dans le domaine moral qui est le sien, à prendre part à l’émergence d’une nouvelle pensée des rapports homme-nature.

 

Notes

[1] « La Pacha Mama, où se reproduit et réalise la vie, a le droit à ce que soient intégralement respectés son existence, le maintien et la régénération de ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et ses processus évolutifs » (article 71).

[2] Cette loi de la terre-mère s’inspire également de la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux n° 169 de l’ONU entrée en vigueur le 5 septembre 1991 qui, dans son article 5, stipule « reconnaître et protéger les valeurs et les pratiques sociales, culturelles, religieuses et spirituelles de ces peuples et prendre dûment en considération la nature des problèmes qui se posent à eux, en tant que groupes comme en tant qu'individus ».

[3] De même, les thématiques de certains ateliers sont évocatrices : « bases éthiques et théologiques de la justice climatique », « défense des droits : expériences et défis pour la jeunesse religieuse », « la nature du sacré et le sacré de la nature : reconnexion à une terre vivante ».

[4] La Commission des Épiscopats de la Communauté européenne ou COMECE est composée de 26 évêques représentant tous les États membres de l’UE.

[5] Le Conseil œcuménique des Églises est une ONG qui regroupe presque toutes les traditions chrétiennes (protestantes, anglicanes, orthodoxes, évangéliques) et vise à l’harmonie entre les chrétiens. L’Église catholique n’en est pas membre mais collabore fréquemment via notamment le groupe mixte de travail qui a publié en 2005 une étude sur La nature et l’objet du dialogue œcuménique.

[6] Encyclique Caritas in veritate (L'amour dans la vérité) de Benoît XVI, 2009 : texte en français.

[7] Évêque de Troyes depuis 1999, Président de Pax Christi France, Mgr Stenger est très investi dans la défense de l’environnement. Il anime un groupe de travail sur écologie et religion au sein de la Conférence des évêques et a coordonné l’ouvrage Planète vie, planète mort, l’heure des choix (2005), qui a rencontré un large public.

[8] Jean-Pierre Ribaut est l'un des premiers catholiques à s’être intéressé aux questions des rapports entre la religion catholique et l’environnement, entre le croyant et la création. Biologiste, ancien chef de la Division de l’environnement au Conseil de l’Europe,  ordonné diacre en 1988, il participe à la préparation du Rassemblement œcuménique européen de Bâle en 1989 où, sous la pression des Églises protestantes du Nord de l’Europe, l’environnement figura pour la première fois au programme. Bâle lance véritablement l’intérêt de Pax Christi France pour l’environnement, puisque cette ONG crée la même année la Commission « création et environnement ». 

[9] Les auteurs considèrent que la construction du discours écologique de l’Église est très étroitement liée au contexte territorial (linguistique, culturel et spirituel) dans lequel il se déploie. Dès lors, afin de suivre de manière détaillée la position de l’Institution catholique et des fidèles face aux questions environnementales, parti a été pris de privilégier l’Église de France et, bien sûr, les orientations du Vatican.

[10] François, 2015, Lettre encyclique Laudato si (Loué sois tu) du pape François sur la sauvegarde de la maison commune. Le titre de cette encyclique reprend le cantique des créatures de Saint François d’Assise. Texte en français.

[11] Historien médiéviste américain, professeur à l’université de Los Angeles (Californie), Lynn White (1907-1987) attribue à l’Église catholique une lourde responsabilité historique dans la crise écologique planétaire. Cette thèse a été largement diffusée à partir de la revue Science en 1967. Voir Grésillon, Sajaloli, "L'écosystème catholique" et également Grinevald J. (2010).

[12] Citation tirée de Populorum progressio, lettre encyclique, verset 22. Texte en français.

[13] Constitution Gaudium et spes, verset 34, paragraphe 1. Texte en français sur le site officiel du Vatican. Cette Constitution sur « l'Église dans le monde de ce temps » est l'un des principaux documents de l'Église catholique issus du IIe concile œcuménique du Vatican. Promulguée par Paul VI le 8 décembre 1965, elle affirme la solidarité de l’Église avec l’histoire et la condition humaine et prône une recherche commune de solutions aux problèmes contemporains. Elle constitue un apport majeur à la doctrine sociale de l’Église.

[14] Citation tirée de la Constitution pastorale Gaudium et Spes, au verset 57, paragraphe 2. Texte en français sur le site officiel du Vatican.

[15] En reconnaissant la théorie de l’évolution, Jean Paul II émettra ainsi une réserve : l’humain ne peut pas être « un simple épiphénomène » dans l’histoire du cosmos, son esprit révèle une ingéniosité supérieure qui est à l’image de Dieu ». La documentation catholique, 17 novembre 1996.

[16] Citation tirée du discours du pape Paul VI pour les 25 ans de la FAO le 16 novembre 1970. Texte en français sur le site officiel du Vatican.

[17] Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), prêtre jésuite théologien paléontologue et théologien affirme dans Le phénomène humain (1955) que matière et esprit sont les deux faces d’une même spiritualité. Il place « l’homme, non pas au centre statique du monde, mais axe et flèche de l’Évolution ». Interdit de publication théologique dès 1921, ses œuvres posthumes seront vivement condamnées par le Vatican en 1962. Il ne sera en partie réhabilité qu’en 2003 avant d’être considéré comme un précurseur et une référence par Benoit XVI et François. Voir à ce sujet : Brédif, 2013.

[18] Citation tirée du discours du pape Paul VI le 27 mars 1971. Texte en français sur le site officiel du Vatican.

[19] Dans ce système de pensée, les fidèles sont attentifs au monde pour comprendre le divin. Le monde renvoie à Dieu.

[20] C’est notamment l’argument de Jean-Marie Pelt très fréquemment interrogé sur le sujet : « Le Christ ne domine rien, il tend la joue et lave les pieds de ses disciples », Jean Claude Noyé, "Jean-Marie Pelt, amoureux de la nature", Prier, 1 juillet 2008.

[21] Cette dernière position est notamment adoptée par Mgr Stenger et Jean-Pierre Ribault (entretien avec Bertrand Sajaloli le 26 mars 2006) qui affirment : « il faut resituer ces versets dans le contexte particulier de l’histoire du peuple juif et recontextualiser la signification des termes employés. Ces versets ont été écrits alors que le peuple juif est en exil à Babylone. Yaveh les a abandonnés, ils sont éprouvés et numériquement fragilisés. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre “soyez féconds, multipliez, remplissez la terre“ (Gn 1, 28), dans la volonté de reconstruire un peuple. De même, “dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux, et sur tout animal qui se meut sur la terre“  (Gn 1, 28) doit être entendu selon le langage de l’époque pour lequel « dominer » renvoie au chef de famille (le futur dominus latin) qui, dans une structure familiale patriarcale, doit veiller sur tous les membres de la famille vivant ensemble. “Soumettez-la“ (Gn 1, 28) s’entend donc dans le sens de maîtrisez-la. Ce verset controversé de la Genèse doit ainsi être rapproché d’un verset suivant “L’éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder“ (Gn 2, 15) qui rappelle à peu de choses près la conclusion de la Conférence de Rio, à la base du développement durable : l’exploitation des ressources naturelles est acceptée dans la mesure où elle ne se fait pas au détriment des générations futures.

[22] La dérive vers l’écologie sacralisante avec le courant du New Age est décryptée par Verlinde (2005) qui y consacre un chapitre (p. 153) dans l’ouvrage de Mg Stenger, Planète vie, planète mort. Le but est de proposer « un nouveau modèle d’univers, dans lequel l’art, la religion, la philosophie et la science convergent et de promouvoir la compréhension que nous existons dans un cosmos dont les nombreux niveaux de réalité forment un tout unique et sacré. [Le courant New Age] veut ainsi instaurer une spiritualité de la terre d’où découlent un nouveau mode de vie et un mysticisme cosmique ».

[23] Opposés à la théorie de l’évolution de Darwin, les créationnistes, répandus surtout dans le monde protestant évangélique, admettent l’existence d’une évolution globale mais refusent le fait qu’elle est imprédictible ; ils affirment au contraire qu’elle obéit à un plan divin. Sur le sujet l’opposition de l’Église catholique à ces théories, voir l'entretien avec François Euvé, « L’Église catholique s’oppose au créationnisme »,TDC n° 3981, 2009.

[24] Né en France en 1945 à l’initiative de chrétiens français et allemands, Pax Christi devient en 1950 le Mouvement Catholique International pour la Paix. Pax Christi est reconnue aujourd’hui comme ONG consultative auprès de l’ONU et de l’Union Européenne. D’abord tournée vers la paix, elle insiste ensuite sur les liens entre développement et paix, d’où la création du CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) en 1961. Notons qu’en France, Pax Christi est présidée par Mg Stenger, « l’évêque vert », et que Dominique Lang, animateur du blog Églises et Écologies, en est l’aumônier.

[25] Trois hypothèses peuvent être avancées pour expliquer la plus grande et plus précoce sensibilité des protestants à l’écologie. D’une part, en Europe, ils vivent dans des pays à très fortes densités dont l’environnement est plus fragile ; d’autre part, conduits à un examen de conscience régulier, ils sont seuls juges de leur vie et ont une plus grande conscience du monde et donc de l’environnement. Cette pratique s’oppose à la confession catholique qui, après absolution et pardon, autoriserait plus de négligences sociales et environnementales. Enfin, une lecture plus assidue des Écritures encourage à protéger la nature, et donc la création.

[26] Selon Jean Zizoulias, théologien orthodoxe cité par Egger (2006) dans La Vie, « la crise écologique est celle d’une culture qui a perdu le sens de la sacralité du cosmos, parce qu’elle a perdu sa relation à Dieu ». La pratique du jeûne, l’auto-limitation et l’auto-restriction ont ainsi une dimension écologique que ce soit dans l’abstention d’ingérer des éléments carnés, ou dans la réduction de la consommation alimentaire et la purification. Dans l’eucharistie, les orthodoxes offrent tout ce que Dieu a donné dans sa création. Ainsi, celle-ci est le lieu d’une authentique écologie chrétienne car elle est l’espace de communion avec le créateur (Rossi, 2003). C’est donc l’Église orthodoxe qui dès 1989, soit près de 10 ans avant les rassemblements écologiques et 20 ans avant l’Église catholique, institue une Journée de la création chaque 1er septembre.

[27] Carl Fiedrich von Weizsäcker (1912-2007), est un physicien et philosophe allemand. Après des recherches controversées sur le nucléaire, il crée dans les années 1970 une fondation pour la science occidentale et la sagesse orientale et devient pacifiste chrétien.

[28] Dans les conclusions de la conférence de Bâle, on peut lire que croire en Dieu suppose que l’on s’engage à surmonter « les divisions entre l’humanité et la création dans son ensemble, la domination des êtres humains sur la nature, les styles de vie et moyens de production qui violent la nature, un individualisme qui viole l’intégrité de la création pour satisfaire des intérêts privés ». 

[29] Initiative de Pax Christ France, le symposium de Klingenthal a réuni en octobre 1995 toutes les religions du monde qui, à son issue, lancent un appel solennel pour le respect de la nature et de l’environnement.

[30] Dans les « Pratiques nouvelles de la responsabilité écologique », quatre recommandations aux Églises sont développées : « promouvoir la défense de la création comme une partie intégrale de la vie ecclésiale, promouvoir un style de vie conforme aux critères de durabilité et à la justice sociale, adhérer à l’Agenda 21, créer un  réseau de responsables de l’environnement ».  Ce vœu sera réalité en 1998 avec la création du réseau ECEN.

[31] L’encyclique Sollicitudo rei socialis (le souci de la chose sociale) est consacrée au développement humain et à la notion chrétienne de progrès. Texte en français.

[32] L’encyclique Centesimus annus publiée pour le centenaire de l'encyclique Rerum Novarum actualise la doctrine sociale de l’Église et critique les notions de capital et de profit quand elles ne tiennent compte ni de l’homme, ni des ressources de la terre, ni du bien commun.

[33] Citation tirée du site internet officiel du Vatican.

[34] Consultable sur le site du Vatican au paragraphe 38.

[35] Notons aussi que Jean-Paul II intègre la question écologique dans une dénonciation de la consommation. Le 1er mai 1991, dans cette encyclique, il affirme qu’« à côté du problème de la consommation, la question de l'écologie, qui lui est étroitement connexe, inspire autant d'inquiétude. L'homme, saisi par le désir d'avoir et de jouir plus que par celui d'être et de croître, consomme d'une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même ». Source : site internet officiel du Vatican.

[36] Dans cette perspective, il est important de mentionner l’ouvrage Les gémissements de la création (Jean-Paul II, 2006) qui regroupe vingt textes de Jean-Paul II sur l’écologie, choisis et présentés par Jean Bastaire.

[37] Citation tirée du site internet officiel du Vatican.

[38] Signalons toutefois que c’est également en ordre dispersé, et de manière différente que les Églises de chaque pays ont empoigné la question écologique. En effet, l’Église allemande, à qui l’État octroie des missions sociales spécifiques en matières de santé, d’éducation et d’encadrement de la pauvreté (de Galembert, 2000, 2001), davantage liée à l’Église protestante très influencée par des théologiens sensibles à l’écologie (Moltmann, 1988, 2004), paraît à la fois plus précocement et plus intensément engagée en faveur de la défense de l’environnement, comme d’ailleurs, l’Église suisse (Landron, 2008). L’Église italienne, proche du Vatican, réagit de manière plus synchrone avec les prises de positions papales comme l’atteste le mouvement Chiesaecologica qui depuis les prises de position de Benoît XVI associe des scientifiques et des théologiens pour la défense de l’environnement. En Amérique du Sud sur le continent où habitent environ 40 % des catholiques, la question écologique est depuis 1990 étroitement liée à des questions sociales (pauvreté, égalité des droits, féminisme). Cette relation forte serait la marque des théologiens de la Libération comme Leonardo Boff et Ivonne Gebara (Martínez Andrade, 2011) qui mêlent « l’émancipation de la nature et celle des pauvres les considérant tous deux exploités par l’économie de marché » (Turina, 2013, p.27).

[39] Article 16 de la déclaration accompagnant l’opuscule de 2000.

[40] Chapitre 14 de la lettre encyclique Laudato Si sur la sauvegarde de la maison commune du pape François, consultable sur le site du Vatican.  

[41] Encyclique Caritas in veritate de Benoît XVI, 2009. Texte en français.

[42] « Une sorte d’écologie de l’homme, comprise de manière juste, est nécessaire. La dégradation de l’environnement est en effet étroitement liée à la culture qui façonne la communauté humaine : quand l’écologie humaine est respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage », Encyclique Caritas in veritate, paragraphe 51.

[43] Collectif français créé en septembre 2012, rassemblant des personnes et des associations contre la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, contre l’homoparentalité (adoption, PMA, GPA), contre l’enseignement de la « théorie du genre » et pour la « famille traditionnelle ».

[44] Gaultier Bès est le porte-parole de ces jeunes. Ancien chef scout unitaire, sa démarche se veut apolitique et non religieuse. Il se réfère pourtant à la doctrine sociale de l’Église et utilise abondamment les réseaux catholiques traditionnels pour défendre son point de vue. Les Veilleurs sont en outre soutenus par les archevêques de Lyon, Mgr Barbarin et de Paris, Mgr Vingt-Trois.

[45] « L’individu est d’abord et toujours l’effet d’une cause. L’union d’un homme et d’une femme, ce lien politique fondamental, le précède et le fonde. » (Bès, 2013, p. 37). Pour eux, « l’altérité sexuelle est la première grande différence structurante qui nous donne de vivre l’expérience féconde du manque : homme ou femme, notre corps nous limite, notre identité, nous détermine, et il est illusoire de prétendre y remédier par quelque artifice technique (Ibid., p. 62). Il s’agit de se préserver de « la menace du post-humain, rendue plausible par le progrès technique autant que par la fragilisation de notre écosystème » (Ibid., p. 58).

[46] À cet égard, les prises de position de José Bové, un des leaders français de l’altermondialisme et de l’agriculture paysanne, contre la procréation médicalement assistée (PMA) ont suscité de vives réactions au sein des mouvements écologiques et de la gauche française alors qu’ils étaient applaudis par les mouvements catholiques proches de la Manifestation pour tous.

[47] Voir à ce sujet l’article "PMA et GPA : un autre débat est-il possible chez les écologistes ?", La Vie, 16 juin 2014.

[48] Chapitre 157 de la lettre encyclique Laudato Si’ sur la sauvegarde de la maison commune du pape François, consultable sur le site du Vatican.

[49] Venu d’Amérique latine, ce courant théologique chrétien prône la défense des exclus et des pauvres et s’appuie sur l’expérience biblique du passage de la mer Rouge vers la terre promise.

[50] Ils prennent appui sur l’Évangile selon Saint-Mathieu où il est écrit : « Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent » (Mt 6 ; 24). Il s’agit de faire comme les lis des champs ou comme les oiseaux du ciel qui « ne sèment ni ne moissonnent ni ne recueillent en des greniers » (Mt 6 ; 26).

[51] Les Amis de la Terre sont la branche française de l'ONG internationale Friends of Earth.

[52] La CIDSE (Coopération Internationale pour le Développement et la Solidarité) est une alliance de 17 ONG catholiques de développement européennes et nord-américaines.

[53] Marc Stenger (évêque de Troyes), Jean-Claude Boulanger (évêque de Bayeux-Lisieux), Pierre-Marie Carré (archevêque de Montpellier), Jean-Pierre Grallet (archevêque de Strasbourg), Gilbert Louis (évêque de Châlons en Champagne), Jean-Louis Papin (évêque de Nancy), Pascal Wintzer (archevêque de Poitiers), Gildas Kerhuel (secrétaire général-adjoint de la Conférence des Évêques de France).

[54] « La démarche chrétienne nous inscrit dans une perspective de long terme, au sein d’une histoire de salut qui a commencé bien avant nous, et qui se poursuivra bien après nous » (Conférence des évêques de France , p. 9). Avec la nature, « il s’agit de trouver un bon équilibre marqué par la réciprocité, c'est-à-dire une relation où chacun (la nature et l’homme) donne et reçoit de l’autre » (Ibid., p. 10). La nature « n’est ni simple paysage ni seulement une ressource. Une interdépendance existentielle relie l’homme à la nature [dont ] la fragilité peut être une source de nouveauté poussant nos sociétés à inventer de nouvelles manières de vivre ensemble » (Ibid., p. 13).

Pour compléter

Ressources bibliographiques
Ressources webographiques

Sites officiels de l’Église catholique :

  • Le Vatican : textes officiels du Pape en français
     

Sites évoquant l’interface nature-religion :
- Revues :

- Associations

 

 

Bertrand SAJALOLI,
Université d’Orléans, EA 1210 CEDETE, bertrand.sajaloli@univ-orleans.fr

 

et Étienne GRÉSILLON,
Université de Paris-Diderot, LADYSS, etienne.gresillon@wanadoo.fr

 

conception et réalisation de la page web : Marie-Christine Doceul,
pour Géoconfluences, le 19 octobre 2016

Pour citer cet article :  

Bertrand Sajaloli et Étienne Grésillon, « L’Église catholique, l’écologie et la protection de l’environnement : chronique d’une conversion théologique et politique », Géoconfluences, octobre 2016.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/fait-religieux-et-construction-de-l-espace/articles-scientifiques/eglise-catholique-ecologie-conversion-theologique-et-politique