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L'IDH municipal pour observer les inégalités de développement au Brésil

Publié le 01/03/2018
Auteur(s) : Sébastien Bourdin, professeur de géographie économique, Titulaire de chaire d’excellence européenne Économie Circulaire et Territoires - EM Normandie Business School
Le développement et l'enrichissement du Brésil n'ont en rien réduit les inégalités, au contraire, comme le montre une carte de l'IDHM (IDH municipal).

Nous laissons aujourd'hui les colonnes de notre veille d'actualité à Sébastien Bourdin, qui nous présente une carte sur les inégalités au Brésil.

Carte. Géographie des inégalités de développement humain à l’échelle des municipalités

Sébastien Bourdin — Carte IDHM Brésil par commune

Encadré. La construction de l’Indice de Développement Humain Municipal

L’IDHM qui représente la moyenne géométrique des indices de revenu, d'éducation et de longévité, avec des poids égaux. L’indice de revenu est obtenu à partir de l'indicateur du revenu par habitant, en utilisant la formule: [ln (valeur observée de l'indicateur) - ln (valeur minimale)] / [ln (valeur maximale) - ln (valeur minimale)], où les valeurs minimales et maximales vont de 2,10 € et 1 063,10 € (aux prix d'août 2010). L’indice d’éducation est obtenu en calculant la moyenne géométrique de l'indice de fréquence des enfants allant à l'école, avec un poids de 2/3, et de l'indice d'éducation de la population à l’âge adulte, pesant pour 1/3. Enfin, la dimension de la longévité est obtenu à partir de l'indicateur d’espérance de vie à la naissance, en utilisant la formule: [(valeur observée de l'indicateur) - (valeur minimale)] / [(valeur maximale) - (valeur minimale)], où les valeurs minimales et maximales sont de 25 ans et 85 ans, respectivement.

Sébastien Bourdin, 2018.


Le Brésil a connu de profonds changements socio-économiques depuis la Grande Dépression des années 1930, en particulier depuis la Seconde Guerre mondiale. Son économie, qui pendant des siècles avait été orientée vers l'exportation d'un petit nombre de produits primaires, a été dominée par un secteur industriel important et diversifié. Dans le même temps, la société brésilienne, essentiellement rurale, s'est urbanisée de plus en plus.

Cette transformation socioéconomique rapide peut être illustrée par quelques chiffres. La population totale du Brésil est passée de 17,4 millions en 1900 à 186,8 millions en 2007 et a passé la barre des 200 millions en 2012. En 1940, seulement 30 % de la population du pays vivait en milieu urbain contre 85 % en 2016, la contribution de l'agriculture au produit intérieur brut (PIB, mesuré aux prix courants) est tombée de 28 % en 1947 à 5,8 % en 2010, tandis que celle de l'industrie et des services continuent d’augmenter (respectivement 26,8 % et 67,4 % du total du PIB).

Ces réalisations n'ont cependant pas transformé le Brésil en une société où les inégalités sont relativement plus faibles. Certes le PIB par habitant soit passé de 1102 € en 1980 à 7 578 € en 2016, mais ce chiffre n'est pas un bon indicateur du bien-être général, car la répartition des revenus est très concentrée entre les classes de revenus et entre les régions du pays. Au début du XXIe siècle, le revenu moyen d'une famille dans les 10 % supérieurs de la distribution des revenus était 60 fois plus élevé que le revenu d'une famille dans les 10 % inférieurs. Le coefficient de Gini reste très élevé et a peu évolué au cours des vingt dernières années (0,60 en 2010). Par ailleurs, le revenu par habitant varie significativement d'une région à l'autre, si bien que dans de nombreux États du nord-est du Brésil, il représentait moins de la moitié de la moyenne nationale et 34 % du Sud-Est, région la plus développée du pays.

En termes de bien-être de ses nombreux citoyens, le Brésil reste un pays traversé par de nombreuses inégalités, même si la forte croissance de son économie a entraîné une amélioration effective des conditions de vie de ses habitants. Dans le temps long (tableau 1), on observe une croissance importante et significative de l’Indice de Développement Humain Municipal (IDHM – voir encadré), avec toutefois des disparités dans son évolution entre les régions du Nord (inférieures à la moyenne) et celles du Sud (supérieures à la moyenne). Sans surprise, on retrouve l’IDHM le plus élevé dans les grandes villes du Brésil notamment (tableau 2 et carte 1) alors que les villes plus au Nord enregistrent un IDHM beaucoup moins important (tableau 2 et carte 1). Mais, paradoxalement, alors que l’on aurait pu s’attendre à un indice de Gini plus élevé dans les grandes villes brésiliennes, il n’en n’est rien.

 
Tableau 1. Inégalités régionales au Brésil (1991-2010)
  IDHM 1991 IDHM 2000 IDHM 2010 Gini 1991 Gini 2000 Gini 2010
Nord (Norte) 0,42 0,54 0,68 0,62 0,63 0,61
Nord-Est (Nordeste) 0,39 0,51 0,66 0,64 0,65 0,62
Sud-Est (Sudeste) 0,53 0,66 0,75 0,59 0,60 0,57
Sud (Sul) 0,53 0,66 0,76 0,58 0,58 0,52
Centre-Ouest (Centro-Oeste) 0,51 0,64 0,75 0,60 0,62 0,57
Brésil 0,49 0,61 0,73 0,63 0,64 0,60

 

 
 
Tableau 2. Inégalités municipales au Brésil (1991-2010)
  Municipalité Région Gini 2010 IDHM 2010
Les cinq municipalités avec l'IDHM le plus élevé Distrito Federal Centre-Ouest 0,63 0,824
São Paulo Sud-Est 0,56 0,783
Santa Catarina Sud 0,46 0,774
Rio de Janeiro Sud-Est 0,59 0,761
Paraná Sud 0,53 0,749
Les cinq municipalités avec l'IDHM le plus bas Alagoas Nord-Est 0,63 0,631
Maranhão Nord-Est 0,62 0,639
Pará Nord 0,62 0,646
Piauí Nord-Est 0,61 0,646
Paraíba Nord-Est 0,61 0,658

 

 

Voir aussi

Sébastien Bourdin
Professeur associé, École de Management de Normandie

Pour Géoconfluences, mars 2018.