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La fin des aires urbaines en France. L’INSEE propose un zonage en aires d’attraction des villes

Publié le 02/11/2020
Le nouveau zonage de l'INSEE repose sur le même principe que le zonage en aires urbaines qui datait de 2010 : une aire d’attraction est un pôle d’emploi entouré par une couronne. L'INSEE retient désormais que les mobilités domicile-travail de 15 % des actifs suffisent à déterminer une polarisation. Par conséquent, 95 % des Français vivent dans les aires d’attraction des villes selon cette nouvelle définition.

Ce nouveau zonage ne semble pas tenir compte des critiques qui avaient été formulées à l’encontre du ZAU (Pistre et Richard, 2018). Avec une moyenne de 45 % d’actifs dans la population française, les couronnes périurbaines étaient définies par les mobilités domicile-travail de moins de 20 % de la population d’une commune (40 % de 45 %). Dans ce nouveau zonage, ce sont les déplacements quotidiens (ou pluri-hebdomadaires, avec la généralisation du télétravail) de seulement 6 % de la population d’une commune (15 % des 45 % d’actifs) qui la définissent comme polarisée. Cependant, alors que l'ancien zonage incluait dans les couronnes les communes polarisées par des communes elles-même polarisées, seules les communes polarisées par le pôle urbain sont désormais prises en compte.

Ce zonage présente ainsi l’inconvénient d’envisager les espaces ruraux comme de vastes aires d’attraction des espaces urbains, comme si les relations entre ces deux types d’espaces étaient unidirectionnelles et descendantes, et non réciproques et multiformes. Or de nombreux articles scientifiques, sur Géoconfluences et ailleurs, montrent au contraire que la France est un pays européen à la densité plutôt faible et marqué par un caractère rural affirmé (Pistre et Richard, 2018), que la densité moindre du périurbain est choisie (Fonticelli, 2020), que son aspect villageois est revendiqué par ses habitants (Amarouche et Charmes, 2019), ou que des polarités secondaires existent dans l’espace rural et périurbain (Didier-Fèvre, 2019).

INSEE — Aires d’attraction des villes selon le nombre d’habitants en 2017

D’après l’INSEE, 51 % de la population habite dans les pôles urbains et 43 % dans leurs aires d’attraction. Deux lectures sont possibles : on peut comprendre que 94 % de la population vit dans les villes ou dans leur aire d’influence. On peut aussi lire que la moitié de la population vit en ville, et l’autre moitié dans les espaces ruraux et périurbains. Ces chiffres à l’échelle nationale n’ont qu’une signification réduite, une grande partie des pôles de moins de 50 000 habitants n’étant en fait que de gros bourgs ruraux, et leur couronne correspondant à ce qu’il est habituellement convenu d’appeler la campagne. Les habitants de Bort-les-Orgues en Corrèze (2700 habitants) sont comptés parmi les 51 % d’urbains, et les 507 habitants de la commune voisine de Vebret (Cantal) sont dans son aire d’attraction.

Il faut regarder les chiffres dans le détail. L’INSEE classe les pôles urbains dans cinq catégories, allant de la mégapole au bourg rural : Paris ; plus de 700 000 habitants sauf Paris ; 200 à 700 000 habitants, 50 à 200 000 habitants, et moins de 50 000 habitants, y compris de très petits pôles d’emploi. Les aires sont classées en fonction de leur population de 2017.

Ce zonage n’est pas sans rappeler la ZPIU. En 1962 l’INSEE mettait au point la « zone de peuplement industriel et urbain ». Sa définition incluait les communes rurales industrielles ou résidentielles (les « communes dortoirs ») reliées aux villes. Elle intégrait les mobilités quotidiennes domiciles travail, la part de population non agricole, ainsi que le nombre et la taille des établissements industriels, commerciaux et administratifs. Au recensement de 1990, cette définition finit par recouvrir plus de 95 % de la population française et elle est ensuite abandonnée.

Le sort de la ZPIU, ainsi que le remplacement du ZAU de 2010 par les AAV de 2020, sont intéressants en ce qu’ils éclairent la manière dont sont construites les catégories statistiques urbain/rural : empiriquement. Ils nous rappellent que les catégories statistiques ne sont pas des réalités intangibles mais des productions au service d’un discours. Ces catégories sont indispensables mais il est toujours fécond de questionner les conditions de leur production.

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