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Le paysage dans tous ses états

Paysages urbains et demande sociale de nature en ville : une méthodologie d'enquête

Publié le 27/04/2007
Auteur(s) : Emmanuel Boutefeu - chargé d'études au CERTU

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L'exemple d'enquête proposé ici pourra inspirer d'autres démarches, sur d'autres thèmes, pour d'autres espaces et d'autres échantillonnages. La démarche peut être simplifiée, adaptée, à d'autres types de projets dans le monde éducatif.

Une enquête téléphonique a été réalisée en 2002 auprès de 305 habitants de la Communauté urbaine de Lyon (Grand Lyon), âgés de 18 ans et plus. Cette enquête "Certu" [1] a été l'occasion d'obtenir une photographie de "la demande sociale de nature à l'échelle d'une grande ville" allant des squares, parcs urbains, jusqu'aux espaces naturels et ruraux, voir l'article d'Emmanuel Boutefeu :
"La nature en ville, des enjeux paysagers et sociétaux "

Il s'agissait de mesurer l'évolution du marché espace vert d'une agglomération, d'observer le poids des différents types d'espaces verts afin de répondre à un certain nombre de questions que se posent les acteurs urbains chargés de concevoir et de gérer les parcs et jardins. Quels sont les parcs les plus fréquentés, les espaces verts les moins prisés ? Quel est le niveau de satisfaction des habitants vis-à-vis de l'offre d'espaces verts ? Existe-t-il des facteurs limitant l'attractivité d'un espace vert ? Est-on en mesure de connaître les raisons qui poussent certains Lyonnais à ne jamais fréquenter d'espaces verts ?

 

Choix de la méthode d'enquête

Plusieurs hypothèses de travail ont été formulées pour collecter l'information. Trois méthodes ont été préalablement examinées avant de déterminer celle avec laquelle le Certu allait opérer.

Tout d'abord, l'enquête en face à face conduite à l'entrée ou à la sortie des parcs et des squares a été un temps envisagée. Ce type d'enquête vise à connaître les caractéristiques, pratiques et opinions des usagers d'un espace vert (population captive). Mais en raison de la pluralité et de l'éparpillement des espaces verts sur le territoire lyonnais, il convenait de mobiliser un grand nombre d'enquêteurs pour observer les pratiques et les usages des habitants. Par ailleurs, les espaces naturels et ruraux proches de l'agglomération sont des lieux ouverts disposant de multiples "portes d'entrée". Les espaces périurbains ne se laissent pas enfermer dans un périmètre convenu autour duquel les observateurs peuvent se poster et comptabiliser les entrées et les sorties des visiteurs. Une enquête conduite à l'entrée des parcs et jardins ne permet pas d'interroger les habitants qui ne fréquentent pas ou jamais les espaces verts, ni d'en connaître les causes. Or, cette cible (non-clientèle) intéressait le Certu au plus haut point.

Pour toutes ces raisons, l'enquête en face à face a été écartée. Pour autant, nous ne nous priverons pas d'analyser les études de fréquentation disponibles sur les parcs et jardins du Grand Lyon et d'en confronter les enseignements avec l'enquête téléphonique. Ensuite, l'enquête ménage [2] a également été étudiée. Le Certu dispose d'un excellent savoir-faire en matière d'enquêtes ménages déplacements qu'il a contribué à mettre sur pied dans les années 1980. Les enquêtes ménages déplacements portent sur un échantillon représentatif de ménages interrogés selon un découpage géographique de l'agglomération en différents secteurs. La taille de l'échantillon est fixée de manière à assurer une bonne fiabilité des résultats : il est recommandé d'enquêter au moins 1 500 ménages sur l'ensemble de l'aire d'étude et 75 ménages à leurs domiciles pour chacun des secteurs géographiques choisis. L'enquête ménage a le mérite d'alimenter des bases de données à très grande échelle et de quantifier les flux dans l'espace afin de suivre leur évolution dans le temps.

Mais ce type d'enquête exige une organisation complexe : le recrutement d'une centaine d'enquêteurs, un long délai de préparation et de mise en œuvre (15 semaines), une importante logistique de saisie et de traitement des données. Le rapport efficacité/prix étant beaucoup trop  élevé eu égard à l'objectif de l'étude, elle n'a pas été retenue. Les avantages et les inconvénients de l'enquête téléphonique ont alors été analysés. Celle-ci présente des atouts indéniables. Elle est bien adaptée aux questions d'opinion ; c'est une méthode éprouvée, très utilisée par les instituts de sondage et les médias. Elle est moins onéreuse qu'une enquête en face à face, voire une enquête ménage à domicile. Elle est rapide à mettre en œuvre. Aujourd'hui, plus de 96% des ménages disposent d'un téléphone fixe. Il est donc possible de toucher un grand nombre de Lyonnais et d'atteindre ainsi une bonne exhaustivité du plan d'échantillonnage par rapport à la population mère (population recensée en 1999) du Grand Lyon.

Quelques extraits du compte rendu des résultats de l'enquête :

 

L'enquête téléphonique a cependant ses défauts : elle ne permet pas de toucher les 4% de ménages dépourvus d'un téléphone fixe pour des raisons économiques (grande pauvreté), culturelles (ne parle pas le français), médicales (personne mal entendante, personne âgée). Elle écarte les ménages inscrits sur les listes rouge et orange (20% des abonnés en 1998). Qui plus est, de plus en plus de Français se désabonnent de leur ligne fixe au profit de numéros mobiles, ce qui n'introduit encore qu'un biais mineur sur la représentativité de la base de sondage, mais qui pourrait avoir des effets plus prononcés dans l'avenir.

Mais au total, l'enquête téléphonique, par rapport à un entretien à domicile, permet d'obtenir une plus grande dispersion de l'échantillon et d'avoir une meilleure photographie de la demande sociale. C'est cette méthode qui a été retenue.

 

Le questionnaire Certu

L'élaboration du questionnaire est une phase très importante d'un sondage. La qualité du questionnaire conditionne largement la pertinence de l'enquête. Or, l'art de poser de bonnes questions, avec des mots simples et compréhensibles pour le grand public, est un exercice difficile. Une mauvaise formulation des questions peut induire une attitude de défiance qui rend le travail de l'enquêteur difficile. Par crainte d'être fichée, la personne sondée refuse parfois de donner son opinion. On risque également de recueillir une information entachée d'un faible degré de sincérité et de peu de réalisme. Pour remédier à ces problèmes bien connus des instituts de sondage un groupe de travail, animé par le Certu, a été constitué. Un avant-projet de questionnaire a été mis au point et soumis à l'avis d'experts travaillant sur "les enquêtes ménages déplacements". Puis cet avant-projet a été testé, via des entretiens téléphoniques auprès de quelques habitants dont les réactions à chaud ont permis d'affiner et d'amender le questionnaire. Ce pilote a permis d'optimiser le protocole d'enquête et d'améliorer la rédaction de certaines questions peu explicites.

Le questionnaire, (consultable dans ce document .pdf), est composé de trois modules distincts comprenant trente quatre questions au total. Le premier (trois questions) aborde des points généraux et vérifie notamment que la personne interrogée fréquente ou ne fréquente pas les espaces verts . Le second (24 questions) est constitué d'une liste de questions posées en boucle et portant tour à tour sur les squares, les parcs urbains, les espaces naturels et ruraux. Le dernier (7 questions) établit la fiche d'identité de la personne : caractéristiques familiales, économiques, sociales, résidentielles.

Une fois le questionnaire élaboré, les ménages à interroger ont été partagés en autant de  communes du Grand Lyon, de manière à ce que la taille de l'échantillon respecte la distribution spatiale de la population mère du dernier recensement Insee 1999. Le plan de sondage est proportionnel au poids démographique de chacune des 55 communes afin que le nombre de ménages à tirer au sort corresponde à la distribution effective de la population au  sein de la Communauté urbaine de Lyon. Toutes les communes sont  représentées, ne serait-ce que par un seul ménage. Par exemple, la commune de Lyon représente (recensement de 1999) à elle seule 38,17% (445 452 habitants), le nombre de ménages à interroger au sein de la ville de Lyon est de 114 ; il n'est plus que de 32 ménages pour la commune de Villeurbanne (124 215 habitants).

À l'issue de l'épreuve de test il était apparu que le paramètre "immeuble collectif, maison individuelle" jouait un rôle déterminant dans la pratique des citadins. Selon que l'on habite un immeuble ou une maison, la demande d'espace vert est différente. D'où le parti de stratifier l'échantillon en deux parts égales, d'un côté, les ménages habitant en immeuble collectif, de l'autre, les Lyonnais logés en maison individuelle. À l'examen du recensement de 1999, les communes de Caluire-et-Cuire, Lyon et  Villeurbanne concentrent la moitié des habitants du Grand Lyon (52%) dont 93% vivent en logements collectifs. La plus forte densité urbaine est enregistrée dans le centre-ville de Lyon où elle culmine à 9 263 habitants au km². Ces trois communes forment la première zone de notre échantillon dite "Z1" (habitat dense). La zone 2 appelée "Z2" (habitat extensif) regroupe les 52 communes adhérentes à la Communauté urbaine de Lyon. Ces communes sont constituées d'un habitat varié fait de grands ensembles, de pavillons et de lotissements, de maisons de village. Elles accueillent 48% de la population. La densité moyenne y est cinq fois plus faible que celle de la ville centre : 1 336 contre 7 204 habitants au km². Afin de comparer les deux secteurs d'habitation, nous avons distribué la population en deux unités, d'un côté la ville centre, de l'autre la banlieue, et scindé l'échantillon en deux lots d'égale proportion : 152 réponses pour la Z1 et 153 réponses pour la Z2.

 

La collecte des données

L'enquête téléphonique a été menée du 21 janvier 2002 au 4 mars 2002. La liste des numéros de téléphone à appeler est extraite de l'annuaire publié par France Télécom. Les ménages sont choisis au hasard du bottin selon la méthode de tirage aléatoire suivante : tirage du premier numéro de la première colonne de la page paire. Lorsque le numéro demandé est occupé, l'enquêtrice passe à la page suivante. Lorsque le numéro n'est plus attribué, l'enquêtrice interroge la deuxième personne de la même colonne. Une fois la première colonne interrogée, l'enquêtrice tire le second numéro de la seconde colonne et ainsi de suite jusqu'à effectuer cinq passages successifs. 70% des personnes contactées refusent de répondre et évoquent généralement le manque de temps, le taux de refus couramment constaté dans les enquêtes téléphoniques étant de 50%. Mais il faut ajouter à cela les rebuts (30%) dus aux personnes absentes, à la généralisation des répondeurs, aux numéros professionnels, aux dialogues impossibles pour méconnaissance de la langue. Pour obtenir le chiffre de 305 questionnaires validés, 1 844 appels téléphoniques ont été nécessaires, ce qui représente un taux de réponse de 16,54%. Les meilleurs scores sont obtenus après 18h00, c'est-à-dire à une heure de plus grande présence des Lyonnais à leur domicile. Le faible taux d'abandon en cours d'entretien (5%) indique une bonne acceptation du sujet espace vert. Dans l'ensemble, les personnes interrogées se sont montrées coopératives, nombreuses sont celles qui se rendent régulièrement dans les squares, les parcs ainsi qu'à la campagne. La grande majorité des abandons a lieu au début du questionnaire, et tient au fait qu'une personne n'allant jamais dans un espace vert met rapidement un terme à la conversation. Ce sont d'ailleurs les personnes interrogées de la zone 2 qui se dérobent le plus facilement alors que les habitants de la zone 1 sont plus enclins à répondre positivement.

 

La qualité de l'échantillon

Le plan de sondage utilisé est un plan stratifié simple. La sélection de l'échantillon s'est faite par un tirage aléatoire de numéros de téléphone dont le nombre est calculé au prorata de la population des communes du Grand Lyon. Les variances d'échantillonnage et les marges d'erreur ont été calculées à l'aide du logiciel de gestion d'enquêtes et de sondages Sphinx 2 000.

Télécharger le plan d'échantillonnage en .xls

Comparé à la population recensée du Grand Lyon (dite population mère), l'échantillon présente de légères distorsions vis-à-vis de la structure par classe d'âge, type d'activité et sexe. Un tableau comparatif montre que les caractéristiques de l'échantillon obtenu par tirage aléatoire ne sont pas tout à fait conformes aux profils de la population témoin du Grand Lyon. Les écarts oscillent dans une fourchette de +/-12%, notamment pour le ratio homme/femme : dans la population mère, l'écart homme-femme est de 4 points alors qu'il est de 29 points dans le sous-ensemble constitué. La sur-représentation des femmes est importante car elles font preuve d'une plus grande disponibilité pour répondre au téléphone et un meilleur taux de réponse des femmes est habituel dans les enquêtes téléphoniques. L'échantillon sur lequel le Certu a travaillé montre également une plus forte proportion de femmes âgées de plus de 50 ans et de retraités (+ 10,52%) car ces catégories sont davantage présentes à domicile. Mais, globalement, la structure de l'échantillon est une copie relativement fidèle de la population du Grand Lyon décrite par l'Insee. Les écarts moyens en matière de classes d'âge, d'activités sont de l'ordre de 5%. Les enfants et les adolescents (21,43% de la population mère) ont été volontairement écartés du plan de sondage en application des délibérations de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL).

Les lois statistiques nous apprennent que la fiabilité des résultats dépend de la taille de l'échantillon interrogé (ici, 305 personnes) mais aussi, dans certains cas, de la répartition des réponses. Si la moitié de notre échantillon répond "oui" à une question, il y a 95 chances sur 100 que le nombre de ménages de la population du Grand Lyon susceptibles de répondre "oui" se situe dans une fourchette de +/-5,7%, soit entre 44,3% et 55,7%.

 

Compilation des documents annexes

 

Notes

[1] Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques

[2] Un ménage est défini, au sens statistique, comme l'ensemble des occupants d'une résidence principale, qu'ils aient ou non des liens de parenté. Un ménage peut ne comprendre qu'une seule personne.

L'enquête ménage-déplacement est une méthode standardisée de recueil de données en matière de mobilité mise au point par le Certu. Elle vise à mesurer l'origine destination des déplacements d'un échantillon de population, à l'échelle d'une agglomération, selon leur mode de locomotion et leur découpage géographique. Cette enquête permet d'établir des bilans très utiles aux autorités organisatrices de transports urbains. Depuis 1990, 34 enquêtes ont été réalisées sur des aires urbaines (Dunkerque, Lille, Grenoble, Lyon, Toulouse, Bordeaux...) selon un cahier des charges normalisées qui s'organise de la manière suivante :

  • l'enquête porte sur un échantillon représentatif de la population étudiée ;
  • elle est réalisée au domicile des personnes interrogées ;
  • elle tient compte de la répartition géographique de la population ;
  • les individus présents au domicile sont enquêtés en personne ;
  • tous les déplacements de la veille du jour d'enquête sont recensés, avec leurs caractéristiques, quels que soient leur durée et leur motif. L'étude ne porte que sur les jours ouvrables ;
  • tous les modes de transports sont analysés : marche à pied, deux-roues, transports en commun, voiture particulière.

 

Source : Emmanuel Boutefeu, chargé d'études au département environnement du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU) -  La demande sociale de nature en ville, enquête auprès des habitants de l'agglomération lyonnaise, éditions PUCA-CERTU, 85 pages, 2005

Des ressources

 


Mise à jour :   28-04-2007

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Pour citer cet article :  

Emmanuel Boutefeu, « Paysages urbains et demande sociale de nature en ville : une méthodologie d'enquête », Géoconfluences, avril 2007.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/paysage/PaysageFaire.htm