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Territoires européens : régions, États, Union

Archive. Le sondage d'opinion : pratiques spatiales, identités et représentations territoriales

Publié le 07/06/2004
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NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2004.

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L'Union européenne à l'identité hésitante, entre volontarisme et tâtonnements, s'interroge sur la légitimité et l'acceptabilité de ses décisions. À cet effet les instituts de sondage sont largement sollicités à différents niveaux d'échelle, de différentes nature et initiative : commandes de la Commission, des institutions nationales des États membres, d'instituts privés, de médias, etc. Tous ont des demandes qui, du point de vue des problématiques, des méthodes et des intervenants, ne sont guère distinctes de celles du marché privé.

Sur le plan de la recherche, différentes disciplines des sciences sociales ont largement recours aux techniques d'enquête, parmil lesquelles : la sociologie, l'anthropologie, les sciences politiques. En géographie on sera tout particulièrement attentif aux sondages portant sur les questions de pratiques spatiales d'une part, d'identités et de représentations territoriales d'autre part.

Que ce soit pour des comportements ou des opinions, il existe de larges similitudes de méthodes et les mêmes interrogations critiques doivent rester à l'esprit : la validité et la pertinence de l'échantillon, la qualité du questionnaire et des procédures de l'enquête, sources de biais éventuels ; la qualité des traitements (méthodes statistiques, analyse de contenus) ; la pertinence de l'interprétation et du commentaire des résultats.

Quelques pistes d'activité :

  • étude de l'évolution de l'opinion sur l'Europe communautaire à partir de sondages comparables à différentes dates.
  • évolution des pratiques et des opinions dans les régions frontalières, dans les métropoles, dans tels types d'espace (ruraux par exemple)

Quelques rappels et précisions sur les sondages et les enquêtes

L'échantillonnage

Sonder, c'est choisir une partie (l'échantillon) pour représenter le tout (la "population" au sens statistique du terme). En effet, lorsque l'on chercheà étudier une population - personnes, ménages, entreprises, collectivités dont on veut étudier les comportements ou les opinions -, il n'est pas nécessaire, et c'est souvent impossible, d'en examiner toutes les unités ("individus" au sens statistique) concernées. On prendra donc un échantillon le mieux représentatif. Au sens strict, en statistique mathématique, un échantillon est représentatif s'il a été obtenu selon les règles qui font que tout membre de la population a la même probabilité d'être choisi pour en faire partie. Si cette condition de représentativité est peu ou mal remplie, l'enquête est dite "biaisée".

Une méthode très employée et qui, en pratique, donne de bons résultats, est la méthode des quotas qui consiste à reproduire volontairement dans l'échantillon certaines caractéristiques de la population cible. En géographie (aménagement, urbanisme, mobilités, etc.), il est souvent nécessaire d'utiliser des sondages aréolaires : sur un document spatialisé (carte, photo aérienne, image satellitale, système d'information géographique par exemple) on établit un quadrillage numéroté et on tire, au hasard, certaines de ces cases. On enquête alors sur toutes les unités (municipalités ou communes, entreprises, ménages, logements, etc.) contenues dans ces cases.

Les formes d'enquêtes et de sondages

On distingue les différentes formes d'enquêtes ou de sondages selon la rigidité des questions et des réponses possibles. Un cas extrême est constitué par l'entretien non directif où l'on pose une seule question, ou un seul thème, en laissant la personne interrogée libre de répondre comme elle l'entend. La non directivité ne signifie pas non-intervention, elle se manifeste par des interventions techniques destinées à favoriser la libre expression de l'interviewé : reformulation-clarification, écho ou miroir, recentrage, demande d'éclaircissement, marques d'écoutes, silences.

À l'opposé, le questionnaire fermé dans lequel les questions sont strictement prévues.

Entre ces deux extrêmes on peut recourir :

  • aux questionnaires ouverts où la formulation et l'ordre des questions sont fixés mais où la personne interrogée peut répondre comme elle le désire
  • aux entretiens structurés (ou semi-directifs) pour lesquels l'enquêteur dispose d'une liste de thèmes à aborder qu'il introduira en fonction de la situation de communication. Il s'agit ici de combiner attitude non directive et projet directif. Il ne faut pas confondre ce type d'interview avec la passation d'un questionnaire comportant une série de question ouvertes. Un guide d'entretien peut servir de "pense-bête" répertoriant les thèmes qui doivent être abordés au cours de l'entretien.

Les questionnaires fermés sont particulièrement bien adaptés au recueil d'informations quantitatives et à la mise en évidence de relations statistiques. Les entretiens non directifs se prêtent en général mal à une analyse quantitative : on utilise alors des méthodes d'analyse de contenu. Cette forme d'enquête, si elle est surtout utilisée dans une phase initiale de recherche, peut aussi être une fin en soi, en particulier lorsqu'on souhaite saisir des représentations qu'il est difficile de faire entrer, sans les déformer, dans le cadre rigide d'un questionnaire fermé.

Le questionnement : élaboration, exploitation

D'une manière générale, l'enquête fait appel à un langage élaboré. Tant lors de sa préparation que lors de son exploitation, il faudra prendre soin à la précision du langage, aux risques de polysémie, d'ambigüités qu'il peut induire. L'idéal est de pouvoir le tester auparavant. Il ne faut pas oublier que l'on ne recueille pas directement l'information recherchée (sur les comportements, les sentiments par exemple) mais seulement ce que la personne interrogée peut et veut en dire.

Lorsqu'on veut utiliser l'enquête pour mesurer des grandeurs précises (par exemple le recours à des services, des infrastructures, etc.), pour éviter les approximations (défauts de mémoire, etc.) et la subjectivité, on utilise de plus en plus souvent une technique lourde et contraignante mais qui donne de bons résultats, le "carnet de bord" dans lequel on demande aux personnes interrogées de noter les renseignements voulus.

Le marché de l'enquête et du sondage

L'enquête par sondage s'est banalisée, facilitée par les moyens de télécommunication et par l'informatisation (logiciels, méthodes de traitement automatisées). En France, environ douze instituts se partagent 90% du marché, la TN-SOFRES et IPSOS étant les deux plus importants. Les effectifs du secteur s'élèvent à plus de 3 600 salariés permanents mais ils sont minoritaires : plus de 50% des salariés relèvent de statuts plus ou moins précaires (étudiants, CDD). Près de 50% du chiffre d'affaires des instituts spécialisés provient d'études destinées au secteur de la grande consommation alors que les commandes de l'administration ne représentent qu'environ 4%. Et 5 à 6% de leur chiffre d'affaires concerne des sondages d'opinion réalisés pour la classe politique ou les médias : ce sont donc des "produits d'appel", des vitrines pour les instituts de sondage.

Eléments pour une réflexion critique sur les sondages d'opinion

Le succès des sondages d'opinion s'affirme dès leur origine. Le premier sondage Gallup de 1936 se montre efficace pour prédire les résultats des élections (la victoire de Roosevelt sur Landon). À partir de là, sondages et démocratie furent liés dans les représentations du public et des médias.

Cependant le succès de Gallup fut fondé sur la prévision d'un acte démocratique reposant non pas sur des déclarations d'opinion, mais sur des déclarations de comportement. Il y a une confusion fondamentale consistant à faire l'amalgame entre déclaration de comportements (passés ou avenirs) et mesure d'opinions et d'attitudes culturelles. C'est cette fragilité tant pratique qu'épistémologique qui est sans doute la cause de la vague déferlante de critiques dont font l'objet, depuis lors et aujourd'hui encore, les sondages d'opinion. Recueillir une opinion ne suffit pas pour prédire une disposition à agir.

La critique théorique de la notion d'opinion publique pose aussi la question suivante : "un individu prélevé dans un groupe social répond-il comme son groupe social ?" Pour qu'il en soit ainsi il faudrait identifier les éléments socio-démographiques sur la base desquels il pourrait être démontré une relation mécanique entre opinion et groupe social. Or, tout au plus a-t-on à faire, dans le cadre d'un sondage, à une relation probabiliste entre un "profil" et la "chance" d'adhérer à une opinion. L'analyse statistique d'un sondage fait donc l'hypothèse de l'existence d'une "opinion publique" sans pour autant poser a priori l'universalité des conditions selon lesquelles les différentes opinions individuelles ont pu se forger.

Les sondages d'opinion tendent à devenir un "genre" journalistique à part entière. Ils interviennent comme instance de légitimation du journaliste qui devient alors un peu porte parole du peuple, un peu sociologue, un peu moraliste. C'est peut être la logique du marché qui veut que des chiffres, libres de tout sens, circulent en masse et contribuent à créer un amalgame entre notion "d'opinion publique" et analyse simpliste. Le sondage est une forme de discours et ce discours ne peut être reçu sans qu'on en comprenne les attendus et les hypothèses. Aux journalistes et autres utilisateurs des sondages de les interpréter avec prudence et de prendre en compte plus attentivement la complexité des relations entre attitudes, opinions et comportements.

Adapté de : R. Doutrelepont, F. Heselmans, M. Vandekeere - Sondage d'opinion & Stratégie de recherche - Centre d'étude de l'opinion - Université de Liège

Mise à jour :   07-06-2004

NB. La sitographie accompagnant ce texte, comportant principalement des liens inactifs, a été retirée en 2024.

Pour citer cet article :  

« Archive. Le sondage d'opinion : pratiques spatiales, identités et représentations territoriales », Géoconfluences, juin 2004.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Europe/EurViv.htm