Ghetto
Le terme de ghetto désigne un quartier d'une ville bien individualisé où sont regroupés les membres d'une communauté plus ou moins homogène. Le lieu éponyme se situe à Venise : l'île de Ghetto a été un lieu d'installation des Juifs chassés d'Espagne (1516). Le terme s'est ensuite étendu à l'espace de relégation des juifs dans les villes d'Europe centrale et orientale. Sous l'impulsion de l'École de Chicago, le ghetto est devenu, dans les villes américaines, un espace de regroupement communautaire pour les immigrants de fraîche date (Little Italy, Chinatown...) et pour les Noirs.
Par extension, le terme de ghetto désigne tout quartier qui connaît une mise à l'écart subie ou voulue (gated community). Le ghetto est dans une situation de marge urbaine. De l'intérieur, le territoire est porteur d'une forte identité ; de l'extérieur, il est porteur de représentations fantasmées. La limite du ghetto est bien marquée dans les perceptions de ses habitants.
La ghettoïsation désigne le processus de transformation d'un quartier en territoire isolé et fermé.
Les ghettos afro-américains des villes états-uniennes représentent le type le plus étudié de ghetto.
Les sociologues Loïc Wacquant et W.J. Wilson ont retracé la généalogie du mot « ghetto » aux États-Unis. Ils distinguent une première période (1880-1968) où le ghetto noir se situe dans la trajectoire du ghetto juif dans les villes américaines et correspond à la concentration des Noirs dans les quartiers industriels. Puis l’hyperghetto (1968-1990) subit un processus de marginalisation socio-spatiale avancée, par le délitement des formes de solidarité communautaire, dans un contexte de désindustrialisation des économies urbaines, coupant ces populations d’un accès aux bassins d’emploi en périphérie. Plus récemment (1990- ), les politiques urbaines adaptées à la globalisation (désinvestissement public dans les quartiers pauvres) ont conduit à l’émergence d’une troisième figure du ghetto noir : le glocal ghetto.
Les mutations rapides à l'oeuvre dans les métropoles américaines peuvent faire parler de fin des ghettos noirs. En effet, les forces du marché et les politiques publiques conduisent au démantèlement ou à la dilution des ghettos et à la reconstruction d’autres formes socio-spatiales de ségrégation. Peter Marcuse distingue ainsi le ghetto dispersé, le hard ghetto (ou hyperghetto), le weak ghetto (ou ghetto dilué) et le ghetto abandonné. Toutefois localement, les habitants des ghettos manifestent des formes de résistance au déclin de leur territoire.
(MCD) juillet 2015.
Pour compléter
- Pour les ghettos noirs des villes américaines : David Giband, « La fin des ghettos noirs ? Politiques de peuplement et recompositions socio-ethniques des métropoles américaines », Géoconfluences, 2015.
- Pour l'usage du terme en France : Hervé Vieillard-Baron, « Ghetto », Hypergéo