Campagnes
La campagne est d’abord un synonyme de champagne qui désigne un type de paysage agraire ouvert (campagne de Caen, Champagne crayeuse…). Par extension, le mot désigne aujourd’hui dans le langage courant l’ensemble des espaces ruraux. Les géographes préfèrent le pluriel, « les campagnes » pour souligner leur diversité tant actuelle que passée.
Si l’espace rural a une réalité statistique, la distinction entre le rural et l’urbain s’est progressivement atténuée avec l’émergence de nombreux espaces intermédiaires, qu’on peut regrouper sous le terme d’espaces périurbains (ou suburbains en Amérique du Nord). C’est ce qui fait dire à Monique Poulot (2008) que le « couple traditionnel villes-campagnes » est reconfiguré par l’émergence des espaces périurbains. On parle alors, à la suite de Jacques Lévy et Michel Lussault (2014), de gradient d’urbanité (ou de ruralité). Utiliser le terme de campagne a aujourd’hui la valeur d’une affirmation qualitative : par-delà le débat sur l’effacement des limites entre urbain et rural, il existe des campagnes vécues et pratiquées par leurs habitants. Ces pratiques qui définissent la campagne sont ce qu’on appelle, dans le sillage des travaux de Monique Poulot (2008) notamment, le « faire campagne ».
La campagne renvoie dans une certaine mesure au « désir de campagne » (Hervieu et Viard, 1996, p. 9), un retournement dans la valeur attribuée aux espaces ruraux qui relève de la représentation collective de l’espace rural, y compris ou surtout pour ceux qui n’y habitent pas. La campagne est associée à un certain nombre d’attributs : paysagers, culturels, productifs, qui la différencient (toujours par gradients) de la ville ou du fait urbain.
Les paysages de campagne sont caractérisés par leur naturalité supposée, quand bien même ils sont des construits sociaux au même titre que les paysages urbains. Il importe donc de ne pas les confondre avec des paysages naturels, ce qu’ils ne sont pas, non seulement parce qu’ils ont été entièrement produits par l’action des sociétés, mais aussi parce que leur perception relève de la représentation culturelle.
(JBB) mai 2019
Références citées
- Bertrand Hervieu et Jean Viard, Au bonheur des campagnes (et des provinces), Marseille, L'Aube, 1996, 160 p.
- Monique Poulot, « Les territoires périurbains : « fin de partie » pour la géographie rurale ou nouvelles perspectives ? », Géocarrefour, vol. 83/4 | 2008, mis en ligne le 31 décembre 2011,
- Jacques Lévy et Michel Lussault, « Périphérisation de l’urbain », EspacesTemps.net, 2014
Pour compléter
- Monique Poulot, Nathalie Reveyaz, « Les espaces ruraux et périurbains en France : populations, activités, mobilités », cadrage du dossier, Géoconfluences, avril-mai 2018.
- Greta Tommasi, « La gentrification rurale, un regard critique sur les évolutions des campagnes françaises », Géoconfluences, avril 2018.
- Claire Aragau « Le périurbain : un concept à l’épreuve des pratiques », Géoconfluences, avril 2018.
- Lionel Rougé, « Périurbanisation », Géoconfluences, mars 2018.