Métabolisme territorial, métabolisme urbain
Le métabolisme territorial repose sur une métaphore organiciste qui compare les territoires à des corps : pour assurer leurs fonctions vitales, ils ont besoin de puiser des matières et de l’énergie qu’ils consomment, transforment puis excrètent. Ce concept fournit ainsi une grille de lecture matérialiste du fonctionnement des territoires, rappelant que les sociétés ne sont pas hors-sol (Barles, 2020). Les territoires et les sociétés s’inscrivent dans leurs environnements (à plusieurs échelles), duquel ils extraient des ressources et dans lequel ils rejettent diverses choses, telles que des molécules polluant l’air, des biens manufacturés ou des déchets. Si tous les territoires peuvent être étudiés de cette façon à condition d’être bien circonscrits, les villes (ou les aires urbaines) sont des entrées spatiales privilégiées, sans doute parce qu’elles concentrent de nombreux flux en même temps qu’elles sont facilement délimitées, en tout cas lorsqu’elles correspondent à un échelon administratif. On parle alors de métabolismes urbains.
Aujourd’hui, les études sur les métabolismes tendent à se multiplier mais proposent différentes acceptions du concept. Au départ, c’est chez Karl Marx (Charbonnier, 2012) que l’on trouve l’idée d’un « métabolisme social » et qui permet de désigner les échanges de matières, liés au travail, entre les humains et leur milieu. Le concept a ensuite été repris dans une acception fonctionnaliste par un ingénieur sanitaire américain, Abel Wolman (1965). Dans son étude, il modélise les flux entrants et sortants d’une ville américaine « type ». Cette approche quantitative est la plus répandue dans l’étude des métabolismes urbains : elle permet de quantifier les flux, sur un temps et un territoire donnés. La méthode utilisée pour réaliser ce type d’étude est appelée Material Flow Analysis, souvent abrégée en MFA. Les champs de l’écologie territoriale et/ou industrielle appliquent généralement ce type d’approche pour caractériser les flux puis optimiser leur circulation sur des territoires, à diverses échelles (du territoire d’une seule usine à celui d’une zone industrielle ou d’une région). On parle d’un métabolisme circulaire lorsque les flux (entrants et sortants) arrivent à circuler essentiellement au sein d’un système territorial et de métabolisme linéaire lorsque ces flux débordent le territoire d’étude.
Mais les métabolismes font aussi l’objet d’analyses plus qualitatives et politisantes, notamment en s’insérant dans le mouvement de la political ecology et surtout de la urban political ecology (UPE). Postulant que les flux des métabolismes sont aussi des flux de capitaux non dénués d’intérêts privés ou publics (Swyngedouw, 2006), ce courant s’intéresse aux arbitrages politiques et sociaux qui façonnent les métabolismes. L’urban political ecology analyse également la manière dont les métabolismes génèrent, accroissent ou atténuent des inégalités (sociales, environnementales, économiques) à toutes les échelles.
Clément Dillenseger, septembre 2020.
Références citées
- Barles Sabine, « Métabolisme urbain » dans Dictionnaire critique de l’anthropocène, Paris, CNRS Éditions, 2020, p. 543‑544.
- Charbonnier Pierre, « De l’écologie à l’écologisme de Marx », Tracés. Revue de Sciences humaines, 21 juin 2012, n° 22, p. 153‑165.
- Swyngedouw Erik, “Circulations and metabolisms: (Hybrid) Natures and (Cyborg) cities”, Science as Culture, 2006, vol. 15, n° 2, p. 105‑121.
- Wolman Abel, “The Metabolism of Cities”, Scientific American, septembre 1965, vol. 213, p. 179‑190.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Clément Dillenseger, Héloïse Gaboriaud, Margot Favreau et Aliénor de Viry, « Les décharges formelles et informelles en France, de la montagne de déchets à la colline végétalisée », Géoconfluences, novembre 2024.