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Religions, politique et espace(s) : « la question rohingya » en Birmanie (Myanmar)

Publié le 18/10/2016
Auteur(s) : Martin Michalon, agrégé de géographie - Centre Asie du Sud-Est

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Lors de la visite en Birmanie au printemps 2016 du secrétaire d'État américain John Kerry, puis de celle du ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, l'une des questions au coeur des discussions avec le gouvernement birman concernait le conflit autour du groupe musulman « rohingya » dans l’État d’Arakan, à l’ouest de la Birmanie [1]. L'ancienneté de ce problème, son importance, sa complexité et l'impasse actuelle de la situation montrent à quel point la religion imprègne des sociétés, forge des identités, structure des territoires, et peut être le support de revendications politiques et de conflits violents. Une lecture géographique et multi-scalaire de ce conflit permet de mieux en cerner les enjeux, les acteurs et les processus, et de mieux en saisir la complexité.

La question « rohingya » est devenue très sensible au sein de la communauté internationale depuis le début des années 2010 : c’est un enjeu qui polarise, qui divise, qui oppose le gouvernement birman aux pays voisins et occidentaux ; les bouddhistes aux musulmans,… Il est donc difficile de l’évoquer  de manière scientifique, d’autant que l’essentiel des sources disponibles (et largement diffusées) émanent des ONG présentes sur le terrain pour soutenir les populations musulmanes, et dont le discours et les méthodes de recherche ne sont pas neutres. De plus, du fait de leur mission, leur attention se concentre sur les violences, les persécutions, les discours les plus violents envers les musulmans, d’où un « effet de loupe » qui passe sous silence les relations d’interaction et d’interdépendance entre ces derniers et les bouddhistes. La situation est souvent simplifiée, figée en une dialectique bourreau/victime, qui minimise par exemple les problèmes réels et les enjeux légitimes de la population bouddhiste. Il ne s’agit pas de relativiser les difficultés de certains acteurs, mais de porter un regard scientifique sur ces travaux, et de faire l’effort de réintégrer la « question rohingya » dans son contexte plus large.

Comment, dans un contexte de transition démocratique birmane et de mondialisation économique, les identités religieuses bouddhistes et musulmanes cristallisent-elles des revendications politiques, identitaires et territoriales ? Dans quelle mesure les tensions interconfessionnelles peuvent-elles se lire dans l’espace : apartheid, mobilités entravées ou forcées, guerre du paysage et ce, à toutes les échelles ?
Afin d'appréhender la complexité de la « question rohingya », nous présenterons d'abord le contexte géographique très particulier de la Birmanie et, en son sein, de l’État d’Arakan. Puis nous analyserons la « fabrique des identités », la montée des communautarismes créatrice de tensions intercommunautaires. avant de montrer comment les "Rohingya" ont été marginalisés, dans la société comme dans l’espace, selon une logique de ségrégation. Enfin nous nous pencherons sur l’explosion des violences en mai et octobre 2012, afin d’en faire ressortir les acteurs et les enjeux spatiaux et d'analyser ses conséquences géopolitiques de plus en plus évidentes, autour de la question des mobilités : enfermement des musulmans par les autorités, fuite des "Rohingyas" vers les autres pays d’Asie du Sud-Est.

 

1. L’Arakan : une marge en Birmanie

Légèrement plus grande que la France (650 000 km²), la Birmanie est riche en frontières : elle est bordée à l’ouest par le Bangladesh et l’Inde, au nord par la Chine, et à l’est par le Laos et la Thaïlande. C’est donc un pays-passerelle et une zone de friction entre deux ensembles culturels majeurs.
Comme ses voisins d’Asie du Sud-Est, la Birmanie est à 90 % bouddhiste, tandis que musulmans et chrétiens comptent pour 4 % chacun. D’un point de vue ethnique, on dénombre 135 groupes ethno-linguistiques différents, largement dominés par l’ethnie bamar, au centre du pays, qui représente près de 70 % de la population. Les périphéries sont peuplées d’une mosaïque de groupes ethniques, regroupés en plusieurs grandes familles : Shan, Karen, Chin, Kachin, Kayah, Mon et Arakanais. Avec les Bamar, on compte donc huit grands ensembles ethno-linguistiques, que l’administration birmane qualifie de « races nationales ». Celles-ci sont considérées comme peuples autochtones, et, depuis la loi sur la citoyenneté de 1982, seuls ceux qui en font partie ont droit à une pleine et entière citoyenneté birmane. Mais, ce schéma cantonne certaines populations immigrées au rang de citoyens de seconde zone.

Les dates clés de « la question rohingya »
Date Événement
1824 Conquête de l’Arakan par les Britanniques, intensification des migrations du Bengale vers la Birmanie
1948 Indépendance de la Birmanie
1962 Coup d’État du Général Ne Win, début de la dictature de la junte
1971 Guerre civile au Bangladesh, afflux de réfugiés bengalis en Arakan
1977 Opération "Naga Min" (« roi des dragons »), déplacements de populations d’Arakan vers le Bangladesh
1982 Loi sur la citoyenneté, privant les "Rohingyas" de la citoyenneté birmane
1988 Démission de Ne Win, remplacé par le Général Than Shwe
1991 Durcissement de la politique de la junte vis-à-vis des populations musulmanes, exode vers le Bangladesh
1996 Année du tourisme en Birmanie, occasion du renouveau identitaire arakanais
Fin des années 1990 Fondation du mouvement bouddhiste nationaliste 969
2011 La junte militaire cède le pouvoir à un gouvernement officiellement civil : début de la transition démocratique
Mai-juin 2012 Première vague de pogroms anti-musulmans, principalement à Sittwe
Octobre 2012 Seconde vague de violences anti-musulmanes, coordonnée dans tout l’Arakan
2014 Création du mouvement bouddhiste nationaliste Ma Ba Tha
2015

Vote des « lois pour la protection de la race et de la religion »
Crise migratoire : des milliers de réfugiés cherchant à gagner la Thaïlande et la Malaisie sont abandonnés par leurs passeurs
Novembre : élections générales et triomphe de la Ligue Nationale pour la Démocratie, étape clé sur le chemin de la démocratie

doc. 1 - La Birmanie, pays-passerelle entre Chine et monde indien, Asie du Sud et Asie du Sud-Est

Source : La Documentation française, Questions internationales, n°77 janvier-février 2016

Doc 2 - La mosaïque ethnique birmane

Source : Alexandre Gandil, Asialyst, 5 octobre 2015

Complément 1 : De la dictature à la transition démocratique : la longue marche de la Birmanie

Au sein de la Birmanie, l’État d’Arakan occupe une place particulière. Situé à l’ouest du pays, au contact du Bangladesh, et étalé le long du golfe du Bengale, il compte aujourd’hui 3,2 millions d’habitants, dont 2,1 millions d’Arakanais bouddhistes et un peu moins d’un million de musulmans se réclamant de l’ethnie "rohingya", et pratiquant un islam sunnite teinté de soufisme.

Ce fut longtemps une région d’échanges, de commerce et de migrations. Du XVe siècle au XVIIIe siècle, le royaume d’Arakan et sa capitale Mrauk U opposèrent une forte résistance aux royaumes birmans, avant d’être conquis par la dynastie Konbaung en 1785. Depuis, les Arakanais conservent toujours une certaine rancœur vis-à-vis des Birmans.
Durant des siècles, les échanges et les migrations ont été intenses avec les empires indiens musulmans situés à l’ouest. Une partie de ces anciens migrants forme aujourd’hui l’ethnie Kaman, reconnue comme population indigène de la Birmanie, et dont les membres sont donc citoyens birmans de plein droit. En 1824, l’Arakan fut l’une des premières régions conquises par les Britanniques, qui y développèrent la riziculture ainsi que des activités commerciales et portuaires : cet essor attira des milliers de travailleurs en provenance du Bengale, qui s’établirent sur place. Au lendemain de l’Indépendance, l’État d’Arakan compte donc une importante minorité musulmane, dispersée sur le territoire.

Doc. 3 - L'État d'Arakan, un État littoral et frontalier

 Source : MIMU, juillet 2011

Avec 1962 et l’instauration de la dictature militaire en Birmanie, commence une politique économique qui ravive les tensions entre groupes ethniques. La junte pille en effet les ressources naturelles des périphéries pour son seul profit, selon une logique prédatrice. Aujourd’hui encore, l’Arakan reste l’un des États les plus pauvres du pays, malgré sa richesse en ressources naturelles : en 2013, 44 % de la population vivait en-dessous du seuil de pauvreté, contre une moyenne nationale de 26 %, et 37 % des enfants montraient des signes de sous-alimentation, contre 23 % en moyenne nationale (UNICEF, 2013). Le gaz naturel des côtes arakanaises est ainsi envoyé par gazoduc vers la Chine, générant annuellement 1,5 milliard de dollars de royalties pour l’État central, mais sans retombées à l’échelle locale (Green et al., 2015). Face aux revendications des Arakanais pour une meilleure répartition de la rente, la junte militaire répond en expliquant les tensions foncières et la pauvreté par l’immigration incontrôlée de populations musulmanes du Bangladesh et leur taux de fécondité élevé (ibid.). Cette pauvreté généralisée, qui touche tous les groupes ethniques, est parfois passée sous silence, alors qu’elle constitue un facteur-clé des tensions dans l’état.

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2. Identités birmane, arakanaise, "rohingya" : les ressorts historiques et politiques d’une montée en tension

2.1. À l’échelle birmane : le nationalisme comme effet secondaire de la démocratisation ?

À la fin des années 1990 et pendant les années 2000, après des décennies d’isolement, la Birmanie s’ouvre au monde. Dans ce contexte, les Birmans s’interrogent sur leur identité, cherchent à définir la birmanité dans le monde d’aujourd’hui… et sont tentés d'opter pour une définition monolithique, laissant de côté des minorités ethniques ou religieuses.
Ce sentiment est largement orchestré par la communauté des moines bouddhistes appelée le sangha. Après avoir été réduit au silence pendant des décennies par la junte militaire, ce dernier s'attribue un nouveau rôle moral et politique. En son sein, une frange extrémiste se fait entendre à travers des organisations et des personnalités nationalistes, notamment le mouvement 969, fondé à la fin des années 1990, qui promeut une protection agressive des valeurs bouddhistes contre tout ce qui pourrait les menacer, à commencer par l’islam. Il est incarné, dans l’espace public et médiatique, par le moine U Wirathu. Emprisonné en 2003 pour incitation à la haine, il fut amnistié en 2010. En 2013, il apparaît en « une » du magazine américain Time comme « le visage de la terreur bouddhiste » (Time, 1er juillet 2013). À partir de 2014, il est rejoint par un autre groupe bouddhiste nationaliste, Ma Ba Tha, devenu rapidement influent. Leurs messages sont diffusés via des écrits largement distribués, des sermons publics délivrés dans les rues, des DVD, ou encore via internet et les réseaux sociaux (The Irrawaddy [2], 8 février 2016).

Ces « discours de haine » (qualifiés de hate speech par les médias et les milieux pro-démocratie) s’en prennent très directement aux musulmans en s’appuyant sur une série de fantasmes. Les musulmans sont ainsi présentés comme des envahisseurs dont le plan serait de faire de la Birmanie une terre musulmane. Selon U Wirathu, « les musulmans ont beaucoup d’argent […]. Ils montrent cet argent pour attirer des jeunes femmes bouddhistes, qui seront très vite forcées de se convertir à l’islam. Leurs enfants seront des musulmans bengalis, ils seront un danger pour notre nation bouddhiste, car ils vont finir par détruire notre race et notre religion » (Green et al., 2015).
Le mouvement 969 a également appelé à une marginalisation économique des musulmans à travers un boycott de leurs commerces. Cette consigne a conduit à un marquage religieux de l’espace : de nombreux commerçants bouddhistes affichent sur leur devanture des autocollants aux couleurs de 969 pour marquer leur soutien et être ’identifié comme commerce bouddhiste. Bien que cette initiative ne soit pas suivie uniformément, ces autocollants font désormais partie intégrante du paysage birman et dessinent les contours d’un territoire bouddhiste et, en creux, ceux d’un territoire musulman.

Doc. 4 - Dans un commerce bouddhiste de Meikhtila

L'autocollant aux couleurs du mouvement 969 est un marqueur de l'identité bouddhiste.

2.2. En Arakan : le renouveau identitaire par la culture

Durant la majeure partie de la dictature militaire (1962-2011), l’identité arakanaise fut quelque peu mise en sommeil, à cause de la politique de « bamarisation » culturelle menée par la junte militaire, qui consistait à affirmer la prééminence de l’ethnie bamar et à gommer les spécificités des minorités ethniques. Cette marginalisation des Arakanais, cette peur de voir disparaître leur culture est un élément clef des tensions : les Arakanais se sont longtemps considérés comme des victimes de l’ethnie bamar (De Mersan, 2005).
Cependant, dans les années 1990, la junte militaire prend un virage religieux, finance de vastes projets bouddhiques, et met la religion au cœur de l’État et de la nation. Le bouddhisme s’affirme encore plus nettement comme la clé de voûte de l’identité birmane. Dans ce contexte, le gouvernement lance une « année du tourisme » en 1996 et engage des fouilles sur le site de Mrauk U, l’ancienne capitale du royaume d’Arakan. La mise au jour et la valorisation de ces monuments a un effet identitaire considérable (De Mersan, 2005) : les Arakanais redécouvrent leur passé, le souvenir douloureux de la conquête par les Bamars et de l’acculturation qui a suivi. Dans un contexte de dictature militaire, les revendications politiques sont impossibles, et c'est donc le registre religieux que les Arakanais utilisent pour marquer leur nationalisme, leurs spécificités. Le renouveau identitaire arakanais s’exprime donc par la littérature, la poésie en langue locale, l’art arakanais, les rituels religieux locaux.
Ce sursaut identitaire arakanais structuré par le bouddhisme s’accompagne d’une certaine discrimination : « la possibilité de s’affirmer en tant qu’Arakanais ou de pouvoir profiter d’une certaine promotion sociale passe par l’évincement de certaines catégories de population […]. Le renouveau actuel arakanais se fait donc au détriment notamment des musulmans, dont la présence sur le territoire est présentée comme un fléau hérité de la colonisation » (De Mersan, 2005). En même temps, les Arakanais s’affirment comme les gardiens de la Western Gate, cette « porte occidentale » qui séparerait la Birmanie de l’envahisseur indien, et donc, en quelque sorte, les garants de l’identité birmane. Ainsi, en 2013, U Shwe Mann, ancien président du parlement birman, saluait « les tentatives des Arakanais pour protéger la Birmanie » (Green et al., 2015).

2.3.  "Rohingyas" : une ethnogenèse polémique

La question qui fait l’objet du conflit entre Arakanais et musulmans d’Arakan est la suivante : les "Rohingyas" sont-ils un groupe ethnique birman à part entière, comme les 135 autres ethnies du pays (ce qui leur donnerait une légitimité historique et des droits politiques), ou ne sont-ils « que » des immigrés du Bengale, auquel cas ils devront se contenter d’une citoyenneté de second rang ?
Le premier usage du terme de "Rohingya" par les musulmans eux-mêmes remonte à 1936, année de la fondation de la Jamiyat Rohingya Ulema (Association des professeurs rohingya) à Sittwe. Mais le véritable essor de ce terme remonte à l’après-guerre, dans un contexte très particulier. En effet, sentant venir l’indépendance birmane de 1948, une fraction des musulmans d’Arakan, les mujahids (combattants), prennent les armes pour demander soit l’indépendance totale de l’ouest d’Arakan (majoritairement musulman), soit le rattachement au Pakistan oriental (l'actuel Bangladesh). Les deux options se ferment cependant très rapidement, laissant les musulmans d’Arakan dans une Birmanie bouddhiste (Leider, 2014). Pour participer à la vie politique du pays, ils doivent conquérir une légitimité historico-ethnique qui  ferait d'eux le 136ème groupe ethnique « indigène » de Birmanie. Les meneurs musulmans de l’époque lancent donc un processus d’ethnogenèse, c’est-à-dire de création d’une identité ethnique originale.
Ainsi, alors que les musulmans d’Arakan s’étaient longtemps désignés comme "Bengalis", soulignant donc leur région de provenance et, implicitement, leur statut d’étranger, les leaders musulmans promeuvent le terme de "Rohingya", ce qui veut dire "Arakan" en bengali : ce terme insiste donc sur leur région de destination et leur ancrage au territoire arakanais (Leider, 2014). Ce jeu sémantique vise à montrer que les "Rohingyas" sont plus que des migrants bengalis : leur identité est aussi, dans une certaine mesure, arakanaise. Comme l’indique Jacques Leider : « depuis les années 1950, les auteurs "rohingyas" ont fait de leur mieux pour minimiser et largement nier leurs origines bengalies, et pour insister sur les différences culturelles entre les musulmans de Chittagong [Bangladesh] et eux-mêmes » (Leider, 2014).

Un autre volet de l’ethnogenèse "rohingya" est la construction d'une histoire de leur groupe, largement sous-tendue par une finalité politique, au risque de la déformer. Les auteurs "rohingya" soulignent ainsi l’ancienneté de la présence musulmane en Arakan avant la conquête britannique, alors même que l’essentiel des migrations a eu lieu durant l’ère coloniale. Certains indiquent même être les lointains descendants de marchands arabes naufragés sur la côte d’Arakan au VIIe siècle, revendication tout à fait infirmée par les sources historiques (Leider, 2014).
De leur côté, les Arakanais ont une réaction de rejet par rapport à ce qu’ils considèrent comme l’invention d’une identité qui sert à s’immiscer dans la communauté nationale. Ainsi, un haut responsable de la ville de Sittwe affirme que "Rohingya" est une fausse identité. "Rohingya" n’est pas juste un mot. Derrière le mot, il y a l’idée que les Bengalis seraient un groupe ethnique. Le but, en créant ce terme, est d’obtenir la citoyenneté birmane grâce à la loi de 1982. Bien qu’ils utilisent le terme de "Rohingya", ces gens sont des Bengalis : la langue, la religion, la culture sont bengalis, ils essaient juste de créer une nouvelle identité » (Green et al., 2015).
Doc. 5 - L'enjeu de l'emploi du mot "Rohingya" : manifestation contre Ban Ki Moon à Sittwe en 2014

Source : Green et al., Genocide in Myanmar, 2015. p.59
Des milliers de manifestants défilent dans les rues de Sittwe, menés par des moines, suite à l'utilisation par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon du terme de "Rohingya" au sommet de l’ASEAN, en novembre 2014. Le gouvernement birman, quant à lui, condamne avec force ce mot : « je désapprouve l’usage de ce terme par Ban Ki Moon […]. En tant que chef des Nations Unies, il ne devrait pas ajouter au conflit en utilisant ce mot » (Green et al., 2015).

Le terme "Rohingya" fut également une pomme de discorde lors du recensement général de la population en 2014. Le précédent recensement, en 1983, n’avait pas pris en compte les musulmans, privés de leur citoyenneté par le général Ne Win en 1982. Le recensement de 2014 constituait donc un espoir : donnerait-il enfin une existence statistique aux musulmans ? Si, dans un premier temps, il fut envisagé de créer une catégorie "rohingya" dans les questionnaires, cette initiative fut vite annulée, notamment sous la pression de la population arakanaise et de leaders religieux (The Irrawaddy, 17 mars 2014). Les musulmans d’Arakan ne pourraient donc s’enregistrer que comme "bengali" et toute tentative de se déclarer "rohingya" déboucherait sur la nullité du questionnaire, ce qui fut le cas dans de très nombreux foyers. Les résultats du recensement furent donc très largement faussés, et prolongent la quasi-invisibilité des musulmans d’Arakan.
Doc. 6 - Visibilité et invisibilité statistique de la population "rohingya"

En 2009, le Ministère de la santé birman compte les habitants de l'État d'Arakan, et en 2014, le recensement officiel enregistre bien moins d'habitants car elle considère comme nulle la déclaration comme "rohingya".
(cliquer ici pour une meilleure résolution)

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3. La marginalisation politique et spatiale des "Rohingyas" : un processus institutionnalisé ?

La présence de musulmans venus du Bengale n’est pas nouvelle en Arakan. Cependant, les flux migratoires du Bengale vers la Birmanie se sont largement intensifiés à l’ère coloniale : en 1941, 20 % de la population d’Arakan est d’origine indienne. Les administrateurs coloniaux font alors état de leur inquiétude quant aux frictions entre communautés autour des enjeux fonciers et politiques (Leider, 2014). Durant la Seconde Guerre mondiale, les Arakanais prennent parti pour les Japonais et les musulmans pour les Anglais : cette division mène à des combats et des massacres entre les deux groupes en 1942 et 1943, qui laissent aujourd’hui encore des cicatrices douloureuses (Leider, 2014).
Malgré les inquiétudes des moujahids, l’Indépendance birmane s’accompagne d’un relatif respect de la communauté musulmane d’Arakan : citoyenneté birmane, droits civiques, promotion de leur culture, etc… Cependant, le putsch de la junte militaire en 1962 marque le début du durcissement. Un événement significatif se produit en 1971 : une guerre civile éclate au Bangladesh voisin, générant des flux importants de réfugiés bengalis en Birmanie. En 1978, la junte birmane lance l’opération Naga Min (roi des dragons), visant à vérifier le statut des habitants : citoyens birmans ou pas ? L’opération est menée de manière très violente par des milices et par l’armée régulière, forçant 200 000 personnes à chercher refuge au Bangladesh. Afin de les inciter à retourner en Birmanie, Dacca refuse toute assistance : 12 000 réfugiés meurent de faim durant cet exode. En 1979, la junte militaire birmane accepte de les rapatrier, à condition qu’ils s’installent dans les townships de Buthidaung et Maungdaw, à la frontière du Bangladesh (HRW, 2013). Cette politique est une constante de la « question rohingya » : les autorités cherchent à homogénéiser la composition ethnique de l’Arakan en concentrant les musulmans au nord-ouest, le long de la frontière, et en éliminant les poches de peuplement musulman sur le reste du territoire (Smith, 1997).

En 1982, le général Ne Win, aux commandes de la Birmanie, fait passer une loi qui n’accorde la citoyenneté birmane qu’aux membres des 135 groupes ethniques nationaux, ou aux populations d’origine étrangère installées dans le pays avant les débuts de la colonisation, en 1824. Considérant que les musulmans d’Arakan ne sont que des migrants bengalis arrivés après cette date, le texte les prive tout simplement de la citoyenneté birmane. Bien que la majorité d’entre eux soient établis en Birmanie depuis des générations, des centaines de milliers de "Rohingyas" deviennent apatrides : ils n’ont plus la citoyenneté birmane mais ne sont pas Bangladais non plus. Ils se retrouvent donc dans une situation d’extrême vulnérabilité, soumis aux violences des autorités, aux extorsions, aux viols, aux déplacements forcés (HRW, 2013).
En 1991, la junte commence une seconde phase de déplacements forcés. 250 000 "Rohingyas" fuient donc la Birmanie pour le Bangladesh, qui, encore une fois, ne les accueille qu’à regret et demande leur retour en Birmanie. Leur rapatriement est négocié entre Yangon et Dacca, et une fois de retour en Arakan, ils sont victimes de nouvelles violences étatiques (ibid). De 1992 à 2013, ces dernières furent exercées par la milice birmane Na Sa Ka (corps des garde-frontières), qui contrôle de manière violente, prédatrice, et en toute impunité, le nord de l’État d’Arakan.
Doc. 7 - Les types de persécutions subies par les "Rohingyas"
  Nombre %
Viol* 41 30,6
Menaces de mort* 31 25,37
Meurtre* 17 12,69
Refus de citoyenneté 129 96,27
Restrictions aux déplacements 131 97,76
Non-accès à l'éducation et à l'emploi 133 99,25
Confiscation des biens 87 64,93
Travail forcé 72 53,73
Extrême pauvreté 114 85,07

D'après Ullah Akm Ahsan, 2011, “Rohingya refugees to Bangladesh: historical exclusions and contemporary marginalization”, Journal of Immigrants & Refugee Studies. Source : sondage 2007.
*Question : Un membre de votre famille a-t-il été victime de - ?

Les lois en vigueur, extrêmement strictes à l’égard des musulmans, permettent à cette milice de contrôler tous les aspects de la vie des musulmans, en toute impunité : ces derniers ne peuvent pas étudier, posséder de terres ou être embauchés dans la majorité des emplois ; les mobilités d’un village à l’autre ne se font qu’avec l’assentiment des autorités. Les réparations de mosquées sont conditionnées à de lourdes « taxes ». Les mariages sont très encadrés, et sont conditionnés à des pots-de-vin à la Na Sa Ka, sous peine d’arrestation pour mariage hors-la-loi (HRW, 2013). Au quotidien, la Na Sa Ka a recours au travail forcé d’hommes, femmes et enfants, et toute tentative de s’y soustraire est sévèrement sanctionnée. Les femmes, quant à elles, sont victimes de violences sexuelles (Ullah, 2011).
Au début des années 2010, on compte donc plus de 800 000 "Rohingyas" apatrides (UNHCR in Hill, 2013), vivant dans des conditions sanitaires alarmantes : en 2011, dans le Nord de l’Arakan, les taux de malnutrition sévère atteignent 23 %, bien au-delà des 15 % jugés critiques par l’OMS (The Irrawaddy, 13 mars 2014). Les tensions et les ressentiments, attisés par les sursauts nationalistes, explosent en 2012.

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4. 2012 : l’explosion de la poudrière ethnique arakanaise

4.1. Mai-juin 2012 : la spirale de la violence

Le 28 mai 2012, une femme arakanaise est violée par trois musulmans dans un village du township de Ramree. L’information circule très rapidement, et le 3 juin, des bouddhistes arakanais interceptent un bus dans la ville de Taungup, et tuent dix passagers musulmans. Le 8 juin, des musulmans du township de Maungdaw répliquent en tuant un nombre inconnu d’Arakanais, et en brûlant leurs maisons. Du 9 au 12 juin, la violence se propage à Sittwe, la capitale d’Arakan. Contrairement au cycle d’attaques et de violence assez spontané qui prévalait jusque-là, les pogroms à Sittwe se singularisent par un certain niveau de coordination par des meneurs arakanais charismatiques, s’appuyant sur des réseaux clientélistes. Chaque foyer doit ainsi fournir un homme entre 20 et 40 ans, et les autres doivent rester chez eux, prêts à se défendre contre toute contre-attaque. Le 9 juin, ces volontaires sont transportés en bus et déposés en plusieurs points clés de Sittwe. Menés par des leaders nationalistes et des moines bouddhistes, sous le regard complaisant des forces de l’ordre, voire avec leur aide, ils visent de manière systématique les populations musulmanes. L’offensive est soigneusement organisée : des centaines, voire des milliers de personnes se voient offrir le déjeuner et le dîner, ainsi que le transport pour rentrer chez eux le soir venu. Le lendemain, des bus viennent à nouveau les chercher à leur domicile pour les conduire à Sittwe (Green et al., 2015). L’implication, plus ou moins directe, du gouvernement birman, ne fait guère de doutes : bien que les meneurs les plus visibles soient des Arakanais, il ne faut pas oublier que l’appareil administratif et sécuritaire est contrôlé par les Birmans, qui sont bien informés, et qui ont les moyens d’éviter un incident s’ils le jugent nécessaire.
Doc. 8 - Les émeutes de mai-juin 2012

Source : Human Rights Watch
(cliquer ici pour une meilleure résolution)

Le 10 juin, le président birman Thein Sein déclare l’état d’urgence et des renforts militaires sont déployés. Les violences ont fait 78 morts, 87 blessés, et déplacé 100 000 personnes, en majeure partie des musulmans, qui ont trouvé « refuge » dans les townships du nord de l’État et autour de Sittwe (OCHA, 2013). Les dégâts sont également très importants : en se basant sur des images satellites, l’ONG Human Rights Watch a dénombré plus de 2 500 bâtiments détruits dans la seule ville de Sittwe (HRW, 2013).

4.2. Juin-octobre 2012 : flambée du discours islamophobe

Les mois qui suivent ne sont en aucun cas une période de retombée des tensions. Sous l’impulsion de meneurs nationalistes arakanais et de moines extrémistes, le sentiment anti-"rohingya"/anti-musulman se généralise et se radicalise. Plusieurs points structurent ces discours très violents.
Tout d’abord s'installe la peur de l’invasion musulmane. Le 9 juillet, l’association des moines de Mrauk U publie le communiqué suivant : « les Arakanais doivent comprendre que les Bengalis veulent détruire la terre d’Arakan, mangent le riz arakanais, prévoient d’exterminer les Arakanais, et qu’ils utilisent leur argent pour acheter des armes et tuer des Arakanais » (HRW, 2013). Dans le même temps, des consignes sont données pour isoler, socialement et économiquement, les musulmans : cette même association déclare ainsi qu’ « à partir d’aujourd’hui, aucun Arakanais ne doit vendre la moindre marchandise aux Bengalis, employer des Bengalis, fournir de nourriture et n’avoir de relations avec eux, car ils sont cruels par nature » (ibid).

Ce qui se dégage de ces prospectus, de ces banderoles et de ces sermons, c'est un refus total et absolu de la coexistence sur le même territoire : un dignitaire bouddhiste de Sittwe affirme ainsi que « les musulmans volent notre terre, boivent notre eau, et tuent notre peuple. […] Nous nous séparerons donc. Nous ne voulons plus aucun lien avec les musulmans ». Le Rakhine National Development Party (RNDP), principal parti arakanais appelle à un déplacement systématique des musulmans, « afin qu’ils ne résident pas avec, ou près des Arakanais, dans les villes et villages de l’état d’Arakan », et de « transférer les Bengalis non birmans vers des pays tiers » (in HRW, 2013).
Même au sommet de l’État, le président Thein Sein ne voit pas d’avenir pour les "Rohingyas" en Birmanie : la seule option envisageable serait de « les installer dans des camps de réfugiés créés et gérés par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Si des pays les acceptent, ils seront envoyés vers ces destinations » (Hill, 2013). La relégation des "Rohingyas" dans des camps serait le stade ultime de l’exclusion de la société birmane. D’un point de vue spatial, la vie en camp doit être comprise comme une mise à l'écart de ces populations qui, de fait, ne seraient plus vraiment sur le sol birman, mais plutôt dans un entre-deux territorial, d’autant que ces espaces ne seraient pas gérés par le gouvernement birman, mais par les Nations Unies.

Ces discours sont suivis d’actions, souvent violentes. Ainsi, des Arakanais bouddhistes sont violemment arrêtés pour avoir vendu de la nourriture aux musulmans. Dans le village de Pauktaw, le RNDP préconise des actions radicales : nul ne peut acheminer de la nourriture vers la partie musulmane du village ; tout Arakanais qui vendrait de la nourriture aux musulmans serait tué ; toute personne qui dénonce un Arakanais vendant de la nourriture toucherait 100 000 kyats (100 dollars) (HRW, 2013).
Des mosquées sont détruites, afin d’effacer toute empreinte des musulmans dans l’espace, en s’appuyant souvent sur des fantasmes : un moine bouddhiste de Sittwe déclare ainsi que « dans les villages, les Arakanais n’ont pas d’armes, mais chaque mosquée en cache. Le gouvernement l’a su, c’est pourquoi ils détruisent les mosquées à Sittwe : ils savent que chaque mosquée cache des caisses d’armes » (HRW, 2013).
Doc. 9 - La destruction d'une mosquée de Sittwe (juin 2012)

Source : Green et al., Genocide in Myanmar, 2015.

4.3. Les massacres d’octobre 2012 : un pas de plus vers le génocide ?

En octobre, se produit une nouvelle flambée de violence. Comme lors des attaques de juin, les forces de l’ordre sont très passives face aux événements et se rendent parfois complices des agresseurs, par exemple en désarmant les musulmans sous prétexte d’éviter les violences… mais en laissant leurs armes aux Arakanais. Dans certains cas, la police participe aux massacres, en faisant feu sur les musulmans qui tentent d’éteindre les incendies qui parcourent les villages. C’est elle également qui déverse un camion de cadavres devant un camp de déplacés de la région de Sittwe et force les habitants à les enterrer, menace très claire pour pousser les musulmans à quitter la zone (HRW, 2013).

Doc. 10 - Extension des violences entre juin et octobre 2012

Source : Human Rights Watch, 2013
(cliquer ici pour une meilleure résolution)

Doc. 11 - Situation des populations déplacées dans l'Etat d'Arakan (août 2013)

Source : Reliefweb, 2013

Les pogroms d’octobre 2012 présentent cependant des différences avec ceux de juin. Alors que ces derniers n’avaient touché que quelques villes, de manière assez ponctuelle, les violences d’octobre révèlent au contraire une véritable préparation en amont : le 22 octobre, les attaques débutent, de manière coordonnée, dans 9 des 17 townships de l’État. 
Autre différence par rapport aux pogroms de juin 2012 : les quartiers de l’ethnie kaman sont visés à Kyauk Phyu (HRW, 2013). Ce groupe ethnique, de confession musulmane et d’origine indienne, vit en Arakan depuis des siècles, et il était jusque-là pleinement intégré à la société arakanaise, avec une citoyenneté birmane pleine et entière. En octobre 2012, l’incendie systématique de leur quartier démontre que la rancœur des Arakanais dépasse le seul groupe des "Rohingyas" et vise désormais la communauté musulmane en général. Cette islamophobie se manifeste à nouveau en mars 2013 dans la ville de Meikhtila, en Birmanie centrale, où 43 musulmans sont massacrés selon des modalités déjà vues en Arakan : implication des moines et des forces de sécurité, impunité des meurtiers (Physicians for Human Rights, 2013).
Le bilan est très lourd : au moins 89 morts et 136 blessés (OCHA, 2013), mais le chiffre pourrait être plus élevé :  rien qu’à Mrauk U, plus de 70 personnes auraient été massacrées, dont 28 enfants (HRW, 2013). Les sources gouvernementales, elles, ne font état que de 12 morts à l’échelle de tout l’Arakan (ibid). 36 000 personnes ont été déplacées par cette nouvelle vague de violences (OCHA, 2013).

La réaction du gouvernement confirme une certaine impunité des pogroms : aucune enquête approfondie et impartiale ne fut menée, et aucune sanction significative ne fut prononcée à l’encontre des auteurs des violences (Hill, 2013).
Selon un rapport de l’International State Crime Initiative (Green et al.) de Londres, les violences de juin et d’octobre 2012 font désormais rentrer le traitement des musulmans d’Arakan dans la définition internationale d’un génocide, que l’on peut définir comme la politique d’un État ou d’une organisation visant à la destruction totale ou partielle d’une population en raison de son appartenance raciale ou religieuse. Les témoignages font en effet état d’un certain degré d’organisation et de coordination, d’un ciblage systématique des musulmans, et d’une complicité de l’État birman.

Doc 12 - Kyaukphyu : la destruction de quartiers entiers en 2012

Source : Google Earth, 13 novembre 2011 (en haut) et 18 décembre 2013 (en bas)
GEarth.gif Voir le fichier.kmz de Kyaukphyu, État d'Arakan, latitude 19°25'32" N, longitude 93°33'26" E
Des quartiers entiers de Kyaukphyu ont été systématiquement et méthodiquement incendiés. D’après les images satellites analysées par
Human Rights Watch dans quatre townships sur les neuf concernés par les violences, plus de 2300 bâtiments ont été détruits (HRW, 2013).

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5. Massacres et mobilités : entre enfermement et exode

5.1. Les camps : sécurité ou détention ?

Les violences ont marqué un point de non-retour dans la coexistence  : « avant, je vivais avec les musulmans dans un esprit fraternel. J’avais des amis, et nous vivions ensemble. Je n’ai vu aucun musulman depuis le conflit. […] Je ne veux plus les voir. Ils sont mauvais et tuent des Arakanais » (Green et al., 2015). On retrouve également des termes très forts et des comparaisons animales, qui ont pour effet de déshumaniser les musulmans : « nous pouvons vivre avec d’autres groupes ethniques, Chinois, Kachin, etc… mais […] ne pouvons pas vivre avec la communauté musulmane, ils sont vraiment effrayants… Ils sont comme des animaux, comme des chiens » (ibid.). En 2014, le gouvernement lance un projet-pilote de vérification de citoyenneté qui débouche sur la régularisation de 200 personnes, principalement de l’ethnie kaman, mais cette expérience doit être stoppée en raison de la très forte opposition des Arakanais, qui craignent des régularisations massives (Green et al., 2015). Peu importent les lois, l’éligibilité de certains musulmans à la citoyenneté birmane, une large partie des Arakanais ne peut admettre une présence musulmane sur le territoire de l’État.
Pour les musulmans qui ont pu rester dans leur village, la pression est permanente : « je ne pense pas pouvoir continuer à vivre dans ce village. Nous sommes entourés par les Arakanais de toute part. Si nous voulons nous rendre à un autre village "rohingya", nous devons d’abord traverser des villages arakanais. Aujourd’hui, c’est comme si nous vivions en prison », déclare un musulman du village de Yan Thei, (HRW, 2013). À la suite des pogroms, environ 140 000 personnes ont fui leur domicile pour trouver « refuge » dans des camps, rentrant de ce fait dans la catégorie internationale des Internally Displaced Persons (IDP) ou « déplacés ». Pour ceux-là, les mobilités sont sévèrement encadrées : il faut toute une journée de tracas administratifs pour gagner le droit de se rendre dans un autre township, et les déplacements à longue distance sont pour ainsi dire interdits : l’administrateur des réseaux de transport en commun de l’État d’Arakan exige en octobre 2012 qu’aucun musulman ne puisse prendre place dans les bus entre Thandwe, Taungup et Yangon, l’ancienne capitale birmane (Green et al., 2015).
Ces camps ont été créés selon une logique visant à marginaliser les musulmans et à privilégier les Arakanais. Cette stratégie s’observe particulièrement à Sittwe, où 100 000 personnes, toutes ethnies confondues, ont trouvé refuge. En effet, les Arakanais qui ont perdu leur maison dans les violences sont installés dans des camps réservés du centre-ville. Grâce à des dons venant de tout le pays, ces populations bénéficient de maisons préfabriquées en bois, d'un accès à l’eau, à l’éducation et aux installations de santé. Ces camps sont en train de se résorber, car de nombreux Arakanais ont pu reconstruire leur maison et regagner leur domicile (HRW, 2013).

À l’inverse, les musulmans déplacés par les violences sont eux rejetés en périphérie de la ville, dans des zones basses dépourvues de tout équipement collectif, et dans un dénuement total. Les activités et les mobilités y sont très sévèrement encadrées et restreintes, tant officiellement que par le biais de pressions informelles, de menaces et de rumeurs. Dans ce contexte, il est impossible de rentrer au village d’origine et de reconstruire sa maison incendiée. Cet enfermement a de fortes conséquences en termes de niveau de vie : d’après l’Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA), 98 % des déplacés musulmans n’auraient aucun accès à un marché, ce qui a des conséquences sur leur alimentation et leur santé. La promiscuité et la pauvreté extrême créent des risques au quotidien : ainsi, le camp Baw Du Pha 2, à l’ouest de Sittwe a été en partie ravagé par un incendie, le 3 mai 2016, qui a détruit le logement de 440 familles et fait 14 blessés (OCHA)  Bien que les Arakanais soient aussi exposés aux aléas naturels, la localisation des camps "rohingya", dans des zones basses, près du littoral, les rend d'autant plus vulnérables, par exemple aux cyclones Mahasan, en mai 2013 ou Komen, à l’été 2015.
Bien que la situation sanitaire soit préoccupante dans tout l’État d’Arakan et pour tous ses habitants, les "Rohingya" manquent particulièrement d’équipements de santé : pour une population de 100 000 personnes, dont 5 000 femmes enceintes, le gouvernement ne met à disposition qu’un hôpital de campagne de 12 lits (Hill, 2013). La Croix-Rouge propose des services d’évacuation vers l’hôpital de Sittwe pour les cas les plus graves, mais la plupart des patients évitent cet établissement, où ils ne sont clairement pas les bienvenus (ibid.). Dans ces camps où nulle activité n’est possible et où la précarité est extrême, la cohésion sociale vole en éclats, et les recherches font état d'altercations entre habitants, de violences familiales, d’alcoolisme et de dépression chronique (Green et al., 2015).

Doc. 13 - Les camps de déplacés et le risque d'inondation

Source : Reliefweb, 2013, d'après le Département d'État et Humanitarian Information Unit.

Doc.14 - La construction d'un camp de déplacés dans la périphérie ouest de Sittwe

Source : Google Earth, 30 novembre 2011 (en haut), 31 octobre 2012 et 27 septembre 2015 (en bas)
GEarth.gif Voir le fichier.kmz de Sittwe, État d'Arakan, latitude 20°11'12" N, longitude 92°48'07" E

Le cas le plus extrême de ségrégation est le quartier d’Aung Mingalar, la seule enclave musulmane qui ait subsisté à Sittwe. Là vivent près de 4 500 musulmans, dans un véritable ghetto, totalement coupé du reste du territoire par sept check-points. Les habitants ne peuvent quitter le quartier que deux jours par semaine pour rendre visite à des proches qui vivent en camp, sous réserve d’acceptation de la demande par les autorités. Étant donné que les habitants du quartier n’ont pas le statut d’IDP, ils ne peuvent prétendre à une aide internationale, et les approvisionnements en nourriture ne parviennent qu’au compte-gouttes, souvent de manière clandestine, car les camions se font attaquer et piller par des bouddhistes arakanais (Green et al., 2015).
Doc. 15 - Check-point à l'entrée du quartier "rohingya" d'Aung Mingalar

Source : Green et al., Genocide in Myanmar, 2015 p. 85
L'un des sept check-points à l'entrée du ghetto d'Aung Mingalar

La ségrégation est également institutionnalisée, à travers le Rakhine Action Plan du gouvernement de Nay Pyi Taw. Loin de ré-introduire des lieux mixtes, de décloisonner les territoires et de ré-instaurer le dialogue, il accentue la ségrégation, le contrôle des mobilités, la surveillance, la méfiance, l’interdiction aux Arakanais d’apporter de l’aide aux musulmans (Green et al., 2015). Cette initiative est justifiée par la lutte contre des « groupes terroristes » musulmans, argument qui ne s’appuie sur aucune base solide, car les musulmans d’Arakan ne se sont pour l’instant pas tournés vers le terrorisme. De manière paradoxale, le seul mouvement para-militaire violent dans la région est l’Arakan Army, mouvement de guérilla des Arakanais bouddhistes. Quant à la Monogamy Law, et la Religious Conversion Law, elles ont pour effet de bannir la polygamie, mesure qui vise sans le dire la communauté musulmane, et à encadrer les conversions : toute personne souhaitant changer de religion doit obtenir l’aval des autorités civiles et religieuses birmanes. Ces lois furent votées en 2015 sous la pression du mouvement nationaliste Ma Ba Tha, s’appuyant sur une pétition signée par plus de 4 millions de personnes, signe de l’emprise du discours islamophobe sur la population birmane.

5.2. Les acteurs internationaux dans la tourmente "rohingya"

Encore méconnue jusque dans les années 2000, la « question rohingya » a gagné en visibilité depuis 2012, et la communauté internationale s’en est emparée. De nombreux pays, ainsi que les Nations Unies ont fait part de leurs préoccupations, ce à quoi le gouvernement birman a opposé une fin de non-recevoir, refusant toute ingérence dans ses affaires internes et niant toute responsabilité dans ce conflit ethno-religieux. À la suite des violences de juin 2012, le Ministère birman des affaires étrangères a ainsi déclaré que « les incidents sont des conflits confessionnels qui sont une affaire purement interne d’un État souverain. Ils ne sont liés à aucune forme de persécution ou de discrimination religieuse. Par conséquent, nous n’accepterons aucune tentative de régionaliser ou d'internationaliser ce conflit comme une question religieuse » (in HRW, 2013). Malgré le gouvernement birman, la question finit par dépasser les frontières : en mai 2013, des terroristes indonésiens visent l’ambassade de Birmanie à Jakarta pour venger les musulmans victimes de persécutions (The Irrawaddy, 22 janvier 2014). En février 2014, deux leaders politiques arakanais échappent de peu à une tentative d’assassinat lors d’une visite à Kuala Lumpur, en Malaisie (The Irrawaddy, 7 février 2014).
Sur le terrain, les ONG internationales se heurtent aux plus grandes difficultés : dans le contexte arakanais de ségrégation systématique, de rupture totale du dialogue et de polarisation du débat, aider les musulmans est vu comme une prise de parti anti-arakanaise. Les Arakanais reprochent notamment aux ONG d’apporter une aide préférentielle aux "Rohingyas", alors que nombre de bouddhistes sont également confrontés à une extrême pauvreté. Elles sont également montrées du doigt non seulement car elles partent du postulat que l’identité "rohingya" a une réelle légitimité, mais aussi parce que les Arakanais ressentent une pression pour qu’eux aussi reconnaissent cette identité qu’ils ont toujours considérée comme fausse. De ce fait, les ONG occidentales nourrissent un ressentiment, qui déborde parfois. Lorsqu’en janvier 2014, des Arakanais, appuyés par la police et l’armée attaquent le village musulman de Dar Chee Yar Tan, faisant 48 victimes, les blessés affluent à une clinique gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), qui déclare avoir traité 22 personnes (The Irrawaddy, 24 janvier 2014). Ce rapport suscite la colère des autorités et des Arakanais, qui nient toute attaque et accusent MSF d’un biais pro-"rohingya". Plus de 5 000 personnes manifestent à Sittwe, exigeant le départ des ONG et de l’ONU de la région, et demandant encore plus de fermeté vis-à-vis des "Rohingyas" (The Irrawaddy, 4 février 2014). Dans ce climat très tendu, MSF est expulsé de l’État durant de longs mois. En mars 2014, des Arakanais attaquent l’ONG Malteser International à Sittwe : toutes les ONG évacuent leur personnel, fuyant des violences qui détruisent les locaux d’une dizaine d’organisations et font un mort (The Irrawaddy, 28 mars 2014).
À mots à peine couverts, les Arakanais accusent les ONG d’entraver le processus de nettoyage ethnique : un dignitaire de Sittwe déclare ainsi que « la population musulmane augmente, mais les Nations Unies les aident encore à survivre » (Green et al., 2015). Même le chef de la commission arakanaise pour les Droits de l’Homme déclare qu’« en tant qu’être humains, nous avons tous droit à de la nourriture, des soins et autres droits humains… Mais si vous vous revendiquez rohingya, c’est une autre histoire » (in Green et al., 2015).

5.3. L’exode des "Rohingyas", ou l’internationalisation forcée de la question

L'émigration clandestine de "Rohingyas" existait avant les violences de 2012, mais les flux sont en très forte croissance. Ces chiffres incluent des migrants du Bangladesh, cherchant, comme les "Rohingyas", à gagner la Thaïlande ou la Malaisie.

Doc. 16 - Départs de migrants clandestins depuis le littoral à la frontière Birmanie-Bangladesh (2012-2015)
Source : UNHCR, Mixed Maritime Movements in South-East Asia, 2015.
Sur les six derniers mois de 2012, 16 000 musulmans auraient quitté les côtes arakanaises, 55 000 en 2013 et 63 000 en 2014.

 
Doc. 17 - Trajectoires des migrants maritimes

Source : Reliefweb, 2013

Ces migrations clandestines sont sous-tendues par des réseaux mafieux transnationaux, une sorte d’ « anti-monde » de la migration, qui a atteint un haut niveau d’organisation au fil du temps. Les passeurs, qui demandent jusqu’à 2000 $/personne, embarquent les migrants depuis des plages arakanaises contrôlées par les autorités, qui acceptent de fermer les yeux moyennant des pots-de-vin (Green et al., 2015). Les petites embarcations font des navettes vers de plus grosses embarcations, qui attendent au large. Une fois pleines, celles-ci font route vers leur destination. Sur le bateau surchargé de 500, voire 700 passagers, les conditions d’hygiène sont déplorables, l’alimentation très insuffisante, et l’équipage se livre régulièrement à des violences, notamment sexuelles vis-à-vis des femmes. Après des jours de navigation, ils débarquent leurs passagers dans des zones reculées, notamment la jungle du sud thaïlandais. Là, les migrants sont concentrés dans des camps de groupes mafieux violents avec la complicité des autorités locales (Human Rights Watch, 1er Mai 2015). Ils ne libèrent leurs prisonniers qu’en échange d’une rançon versée par la famille restée en Arakan (The Irrawaddy, 14 février 2014). Ces migrants en situation irrégulière tombent ensuite sous la coupe d’employeurs sans scrupules.

Ces réseaux sont évolutifs : ainsi, lorsqu’au début de l’année 2014, les autorités thaïlandaises renforcent leur contrôle migratoire et s’attaquent aux réseaux de passeurs, les flux se déplacent vers la Malaisie voisine, où vivent déjà plus de 30 000 musulmans d’Arakan (The Irrawaddy, 6 mars 2014). Les stratégies évoluent également : alors que les camps pouvaient rassembler des centaines de personnes dans le passé, les camps de passeurs en Thaïlande et en Malaisie  n’en comptent que quelques dizaines pour échapper à la surveillance des autorités (The Irrawaddy, 30 janvier 2015).

En 2015, est observée une nouvelle phase : les autorités d’Asie du Sud-Est intensifient en effet leurs opérations contre les réseaux de passeurs, découvrent des camps dans la jungle et des fosses communes de migrants (The Irrawaddy, 11 mai 2015). De nombreux passeurs, en route vers la Thaïlande ou la Malaisie, conscients des risques encourus, abandonnent donc bateaux et passagers à la dérive, générant une crise migratoire importante.
Dans ce contexte, les autorités locales font preuve d’une grande fermeté. La marine malaise a ainsi pour instruction de distribuer vivres et carburants aux bateaux, avant de les diriger, de gré ou de force, vers les eaux internationales : en une journée, 800 migrants sont ainsi déroutés vers la Thaïlande, qui elle-même exerce un blocus sur les bateaux de migrants (The Irrawaddy, 12 mai 2015). Tout comme le Bangladesh, les pays d’Asie du Sud-Est refusent de les accueillir : le ministre de l’Intérieur malais (pourtant pays musulman) déclare ainsi : « que sommes-nous censés faire ? […] Ils ne peuvent pas se déverser sur nos côtes comme cela. […] Nous devons envoyer le bon message : ils ne sont pas les bienvenus ici » (The Irrawaddy, 14 mai 2015).
Malgré les appels à une solution régionale, les dialogues sont infructueux, notamment à cause de la position inflexible du gouvernement birman : pour lui, l’exode des musulmans d’Arakan est une question de trafic d’êtres humains à l’échelle asiatique, et non un problème de persécution des musulmans dans leur pays (The Irrawaddy, 18 mai 2015). Le dialogue est compliqué encore par le fait que la Birmanie ne reconnaît pas le terme de "rohingya", et menace de boycotter toute conférence qui ferait allusion à cette appellation (The Irrawaddy, 20 mai 2015).
En Arakan, cette crise a un fort impact sur les candidats au départ : pour la première fois, les conditions de migration, de détention et la violence sont révélés au grand jour. De plus, le renforcement des contrôles maritimes par les garde-côtes thaïlandais, malaisiens ou indonésiens rend encore plus illusoire le projet migratoire (The Irrawaddy, 8 juin 2015). Les flux se tarissent donc, d’autant que le triomphe de la National League for Democracy lors des élections du 8 novembre 2015 est considéré comme un signal positif pour l’avenir (The Irrawaddy, 21 mars 2016).

 

La religion en Birmanie est un phénomène complexe, multi-dimensionnel, qui ne peut être déconnecté des grandes mutations en cours dans le pays : mondialisation, démocratisation, définition des identités sociales. Dans le cas "rohingya", l’islam est un marqueur culturel qui sert de base à des revendications politiques de la part des musulmans, qui s’opposent aux conceptions géopolitiques des Arakanais, qui sont à comprendre dans un contexte politique, économique et migratoire plus vaste. Le conflit qui découle de cette confrontation est éminemment spatial, et se déploie à toutes les échelles, du quartier à l’Asie du Sud-Est : refus d’une population au sein d’un territoire, marginalisation, recomposition du peuplement, ségrégation, enfermement, migrations internationales.
 

L'auteur tient à exprimer sa sincère gratitude à Alexandra de Mersan pour sa relecture et ses conseils, à Bénédicte Brac de la Perrière, à Isabelle Sacareau, ainsi qu'au pôle heSam pour le soutien financier apporté à ses recherches.

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Notes

[1] En 1989, la junte militaire a procédé à une réforme des toponymes : la Birmanie est devenue Myanmar, l’État d’Arakan est devenu Rakhine, et certaines villes ont changé de nom comme Akyab devenue Sittwe, Rangoon devenue Yangon. Cependant, à l’instar du Ministère des Affaires étrangères français, nous continuons à utiliser l’ancien nom du pays. Pour les autres toponymes, nous choisissons de sélectionner ceux qui sont les plus usités dans le contexte de la « question rohingya », ce qui conduit à une cohabitation d’anciens termes (Arakan) et de nouveaux (Sittwe). Étant donné le caractère politiquement discuté et scientifiquement assez flou du terme de "rohingya", nous n’écrirons ce dernier qu’entre guillemets, et lui préférerons la plupart du temps le terme de « musulmans d’Arakan ».

[2] Fondé en 1990, le journal The Irrawaddy est le principal journal indépendant de Birmanie. Défenseur des positions démocratiques et critique virulent de la junte militaire, il fut longtemps basé en Thaïlande pour échapper à la censure des autorités birmanes.

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Pour compléter :

Ressources bibliographiques

Dans la presse
  • The Irrawaddy,

22 janvier 2014: “Would-be Bomber Jailed for Burmese Embassy Plot
24 janvier 2014: “Burma Govt Rejects ‘Unacceptable’ UN Statement on Rohingya Killings
4 février 2014 : “Thousands of Arakanese March Against UN, in Support of Citizenship Law
7 février 2014 : “After Shooting in Malaysia, Arakanese Targets Admit Potential Religious Link
14 février 2014 : “Thai Police Target Traffickers But Rescued Rohingya May Face More Abuse
5 mars 2014: “Trafficking Abuse of Burma’s Rohingya Spreads to Malaysia
13 mars 2014: “A Transition Under Threat
17 mars 2014: “Wirathu Joins Arakanese Protest Against Census
28 mars 2014: “Aid Workers Flee, Girl Killed as Attacks Continue in Sittwe
29 mai 2014: “After Fleeing Burma, Rohingya Lead Clandestine Lives in Thailand
12 juin 2014: “More Than 86,000 Have Fled Arakan State by Boat: UN
30 janvier 2015: “Thai Vigilantes Take up Fight Against Human Trafficking
10 mai 2015: “Boats with 600 Rohingya and Bangladeshis Land in Indonesia
13 mai 2015: “Malaysia to Push Back Rohingya Unless Boats Are Sinking
14 mai 2015: “Malaysia Turns Away 800 Boat People; Thailand Spots Third Boat
18 mai 2015: “Burma Says ‘Boat People’ Crisis Not Caused by Rohingya Strife
20 mai 2015: “Burma May Boycott Trafficking Summit over Use of Name ‘Rohingya’
8 juin 2015: “Closed for Business: Asia’s Human Smugglers Go to Ground
8 fév 2016: "Firebrand Monks a Powerful Force in Burma Despite Setback"
18 mars 2016: “Hope for Change in Burma Stems Rohingya Migrant Flow

 

Martin MICHALON,
agrégé de géographie, doctorant en géographie, Centre Asie du Sud-Est, EHESS.

 

Conception et réalisation de la page web : Marie-Christine Doceul,
pour Géoconfluences, le 19 octobre 2016.

Pour citer cet article :  

Martin Michalon, « Religions, politique et espace(s) : « la question rohingya » en Birmanie (Myanmar) », Géoconfluences, octobre 2016.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/fait-religieux-et-construction-de-l-espace/corpus-documentaire/rohingya-Birmanie