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Questions au programme de l'agrégation externe de géographie 2026

Publié le 06/05/2025

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Environnements : approches géographiques / L’État, objet géographique (question nouvelle) / Les littoraux français / Le Pacifique (question nouvelle) / Histoire médiévale : Église, société et pouvoir dans la chrétienté latine (910-1274) / Histoire contemporaine (question nouvelle) : Vivre à la campagne en France, de 1815 aux années 1970
Sommaire
  1. Environnements : approches géographiques
  2. L’État, objet géographique (question nouvelle)
  3. Les littoraux français
  4. Le Pacifique (question nouvelle)
  5. Histoire médiévale : Église, société et pouvoir dans la chrétienté latine (910-1274)
  6. Histoire contemporaine (question nouvelle) : Vivre à la campagne en France, de 1815 aux années 1970

PROGRAMME AGREGATION EXTERNE DE GEOGRAPHIE

SESSION 2025-2026.


Géographie thématique 
 

Environnements : approches géographiques

Aborder la question des environnements en géographie constitue une démarche utile compte tenu des enjeux politiques et d’aménagement, mais aussi de l’intérêt que revêt cette question tant du point de vue disciplinaire que scolaire. Les environnements en géographie : questions épistémologiques Une première dimension de cette question est, à l’évidence, épistémologique : si le programme de l’agrégation externe de géographie concernant la nature (2018 à 2021) avait pour ambition centrale d’interroger la dimension construite des représentations touchant aux réalités biophysiques, évoquer les environnements invite à une lecture bien plus large, notamment dans un cadre disciplinaire en forte évolution. Absent des dictionnaires de géographie des années 1970, l’environnement est devenu, en l’espace d’une quarantaine d’années, une notion majeure pour les géographes[1] qui l’utilisent en première instance, pour dire l’interaction entre réalités biophysiques et sociétés. Elle est pourtant restée très discrète dans les programmes des concours de l’enseignement depuis trente ans. Notion « convenable » (Lespez, Dufour, 2020) en ce qu’elle permet de saisir d’emblée les liens unissant les composantes humaines et non humaines d’un système terre, elle peut revêtir des sens et des approches différenciées, tantôt issues d’une géographie plus naturaliste, tantôt relevant d’une approche plus sociale et culturelle de la géographie. À cet égard, le recours au pluriel dans l’intitulé de la question est nécessaire : la notion devra être connue et comprise dans ses multiples approches, et dans leurs apports différenciés à la discipline géographique. Derrière le terme d’environnement se déploient en effet des démarches géographiques différentes : d’un côté, celles d’une géographie physique ayant désormais pleinement intégré les facteurs et enjeux sociétaux – que l’on pense à la géoarchéologie, à la biogéographie, ou encore à la climatologie contemporaines, pour ne citer qu’elles ; de l’autre, une géographie s’inscrivant plus explicitement dans le champ des sciences sociales, et abordant les réalités biophysiques par les regards et actions que les sociétés portent sur elles. En ce sens, il conviendra d’interroger la place de l’environnement dans l’évolution plus générale de la discipline géographique.

Si les environnements en géographie sont multiples par les approches de recherche, ils s’avèrent également variés par les notions qui leur ont été associées. À cet égard, les programmes scolaires de collège et lycée sont éclairants en ce qu’ils mobilisent prioritairement tantôt la notion de développement durable, tantôt celle de transition[2]. Il sera indispensable que les candidats saisissent combien l’une et l’autre interrogent de manière différente celle d’environnement, et quels sont les enjeux conceptuels et pédagogiques d’une telle coprésence au sein des programmes.

Enfin, toujours dans une perspective épistémologique, il conviendra d’interroger la dimension proprement géographique des environnements. L’étymologie du mot renvoie à ce qui entoure, établissant une forme de proximité sous-jacente à la notion même d’environnement ; défini dans l’action publique comme « le cadre, le milieu et les conditions de vie des sociétés » (Veyret, 2008), l’environnement n’est pas sans ambiguïté géographique. Ambiguïté de délimitation tout d’abord, la notion ne permettant guère l’établissement de critères géographiques simples pour en circonscrire les limites. Tension scalaire ensuite, entre des environnements d’autant mieux représentés dans le champ politique qu’ils sont appréhendés à une échelle locale, et la montée de travaux multiples sur le caractère planétaire des enjeux environnementaux. Là encore, la maîtrise de ces différentes échelles d’appréhension des environnements, de leurs enjeux spécifiques et de leurs articulations permettra de construire des questionnements à explorer au fil de la préparation.

Les environnements en contexte anthropocène

La publication de ce programme intervient dans le contexte très particulier de l’inscription de la planète dans l’ère anthropocène. Le terme, s’il demeure objet de discussions notamment quant à ses possibles délimitations temporelles, est en revanche aujourd’hui plus consensuel par le constat qu’il dresse. Les sociétés humaines sont aujourd’hui devenues le facteur majeur de modification de la planète, ce dont rend compte la géologie mais aussi les données produites sur le fonctionnement des éco-socio-systèmes. Parler d’Anthropocène permet de mettre en évidence le caractère irréversible de l’empreinte des sociétés humaines sur les réalités biophysiques. Cette réflexion doit comprendre le contexte de changements globaux, en prenant bien en compte les évolutions sociétales (mondialisation, redéfinition des rapports Sud/Nord, entre les Sud, etc.), ainsi que la diversité des risques et des formes de vulnérabilités, illustrant les interactions complexes entre les sociétés et leurs environnements.

Interroger les environnements en géographie dans ce contexte débouche sur de multiples pistes : ainsi, la mesure de l’action des sociétés sur leurs environnements devra être analysée de manière détaillée. Il conviendra d’explorer les méthodes choisies pour rendre compte de ces changements majeurs qui affectent les écosystèmes, et d’analyser les difficultés rencontrées pour attester de réalités souvent qualifiées d’hybrides. Si le recours à des approches éprouvées de longue date par la géographie, comme l’analyse de l’évolution paysagère, ou la mesure sur le temps long de l’évolution d’indicateurs tels que les températures, les précipitations, l’usage du sol, est possible, la question de nouvelles méthodologies permettant de saisir au plus près les interactions entre réalités biophysiques et sociétés humaines devra être posée.

Au-delà des méthodes, ce sont bien les mutations environnementales induites par l’action des sociétés elles-mêmes qu’il conviendra d’interroger. Les datations possibles de l’Anthropocène sont multiples, mais plusieurs d’entre elles proposent des bornages temporels associés au développement de modes de production aux impacts environnementaux majeurs : défrichements agricoles, développement industriel, voire croissance d’une économie tertiaire aux impacts environnementaux souvent sous-estimés. Cette analyse pourra reposer tant sur des travaux naturalistes qui décrivent et analysent l’évolution des réalités biophysiques sous l’action des sociétés, que sur des recherches davantage inscrites en géographie sociale et économique, qui dépeignent l’évolution des systèmes productifs et leurs conséquences en matière environnementale. Ces mutations de l’environnement peuvent être causées par la somme d’actions individuelles de faible ampleur mais aussi par le développement d’infrastructures aux effets particulièrement lourds, d’ailleurs considérées comme des indicateurs de la « grande accélération » évoquée par le chimiste Will Steffen (2007) : grands barrages, réseaux routiers et ferroviaires, mines et activités extractives diverses, notamment dans leurs développements contemporains (exploitation des sables bitumineux ou des gaz de schiste, par exemple), accélération des mobilités et développement du transport aérien. Ce constat gagnera à être articulé avec la place accordée à l’environnement – voire son instrumentalisation - dans les discours de nombreux acteurs politiques et économiques pour soutenir leur activité (labellisation touristique, de produits agricoles ou forestiers, etc.).

Les conséquences géographiques plus indirectes des mutations successives des systèmes productifs devront également être maîtrisées par les candidats : ainsi la métropolisation et la littoralisation constituent-elles des dynamiques majeures des deux derniers siècles, dont l’impact sur l’ensemble des composantes locales des écosystèmes est connu : imperméabilisation des sols, modification des rythmes quotidiens et saisonniers des écosystèmes, perturbation de la faune et de la flore présentes, évolution du trait de côte, pour ne citer qu’elles. De manière plus générale, le changement global constituera également un point d’attention fort de la question au programme, l’origine anthropique des évolutions climatiques récentes étant bien documentée. Il ne s’agira en aucune manière d’exiger des connaissances climatiques abouties des candidats, mais une connaissance sommaire des travaux du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) et des mécanismes en jeu sera attendue – tout comme, nous y reviendrons, celle des mécanismes d’adaptation à ces changements environnementaux majeurs.

Une attention particulière sera portée aux espaces au sein desquels l’empreinte de l’action des sociétés sur les environnements est la plus manifeste, qu’elle soit la conséquence directe d’une exploitation locale, ou qu’elle affecte des espaces jugés emblématiques d’une nature idéalisée. Ces deux situations ne sont d’ailleurs pas incompatibles, comme en témoignent les images fortement médiatisées des forêts tropicales sujettes aux défrichements à visée agricole, ou les alertes tout aussi largement relayées dans la presse internationale concernant les espaces polaires, ou encore les océans subissant l’apparition de « continents de plastique ». Une attention particulière sera portée aux environnements urbains, dont le caractère anthropocène est désormais bien documenté, qu’il s’agisse de l’évolution des sols, du développement d’une biodiversité spécifique, de rythmes saisonniers et diurnes profondément altérés, ou du retour en grâce de l’agriculture urbaine. Au passage, une analyse critique des différences de traitement observables dans les médias mais aussi au sein de la littérature scientifique entre les environnements et les lieux d’une planète pourtant totalement inscrite dans l’ère anthropocène sera attendue.

In fine, si l’analyse de dynamiques globales a caractérisé une partie des sciences de l’environnement dans les dernières décennies, notamment autour du changement climatique et de l’Anthropocène, c’est bien en géographes que les candidats seront amenés à aborder ces thématiques. Autrement dit, il s’agira non seulement de saisir en quoi les problématiques environnementales s’inscrivent aujourd’hui à une échelle monde, mais aussi, voire surtout, de mesurer les manifestations de ces phénomènes à grande échelle.

Les environnements, enjeux sociaux, culturels et politiques

Au-delà du double diagnostic évoqué plus haut – constat des mutations environnementales majeures observables à la surface du globe, mais aussi mutation du regard scientifique et sociétal sur la nature des liens entre sociétés et réalités biophysiques –, la question au programme invite à considérer les environnements en tant qu’enjeux politiques spatialisés.

Documentées de plus en plus par les travaux scientifiques d’origine disciplinaire diverse, les mutations environnementales s’inscrivent de manière croissante dans le débat public, notamment dans le cadre des politiques dites de développement durable et de transition, dont la diffusion dans le cadre scolaire n’est pas le moindre des défis. Ces deux démarches, aujourd’hui amenées à cohabiter, ne sont pas identiques : les politiques dites de développement durable, initiées dans le courant des années 1990, abordent l’environnement en regard de deux autres exigences majeures, l’économie et le social. Les politiques dites de transition, plus récentes, s’entendent comme des politiques de changement progressif d’un système, quand bien même il constituerait une évolution majeure. L’environnement n’y est pas explicitement évoqué, et pourtant, la plupart des politiques de transition se voient accoler un adjectif pour signifier un objet et un objectif environnemental : transition énergétique, transition écologique notamment. Là encore, ce pan du programme devra être abordé par le prisme de la géographie, c’est-à-dire en privilégiant les questionnements spatiaux et paysagers induits par ces politiques.

En outre, la question invite à s’interroger sur la capacité des acteurs à prendre en charge ces mutations des environnements et les conséquences des actions humaines sur ces environnements, notamment en termes de gestion des risques. Les politiques environnementales sont au cœur de tensions géo-économiques et/ou géopolitiques, elles posent également la question de la gouvernance et de l’inégalité des territoires face à la gestion de ces enjeux (capacité technique, technologique, financière, etc.). Les impacts sur les environnements soulèvent parfois des enjeux sociaux et culturels auxquels les sociétés peinent à répondre par le biais de politiques publiques.

Quand des réponses émergent, la pluralité des environnements invite à interroger la pertinence des échelles d’action politique au sens large et la possibilité d’une politique globale sur les sujets environnementaux. Les objectifs de développement durable de Rio (1992) ont souvent été assortis d’une injonction au « Penser global, agir local » : quels sont les ressorts et limites de cette articulation ? En outre, les politiques environnementales, qu’elles soient abordées par le prisme du développement durable ou de la transition ont permis l’émergence de modèles successifs, parfois concurrents : modèles de ville durable, modèles de transition énergétique par exemple. La reproductibilité de ces modèles, leur circulation entre divers espaces, et plus largement la diffusion de cadres théoriques conçus dans les Nords – le développement durable en étant un exemple – devront être interrogées. Cette question est d’autant plus cruciale que l’environnement est devenu au fil des décennies un enjeu majeur de la scène internationale, que ce soit par le biais de grandes manifestations comme les COP (conférence des parties, qui se réunit tous les ans depuis 1995 sous l’égide des Nations Unies) ou les Sommets de la Terre, ou par l’inscription d’exigences environnementales croissantes dans le financement des politiques de développement via les bailleurs internationaux (Banque mondiale, FMI), ou des acteurs de la conservation (UNESCO, ONG environnementales). Les espaces protégés sont également emblématiques de ces tensions entre intérêt national voire international et enjeux locaux. Ainsi, la valorisation d’espèces et d’espaces apparaît largement conditionnée par les représentations occidentales, entraînant de fréquentes difficultés de mise en œuvre dans des territoires où les espaces protégés ne répondent guère aux images, pratiques et usages locaux. La question souligne la difficulté des politiques à trouver le juste équilibre entre mise en valeur des environnements par les sociétés et leur protection, et la mise en place d’une gouvernance qui doit prendre en compte l’intégralité des points de vue dans un jeu d’acteurs complexe et parfois asymétrique (montée des mouvements altermondialistes, rôle du lobbying, influence croissante des réseaux sociaux dans la diffusion de l’information, etc.).

Ces différentes politiques s’inscrivent dans des territoires préexistants : penser les environnements en géographie suppose donc d’analyser les implications spatiales des actions politiques qui y sont associées. Entre dépendance au sentier (particulièrement vive dans le cas des transitions énergétiques), prise en compte des réseaux préexistants et de leur fonctionnement centralisé (que l’on songe par exemple aux travaux sur le métabolisme urbain et ses évolutions), et pratiques habitantes (qui saisissent les questions environnementales de manière très contrastée), les enjeux géographiques de ces politiques constituent un pan majeur de la question au programme. À cet égard, les difficultés de mise en œuvre des politiques d’adaptation au changement climatique apparaissent particulièrement révélatrices.

La place même accordée ou non à l’espace dans ces différentes politiques de l’environnement au sens large devra également être interrogée : le principe d’une protection de l’environnement par des formes spatiales comme les espaces protégés ou les trames vertes et bleues – formes particulières de corridors écologiques –, mérite en effet attention. L’évolution des discours scientifiques et des pratiques en la matière constitue un vrai enjeu pour la géographie, tout comme les conséquences concrètes de ces évolutions – tant sur les réalités biophysiques que sur les sociétés présentes sur ces territoires.

Le rapport au temps de ces politiques environnementales représente également un enjeu majeur de la question de programme proposée. Il s’agira d’une part de prendre la mesure des variations d’approches en matière de gestion des environnements au fil du temps (par exemple en matière forestière ou dans la prise en compte des enjeux environnementaux des zones humides), et d’autre part aussi d’interroger plus précisément le rapport au temps dont sont porteurs les politiques environnementales passées et présentes. Entre évocation d’un état de référence supposé – et présenté comme objectif de nombre de politiques –, et mise en avant plus récente de trajectoires différenciées, les conceptions de l’environnement et de la place qu’y jouent les sociétés diffèrent et méritent d’être questionnées. Entre tenants de la « restauration écologique » et partisans de la « renaturation », les approches divergent et se doivent d’être explicitées.

Enfin, il s’agira de mesurer autant que possible les conséquences sur les territoires de ces diverses politiques. Toute transition n’est-elle pas, in fine, territoriale, au sens où elle conduit à une évolution en profondeur des structures et rapports entre composantes sociales et biophysiques de l’espace habité ? Les conséquences sociales et économiques des politiques environnementales sont aussi objet de la géographie, et partie prenante du sujet à ce titre : dans quelle mesure la qualité des environnements, mais aussi les politiques environnementales contribuent-elles à des formes de ségrégation socio-spatiale (« points noirs » environnementaux versus espaces à haute qualité environnementale, privatisation et coût foncier de l’accès aux environnements de qualité, écoquartiers) ? Le jury attend des candidats une réflexion sur la justice environnementale, et plus largement une lecture politique de l’environnement, puisqu’il exprime également des rapports de forces.

Pour conclure, la question au programme entend mobiliser la variété des démarches et des échelles des géographes pour prendre la mesure de la contribution de la discipline à une interrogation majeure : comment penser (au mieux) les interactions entre sociétés humaines et réalités physiques d’une planète en partage.

Une question au cœur des programmes du secondaire

Au collège, le cycle 3 doit faire prendre conscience aux élèves de l’impératif d’un développement durable qui implique désormais de s’intéresser aux multiples transitions visant à protéger les environnements. En 6ème en particulier, la notion « d’habiter » est au cœur du programme, notamment dans le cadre du thème 2 sur « habiter les espaces de faibles densités » qui interroge, entre autres, les enjeux de la biodiversité et les mutations environnementales liées aux pratiques productives dans les espaces ruraux.

Dans le cycle 4, il s’agit de sensibiliser les élèves à la vulnérabilité des espaces humains en insistant sur les capacités des sociétés à trouver les solutions permettant d’assurer un développement durable (au sens du mot anglais sustainable, dont il est la traduction) et équitable. Il s’agit d’une injonction à s’appuyer sur les objectifs de développement durable de l’ONU (ODD). En 5ème, le thème 2 « Des ressources limitées (énergie, eau, alimentation) , à gérer et à renouveler » au regard de la pression démographique permettra aux candidats de faire le lien avec la question de programme, tout comme dans le thème 3 : « L’environnement, du local au planétaire ». Ce thème permet en effet d’aborder le développement durable et l’environnement. Dans ce cadre, sont abordées deux questions : le changement global climatique et ses principaux effets géographiques régionaux et prévenir et s’adapter aux risques (industriels, technologiques et sanitaires ou liés au changement climatique).

Au lycée, l’interaction entre environnements et transitions est au cœur du thème principal de la seconde « Environnement, développement, mobilité : les défis d’un monde en transition » (48 heures y sont consacrées). Dans le programme de Seconde, la transition est présentée de la façon suivante : « Cette notion de transition désigne une phase de changements majeurs, plutôt que le passage d’un état stable à un autre état stable. Elle se caractérise par des gradients, des seuils, et n’a rien de linéaire : elle peut déboucher sur une grande diversité d’évolutions selon les contextes. Elle prolonge et enrichit la notion de développement durable, que les élèves ont étudiée au collège. La transition est une clé d’analyse des grands défis contemporains, à différentes échelles, plus qu’un objectif à atteindre. Elle permet d’analyser la pluralité des trajectoires de développement, tout en interrogeant la durabilité des processus étudiés ». La notion de transition est ainsi mobilisée pour rendre compte de ces grandes mutations. Entre autres, elle est déclinée à travers l’étude des évolutions environnementales. Les autres mutations à l’étude sont démographiques, économiques, technologiques et à travers l’étude des mobilités qui subissent les influences de ces évolutions.

Le thème 1, « Sociétés et environnements : des équilibres fragiles » met en relation la fragilité de l’environnement (ressources finies comme l’eau ou les sources d’énergie primaire notamment) ainsi que les enjeux liés à un approvisionnement durable en ressources. Le thème 2 intitulé « Territoires, populations et développement : quels défis ? » interroge la notion de transition tant d’un point de vue notionnel (transition démographique, transition économique) que d’un point de vue contextuel, en cherchant à différencier les territoires. Dans le thème 3 sur les « mobilités généralisées », la question spécifique sur la France (« La France : mobilités, transports et enjeux d’aménagement ») invite à observer la transition vers des mobilités plus respectueuses de l’environnement.

En classe de Première, « les dynamiques d’un monde en recomposition » (48 heures), les recompositions que connaît le monde contemporain sont abordées comme effets des multiples processus de transitions : recompositions urbaines (dans le thème 1 « La métropolisation : un processus mondial différencié »), mutations des espaces de la production dans le thème 2 et de celle des espaces ruraux abordés dans le thème 3. Or, chacune de ces dynamiques, à sa manière, questionne l’évolution des environnements dans lesquels elles s’inscrivent.

Dans le cadre du programme de Terminale, « Les territoires dans la mondialisation : entre intégrations et rivalités » (48 heures), il s’agit d’étudier les conséquences, sur les territoires, du processus de mondialisation. Les transitions, dans leurs rapports aux environnements sont moins explicitement mentionnées ; pour autant les liens restent bien présents au second plan. Par exemple, le thème 1 repose sur l’étude de la mise en valeur et de l’utilisation « des mers et des océans » et à une volonté d’appropriation, de valorisation, mais aussi de protection de cet environnement.

Enfin, dans le programme de spécialité « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » en terminale, l’environnement correspond au thème 5 « L’environnement, entre exploitation et protection : un enjeu planétaire », les objectifs affichés étant d’« analyser l’évolution des rapports entre les sociétés et leurs milieux, et notamment les changements environnementaux non désirés qu’ils induisent » et d’« en comprendre les enjeux géopolitiques ».

 

L’État, objet géographique (question nouvelle)

L’État, « acteur spatial peu pensé » (Lévy 2003, 2013)

L’État peut être envisagé comme un objet géographique à travers trois dimensions majeures : institutionnelle, territoriale, actorielle. Un État n’est donc pas qu’un territoire, mais également un pouvoir et une administration qui s’exerce non seulement sur celui-ci, mais également en dehors de ses frontières. Cela permet d’interroger la notion de puissance au prisme de la relation à la capacité de « faire », de « faire faire », « d’empêcher de faire » et de « refuser de faire »[3]. Alors que l’importance de l’État constitue un acquis dans les considérations des configurations géopolitiques, il n’en va pas de même de sa prise en compte et de son questionnement dans les autres champs de la géographie. En effet, la forte présence de l’État dans les analyses géographiques contraste avec la rareté des études qui lui sont consacrées et, bien logiquement, avec le flou qui entoure la délimitation des contours du terme. S’interroger sur les facteurs qui expliquent que l’État, qui a incontestablement conquis le champ des sciences politiques et de la géopolitique, se soit installé en géographie partiellement comme un impensé, peinant à être considéré comme un objet d’étude pleinement élucidé, est l’un des axes forts d’approche de cette nouvelle question. Le Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés[4] se fait l’écho de cette insuffisance, sous la plume de Jacques Lévy, en consacrant un long article à « État », qu’il qualifie notamment d’« acteur spatial peu pensé ». Les auteurs du Dictionnaire de Géographie[5]proposent une entrée intitulée « État, nation, pays », dont le préambule stipule que « Si les termes État, nation et pays s’utilisent largement en Géographie, ils ont été longtemps des impensés en tant qu’objets disciplinaires, si ce n’est en géopolitique ». L’État détient pourtant une nature, une dimension spatiale évidente qui permet de l’entrevoir comme un objet d’étude potentiel pour les géographes. Sa spatialité s’exprime notamment par ses frontières qui délimitent son territoire, par les aménagements qui manifestent sa capacité à agir et à modeler l’espace soumis à son autorité, par les conflits et rapports de force qui engagent l’acteur que ce soit en interne ou en externe. Cette dimension spatiale de l’État est incontestablement multiscalaire. Il existe bien une « signification géographique de l’État » pour reprendre une formule de Denis Retaillé[6].

Il n’existe pas de définition simple et consensuelle de « l’État ». On peut s’accorder sur le fait que l’État est avant tout une institution, qui s’incarne dans un territoire dont il est indissociable. Sa souveraineté s’y exerce et s’impose à ceux qui occupent ce territoire, faisant de l’État un acteur qui est notamment le gardien de cette souveraineté, entre autres par le contrôle qu’il exerce sur les frontières, qu’elles soient linéaires, réticulaires ou immatérielles. Ce contrôle est de nature juridique, administratif, mais aussi militaire, dès lors que l’État possède, selon la formule de Max Weber, « le monopole de la violence légitime », expression parfois contestée et qui a donné lieu à quelques déclinaisons, par exemple en évoquant plutôt des moyens de « coercition légitime ». Jacques Levy (2003) propose la notion de « dispositif de puissance » pour qualifier « l’ensemble spécifique de moyens d’imposer des décisions qui caractérisent les États ». L’État possède donc des fonctions, dont certaines, qualifiées de « régaliennes » sont constantes et recoupent la dimension précédente, comme la défense du territoire national, le maintien de l’ordre et de la stabilité ou la justice. Une réflexion géographique sur l’État est indissociable d’une approche approfondie des notions de pouvoir et de puissance et des recompositions contemporaines de leurs attributs.

La diversité du fait étatique

La vision d’un monde formé, selon un découpage de base, d’États, renvoie à un ordre géopolitique né des traités de Westphalie (1648) à partir desquels l’État est reconnu comme forme privilégiée d’organisation politiques des sociétés. Ce ne fut pas toujours le cas et l’exemple des villes de la Hanse démontre qu’il fut un temps où des États pouvaient être dominés par d’autres formes d’autorité et d’influence, en l’occurrence économique et commerciale, réticulées. Le pouvoir de l’État westphalien s’exprime par quelques principes forts, dont la souveraineté interne et la reconnaissance réciproque. Les 193 États reconnus par l’ONU forment le maillage de base de la géographie politique de la planète. Ce nombre a connu une forte progression depuis la fin de la 1ère guerre mondiale. La Société Des Nations (SDN) comptait 45 membres fondateurs en 1919 et l’ONU 51 membres en 1945. Ils furent 99 en 1960, 154 en 1980 et 189 en 2000. Les mouvements de décolonisation, le démantèlement de l’URSS et de la Yougoslavie, la scission entre La République tchèque et la Slovaquie et l’adhésion de micro-états, notamment du Pacifique sont à l’origine de cette progression du nombre d’États reconnus et adhérents. Une intense production de frontières internationales en a résulté dont Michel Foucher, notamment, a largement étudié l’ampleur et les formes. Il conviendra d’étudier les confins de la définition d’« États ». Les 17 territoires non autonomes dont la souveraineté est assurée par des « puissances administrantes » (par ex. le Sahara occidental, les Bermudes) constituent autant de cas d’études qui permettront d’interroger l’objet géographique. Il en va de même pour les objets géopolitiques hybrides que sont les quasi-États, qui exercent des fonctions étatiques sans en posséder tous les attributs, notamment la reconnaissance internationale, et qui permettent d’interroger des processus de sécession territoriale. Les territoires bénéficiant d’une très large autonomie peuvent eux-aussi posséder certaines caractéristiques étatiques quand bien même les fonctions régaliennes ne seraient pas assurées en propre. Ces objets géopolitiques devront être appréhendés dans toute la complexité de leurs trajectoires géohistoriques, au prisme des territoires concernés, de leur État-parent comme de leur État-protecteur.

Ainsi, le terme « État » peut recouvrir des significations diverses et des réalités territoriales particulières : certains États sont unitaires alors que d’autres sont fédéraux ; certains possèdent de vastes territoires, notamment les États-continents, alors que d’autres sont de petite taille, souvent qualifiés de micro-états ; de nombreux États s’appuient sur un territoire composé d’une étendue continue alors que d’autres possèdent des territoires annexes, parfois sur d’autres continents, parfois éminemment réticulés (États archipélagiques). Ces États peuvent être reconnus par la communauté internationale, ce qui est le cas le plus commun, mais des exceptions existent. Taïwan représente le cas tout à fait particulier d’un État possédant l’intégralité des attributs étatiques classiques mais pourtant reconnu seulement par une douzaine d’États, qui y ont installé une ambassade. A l’inverse, le terme « État » est parfois attribué à des entités géographiques qui n’en ont pas tous les caractères.  C’est le cas particulier de Porto Rico qui est un « État libre associé » aux États-Unis, dont les habitants sont, depuis 1917, des citoyens américains qui peuvent circuler librement dans les 50 autres États américains sans passeport mais ne bénéficient pas de l’intégralité des droits américains, notamment en matière électorale. La diversification des trajectoires et formes d’État se manifeste dans la démultiplication des qualificatifs : états émergents, états faillis, fragiles states, états tampons… Ces qualificatifs questionnent d’autres formes de liens qui s’opèrent entre États et espace, États et territoire, qui trouvent des concrétisations dans des objets géographiques comme les zones grises, dans toute la diversité de leur acception.

La relation entre la notion d’ « État » et de « Nation » devra être interrogée dans toute sa portée épistémologique et spatiale. Dans la plupart des cas, les Nations préfigurent les États qui reposent sur elles, en concrétisant le sentiment d’appartenance commune et un imaginaire associé, se traduisant par exemple par des traditions ou un socle d’œuvres culturelles fondatrices. La France fait figure d’exception en la matière, avec un État qui précède la Nation et même qui en est fondateur, comme l’affirme notamment l’historien et démographe Hervé Le Bras (2015) par la formule « c’est l’État qui a « fait » la nation ». De même, il conviendra de questionner la relation entre l’objet « État » et le concept de territoire. Certains États se sont constitués de manière progressive, au fil de conquêtes successives, afin de faire correspondre l’État à la Nation. C’est le cas des États-fusion, nés en lien avec l’affirmation progressif d’un sentiment national (unifications italienne et allemande au XIXe siècle). D’autres, qualifiés d’États-scission, sont nés de mouvements de désagrégation d’empires coloniaux ou de mouvements séparatistes, comme ce fut le cas pour le Timor Leste ou le Soudan du Sud. La diversité l’emporte sur l’unité en la matière, certains États passant au cours de leur histoire d’une catégorie à une autre. Certains États-nations peinent d’ailleurs à le rester, ce qui questionne sous un autre prisme le rapport entre l’État et son territoire.

La notion d’État amène également à interroger comme nous y invite Yves Guermond l’expression de la citoyenneté et de ses limites[7]. Des États cherchent ainsi à repousser leur frontière en intégrant la communauté nationale expatriée à l’étranger par l’introduction du vote électronique. D’autres distinguent citoyenneté locale et citoyenneté nationale. La citoyenneté se recompose dans une croissance forte des flux et des échanges.

Les fonctions de l’État et leurs implications spatiales

La capacité spatiale de l’État dépend de son champ de compétences, et donc du degré de subsidiarité de son organisation interne. Si certaines compétences relèvent de manière stricte de l’État central ou fédéral, comme la garantie de l’intégrité de son territoire, dans son rôle d’aménageur de l’espace, l’État peut déléguer une part de ses fonctions à des entités régionales ou locales. Il conviendra d’identifier la diversité des organisations et d’être capable de les analyser, dans toute leur complexité.

Des États développeurs ont eu des actions territoriales particulièrement marquées, notamment en Amérique latine, où furent mises en œuvre des politiques développementistes ou néo-développementistes, qui se traduisent, par exemple, par le recours à un puissant extractivisme souvent dénoncé pour ses effets délétères sur l’environnement et sclérosant sur les économies. L’État peut être aussi un État régulateur, voire réparateur, comme le suggère l’expression d’ « État-providence ». L’État est investi d’une fonction symbolique en particulier dans son rôle dans l’exercice du soin. Le champ d’activité de l’État et des attentes à son endroit n’a cessé d’être objet de questionnement. Il s’agira d’en questionner les manifestations spatiales, par exemple en termes de maîtrise de l’urbanisme ou plus largement de planification territoriale.

L’État se traduit spatialement et symboliquement par un ensemble de lieux, qu’ils soient situés à l’intérieur même de ses frontières ou en position extérieure. Les lieux de l’exercice du pouvoir font l’objet d’une mise en scène et d’une mise en tourisme. Ils contribuent à la formation des centralités politiques (palais présidentiels, parlements, statues, places publiques). Le rôle et la place des capitales dans le fonctionnement et l’imaginaire des territoires est à interroger, comme le propose Claude Raffestin[8] ou Antoine Laporte[9]. Certaines capitales sont héritées et s’inscrivent dans le temps long de l’incarnation des pouvoirs associés à l’État, d’autres de formation plus récente, construites ex-nihilo ou relocalisées, traduisent la recherche de nouvelles significations spatiales associées à l’exercice de ces mêmes pouvoirs. L’aménagement des capitales traduit la trajectoire nationale mais aussi les trajectoires étatiques et la volonté quasiment performative du pouvoir central. De la même manière, les zones frontalières, les portes (aéroports, ports) sont d’importants canaux d’expression du pouvoir et de l’autorité de l’État. En dehors des frontières étatiques, les ambassades, consulats, instituts, cimetières étrangers, sont autant de dispositifs spatiaux qui traduisent le poids et l’influence présent ou passé d’un État dans un pays ou une région donnée.

L’État se rend visible par des lieux mais pénètre également les socles culturels et intimes par des œuvres emblématiques (y compris par des commandes), des grands projets ou des événements à large portée et qui peuvent faire l’objet d’une étude multiscalaire. L’image, en particulier l’usage stratégique de la carte, est un outil essentiel de l’État pour inscrire naturellement sa légitimité sur des territoires donnés. Dans des configurations d’érosion démocratique, l’appareil d’État peut chercher également à pénétrer les consciences pour façonner une appréhension du monde conforme à ses desseins intérieurs et extérieurs.

L’entrée spatiale, notamment par les conflits environnementaux, permet de questionner la relation à la légitimité de l’autorité de l’État. Les cas d’États condamnés juridiquement pour carences fautives dans la lutte contre le changement climatique ou la dégradation de la biodiversité sont toujours plus nombreux. Face à des enjeux globaux et systémiques, l’État est confronté à la fois à une défiance croissante de la société civile et à une attente très forte sur une anticipation des trajectoires en amont et sur une intervention en dernier recours.

État et mondialisation

En outre, la mondialisation questionne la capacité normative des États et des associations d’États. Les dynamiques des associations régionales, leurs inégales finalités et degrés d’intégration, devront faire l’objet d’une attention particulière dans le contexte de profondes recompositions des formes de régulation des relations internationales. En effet, la dernière mondialisation a conduit l’État à opter pour d’autres formes d’interventionnisme en tant qu’État régulateur, d’État protecteur, voire d’État normatif, quand il ne délègue pas cette fonction à des entités plus larges, comme au sein de l’Union européenne. L’État compense, oriente, rééquilibre… ce qui donne lieu à des effets socio-spatiaux conséquents.

Les liens entre État et mondialisation sont centraux, d’autant qu’ils tiennent une bonne place dans les programmes des classes du secondaire. Il s’agit surtout d’interroger la manière dont la mondialisation requestionne la notion même de souveraineté étatique, en considérant notamment les effets des nouvelles technologies, leur matérialité et leur régulation. Cette réflexion devra être reliée à celle sur les recompositions de la notion et des attributs de Puissance.

En effet, l’État s’inscrit traditionnellement dans une triade verticale (États-niveau intermédiaire-échelon local) progressivement concurrencée par une multiplicité de liens verticaux et horizontaux entre les niveaux de gouvernance. Depuis les années 1990, la notion de rescaling (recomposition des niveaux) alimente les réflexions dans un contexte marqué par une mondialisation et une européanisation accrue, une concurrence exacerbée entre les territoires, une traduction des conséquences de la crise du fordisme, des processus de restructuration des États européens et des États-providence. Le terme de rescaling est alors apparu dans le champ scientifique anglo-saxon afin de désigner une remise en question des niveaux de référence à partir desquels les politiques publiques étaient auparavant conçues. Il s'agissait d'étudier une recomposition du rôle de l'État, concurrencé à la fois par des effets d'intégration globaux et européens au niveau supranational et par l'émergence d'acteurs infranationaux, désormais en position de mener des coopérations internationales autonomes. Il convient dans ce cadre de distinguer la notion de niveau de la notion d’échelle : si l’État est confronté à des défis relevant de la recomposition des niveaux, il doit également mener une véritable « politique des échelles » dans le rapport à ses partenaires institutionnels et dans l’organisation de son territoire.

L’affirmation d’acteurs non étatiques et parfois supranationaux (ONG, grandes firmes, …) n’est pas nouvelle et a toute sa place dans cette question, d’autant que la mondialisation ne s’est pas produite à l’insu des États, mais avec les États. Cette entrée permettra d’interroger la différence entre « international » et « transnational », notamment ce que le choix du qualificatif révèle du positionnement épistémologique de la production de la connaissance géographique. L’idée parfois avancée d’un déclin des États face aux dynamiques transnationales est aujourd’hui largement remise en question, notamment en constatant que les États se transforment, s’adaptent et ne se dissolvent pas dans les organisations internationales dont ils sont membres. Ils conservent par ailleurs, face aux déséquilibres du monde et aux crises graves, le rôle d’acteur premier, le mieux à même, dans le cadre de relations internationales complexes, de répondre aux défis les plus centraux comme la sécurité de l’espace national. Ainsi, même si des sociétés privées opèrent désormais des tâches régaliennes, même si certaines d’entre elles génèrent des chiffres d’affaires annuels très supérieurs aux PIB de nombreux États, ceux-ci n’ont pas abandonné leur pouvoir aux entreprises, et ce encore davantage dans des États qui possèdent un fort secteur public. Les États, dans leur volonté de rendre leurs économies plus efficaces dans le concert international, ont également agi sur leur espace, en proposant par exemple des exonérations fiscales à des investisseurs étrangers, dans des lieux spécifiques ou au sein de zones à fiscalité dérogatoire. La dérégulation ne signifie donc pas la disparition de l’État, mais son repositionnement. La notion d’ « État stratège » dans le domaine de la compétitivité et de l’attractivité devra de ce fait être considérée.

Ainsi, appréhender l’État comme objet géographique ouvre sur de nombreux domaines dont chacun suppose une bonne maitrise des concepts de la géographie, des évolutions du monde dans leurs temporalités comme dans les questions qu’elles suscitent et des liens entre la géographie et quelques disciplines connexes.

Géographie des territoires 
 

Les littoraux français

Depuis l’intégration, en 2009, d’une thématique-cible pour appréhender de manière approfondie l’étude de la France et de ses régions dans les programmes de géographie des concours du CAPES/CAFEP et des agrégations, les littoraux n’ont été abordés que sous les éclairages indirects de l’urbanisation, des systèmes productifs, des marges, des espaces ruraux ou encore du peuplement. À l’échelle mondiale, la question, proposée aux concours en 2014, de la « géographie des mers et des océans » n’a permis d’appréhender l’échelle régionale du littoral français que de manière ponctuelle et dans sa relation aux espaces maritimes.

Cibler le programme sur les littoraux français permet ainsi d’approfondir l’étude de milieux, cadres spatiaux et territoires spécifiques, définis par des logiques d’interactions multiples, dans les contextes métropolitains et ultramarins.

Délimiter le littoral comme un espace interface entre terre et mer

Appréhendé comme une zone de contact entre la terre et la mer (du latin litus, litoris, rivage), le littoral est une notion complexe, « difficile à définir de manière précise telle qu’un dictionnaire entendrait le faire. Le concept est riche du fait de la situation d’interface, des limites et des discontinuités introduites, des mélanges possibles ; c’est le lieu des contacts et des échanges » (A. Miossec, 2004, Hypergéo). Dans cette perspective, en tant que milieu, le littoral se rapporte à la « bande des contacts biophysiques entre l’hydrosphère, l’atmosphère et la lithosphère » (Géoconfluences). En tant qu’espace, il est une « bande de l'influence réciproque des activités maritimes et terrestres » (ibid.). Enfin, « le littoral est aussi un espace de vie, un territoire et un cadre que les sociétés humaines façonnent et dans lequel elles s’inscrivent » (S. Robert, P. Cicille, et A. SchleyerLindenmann, 2016, Habiter le littoral), impliquant des interactions entre les sociétés et leur environnement littoral, en termes d’usages, de pratiques et de représentations. Spatialement, le littoral constitue également une zone de contact, une interface entre avant-pays maritime et arrière-pays terrestre, associée à des « formes de l’organisation de l’espace originales » (Brunet, 1992, Les mots de la géographie) telles que les effets de synapse, l’exploitation des ressources, la valorisation touristique, ou encore la gestion des risques. Ainsi, l’espace littoral est caractérisé par des dynamiques propres qui, articulées aux activités humaines et à une grande diversité de mises en valeur (aménagement, exploitation, protection…) en font un espacé clé pour appréhender les relations entre les sociétés et leur environnement littoral, dans un contexte marqué par les changements environnementaux.

Délimiter l’étendue des espaces littoraux se révèle complexe. Le rapport Piquard (1973) – considéré comme un élément fondateur d’une politique du littoral avant-même la mise en œuvre de la loi Littoral en 1986 reconnaissant le littoral comme « entité géographique » spécifique – en propose une approche « géométrique » calée sur la zone de battement des marées. C’est un espace dont l’étendue reste limitée, mais qui élargit le trait de côte, incluant la ligne de base. De part et d'autre, les modes d'utilisation de l'espace sont totalement différents entre le domaine maritime et l’arrière-pays. M. Piquard invite ainsi à la mise en œuvre d’une « politique d’aménagement associant le domaine public maritime et l’arrière-pays sur plusieurs kilomètres de profondeur dans le but de ”mettre fin au contraste entre la côte congestionnée et l’arrière-pays déserté, et cela dans tous les domaines : de la densité, de l’esthétique, de l’écologique, comme de l’économie et des finances des collectivités, des valeurs foncières” » (Rapport Piquard cité par Y. Veyret et R. Laganier, 2021, Dictionnaire Collectivités territoriales et Développement Durable). Cette approche s’inscrit dans une appréhension du littoral comme « un espace régi par le droit. On peut, à ce titre, parler d’un littoral d’institution » (A. Miossec, 2004, Hypergéo). Les enjeux de délimitation des espaces littoraux s’inscrivent ainsi dans des enjeux juridiques, politiques et de gestion (« communes littorales », « bande littorale de 100 mètres inconstructibles », etc.), en vue de leur aménagement et leur protection.

Dans ce cadre, selon la définition de la loi Littoral (1986), en 2022, on recense 885 communes riveraines de la mer ou de l’océan en métropole et 90 en outre-mer (hors Mayotte), auxquelles il convient d’ajouter les territoires communaux de 87 communes riveraines d’un lac, d’un estuaire ou d’un delta en lien avec le domaine maritime ou océanique. En revanche, 150 autres communes concernées par la loi Littoral sont exclues du champ de la question car riveraines d’un lac continental « naturel » ou artificiel de plus de 1000 hectares, mais sans lien avec le domaine maritime ou océanique.

Le littoral français métropolitain s’organise de part et d’autre d’un linéaire côtier de 5 853 km composé de côtes rocheuses et à falaises (44 %), de côtes d’accumulation (39 %), et de côtes artificialisées (17 %). Il s’y ajoute environ 2 000 km de côtes ultra-marines (Guyane, îles des océans Atlantique, Indien, Pacifique et Antarctique), constitué de 41 % de côtes rocheuses et à falaises, 29% de côtes d’accumulation, 12% de côtes artificialisées et 18 % de mangroves)[10].

Au-delà de ces caractéristiques côtières, le littoral est un carrefour entre l’avant-pays maritime et l’arrière-pays terrestre. Souligner les interactions entre ces deux espaces permet de replacer les littoraux dans le cadre plus large du territoire national. L'étendue continentale d'un arrière-pays, sa profondeur, sont à relier directement aux façades maritimes, et les relations fonctionnelles existant entre le littoral et son arrière-pays s’inscrivent dans des limites qui ne sont ni rigides ni intangibles – à la différence du « littoral d’institution » (Miossec, op. cit.) précédemment évoqué. L’arrière-pays ou hinterland s’inscrit dans une dimension d’interface. L’arrière-pays traduit spatialement la zone d'influence et d'attraction (économique, résidentielle, etc.) d'un port, d’une station balnéaire, ou encore d’un espace protégé, en lien avec la littoralisation des populations et des activités, la maritimisation et la montée en puissance du trafic maritime. « Penser l’évolution des territoires littoraux ne peut pas se faire sans considérer les habitants » (S. Robert et al., op. cit.) et, dans ce cadre, les modes d’habiter des populations des littoraux (permanentes ou temporaires) impliquent d’interroger des hinterlands plus ou moins étendus (mobilités domicile-travail, mobilités touristiques, etc.). Sur le plan économique, il est également difficile de délimiter l’hinterland dans la mesure où la mondialisation, mais aussi les pratiques de « porte à porte » construisent des hinterlands inversés (Paris-Le Havre), profonds, connectés voire interconnectés par les logiques des grands acteurs du transport maritime (CMA-CGM, par exemple). Son étendue dépend de l’importance des axes de communication et de leur capacité structurante au sein des territoires par les voies de communication qui convergent vers les ports, dont les statuts, les emprises et les activités varient et animent inégalement les littoraux. Si la littoralisation des activités a structuré les espaces à l’échelle nationale, il convient également d’intégrer à la réflexion l’échelle mondiale de la maritimisation de l’économie, cette dernière mettant en relation les espaces transformés par la littoralisation.

L’avant-pays maritime mérite également d’être intégré dans les analyses des littoraux français. Il conviendra de mentionner l’importance de la ZEE française (la 2e plus étendue du monde) mais surtout d’insister sur les activités qui se développent en mer à proximité des côtes en lien avec la fonction d’interface des littoraux : pêche et aquaculture, énergies, tourisme, etc. Les effets de ces activités en termes d’organisation spatiale doivent être pris en compte (ports de pêche, industries, stations balnéaires, etc.).

Les littoraux français, des espaces à la fois diversifiés, attractifs et fragiles

Forte de ses façades maritimes dans des contextes climatiques divers (des tropiques aux régions polaires), et de la diversité des morphologies et des paysages côtiers, la France possède un patrimoine littoral remarquable. Ce patrimoine constitue une richesse paysagère et écologique, la source d’un potentiel de développement socioéconomique important mais aussi d’enjeux d’appropriations territoriales et de conflits d’usages.

Les littoraux sont des milieux fragiles, exposés à de nombreux aléas au premier rang desquels se trouvent l’érosion (falaises du pays de Caux, littoral girondin, etc.) et la submersion marine, auxquelles s’ajoutent, dans les espaces ultra-marins, les risques liés aux cyclones, tremblements de terre, tsunamis et éruptions volcaniques. Les risques d’érosion et de submersion sont en outre aggravés par le contexte d’élévation du niveau marin observé depuis un siècle et qui va se poursuivre dans les décennies à venir. Le changement climatique est aussi une composante des phénomènes d’eutrophisation affectant aussi bien les côtes métropolitaines (algues vertes en Bretagne) qu’outre-mer (sargasses aux Antilles). Il convient également de mentionner la pollution des espaces littoraux, issues de sources diverses tant terrestres que maritimes (villes et ports, fleuves, rejets induits par la navigation, etc.).

Les influences anthropiques sont essentielles dans la compréhension de l’ensemble de ces risques, au regard de l’occupation et de la mise en valeur des littoraux français par les populations et les acteurs, publics et privés, à toutes les échelles. L’anthropisation croissante des littoraux et leur attractivité, sources d’une artificialisation très marquée, n’est contrebalancée que très localement par des démarches de renaturation ou de régulation des activités, visant à restaurer un fonctionnement plus naturel au littoral, à restaurer/recréer des zones humides, ou encore à réguler les formes d’appropriation du littoral.

Afin de préserver les espaces littoraux, plusieurs stratégies existent. Les parcs nationaux offrent ainsi une combinaison d’espaces terrestres et maritimes remarquables et un mode de gouvernance et de gestion qui leur permettent d’en préserver les richesses, tout en étant aussi parfois sources de conflits d’usages. Trois des onze parcs nationaux français sont en milieu littoral, deux en métropole et un en outre-mer. À ces parcs nationaux, il convient d’ajouter les huit parcs naturels marins (dont deux dans l’outre-mer[11]) qui englobent près de 10 000 hectares de milieux humides littoraux, et dont sont riverains 1,4 million de personnes. En outre, certains parcs naturels régionaux sont situés sur des zones littorales en métropole, comme en outre-mer. Il s’agit de territoires protégés et habités, généralement situés dans des zones fragiles, présentant une valeur paysagère, environnementale et patrimoniale, et ayant une double vocation : la protection et le développement durable. À une échelle plus locale, on peut aussi évoquer les quelques 750 sites protégés par le Conservatoire du littoral, ou d’autres types d’espaces protégés permettant de protéger des espaces littoraux fragilisés.

Habiter les littoraux français : des espaces densément peuplés accueillant un large panel d’activités

Les littoraux français sont des espaces densément peuplés. En France métropolitaine, les communes littorales accueillent un peu plus de 10 % de la population sur seulement 4 % du territoire. Ce peuplement est à la fois hérité de multiples phases anciennes d’aménagements des littoraux liés à l’assainissement des zones humides, des paluds et à la poldérisation (Camargue, Landes, Aunis, Saintonge, Flandre, etc.), mais aussi à l’industrialisation et au développement du tourisme littoral (tourisme balnéaire, thalassothérapie, etc.). En termes de trajectoires résidentielles, les littoraux sont des espaces globalement attractifs, ce qui implique une urbanisation et des aménagements parfois massifs, comme, par le passé, dans le cadre de la mission Racine pour le littoral languedocien. En parallèle, la littoralisation des activités industrielles a modifié le paysage littoral national avec la mise en œuvre des grandes zones industrialo-portuaires.

Huit millions de personnes habitent une commune littorale en France en 2016, dont 6,6 millions en France métropolitaine, où la densité de population atteint 265 habitants par km2 (contre 45 hab./km2 dans les DROM). La population littorale a augmenté de 42 % entre 1962 et 2016 en France métropolitaine et a presque doublé (+ 92 %) dans les espaces ultra-marins sur la même période. À ces habitants permanents s’ajoutent de nombreux touristes et les salariés des activités saisonnières. En période estivale et de vacances scolaires, la population littorale double ainsi en France métropolitaine. Les activités résidentielles et commerciales s’adaptent à ces variations et sont dominantes au sein de l’économie littorale.

Toutefois, les littoraux ne sont pas uniformément attractifs pour les résidents permanents, pour ceux y ayant une résidence secondaire ou les touristes. Face à la variation saisonnière de population, on peut noter une demande croissante – voire une certaine pression – sur le parc de logements dans et autour des stations balnéaires (jusque dans les arrière-pays littoraux), sur la gestion de la ressource en eau, ou encore sur l’organisation des flux touristiques avec des enjeux forts sur les aménagements d’infrastructures de transports. Les grandes phases de l’aménagement du littoral et de l’urbanisation de la seconde moitié du XXe siècle se sont inscrites dans une dimension régionale, voire nationale, et ont été en partie régulées par la loi Littoral. C’est désormais largement à l’échelle locale des communes et intercommunalités littorales que s’opèrent les transformations et projets d’aménagement, dans le souci d’accueillir les populations, de développer les activités et les services, tout en ménageant l’espace côtier. Dans les villes portuaires, les anciens fronts d’eau industrialo-portuaires sont souvent des espaces en cours de transformation, comme le quartier de l’Eure au Havre ou le quartier du centre canal et du Mazet à Port-Saint-Louis du Rhône.

Les grandes phases d’aménagement du littoral et les mutations récentes ne doivent cependant pas faire oublier les héritages multiples présents sur le littoral. Malgré la contraction des activités de défense, les grandes bases navales de Brest et de Toulon constituent des nœuds économique et géostratégique de la puissance militaire française. Les nombreux paysages militaires couvrant le littoral sont aujourd’hui parfois valorisés comme des ressources touristiques et patrimoniales, en vue d’assurer un nouveau dynamisme en lien avec les activités connexes. La reconquête de l’arsenal de Rochefort, l’aventure de l’Hermione redonnent un éclairage sur l’action pionnière de l’aménagement littoral. L'essor des sites muséographiques liés aux conflits (plages du débarquement de Normandie, Pointe du Médoc, etc.), à l’histoire de la mer, de la pêche (Fécamp, Concarneau, etc.), la patrimonialisation des phares (Cordouan, phare de l’îlet de Petite-Terre, etc.), des activités littorales (marais salants de Guérande), illustrent la richesse et la diversité des activités du littoral.

Les littoraux sont ainsi des espaces attractifs et, partant, convoités, dans le cadre de la littoralisation des populations et des activités, et de la maritimisation. L’intégration d’activités nouvelles, et notamment le développement de l’éolien littoral et off-shore, génère des tensions et des conflits avec les autres activités littorales, qu’elles soient productives (agriculture, pêche, ostréiculture/conchyliculture, industrie…) ou présentielles (touristiques et résidentielles). À ces conflits se surimpose la coexistence de logiques d’aménagement et d’une volonté croissante de protection des espaces littoraux, le tout dans un contexte de recul du littoral lié à la montée des eaux et affectant de nombreuses régions en particulier les littoraux flamands, charentais ou le delta du Rhône.

Les littoraux, une présence constante dans les thématiques des programmes scolaires du collège et du lycée

Si, dans les programmes scolaires du secondaire, aucune partie n’est spécifiquement dédiée à l’étude exclusive des littoraux français, la thématique se prête à de multiples déclinaisons didactiques au sein de nombreux thèmes qui abordent la question des littoraux et qui sont susceptibles de convoquer avec profit l’analyse d’exemples français métropolitains et ultra-marins.

Au collège, l’enseignement de la géographie en cycle 3 est centré sur la notion d’« habiter ». Il introduit des notions géographiques et initie des démarches qui sont ensuite enrichies et approfondies au cycle 4, où les espaces et les territoires dans le cadre de leur aménagement par les sociétés sont questionnés au regard de la durabilité de leur développement et des effets géographiques de la mondialisation contemporaine. En classe de sixième, le thème « Habiter les littoraux », porte sur les espaces littoraux à vocation industrialo-portuaire ou touristique, au sein desquels les différentes formes de pratiques spatiales des littoraux français peuvent être convoquées. Il y est question de caractériser et de différencier les façons d’habiter ces espaces à travers l’étude de leurs conditions naturelles, de leur vulnérabilité ainsi que des types d’activité et des aménagements qui s’y déploient. En classe de cinquième, il est possible d’envisager l’étude du sous-thème intitulé « Prévenir et s’adapter aux risques industriels, technologiques et sanitaires ou liés au changement climatique » à partir du cas d’un littoral français particulièrement exposé à ces phénomènes en raison de sa situation ou des aménagements industriels qui y sont installés. En classe de quatrième, dans le cadre des thématiques intitulées « Le tourisme et ses espaces » et « Mers et Océans : un monde maritimisé », l’espace français, marqué par ses importantes bordures littorales et par ses territoires insulaires diversifiés, est particulièrement éclairant pour mettre en lumière les effets économiques, sociaux et environnementaux très importants de la mondialisation sur les territoires. En classe de troisième enfin, consacrée à l’étude de la France et de l’Europe, plusieurs thématiques intègrent l’étude des littoraux : celle des « espaces productifs et leurs évolutions » où le programme invite à traiter des espaces du tourisme, celle dédiée à « Pourquoi et comment aménager le territoire ? », où les espaces ultra-marins sont étudiés spécifiquement ou encore celle de « La France et l’Europe dans le monde », où les littoraux en tant qu’espaces d’articulation entre le territoire national et le monde font naturellement l’objet d’une attention particulière.

Les programmes de géographie du tronc commun du lycée sont conçus de manière à ce que l’étude de la France s’effectue tout au long du lycée, en la replaçant dans un contexte plus large, pour que les futurs citoyens aient conscience des enjeux et de leurs possibilités d’action. En classe de seconde, consacrée aux défis d’un monde en transition sur les plans de l’environnement, du développement et des mobilités, du fait de la richesse et de la fragilité des milieux qui y motivent des politiques d’aménagement et de préservation particuliers, des exemples de littoraux français peuvent être convoqués pour l’étude des « Sociétés face aux risques », s’insérer dans la question spécifique traitant de « La France : des milieux métropolitains et ultra- marins entre valorisation et protection » ou même être évoqués lors de l’analyse des « mobilités touristiques internationales ». En classe de première, consacrée aux « dynamiques d’un monde en recomposition », il est envisagé « la littoralisation des espaces productifs » à l’échelle mondiale comme à l’échelle française où l’attention est portée sur l’étude des systèmes productifs français, territoires ultra-marins inclus. En classe de terminale, où « les territoires dans la mondialisation » sont étudiés « entre intégrations et rivalités », les mers et océans sont abordés comme « vecteurs essentiels de la mondialisation », dont les effets sur les espaces littoraux sont appréhendés en terme « d’appropriation, de protection et de liberté de circulation ». Dans ce cadre, la puissance maritime de la France métropolitaine et ultra-marine est questionnée et les notions de haute-mer, maritimisation, puissance, route maritime, zone économique exclusive sont explicitement à travailler.

 

Le Pacifique (question nouvelle)

Cette question invite les candidats à renverser leurs points de vue et leurs représentations du monde pour considérer lespace pacifique à laune des propos de l’écrivain et anthropologue tongien Epeli HauOfa, non pas comme des mers lointaines et des îles isolées, mais comme une mer d’îles - et de littoraux - en relation les uns avec les autres, formant un vaste réseau de territoires et de peuples partageant des cultures et/ou des enjeux communs (Epeli HauOfa, 1993).

De quel Pacifique parle-t-on ?

Le Pacifique désigne dabord la principale subdivision de locéan mondial, traditionnellement délimitée par les continents asiatique et américain, le détroit de Béring au nord et le 60e parallèle au sud (limite de locéan Austral). Cette immense étendue marine couvre près dun tiers du globe, avec une superficie supérieure à celle de l'ensemble des terres émergées. Cet océan sépare et relie à la fois trois continents - Asie, Amériques et Océanie - et surtout des îles, des archipels et des littoraux souvent très éloignés les uns des autres. Si la superficie et les distances rendent difficile lappréhension de lespace pacifique dans son ensemble, celui-ci correspond cependant bien à l’une des grandes régions mondiales : une région organisée et animée par des interactions nombreuses, diverses et anciennes entre les espaces, les territoires et les sociétés des îles et des rives de l’océan Pacifique. La question ne peut donc être réduite au seul océan qui lui donne son nom ; en revanche, la dimension maritime est centrale : elle révèle la cohérence de cet ensemble géographique et est présente dans de nombreuses problématiques - géohistoriques, géopolitiques, géostratégiques, géoculturelles, géoéconomiques et géoenvironnementales - du sujet.

La délimitation retenue considère lensemble des sociétés et des territoires insulaires et archipélagiques dOcéanie, cinquième partie du monde inventée par les géographes français du XIXe siècle, et concept européocentré et parfois considéré comme un peu désuet (Laux). Mais elle s’émancipe des méta-géographies océaniques ou continentales, pour souvrir aux États des façades maritimes de lAsie et de lAmérique, exclusivement abordées dans le cadre de leur rapport au Pacifique. Par exemple, la première puissance mondiale, les Etats-Unis dAmérique, est insérée dans le sujet à partir de ses territoires insulaires (Aléoutiennes, Hawaï, Guam…), mais également de sa stratégie militaire dans la région, de sa projection de puissance, de ses alliances régionales, de ses échanges économiques et culturels dans le Pacifique, des enjeux environnementaux, des imaginaires qui concernent le Pacifique (identité, lieux de mémoire, tourisme, altérité…). Dans la décennie 1980, les géographes français Benoît Antheaume et Joël Bonnemaison évoquaient déjà le nécessaire dépassement de la seule dimension océanique, en présentant le Pacifique comme un espace gigogne, en partant dun immense bassin pacifique, englobant les deux principales puissances mondiales, échelle de référence pour la mondialisation et les enjeux géostratégiques, puis lAsie-Pacifique, qui correspond à l’élargissement contemporain des horizons asiatiques, et lOcéanie, espace géopolitique et de coopération régionale, et enfin le Pacifique insulaire, centré sur des problématiques spécifiques.

La notion de Pacific Rim utilisée en géographie humaine anglophone (Johnston et al.) pour désigner l’ensemble des territoires riverains du Pacifique, ainsi que certaines îles océaniques, associés par leurs échanges économiques et par les enjeux géopolitiques, peut aussi aider à cerner cet espace. Cela nécessite d’identifier les territoires littoraux (villes portuaires, régions urbaines littorales, façades maritimes, espaces touristiques, etc.) continentaux ou insulaires, qui constituent des centres d’impulsion ou des périphéries diversement intégrées d’un système spatial pacifique, lui-même organisé en sous-systèmes régionaux appuyés, par exemple, sur certaines mers bordières. Ainsi, la question amène à s’intéresser au Japon, dans ses relations et échanges à la fois transpacifiques en direction de l’est (Amériques) ou du sud (Océanie), mais également à l’échelle de la mer de Chine orientale ou de la mer Jaune. L’étude des mers bordières de l’océan Pacifique ne doit pas être systématique, car leur poids en termes de peuplement, de développement, de dynamisme économique et d’enjeux environnementaux ou géopolitiques varie ; et leur importance pour penser l’objet géographique « Pacifique » varie également. Mais certaines sont essentielles pour comprendre les relations entre les rives est et ouest du Pacifique, le rôle de l’ensemble Pacifique à l’échelle mondiale ou encore pour donner à voir l’organisation différenciée et hiérarchisée d’un espace Pacifique. Si la notion dIndopacifique occupe une place croissante dans les stratégies des États qui possèdent des intérêts dans les océans Indien et Pacifique, elle n’est pas insérée dans le sujet proposé.

Enfin, pour penser « tout » le Pacifique, il faut aussi pouvoir se placer du point de vue des États et peuples qui le constituent et saisir la vision qu’ils ont de leur propre monde, souvent à distance des perspectives européennes. Cela nécessite notamment de maîtriser le concept d’iléité (tel qu’il a pu être développé par J. Bonnemaison), et ne pas associer a priori l’insularité à l’isolement ou à la fermeture. Les candidats sont invités à appliquer cet effort de décentrement pour envisager également les autres États continentaux ou archipélagiques à dimension et/ou ouverture pacifique (Canada, Mexique, Pérou, Chili, Russie, Japon, Chine, Philippines, France ou encore Indonésie).

Invention européenne et héritages historiques impériaux

Le Pacifique est structuré par des sociétés littorales et insulaires aux héritages divers, ainsi que par des puissances extérieures qui ont façonné ses territoires par l’exploration, limpérialisme, la colonisation, lexploitation, les conflits (parfois mondiaux) ou encore linfluence économique et militaire. Cet espace a dabord été pensé par lEurope au retour du premier tour du monde, débuté par Fernand de Magellan, promoteur du terme Pacifique, à partir de la fabrique dun immense empire espagnol, entre Amérique et Philippines. Plus tard, les voyages de James Cook en Océanie et à Hawaï, et de Charles Darwin aux Galapagos viennent nourrir les connaissances et les représentations européennes sur ce « bout du monde » (Blais). La géohistoire de cet espace océanique, linvention européenne de son découpage géographique (Grataloup, Capdepuy) et de ses divisions (Tcherkézoff), son insertion dans la mondialisation, peuvent constituer une entrée au cœur de la question. Les candidats sont également invités à réfléchir à l’émergence dautres imaginaires géographiques (Argounès, Singaravélou, Staszak), en particulier aux spatialités et territorialités en concurrence mémorielle, culturelle, politique et spatiale avec les découpages traditionnels, quils soient héritages anciens ou enjeux contemporains (récit régional sinocentré de Pékin, diplomatie austronésienne de Taiwan, Enfants ultramarins de lInde ou concept chilien de tricontinentalidad). Quant au Moana ou Te Moana Nui a Hiva polynésien, il représente une forme de réappropriation symbolique de locéan que les Occidentaux nommèrent océan Pacifique (Saura).

Depuis des siècles, des États riverains ou ultramarins se sont appropriés îles et archipels de cet immense bassin, Chine et Japon pour les archipels de la mer de Chine orientale ou l’archipel Ogasawara, Etats-Unis et Russie pour les îles aléoutiennes, Indonésie pour une partie de la Papouasie, l’Irian-Jaya, Pérou ou Chili pour les îles proches de lAmérique latine, mais ce sont surtout les explorations européennes (XVIe-XIXe siècles), qui ont vu Espagnols, Portugais, Britanniques, Français et Hollandais cartographier la région, revendiquer et organiser les territoires, parfois en colonie de peuplement. Si les Espagnols sont présents en Micronésie depuis la fin du XVIe siècle et que la Grande-Bretagne sest emparée de lAustralie en 1788, la principale période de prise de possession des îles débute avec le traité de Waitangi (1840), en Nouvelle-Zélande, avant lappropriation du Pacifique insulaire jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les États-Unis annexent les Philippines en 1898 et en resteront maîtres jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le Japon pour sa part renforce sa présence au XIXe siècle (conquête de Taïwan lors de la première guerre sino-japonaise, 1894-95) et devient une puissance régionale maritime incontournable - ce qui se confirme dans lentre-deux-guerres, notamment en Corée et en Micronésie. La Seconde Guerre mondiale a profondément remodelé la géopolitique du Pacifique, et débuté les dynamiques dindépendance et dautodétermination, très récentes à l’échelle mondiale, cest-à-dire des années 1960 aux années 1990. Toutefois, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Chili ou la Nouvelle-Zélande continuent dadministrer des territoires dans la région, sous une très grande diversité de statuts politiques (Gay). Les candidats devront posséder quelques grands repères géohistoriques, pour comprendre les questions stratégiques, politiques et économiques en cours dans la région, ainsi que lhistoire de la relation avec les principaux acteurs régionaux ou mondiaux, afin dinterroger les logiques de dépendance et d’émancipation (Argounès, Mohamed-Gaillard, Vacher).

Le Pacifique entre Washington et Pékin

Le Pacifique est un espace dexpression de la compétition entre les deux premières puissances mondiales et du bouleversement actuel des rapports de force et des alliances, ce qui exige de savoir mobiliser des grilles de lecture géopolitique et géostratégique. Par-delà les revendications territoriales et les pressions dans son voisinage maritime immédiat, en particulier en mer de Chine orientale et méridionale, Pékin cherche à saffirmer comme la grande puissance dune des rives du Pacifique, entrainant un changement structurel majeur. Se dessinent de nouveaux rapports de force commerciaux, dans un Pacifique désormais installé au cœur de la mondialisation, notamment par la maritimisation de l’économie ou même les câbles sous-marins (Hamel). La Chine est devenue le principal partenaire commercial de lAustralie et de la Nouvelle-Zélande, et est incontournable pour une majorité des États insulaires qui restent en marge du commerce mondial. Face à ces ambitions dans un océan considéré auparavant comme un « lac américain », Washington renforce sa stratégie de « pivot américain vers lAsie », par un rééquilibrage vers le Pacifique, un désengagement au Moyen-Orient et plus récemment en Europe, et des perspectives renouvelées vis-à-vis de la Russie. La première puissance mondiale sappuie sur la flotte du Pacifique (3e et 7e flotte, soit près des 2/3 de forces navales états-uniennes), et sur certains territoires stratégiques comme Guam ou Hawaï.

Les stratégies pacifiques des puissances régionales, souvent alliés dépendants mais indispensables pour les Etats-Unis (par exemple Japon, Corée du Sud ou Taiwan), sont tout aussi importantes à considérer dans cette approche. LAustralie, la Nouvelle Zélande ou la France montrent également des inquiétudes face aux incertitudes sur le soutien américain et lexpansion chinoise sur de nombreux fronts, économique, diplomatique et sécuritaire (Argounès). Les deux puissances océaniennes, un temps gendarmes du Pacifique sud, inscrivent désormais leur politique régionale dans cette perspective et dans une lutte dinfluence avec la Chine et dautres acteurs émergents (jusqu’à Taïwan, Cuba et lAzerbaïdjan). En effet, les quatorze États du Pacifique insulaire – Papouasie Nouvelle Guinée, Fidji, Palau, Tonga, Tuvalu, Samoa, Vanuatu, Micronésie, Kiribati, Nauru, îles Marshall, îles Salomon, îles Cook et Niue -, auparavant en marge des enjeux géopolitiques et stratégiques, sont depuis deux décennies lobjet de très nombreuses attentions des grandes puissances, y compris au regard de la composante numérique (Cattaruzza, Limmonier) ou environnementale de leur stratégie diplomatique.

Après des décennies favorables à différents projets de coopération et/ou d’intégration régionale, le contexte est désormais très différent. Le foisonnement des différentes structures est au miroir de limmensité du Pacifique, des intérêts à la fois communs et divergents existants, et de limportance stratégique du libre-échange et des accords commerciaux (APEC, ASEAN + 3, lASEAN + 6, CPTPP ou encore RCEP entrée en vigueur en 2022). Un régionalisme océanien existe également (CPS, FIP), complété par un sous-régionalisme correspondant aux divisions traditionnelles de la région (Groupe fer de lance mélanésien, Groupe des dirigeants polynésiens, Forum des îles micronésiennes). Enfin, dautres initiatives réunissent les acteurs insulaires, comme lAlliance des Petits États insulaires (AOSIS), pour la défense des intérêts des États parfois considérés comme particulièrement vulnérables face aux changements climatiques (Duvat).

Un monde en mutation et en transition

Sil nest pas attendu une connaissance précise de tous les territoires ou une suite de monographies nationales, la maîtrise des grandes problématiques de cet ensemble régional et des dynamiques qui leur sont liées est fondamentale. La diversité du Pacifique et les importantes disparités entre les territoires et les sociétés devront être abordées, et ce, à différentes échelles et sous différents angles. Il s’agit par exemple  de souligner les disparités entre Pacifique nord et Pacifique sud, entre Australie et Nouvelle-Zélande dun côté et leurs voisins en développement de l’autre, ou encore entre métropoles et dépendances (Équateur/Galapagos). La question permet également une réflexion assez large sur les milieux insulaires et littoraux, les changements environnementaux (climat, biodiversité), les risques (naturels et technologiques) et la vulnérabilité ; mais aussi sur le peuplement et ses dynamiques, et sur la question particulière des minorités et des migrations (de lautochtonie aborigène ou maorie à limmigration asiatique et océanienne en passant par la traite, ou blackbirding). Le sujet permet également de traiter des transports et des mobilités, des systèmes productifs (Kowasch), en particulier lorsque ces derniers se démarquent (extraction minière, agriculture d’exportation, industrie de pointe, paradis fiscal, tourisme). Les processus de littoralisation et de métropolisation à l’oeuvre sur les différentes rives, continentales ou insulaires, devront être maîtrisés. Les imaginaires géographiques et plus largement la géographie culturelle ont toute leur place dans ce sujet. Ainsi, si le tourisme est devenu une activité incontournable pour les îles du Pacifique (Blondy), elles représentent moins d’un millième du tourisme international, mais celui-ci leur doit beaucoup en termes d’imaginaires et de pratiques : surf, cocotier, hula girl, pareo, collier de fleurs, bronzage, etc. (Gay). Des références littéraires, picturales, cinématographiques ou muséales sont bienvenues. On peut penser au Voyage autour du monde de Bougainville et pourquoi pas au Supplément au voyage de Bougainville de Diderot; au roman de William Golding Sa Majesté des Mouches (1954); à des tableaux et écrits de Paul Gauguin et plus tard ceux d’Henri Matisse; aux deux films de Clint Eastwood sortis en 2007, Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima, qui tentent de faire valoir deux points de vue sur la bataille d’Iwo Jima (1945); et plus récemment à Pacifiction : tourments sur les îles d’Albert Serra (2022). Les collections des musées s’inscrivent également dans cette géographie culturelle et certaines expositions ont participé à de nouveaux regards sur ces territoires. Pour en faire bon usage, il est toutefois nécessaire de comprendre ce qu’est l’exotisme et ce qu’il implique (Staszack, Bensa).

Les îles et archipels occupent une place privilégiée dans l’étude de cette question sur le Pacifique, notamment les « petites nations » de ce que l’on nomme le Pacifique insulaire. Il sagit de sinterroger sur les modèles de développement de ces territoires marqués par la distance et parfois lisolement, sur leurs mutations et adaptations (notamment en matière de souveraineté) et sur les limites et les conflits socio-environnementaux qui en résultent. Certains États composés d’îles basses comme le Tuvalu ou Kiribati sont devenus emblématiques du changement climatique et de ses conséquences (Duvat-Magnan) ; la question de l’adaptation, de leffondrement démographique ou parfois des « réfugiés climatiques » y est désormais prégnante. La tension entre exploitation et protection des ressources naturelles est également très présente dans le Pacifique insulaire, et au-delà.

Les eaux du Pacifique (ZEE et haute mer) constituent un exemple des défis contemporains, sur le plan géopolitique bien sûr (au sujet des frontières, du contrôle et de la sécurité, ou encore de la gouvernance de ces espaces), mais aussi relativement à lenvironnement planétaire. L’extraction offshore de nodules polymétalliques ou de cobalt, la pollution plastique, la pollution radioactive, la pêche à la baleine, la surpêche sont autant d’entrées possibles pour étudier ces défis qui sont souvent médiatisés et connus d’une opinion publique mondiale.

Le Pacifique, un sujet de géographie du territoire français

Sans en faire un objet en soi, la connaissance particulière des territoires français du Pacifique, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna, est attendue. Ces trois territoires présentent une diversité de statuts et de capacités législatives, depuis les compétences étendues du congrès de Nouvelle-Calédonie jusquaux prérogatives et à lautorité des rois coutumiers de Wallis et Futuna reconnues par la République, en passant par lautonomie et les compétences de droit commun de la Polynésie française (Gay). Ils sont marqués par lhistoire impériale et coloniale française, par une très grande distance avec la « France hexagonale » et une proximité géographique et culturelle avec les îles et archipels mélanésiens ou polynésiens. Les relations de ces territoires avec la Métropole sinscrivent dans le sujet, sans négliger les tensions et les conflits qui ont pu par exemple entrainer des violences en Nouvelle-Calédonie en 2024, ni les relations économiques et politiques avec Paris. Il s’agit également de comprendre leur insertion dans la région, dans le cadre de la politique de voisinage, ou de stratégies dintégration régionale. L’étude de ces sociétés et territoires dits ultramarins sous différents angles (démographiques, sociétaux, économiques, environnementaux, politiques) offre de réelles opportunités aux candidats de mieux connaître les outremers et de mieux saisir la dimension « pacifique » d'acteurs publics français à diverses échelles.

Le Pacifique, une présence de plus en plus visible dans les thématiques des programmes scolaires du collège et du lycée

Si le Pacifique nest pas abordé comme un espace régional en tant que tel dans les programmes, il peut être étudié à partir de lensemble des thématiques géographiques et des notions qui sous-tendent les programmes denseignement (habiter, transition, espace de mutations, développement, inégalités, risques…) et offre la possibilité douvrir à des exemples ultramarins souvent sous-représentés, comme la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna. Pour le collège comme pour le lycée, les candidats à lagrégation de géographie sont invités à connaître, comprendre et analyser les programmes sous langle des articulations entre lespace régional du Pacifique et les notions et problématiques quils portent, notamment à travers des études de cas ou des exemples menés à différentes échelles. Les États du Pacifique constituent des contextes pour des études de cas et des exemples pour traiter de nombreux thèmes, à commencer en sixième (« Habiter un espace de faible densité », « Habiter un littoral »), en cinquième (« Prévenir les risques, sadapter au changement global, avec les effets potentiels dun changement climatique dans la région), questions de linégal développement), en quatrième avec les mobilités (migrations, tourismes) et la mondialisation (Mers et océans). Au lycée, le Pacifique peut apparaître à travers les notions de transition, recomposition et mondialisation, qui structurent lensemble des programmes du tronc commun. En classe de seconde, des possibilités multiples d’étude sont offertes par un programme intitulé « Environnement, développement, mobilité : les défis dun monde en transition ». Quil sagisse des thèmes 1 « Sociétés et environnements : des équilibres fragiles », sur les sociétés face aux risques ou la pression sur les ressources, 2 « Territoires, populations et développement : quels défis ? », sur le développement et les inégalités, ou 3 « Des mobilités généralisées », sur les migrations et les mobilités touristiques, tous offrent de multiples possibilités dinsertion des espaces et des territoires du Monde Pacifique. LAustralie par exemple se prête particulièrement à l’étude des processus de métropolisation et de littoralisation du thème 1 de la classe de première comme du thème 2 du programme de terminale « Dynamiques territoriales, coopérations et tensions dans la mondialisation ». Enfin, dans le cadre de la spécialité HGGSP, on pourra sappuyer sur de très nombreux exemples pris dans laire Pacifique pour aborder, en classe de terminale, le thème 1, « De nouveau espace de conquête », avec laffirmation de la puissance à partir des mers et des océans, lexploitation et la préservation des ressources des mers et des océans ou lexemple chinois, le thème 2, « identifier, protéger et valoriser le patrimoine », sur les usages sociaux du patrimoine pacifique ou les action de valorisation et de protection dans les territoires français ou encore le thème 5 « Lenvironnement : entre exploitation et protection », entre approche géopolitique, coopération internationale et impact du climat sur les sociétés.

Histoire
 

Histoire médiévale : Église, société et pouvoir dans la chrétienté latine (910-1274)

Le sujet découle de la reconsidération par l’historiographie lors des trois dernières décennies de la place et du rôle de l’Église dans l’histoire sociale et politique des siècles centraux du Moyen Âge. La mise en avant de l’Église implique une compréhension large et évolutive de celle-ci, que reflète la polysémie du terme ecclesia lui-même, qui, entre le Xe et le XIIIe siècle, peut renvoyer tour à tour et non sans tensions, à la société chrétienne (au sens où la société ne peut être pensée en dehors de sa structuration en Église), au lieu de culte (sanctuaire mais aussi objet de compétition seigneuriale et instrument majeur de la « paroissialisation » de la société) ou à la hiérarchie ecclésiastique, dans un contexte général de renforcement décisif de l’institution ecclésiale associant sa distinction croissante d’avec la société des laïcs et les pouvoirs séculiers, et sa volonté de dominer l’une et les autres.

Le cadre chronologique large, qui embrasse près de quatre siècles, a en effet pour intérêt de mettre en valeur les profondes transformations qui affectent la chrétienté latine durant cette période marquée, en son cœur, par la réforme traditionnellement dite « grégorienne », que l’on considérera dans une acception renouvelée et élargie, à la fois sur le plan chronologique (en considérant ses prémisses impériaux, dans les années 1040-1050, et surtout ses effets de longue durée, récapitulés dans le concile de Latran IV de 1215 et prolongés par l’affirmation de la théocratie pontificale) et sur le plan thématique (en débordant largement du cadre institutionnel de la « querelle des investitures » ou de la discipline statutaire et morale imposée au clergé à travers les combats contre la « simonie » et le « nicolaïsme »).

Un point de départ commode est la fondation de l’abbaye de Cluny, en 910, symbole de la place croissante prise par les moines dans la société. Un point d’aboutissement équivalent est constitué par le 2e concile de Lyon, en 1274, qui voit l’affirmation d’une papauté théocratique que ses difficultés politiques en Italie n’empêchent pas de présider à la consolidation de l’institution ecclésiastique, à la réorganisation des ordres religieux et à l’une des tentatives les plus abouties (mais aussi les plus ambiguës) d’union des Églises latine et grecque.

Les termes du sujet sont donc à comprendre dans leur association et leur interaction. Ils invitent à ne pas envisager les transformations internes de l’Église (définition du clergé et distinction des clercs et des moines, renforcement de la hiérarchie ecclésiastique et affirmation du pouvoir pontifical, essor du droit canonique et « juridisation » de l’institution, passage des congrégations aux ordres, « bureaucratisation » de la monarchie pontificale…) sans les rapporter et les lier aux mutations sociales et politiques qu’elles affectent également profondément et avec lesquelles elles interagissent en permanence. Le spectre des thématiques envisagées est donc vaste. Il embrasse : 1) tous les rapports entre mondes ecclésiastiques et pouvoirs séculiers, de l’empire au petit seigneur, des aspects institutionnels et politiques aux rapports sociaux (contrôle de l’épiscopat et des monastères, emprise aristocratique ou ecclésiastique sur les lieux de culte et les patrimoines, économie du don et pratiques de la conversion, compétition pour le dominium universel entre le pape et l’empereur…) ; 2) la prise en charge des populations, des dynamiques de peuplement (rôle de l’église et du cimetière) à l’encadrement seigneurial (rivalités et/ou associations entre clercs et laïcs, enjeux spatiaux et territoriaux, essor des seigneuries d’Église et des prélèvements ecclésiastiques) et pastoral (situation des desservants, rôle des sacrements et de la prédication, administration territoriale du clergé, rôle des nouveaux ordres religieux, des chanoines réguliers aux ordres mendiants) ; 3) le contrôle des croyances et des pratiques sociales qui en découle, de l’encadrement de la guerre (paix de Dieu, croisade, tournois et chevalerie, mercenariat, fiscalité), de la sexualité (définition des clercs et des laïcs au regard de la norme sexuelle et matrimoniale, contrôle du mariage et des alliances), des activités économiques (du travail agricole aux échanges et au prêt), de la mort (pratiques de commémoraison, contrôle des lieux de sépulture, pastorale de la mort et de l’au-delà) ou du savoir (maîtrise de l’écrit et de la culture légitime), à la fabrique de l’exclusion et de l’hérésie (rapports aux juifs et aux musulmans, distinction d’avec les Grecs, affaires d’hérésie, justice d’Église et Inquisition) ; 4) enfin, l’ensemble des réactions ou des résistances que les transformations de l’Église peuvent susciter, des écrits polémiques à l’anticléricalisme en passant par la culture courtoise ou la refondation des pouvoirs séculiers (idéologies impériale ou royale, affirmation des communes urbaines, essor du droit civil).

Dans cet esprit, le cadre géographique est celui de la chrétienté latine dans son ensemble, car il s’agit moins d’étudier les évolutions particulières des différents espaces qui la composent que d’en approcher la logique et les dynamiques globales, en prenant en considération aussi bien ses centres (à commencer par Rome) que ses périphéries, qui peuvent être le foyer d’expérimentations inédites et qui sont par ailleurs en évolution du fait de l’expansion du monde latin aussi bien dans l’espace méditerranéen qu’en Europe centrale et septentrionale. Il ne s’agit pas de connaître de manière détaillée l’histoire propre de chacun de ces espaces, mais de les intégrer au sein d’une histoire générale ordonnée autour des transformations des rapports entre Église, société et pouvoir (à ce titre, si la croisade participe de ces transformations, notamment en ce qu’elle contribue au renforcement de la papauté, le récit événementiel des croisades, tout comme l’évolution des États latins d’Orient n’ont pas à être pris en compte par les candidats).

Les sources mobilisables sur ce sujet et susceptibles de donner lieu à commentaire sont de nature très variée : historiographique, normative et canonique, hagiographique, diplomatique, épistolaire, polémique, mais aussi iconographique, monumentale et archéologique. Leur distribution dans l’espace est toutefois inégale, ce qui explique que seront privilégiées les régions les mieux pourvues, à savoir les espaces occidentaux (Italie, France, pays germaniques, péninsule ibérique, îles britanniques).

Ce sujet recouvre de larges dimensions des programmes actuels des classes de 5e et de Seconde. Le thème 2 de la classe de cinquième, intitulé « Société, Église et pouvoir politique dans l’Occident féodal (XIe -XVe siècle) » est particulièrement concerné par cette question, la dimension religieuse et ecclésiastique étant bien évidemment mobilisée dans les trois sous-thèmes définis, concernant « l’ordre seigneurial » dans les campagnes, mais aussi « l’émergence d’une nouvelle société urbaine » et « l’affirmation de l’État monarchique dans le royaume des Capétiens ». On notera que le thème 1 de la même classe de cinquième, « Chrétientés et Islam (VIe -XIIIe siècle), des mondes en contact » permet d’aborder la question des rapports entre chrétientés occidentale et orientale.

Le thème 1 du programme de seconde du lycée général et technologique intitulé « Le monde méditerranéen : empreintes de l’Antiquité et du Moyen Âge » met en avant de « grands ensembles de civilisation » et incite dans son second chapitre, « La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations », à évoquer l’évolution de la chrétienté latine. Le point de passage et d’ouverture « Bernard de Clairvaux et la deuxième croisade » suppose une réflexion sur les ordres religieux et leur évolution, sur la papauté et sur l’idée de croisade. Enfin, l’étude de cette question nourrit la réflexion pour aborder le thème 5 du programme de première de la spécialité « histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques » dont la vocation est « d’analyser les relations entre États et religions ».

 

Histoire contemporaine (question nouvelle) : Vivre à la campagne en France, de 1815 aux années 1970

Resserrée sur un seul pays, mais élargie à deux siècles et à une riche palette de thématiques, la question mise au concours doit permettre aux futurs enseignantes et enseignants d’approfondir leur connaissance de l’histoire de France contemporaine. Si la vie à la campagne peut paraître une réalité lointaine dont les détails matériels relèvent d’une culture pour partie révolue, elle a constitué le quotidien des sociétés jusqu’à une période récente de notre histoire. Il s’agit donc de l’étudier, non seulement pour ses transformations propres, mais aussi pour ce qu’elle révèle des mutations et des continuités sociales contemporaines. Dans le cadre de ce programme, la vie à la campagne doit donc être envisagée comme un observatoire de l’histoire générale de la France et des sociétés européennes, une histoire rurale totale qui laisse toute sa place à une approche multiscalaire et à la diversité des réalités territoriales et humaines.

Pour ne pas réduire le programme à une histoire agricole de la France, qui n’en est qu’une composante, les termes du sujet doivent être compris dans toute leur ampleur. En mettant l’accent sur la vie quotidienne des populations, en pratiquant une histoire incarnée attentive aux sources et aux témoignages, il s’agit de placer au premier plan les expériences sociales dans toute leur diversité (le statut, les métiers, le niveau de revenu, la nationalité, le genre, l’âge, seront pris en compte, tout comme les spécificités régionales et locales). “Vivre” (ou parfois survivre), c’est grandir, manger, apprendre, travailler, consommer, se divertir, éprouver, prier, combattre, résister, lutter, voter, voyager, se protéger, souffrir, aimer, se soigner, mourir (indicative, cette liste de verbes n’est ni limitative ni hiérarchisée). Pourvu qu’ils restent attentifs aux vécus et aux ressentis des acteurs et des actrices, les candidats sont invités à mobiliser, sans exclusive, tous les domaines d’une histoire, non seulement sociale et culturelle, mais aussi économique, technique, environnementale, politique, religieuse etc.

Il s’agira par conséquent d’aborder les logiques et systèmes agraires, la mise à l’épreuve des communs, les différents types et modes de production agricoles et leur évolution (d’une agriculture vivrière vers une agriculture productiviste, commerciale et capitalistique et ses effets induits sur l’environnement, la santé et la condition animale), les acteurs de la “modernisation agricole” (des notables aux petits exploitants innovants ou aux comices, sans oublier les syndicats et les acteurs de l’État), la mécanisation et la motorisation (de la traction animale au tracteur ou à la moissonneuse-batteuse), les innovations en lien avec les sciences et techniques (du fumier aux engrais de synthèse, des produits phytosanitaires à la sélection variétale) et les nouvelles sources d’énergie, les modalités de leur diffusion et appropriation (presse, littérature technique, publicité, formation etc.), les dynamiques et les crises (structurelles et conjoncturelles), l’ouverture aux marchés (du local à l’international), la structuration, le soutien et la redéfinition des métiers (chambres d’agriculture, crédits, mutuelles, syndicats et offices, coopératives, PAC, interprofession), la spécialisation agricole, l’invention des filières (sans oublier le « pétrole vert » caractérisant la mutation en industrie alimentaire de l’agriculture), la définition de la qualité et la lutte contre la fraude (normes, contraintes sanitaires, appellations, signes de qualité et d’origine). Néanmoins, loin de se limiter au secteur agricole dont la place diminue peu à peu, le monde des campagnes se caractérise fondamentalement par la pluriactivité, dont témoignent la diversité de l’artisanat, le commerce, la proto-industrialisation, l’industrie rurale, et la main d’œuvre ouvrière ou tertiaire qui vit au village (migrations pendulaires) ainsi que le tourisme, la fonction publique, les professions libérales etc.

Durant cette période, l’ouverture des campagnes se poursuit et s’approfondit, en lien avec la révolution des transports et des communications, générant une augmentation et une accélération de la circulation des hommes, des marchandises et des informations. Avec le chemin de fer, l’automobile et le camion, le vélo puis la mobylette, mais aussi le télégraphe, le téléphone, le transistor et la télévision, vivre à la campagne prend une nouvelle signification. De l’école communale aux collèges ruraux, l’accès à l’éducation contribue à l’acculturation nationale et au rapprochement des ruraux et des urbains. De la même manière, la généralisation de la conscription et l’expérience des guerres redéfinissent les contours du sentiment national, entre adhésion et rejet. Sans gommer les spécificités locales (cuisines, langues régionales, accents, folklore etc.), ces divers facteurs de désenclavement et de décloisonnement participent des dynamiques d’intégration nationale, des processus de politisation et d’un réagencement des référents et des identités territoriales entre “petites patries” et “grande patrie”, entre communes et régions, nation et Europe. Vivre à la campagne revêt une dimension politique et culturelle qui englobe des enjeux tant locaux que nationaux. On s’intéressera ainsi au recul et aux transformations des pratiques religieuses, aux logiques d’encadrement de la société rurale, qu’elles relèvent de formes anciennes et renouvelées du contrôle social ou d’une emprise étatique, administrative et juridique considérablement renforcée. On envisagera également les rumeurs, les conflictualités, les révoltes, les luttes des classes, les manifestations collectives, mais aussi les registres d’action etc.

Prenant pour objet, sur la longue durée, une France qui passe d’une société majoritairement rurale à une civilisation urbaine, ce programme encourage l’étude – à hauteur d’hommes et de femmes – des manières de vivre. On étudiera par conséquent les cadres de vie, de la maisonnée aux étendues de nature (plaines, forêts, estives, champs, routes et chemins etc.), des villages aux petites villes (rues, places et aménagements divers), en portant un intérêt particulier à la culture matérielle et à l’entrée des campagnes dans la consommation de masse qui transforme, entre autres, les pratiques alimentaires et vestimentaires, les normes d’hygiène ainsi que les exigences de confort. Il s’agira d’entrer dans l’intimité des foyers pour saisir les émotions, les sentiments, les croyances, les joies et les peurs ou les violences. Il conviendra aussi de suivre les ruraux dans leurs expériences collectives, dans leur rapport aux autres. En effet, au cours de ces deux siècles, les horizons s’élargissent : des rapports de voisinage aux liens associatifs, de la forge au lavoir et du café à l’église, du braconnage aux sociétés de chasse ou de pêche, de la veillée aux planchers de bal et aux terrains de sport, des processions aux fêtes patronales, des foires aux épiceries et aux supermarchés, les sociabilités, les solidarités et les loisirs se recomposent, en lien avec l’essor des mobilités. Dans le même temps, l’architecture et le bâti se densifient et se diversifient (la ferme et ses bâtiments, le moulin, la fabrique puis l’usine, le petit patrimoine rural, l’église, l’école et la mairie, la gare, la poste, la gendarmerie etc.) dans des campagnes qui passent de leur maximum démographique à la déprise.

Vivre à la campagne enfin, c’est éprouver des expériences sensorielles, une sensibilité au paysage (fruit d’une construction sociale), à ses dégradations et à sa protection, une connaissance de la nature et du monde animal (domestique et sauvage).

Si l’on peut s’appuyer sur les définitions statistiques (en vertu desquelles, en France, les communes de moins de 2 000 habitants sont des villages), on n’oubliera pas que la ruralité se définit aussi en fonction des perceptions qui lui sont associées et qui débordent ce strict cadre démographique. Espaces de circulation, toujours reliées aux espaces urbains, les campagnes ne peuvent de toute façon pas être dissociées de leur environnement. Rappelons cependant que le programme se focalise sur l’espace français métropolitain. Il inclut la Corse, mais n’intègre ni les territoires ultramarins ni les espaces coloniaux, dont les évolutions sont trop spécifiques pour que la comparaison opère.

Le programme s’ouvre en 1815, au lendemain de la Révolution et de l’Empire, qui ont considérablement modifié le pays et la société, contribuant à une émancipation du peuple des campagnes et un renforcement de la bourgeoisie, nés du bouleversement des structures sociales et politiques d’Ancien Régime. L’année 1815 correspond aussi au retour des émigrés et des anciens combattants des guerres impériales et à l’éruption du Tambora, dont les conséquences climatiques provoquent une grave crise agricole. L’étude s’achève avec les années 1970, quand s’infléchit la déprise démographique des communes rurales et que tend à disparaître le modèle de la petite exploitation familiale, sonnant “la fin des paysans”. Avec l’arrivée des néo-ruraux, l’essor du tourisme vert et des parcs naturels, s’ouvre déjà une mutation des regards portés sur la campagne, la nature et l’environnement, au moment où est créé le ministère chargé de sa protection.

La question trouve de très nombreux échos, directs ou indirects, dans les programmes de l’enseignement secondaire. On citera notamment les leçons de 4e (« L’Europe au temps de l’industrialisation », « Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle ») et de 3e (ainsi l’étude de la crise des années 1930, mais aussi celle des guerres mondiales et des modernisations socio-culturelles de la fin du XXe siècle). Très présente dans le programme de 1ère (« L’industrialisation et l’accélération des transformations économiques et sociales », « Permanences et mutations de la société française jusqu’en 1914 »), l’histoire des campagnes françaises croise de nombreux aspects des programmes de terminale, de 1ère et terminale technologique et de la spécialité HGSSP (en particulier le thème sur l’environnement). Par son ancrage territorial et son impact sur les paysages contemporains, elle rend par ailleurs tangibles les indispensables liens entre les enseignements d’histoire et de géographie.


[1] En atteste la publication récente de plusieurs manuels sur la question : De Belizal É., Fourault-Cauët V., Germaine M.-A., Temple-Boyer E.., 2017, Géographie de l’environnement, Colin, coll. « Portail », 278 p. ; Arnould P. et Simon L., dir., 2018, Géographie des environnements, Belin, coll. « Major », 268 p. ; Dufour S., Lespez L., 2020, Géographie de l'environnement. La nature au temps de l'anthropocène, Colin, coll « U », 288 p.

[2] Beucher S., mars 2021, Les transitions, CNRS éditions, Documentation photographique n°8139, 64 p. On pourra également se référer à la synthèse réalisée par A. Gonin (2021) sur le site Géoconfluences, faisant suite aux premières analyses proposées par L. Coudroy de Lille et al. (2017).

[3] Sur S. (1995/2021), Relations internationales, LGDJ, Collection Précis Domat, 600 p.

[4] Lévy J., Lussault M. [dir.] (2003/2013) Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 1034/1128 p.

[5] Baud P., Bourgeat S., Bras C. (1995/2022) Dictionnaire de Géographie, Paris, Hatier, 624 p.

[6] Retaillé D. (1995) « La signification géographique de l'État », Géographes associés, hors-série 1995. Actes de l'université d'été Annonay 1995, p. 109-115.

[7]Guermond Y. (2020) La citoyenneté à travers la géographie, Paris, l’Harmattan, 132 p.

[8]Raffestin C. (1993)« Une capitale est-elle l’expression d’une sémiosphère nationale ou le lieu de mise en scène du pouvoir ? » in Andrew C., LengelléJ.G. et Taylor J. (eds.), Les Capitales - Perspectives internationales, Ottawa, Carleton UniversityPress, p. 3-27.

[9]Laporte A. (2016) De Bonn à Berlin. Le transfert d’une capitale (1990-2010), Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 300 p.

[10] Source : notre-environnement.gouv.fr, rubrique les milieux marins et littoraux français. Selon le SHOM, le linéaire côtier s’étend sur environ 18 000 km (en tenant compte des anfractuosités). La longueur du linéaire côtier est donc soumise à la précision de la mesure.

[11] Le neuvième, celui des Glorieuses, a été remplacé en 2021 par une réserve naturelle nationale.

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