10 ans d’industrie manufacturière en France : entre désindustrialisation et spécialisation industrielle
L’Insee a publié en février 2018 une analyse de dix ans d’évolution de l’industrie manufacturière* en France. L’article décrit une diminution des emplois dans tous les secteurs, à l’exception de l’agroalimentaire et la construction aéronautique qui se maintiennent. En France, sur l’ensemble de la période, sur les 3,3 millions d’emplois dans l’industrie manufacturière en 2006, il ne restait que 2,7 millions en 2015 (–16 %). C’est le secteur du textile et de l’habillement qui est le plus touché (–35 % d’emplois), mais aussi l’industrie du bois et du papier (–26 %) ou celle du caoutchouc et du plastique (–23 %).
Nicolas Bignon, Farida Djeffal et Sylvie Rousseau , « L’industrie manufacturière de 2006 à 2015 : l’agroalimentaire et la construction aéronautique et spatiale résistent au repli du secteur », Insee Première, n° 1689, Paru le 14/02/2018
Perte d'emploi par secteur manufacturier en France, 2006-2015
Source : Nicolas Bignon, Farida Djeffal et Sylvie Rousseau , « L’industrie manufacturière de 2006 à 2015 : l’agroalimentaire et la construction aéronautique et spatiale résistent au repli du secteur », Insee Première, n° 1689, Paru le 14/02/2018 |
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Le nombre d’établissements dans l’industrie manufacturière a aussi diminué en passant de 150 600 à 123 300 en seize ans. Malgré ces nombreuses pertes d’emplois (dans certains secteurs et dans la fonction production), la valeur de la production n’a jamais été aussi élevée. Elle peut être saisie par la valeur de la production en milliards d’euros courants : entre 2000 et 2016, elle est passée de 760 à 888 milliards d’euros (+ 128,2 milliards, + 16,8 %, Insee, 2018). Si la production totale en volume est restée stable malgré la crise de 2008 (97 % de son niveau de l’an 2000), elle a augmenté dans certains secteurs : c’est le cas de l’agroalimentaire (103,7 %) et de la fabrication de matériel de transport (111,8 %). Si le commerce extérieur de produits manufacturés ne cesse d’augmenter en valeur depuis l’an 2000, passant 300 à 450 milliards d’euros de produits exportés, la balance de ce secteur est négative avec un solde commercial de –23,5 milliards d’euros en 2016 (+12 milliards en 2000).
Une étude détaillée montre des trajectoires sectorielles bien différenciées. La France tend à se spécialiser dans la division européenne et mondiale du travail dans certains points forts (aéronautique armements, pharmacie, agro-alimentaire, automobile…) au détriment du reste de l’appareil productif face à la pression concurrentielle à la fois des grands pays développés (Allemagne, États-Unis, Japon…) dans les secteurs à forte valeur ajoutée, et des pays à bas salaires dans les secteurs à faible valeur ajoutée (Carroué, 2013).
Spécialisation commerciale de la France par catégorie (production et services), 2005–2015
Source : CEPII, base de données CHELEM, juillet 2017 |
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Rappelons que ce qu’il est courant d’appeler la désindustrialisation correspond à la disparition des emplois industriels en partie remplacés par des emplois dans les secteurs de service, mais pas à la disparition de la production industrielle. Au contraire, les gains de productivité peuvent accompagner la perte d’emplois d’une augmentation de la production et de la valeur ajoutée industrielle. En France, si la part de la valeur ajoutée de l'industrie dans la valeur ajoutée totale recule depuis plusieurs décennies, cette part reste élevée au regard de la part des emplois industriels par rapport aux emplois de services. Par ailleurs, une partie des emplois apparemment détruits dans l'industrie ont en fait été transférés statistiquement aux services : c'est le cas lorsqu'une entreprise industrielle externalise des services autrefois comptabilisés comme de l'emploi industriel.
Causes de la destruction d'emplois industriels en France d'après la Direction Générale du Trésor (1980-2007)
Note : La somme des trois effets est différente de 100 %, la décomposition effectuée ne prétendant ni à l’exhaustivité, ni à l’indépendance des effets pris en compte. Source : DG Trésor sur la base des données Insee, 2010.
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Valeur ajoutée par branche, 1949-2016
Source : Insee 2016
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* Définition de l'Insee : « Les industries manufacturières sont des industries de transformation des biens, c'est à dire principalement des industries de fabrication pour compte propre mais elles concernent aussi la réparation et l'installation d'équipements industriels ainsi que des opérations en sous-traitance pour un tiers donneur d'ordres. »
Pour compléter
- Désindustrialisation en France : visuels et données, brève de Géoconfluences, septembre 2016
- Anthony Bouvier, « Production manufacturière : la France perd des parts de marché en Europe, mais se maintient dans ses spécialités », Insee Focus, no. 31, 24 juin 2015. Résumé : « La crise économique a durement touché l'industrie manufacturière française. Si le choc de 2008 a été atténué en France, le rebond qui s'en est suivi a aussi été moins marqué qu'ailleurs en Europe, et une nouvelle dégradation est survenue à partir de 2011. De 2008 à 2013, le poids de l'industrie chimique française est resté stable en Europe, alors que l'industrie automobile a décroché par rapport à ses concurrents européens. La France occupe toujours une place majeure dans l'aéronautique et la réparation de certains équipements de pointe. »
- Laurent Carroué, La France. Mutations des systèmes productifs, Armand Colin, coll. U, 2013. Voir le Compte-rendu d’Aurélien Gack dans la Revue Géographique de l’Est, 2014.
- CEPII, Les Profils pays du CEPII, juillet 2017
- Lilas Demmou, La désindustrialisation en France, document de travail de la DG du Trésor, no. 2010/01, juin 2010.
- Insee. Tableau de l’économie française. Edition 2018. Insee Références (Production des branches), 27 février 2018
- Jérôme Laurent, « L’industrie manufacturière en 2016 : La croissance se poursuit, sans créer d’emploi », Insee Première, no. 1657, 6 juillet 2017 : « En 2016, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière croît de 1,5 % en volume, après + 1,1 % en 2015 »
- France : la production manufacturière en hausse de 1,7 % en 2015, Les Échos, février 2016