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Pauvreté et mobilités circulaires campagnes / villes. Le cas du Niger - Enquêtes de Patrick Gilliard

Publié le 01/06/2003

Mode zen

Patrick Gilliard

Birni N'Konni, Peul provenant d'Alela.

(…) La femme que je conduis, c'est ma mère, ma propre mère. Je suis à Niamey depuis deux ans avec ma mère. Nous avons quitté notre village après le décès de mon père. J'ai eu une petite sœur, qui est décédée également. Ma mère est aveugle. Ici, j'ai beaucoup de problèmes parce que je ne suis pas libre de mes mouvements. C'est ma mère qui m'a forcée à la conduire pour mendier. Au début, arrivant à Niamey, on avait un peu d'argent que mon père nous avait laissé. Après quelque temps, les difficultés ont commencé à voir le jour. On arrive à peine à manger. Je n'ai jamais fréquenté l'école. Mon père voulait m'inscrire, mais c'est ma mère qui s'était opposée, parce qu'elle m'utilisait déjà pour la conduire. Actuellement, nous habitons à Foulan Koira. Nous venons chaque matin à pied pour gagner d'autres endroits aux alentours du Grand marché, au Petit marché, aux feux optiques. Ma mère garde tout l'argent que l'on gagne. Avec cet argent, on achète de la nourriture et l'on s'habille. Ma mère garde de côté une réserve au cas où l'une d'entre nous tomberait malade. J'ai des amies qui sont aussi conductrices d'aveugle. À la fin de la journée, je vais les rejoindre. Ce n'est pas vrai que les conductrices d'aveugle doivent se prostituer. Mais vous ne vous êtes pas posé la question : "Comment se comportent les jeunes de Niamey ?" Ils ont violé mon amie, il y a trois mois. En ce qui me concerne, je ne me suis jamais bagarrée avec les enfants, certes, certains d'entre eux me provoquent ; c'est ma mère qui intervient en les suppliant de me laisser tranquille. (…) D'autre part, j'ai tout fait pour que ma mère me laisse faire de la couture, mais elle a refusé en me disant : "tu oublies que je suis aveugle et que je n'ai personne à part toi."

Fati, jeune conductrice d'aveugle à Niamey

(…) Par le passé l'agriculture était très bénéfique, en une année on pouvait conserver la nourriture d'à peu près cinq mois et en vendre une partie. Cet argent nous permettait de faire un petit commerce, de nous habiller. Ma principale source de revenu était l'agriculture. Mais maintenant, avec l'irrégularité et l'insuffisance des pluies, on obtient le minimum pour boucler les derniers mois d'avant la prochaine saison. Je faisais du commerce de bétail, j'achetais des chèvres (…) Aujourd'hui, il y a un manque d'eau, la stérilité des terrains, le manque surtout de moyens financiers et matériels qui rendent la vie très difficile en campagne. Ce qu'on pouvait faire avant, on ne peut plus le faire maintenant.(…) On recevait de l'aide de la part de certains parents, aide purement alimentaire et mutuelle, mais de nos jours ces pratiques sont en perte de vitesse, voire mêmes inexistantes. La situation actuelle est très difficile. On ne gagne plus ce que l'on gagnait avant. Les produits de première nécessité sont devenus chers."

Propos recueillis par Patrick Gilliard, 2003

Pour citer cet article :  

« Pauvreté et mobilités circulaires campagnes / villes. Le cas du Niger - Enquêtes de Patrick Gilliard », Géoconfluences, mai 2003.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/breves/2006/popup/Gilliard.htm