Vous êtes ici : Accueil / Informations scientifiques / Dossiers régionaux / La Chine entre espaces domestiques et espace mondial / La Chine, des statistiques à la carte (aspects démographiques et socio-économiques). Application : le déséquilibre hommes / femmes

La Chine entre espaces domestiques et espace mondial

La Chine, des statistiques à la carte (aspects démographiques et socio-économiques). Application : le déséquilibre hommes / femmes

Publié le 10/06/2010
Auteur(s) : Hervé Parmentier, I.G.E. cartographe/géomaticien - ENS de Lyon, UMR 5600 EVS
Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon

Mode zen PDF

L'appareil statistique officiel chinois reste marqué par une certaine suspicion, héritage des manipulations politiques du passé et placé sous le contrôle étroit d'un régime de nature autoritaire. Les statistiques sont, en Chine, éminemment politiques : la carrière des cadres provinciaux et municipaux dépend des chiffres de croissance, de l'évolution du taux de chômage, des résultats dans le traitement de la délinquance, du nombre d'usines polluantes qu'ils font fermer. Tout ceci peut inciter au maquillage... et à une comptabilité "créative" ! Mais ce n'est pas le privilège de la Chine.

Il convient donc d'interpréter et d'utiliser les données statistiques sur la Chine avec une certaine circonspection. D'un point de vue qualitatif, il subsiste la question cruciale de la qualité des enquêtes, des méthodes et des formes de dépouillement des bureaux locaux de statistiques. Sans une connaissance approfondie de la société chinoise, il est parfois difficile, voire impossible, de s'y retrouver dans certaines statistiques officielles. Certains économistes chinois se livrent à des exercices de décryptage, en recoupant les données officielles avec les informations qu'ils ont eux-mêmes recueillies sur le terrain. Par ailleurs, le rythme de la croissance chinoise, l'évolution des institutions du pays, nécessite un appareil statistique réactif qui conduit à l'adoption fréquente de nouvelles définitions et de nouvelles règles et législations. L'analyse diachronique des données est donc à prendre avec certaines précautions.

Cependant, poussée par son ouverture et par ses engagements internationaux (au sein de l'OMC et d'autres instances régionales ou multinationales) la RPC s'efforce de développer un appareil statistique crédible, autorisant les comparaisons à l'échelle mondiale. Les nécessités de bonne gouvernance du développement accéléré du pays sont aussi un facteur encourageant les autorités chinoises à faire des efforts de transparence et de contrôle. Le gouvernement a besoin d'outils de référence statistiques afin de déterminer et d'évaluer sa politique économique, de définir ses priorités en termes d'aménagement du territoire, de répartition des aides, etc.

Ainsi, la situation évolue progressivement. Le comité permanent de l'Assemblée nationale populaire a adopté, le 27 juin 2009, une loi organisant un nouveau système statistique entré en vigueur le 1er janvier 2010. La nouvelle loi prévoit des peines plus lourdes pour des délits comme la falsification de statistiques. En 2008, 17 300 infractions aux règlements relatifs aux statistiques avaient été recensées, rapporte le site de l'agence de presse officielle chinoise Xinhua. La relativement bonne accessibilité, à l'international (versions disponibles en anglais), des statistiques est à souligner.

En conclusion la construction d'un outil statistique progresse, et le gouvernement en a besoin, ce qui est un gage de sérieux croissant, tant vis-à-vis de sa gouvernance et de sa légitimité nationales, que de son image internationale. Mais pour de multiples raisons locales, les statistiques peuvent être des résultats orientés politiquement, tout comme dans d'autres pays, y compris occidentaux et européens. Et, si les spécificités nationales relatives aux définitions, concepts, procédés de recueil de l'information et méthodes d'estimation, limitent l'emploi des données pour procéder à des comparaisons internationales, elles peuvent cependant être tout à fait utilisées comme indicateurs de tendances.

Avec tous nos remerciements à François Gipouloux (Centre d'Études sur la Chine moderne et contemporaine, EHESS) et à Stéphane Corcuff (Sciences Po Lyon et Institut d'Asie orientale) pour leurs conseils et relectures.

Sources et ressources

Différentes données statistiques :

 

Articles et réflexions sur la fiabilité des statistiques chinoises :

 

Réaliser des cartes thématiques (cartographie interactive)

Cet outil de cartographie interactif permet une analyse en cartes choroplètes et en figurés proportionnels. L'application, réalisée avec le logiciel de webmapping Geoclip par Hervé Parmentier, cartographe à l'ENS de Lyon (UMR 5600 Environnement, ville et société), permet de produire des cartes au format flash  et de les éditer.

Les données statistiques utilisées dans le cadre de la conception et de la réalisation de ce Géoclip proviennent pour la plupart du Bureau national des Statistiques (BNS, National Bureau of Statistics / NBS, Statistical Yearbook). Ces statistiques ne sont pas toutes recueillies conformément aux normes internationales, les méthodes de collecte ont des défauts que le gouvernement chinois admet volontiers. Il n'y a pas toujours la transparence souhaitable sur les méthodes d'échantillonnage de ces statistiques qui ne sont pas toujours croisées avec d'autres sources de collecte afin de vérifier leur exactitude (voir supra).

Ce sont parfois des résultats d'échantillonnages. En effet, depuis le dernier recensement général de la population qui remonte à 2000, les statistiques concernant la population (taux de fécondité, de mortalité, de croissance naturelle et sex ratio) sont réalisées sur un échantillonnage (recensement par sondage) qui varie entre 0.887‰ de la population totale en 2008 à 0,982‰ pour 2004. Dans l'attente d'un nouveau recensement général, les résultats doivent donc être pris avec une possible marge d'erreur.

Aspects démographiques et socio-économiques

Le maillage est celui des des 31 entités spatiales chinoises : provinces (22), régions autonomes (5) et municipalités (4). Les items portent sur la population et ses dynamiques, les grands secteurs de production, les échanges extérieurs.

Cartographie interactive : lancer l'application 


Pour pouvoir utiliser ce logiciel, vous devez, si nécessaire, installer le plug-in lecteur flash d'Adobe : www.adobe.com/.../download/.../Version=shockwaveFlash&Lang=French

Pour une prise en main initiale du Geoclip, consulter ce document

Il s'agit d'une version bêta, n'hésitez pas à faire part de vos remarques et suggestions en vue de l'amélioration de cette application cartographique: geoconfluences@listes.ens-lyon.fr

Liste des 31 entités spatiales du Geoclip (22 provinces, 5 régions autonomes et 4 municipalités) : Anhui, Beijing, Chongqing, Fujian, Gansu, Guangdong, Guangxi, Guizhou, Hainan, Hebei, Heilongjiang, Henan, Hubei, Hunan, Jiangsu, Jiangxi, Jilin, Liaoning, Nei Mongol (Neimenggu), Ningxia, Qinghai, Shaanxi, Shandong, Shanghai, Shanxi, Sichuan, Tianjin, Xinjiang, Xizang, Yunnan, Zhejiang. Voir l'entrée maillage administratif du glossaire du dossier.

Note : Ce premier module de cartographie interactive sera très prochainement suivi d'un autre module portant principalement sur les thématiques environnementales en Chine.

Un exemple : le déséquilibre hommes / femmes (garçons / filles) en Chine (proposition : Sylviane Tabarly)

En Chine, pays "le plus masculin du monde" (Isabelle Attané 2010), 24 millions d'hommes en âge de se marier pourraient ne pas trouver d'épouses. Un homme sur cinq, parmi les garçons nés dans les années 2000, pourrait éprouver des difficultés à se marier.

Rappelons qu'en règle générale, le sex ratio naturel s'établit à 105 naissances de garçons pour 100 filles, rapport qui s'inverse par la suite du fait de la surmortalité des hommes. La carte, ci-dessous à gauche, montre le sex ratio des moins de 6 ans. Les différences entre unités spatiales sont considérables : de 157 pour l'Anhui à 96,9 pour le Xizang (Tibet). Mais la plupart affichent des sex ratio largement supérieurs à 105 (limite haute de la classe inférieure). La moyenne des sex ratio est de 118,8 et le sex ratio moyen pour l'ensemble de la Chine est de 123 (limite basse de la classe inférieure).

Caractères de la démographie chinoise contemporaine (sex ratio garçons / filles et évolution naturelle)

Source : Watering the neighbour's garden, the growing demographie female deficit in Asia, Committee for International Cooperation in National Research in Demography, 2007 www.cicred.org/Eng/Publications/pdf/BOOK_singapore.pdf

On observait, dans le passé (années 1900 à 1945, graphique ci-dessous) l'effet des préjugés, des mentalités, de situations proches de la survie parfois, qui traditionnellement favorisaient la vie des garçons : surmortalité féminine par négligence et par manque de soins, infanticides de bébés filles. La proportion de femmes manquantes pouvait alors dépasser les 10%. Le contrôle étroit de la société maoïste a mis presque fin à ce déficit de femmes qui a ressurgi fortement à partir des années 1980 du fait de la politique de l'enfant unique (one-child policy) adoptée en 1979, puis de la diffusion des techniques de suivi médical de la gestation au cours des années 1990.

Du passé au présent : entre traditions et politique de la famille

L'estimation des femmes manquantes est établie à partir d'une norme générale, par comparaison avec les sociétés dont les espérances de vie et les taux de mortalité infantile sont similaires. La courbe ci-dessus résulte d'extrapolations.

Source des affiches : International Institute of Social History (IISH), Stefan Landsberger's Chinese Propaganda Poster Pages www.iisg.nl/landsberger et http://chineseposters.net/news/2010-02.php

Les posters sur la politique de la famille : http://chineseposters.net/themes/population-policy.php

La politique familiale de l'enfant unique par la propagande (années 1950)

La politique de l'enfant unique (one-child family) date de 1979. Elle s'appuie alors sur différents leviers coercitifs et incitatifs en matière de logement, de santé et d'éducation ainsi que sur une propagande intense. Cette politique d'encadrement de la natalité connaît des variantes sur le territoire chinois : strictement appliquée pour les grandes villes et les métropoles, elle est plus tolérante en zone rurale. Et, d'une province à l'autre, la situation peut varier. Dans les provinces côtières les couples peuvent souvent avoir un second enfant si le premier est une fille. Dans les provinces centrales et méridionales la possibilité d'avoir un deuxième enfant est en partie soumise à l'appréciation des autorités. Dans les provinces peuplées de minorités (Xizang, Xinjiang, Nei Mongol...) que le pouvoir cherche à peupler davantage de populations han, la règle de l'enfant unique ne s'applique pas vraiment. Ces différences dans l'application de la politique de l'enfant unique expliquent largement les variations de sex ratio observées dans la carte introductive.

Les auteurs de l'étude du BMJ en 2009 soulignent deux points principaux. D'une part la disponibilité et l'efficacité croissantes des échographies permettant de connaître le sexe de l'enfant dans les premiers mois de gestation. Les échographes ont commencé à être diffusés dans le pays au début des années 1980 et sont arrivés dans les hôpitaux des villes rurales au milieu des années 1990. Ces techniques sont désormais accessibles au plus grand nombre.

En second lieu, le ratio garçon/fille a augmenté spectaculairement parmi les enfants second né ou troisième né des familles. Ils notent que le sex ratio du premier né, un peu plus élevé que la normale dans les villes, est à peu près normal dans les zones rurales. Cependant, il s'élève franchement pour les autres naissances avec une moyenne de 138 dans les grandes villes (132 à 144)  et de 146 (143 à 149) dans les zones rurales. Cette tendance est constatée dans toutes les provinces, sauf le Tibet (Xizang), avec des pointes importantes pour les provinces d'Anhui (moyenne de 190) et du Jiangsu (moyenne de 192). Pour les troisième nés, le sex ratio dépasse les 200 dans quatre provinces !

Il faut y voir les conséquences de la politique de l'enfant unique et des variations de sa mise en œuvre d'une province à l'autre. D'une manière générale, elle est beaucoup plus stricte pour la partie orientale de la Chine, et pour les grandes zones urbanisées (voir l'encadré supra)

Sex ratio du nouveau né selon le genre (sexe) de(s) enfant(s) précédents de la fratrie (Chine, 2000)
Nbre d'enfants déjà nés
Composition
par sexe
Sex ratio du nouveau né
Aucun
  
105,5
Un
1 garçon (g)
107,3
  
1 fille (f)
190,0
Deux
2 g
76,5
  
1 g et 1 f
122,1
  
2 f
380,6

Source : Yu, 2003 in Watering the neighbour's garden, the growing demographie female deficit in Asia,
Committee for International Cooperation in National Research in Demography, 2007

Prenons l'exemple du Guangdong, la province la plus peuplée de Chine. Si on ne considère que les premiers nés, le sex ratio est seulement de 108 (très légèrement supérieur à la normale). Pour le second enfant, autorisé dans la province, il passe à 146 et, pour les rares familles qui ont le droit d'avoir trois enfants, le sex ratio atteint 167. Dans la province d'Anhui le sex ratio des familles de trois enfants atteint 227 et pour la municipalité de Beijing, qui autorise aussi des exceptions dans ses zones rurales, il atteint 275 ... presque trois garçons pour une fille (étude BMJ de 2009) !

Les conséquences du phénomène sont multiples. Le taux de criminalité a presque doublé en Chine au cours des 20 dernières années, ce qui serait partiellement en rapport avec la masculinisation du sex ratio. Le vol et le trafic des filles et des femmes, la prostitution sont en progression rapide. Et pour aborder ce marché du mariage devenu ultra-concurrentiel, les familles épargnent. "Non seulement les ménages qui ont des garçons épargnent plus que ceux qui ont des filles, mais l'épargne augmente quand ils vivent dans les régions où le sex ratio est le plus biaisé", affirme Shang-Jin Wei, économiste à l'université de Columbia (New York), dans une étude parue en 2010.

Mais la tendance observée depuis la fin des années 1980 pourrait être en voie de stabilisation, voire d'inversion. En effet, le déficit en naissances féminines semble avoir cessé de s'aggraver depuis 2005. Il faut sans doute y voir l'effet d'une prise de conscience des conséquences de ce déséquilibre à moyen terme sur la stabilité sociale et la sécurité dans le pays. Ainsi, la Commission du planning familial et de la population (National Population and Family Planning Commission) a appelé à créer un environnement plus favorable aux filles et aux femmes. En 2003, un programme dénommé Care for Girls a été lancé. Par exemple, dans la province du Fujian, les autorités ont alloué 200 millions de yuan à 490 000 foyers avec filles et ont accordé la gratuité scolaire à environ 100 000 filles. Dans d'autres provinces, les familles qui n'ont que des filles ont également obtenu des privilèges en matière de logement, d'emploi, de santé et d'éducation. D'une manière générale, la création de systèmes de santé et de retraite efficaces et généralisés, ne rendant plus la descendance masculine aussi indispensables à la famille, pourrait contribuer à une évolution des mentalités.

Observant que le ratio garçon / fille des naissances est resté stable ces toutes dernières années en Chine (depuis 2005), Li Shuzhuo (démographe et un des promoteurs de la campagne Care for girls) espère que cette tendance marque le début d'un retour à la normale, comme cela a été le cas en Corée du Sud qui a pu retrouver une proportion quasi normale entre garçons et filles, après des années de préférence masculine.

Sources et ressources

Chercheurs et experts

 

  • Isabelle Attané et Christophe Z. Guilmoto (dir.), Watering the neighbour's garden, the growing demographie female deficit in Asia, Committee for International Cooperation in National Research in Demography (Cicred), 2007, www.cicred.org/Eng/Publications/pdf/BOOK_singapore.pdf dont les articles suivants :
  • Li S., Wei Y., Jiang Q., Feldman M. W., "Imbalanced Sex Ratio at Birth and Female Child Survival in China: Issues and Prospects"
  • Guilmoto C. et Attané I., " The Geography of Deteriorating Child Sex Ratio in China and India"
  • Bossen L., " Missing Girls, Land and Population Controls in Rural China"
  • Zheng Z., "Interventions to Balance Sex Ratio at Birth in Rural China"

 

 

Organismes, institutions

La partie en langue anglaise du site est beaucoup plus alimentée. Faire une recherche par mots-clefs (gender, female deficit, missing females, missing girls, one-policy family, sex ratio, etc).

 

Médias

 

Hervé Parmentier, UMR 5600 Environnement, ville et société,

et Sylviane Tabarly, Dgesco / Ens de Lyon

pour Géoconfluences, le 10 juin 2010

Mise à jour : 10-06-2010

 

 

trait_vert.gif
Copyright ©2002 Géoconfluences - DGESCO - ENS de Lyon - Tous droits réservés, pour un usage éducatif ou privé mais non commercial
Pour citer cet article :  

Hervé Parmentier et Sylviane Tabarly, « La Chine, des statistiques à la carte (aspects démographiques et socio-économiques). Application : le déséquilibre hommes / femmes », Géoconfluences, juin 2010.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Chine/ChineFaire3.htm