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La Chine entre espaces domestiques et espace mondial

Archive. Les effets spatiaux de l'investissement direct étranger (IDE) en Chine : intégration ou désintégration ?

Publié le 01/10/2003
Auteur(s) : François Gipouloux - Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine (EHESS/CNRS)
article obsolète

NB. Le contenu de cet article donne des informations disponibles au moment de sa publication en 2003.

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Données globales et régionales sur l'investissement direct étranger en Chine (RPC)

La Chine a commencé à attirer le capital étranger au début des années 1980. En 1992 commence une croissance rapide de l'investissement direct étranger (ci-dessous IDE) en Chine consécutif à l'endaka (appréciation du yen) japonaise et à une attitude plus réceptive des autorités chinoises sous Deng Xiaoping.

L'adoption d'un cadre légal (loi sur les Joint venture, traités bilatéraux de protection de l'investissement et de non double taxation, etc.) et des mesures préférentielles ont provoqué un gonflement considérable des entrées de capitaux. Les chiffres de l'IDE absorbé par la Chine la dernière décennie sont tout à fait impressionnants. Et le mouvement s'est accéléré : de 1996 à 2001, 256 billions d'USD avaient été investis en Chine. Selon les statistiques chinoises, leur montant cumulé serait de 396,28 billions de dollars US en 2002 (Zhongguo tongji nianjian). Ainsi la Chine est-elle devenue le premier pays récepteur d'IDE devant les États-Unis.

L'IDE opère sur des structures industrielles très différenciées mais généralement tournées vers l'exportation. Ceci expliquant peut-être cela, l'investissement direct étranger est concentré dans les régions côtières : de 1983 à 2001, 88% du montant total des entrées d'IDE s'est concentré sur la ceinture orientale ne laissant que respectivement 9% et 3% aux régions centrales et occidentales.

Cette répartition très déséquilibrée est-elle appelée à durer ? 

Qu'entend-t-on par investissement direct étranger ? Comment le mesure-t-on ? (document)

Origine de l'IDE : part dans l'IDE total investi en Chine
sur la période 1979 - 1999
Hong Kong
40,7%
Iles Vierges
8,9%
États - Unis
8,6%
Singapour
7,5%
Japon
7,5%
Taiwan
6,4%
Allemagne
1,6%
France
1,6%
Iles Caïman
0,7%
Canada
0,7%

D'après un document de Thierry Pairault - 2001 - À retrouver à partir de : www.ehess.fr/centres/cecmc/pages/chercheurs/pairault.html

Ce tableau met en évidence le rôle joué par la place de Hong Kong et par certains paradis fiscaux dans le financement de l'investissement en Chine de 1979 à 1999.

Observons et comparons les évolutions sur les périodes 1985 à 1991 et 1992 à 1998.

On constate que les trois principaux pôles des zones côtières, la Chine du sud (Guangdong, Fujian, Hainan and Guangxi), les régions du delta du Yangzi (Shanghai, Jiangsu, Zhejiang) et la zone du golfe de Bohai (Beijing, Tianjin et Liaoning ; les provinces du Hebei et de Shandong) ont des performances différentes selon la période considérée. Tandis que le pôle méridional domine pour la période 1985 - 1991 (55,23% du total cumulé d'IDE), ses performances relatives s'érodent pendant les années 1990 (42,8%). Les capitaux se dirigent plus au nord, vers l'aire de Chang Jiang. Avec 24,32% de l'IDE actuellement employé, cette zone a doublé sa part du total national. Grâce à l'importante croissance de Shanghai mais surtout de l'étonnante performance de la province de Jiangsu (12,5%, trois fois plus que pour la précédente période).

Les neuf provinces centrales (Heilongjiang, Jilin, Shanxi, Inner Mongolia, Henan, Hubei, Hunan, Anhui, Jiangxi) ont presque doublé leur part du total régional au cours de la période 1992-1998 (9,19 contre 5,45%)

L'investissement direct étranger en Chine (1992 - 1998)

© Géoconfluences - Réalisation C. Dodane

Source des données : F. Gipouloux, calculé d'après le Zhongguo tongji nianjian (ZGTJNJ) 1993-1999

Données, graphique et discrétisation cartographique : document excel à télécharger

 

Incontestablement, les provinces occidentales (Shaanxi, Gansu, Ningxia, Qinghai, Chongqing, Sichuan, Guizhou, Yunnan, Tibet et Xinjiang) sont les grandes perdantes de cette décennie de massive absorption de capital étranger : leur part passe de 4,27% pendant la période 1985-1991 à 3,08% pendant la période 1992-1998.

Les déséquilibres dans la distribution du capital étranger contribuent à aggraver les disparités régionales, l'écart entre les régions riches de la frange côtière et les régions pauvres de la Chine du centre et de l'ouest se creuse : le rapport du PIB/habitant entre Shanghai et la province du Guizhou était de 1 à 14 en 2001. À tel point que les autorités ont lancé, en 2000, une campagne pour le développement de la Chine occidentale (xibu da kaifa).

Quelles sont les raisons de cette inégale distribution de l'IDE en Chine ?

Il est communément admis que la localisation des investissements est guidée par les différentiels des coûts. En conséquence, alors que le travail, les terrains, les frais augmentent dans les zones côtières, les investisseurs devraient progressivement relocaliser leurs investissements dans des zones moins chères de l'intérieur. Mais, de fait, ils ne le font pas en dehors de régions spécifiques comme le Hubei. Les facteurs de localisation habituellement évoqués (avantages comparatifs en termes de coûts, accès aux marchés étrangers, etc.) ainsi que les politiques de traitement préférentiel auraient donc un rôle partiel sur les localisations de l'IDE en Chine.

Il convient alors de s'intéresser aux facteurs institutionnels tels que les régimes de la propriété industrielle, le mode de fonctionnement bureaucratique. En fait, les principaux handicaps des provinces de l'intérieur, des provinces occidentales, tiendraient aux complexités et lourdeurs bureaucratiques, au demeurant très variables d'une province à l'autre. Par exemple, les délais pour obtenir une licence ou le droit d'utiliser une terre sont habituellement de 3 à 5 mois à Shanghai alors qu'ils peuvent prendre un an à l'ouest. On observe aussi une corrélation positive entre le niveau d'urbanisation, les grandes plates-formes logistiques et la pénétration d'IDE. L'IDE est un phénomène urbain. La faiblesse de l'urbanisation de la Chine centrale et occidentale peut donc être un facteur explicatif à la faible pénétration du capital étranger, sachant cependant que cause et effet sont étroitement imbriqués.

En conclusion, si l'IDE est distribué de manière fort inégale en Chine, ce n'est pas exclusivement dû aux avantages de localisation des provinces côtières mais, aussi, aux conséquences des choix politiques des autorités chinoises tant en matière de gouvernance que d'aménagement du territoire.

L'absorption des investissements directs étrangers :
évolution de deux macro-régions
 
1998
2000
milliards d'USD
% du total de l'IDE en Chine
milliards d'USD
% du total de l'IDE en Chine
Delta du Yangzi
11,54
25,37
11,19
27,48
Guangdong
12,01
26,41
11,28
27,70

Source : Zhongguo tongji nianjian (ZGTJNJ), 2000

Investissement direct étranger et industrialisation

Alors que le capital étranger contribue dans une forte proportion à la production industrielle dans les régions côtières (plus de 60% dans le Guangdong, 40% à Hainan et à Shanghai, 33% dans le Fujian) il n'y contribue que très faiblement dans les régions centrales — à peine 3% dans le Shanxi, 4% dans le Hunan — et de manière négligeable dans les régions occidentales (Xinjiang, Qinghai et Gansu). La seule exception est le Sichuan, où la contribution des firmes sino-étrangères à la production industrielle totale a déjà franchi le seuil des 10%.

Là encore, les provinces côtières se distinguent du reste du pays, avec des niveaux de contribution des entreprises sino-étrangères à l'investissement industriel supérieur à 15%. La Chine centrale et occidentale demeure en deçà de ce seuil, l'Anhui, le Jiangxi, le Hunan constituant un "ventre mou", où l'IDE représente moins de 5% de l'investissement industriel. Au-delà de cette frontière, une seule exception, le Hubei (12%), qui témoigne de la récente pénétration de l'IDE à Wuhan : infrastructures portuaires et production manufacturière, dans l'automobile entre autres.

En termes sectoriels, on note que l'investissement étranger concerne surtout les productions de haut de gamme technologique : par exemple, il maîtrise 70% de l'industrie électronique et des télécommunications en Chine (2002).

 

Investissement direct étranger, exportations et insertion dans l'espace régional et mondial

En 1999, l'investissement étranger avait généré 47% des exportations chinoises contre 15% en 1990. La part de la Chine dans les exportations mondiales de produits manufacturés dépasse désormais 5% et elle devrait devenir en 2003 le troisième exportateur mondial de produits manufacturés, après avoir dépassé le Royaume-Uni en 2001, et la France en 2002. C'est encore peu rapporté au poids de sa population bien entendu mais le rythme de progression est conséquent.

Chiffres clés et évolutions
Année
PIB (milliards de yuans) et évolution
Exportations (milliards d'USD) et évolution
Importations (milliards d'USD) et évolution
IDE réalisé et évolution (milliards d'USD, %)
1998
7834
7,8%
183,81
0,6%
140,24
- 1,5%
45,46
0,5%
1999
8206
7,1%
194,93
6,1%
165,70
18,2%
40,32
- 11,3%
2000
8940
8,0%
249,20
27,8%
255,99
35,8%
40,72
1,0%
2001
9593
7,3%
266,16
6,8%
243,61
8,2%
46,88
15,1%
Origine des exportations chinoises : comparaison de deux macro-régions
 
1998
2000
Billions d'USD
% du total des exportations chinoises
Billions d'USD
% du total des exportations chinoises
Delta du Fleuve Bleu
43,15
23,47
71,48
29,07
Guangdong
76,28
41,50
93,42
37,48

Source : Zhongguo tongji nianjian, 2001

D'une manière plus générale, en 2002, l'IDE a produit 45% des exportations de la Chine.

Trois macro-régions ont une vocation et un lien particulier avec les autres dragons asiatiques :

1 - le golfe du Bohai (Dalian - Tianjin) qui entretient des liens forts avec la Corée et le Japon et qui est une région plutôt orientée vers le marché intérieur.

2 - le Yangzi (Yangtse ou Changjiang ou Fleuve bleu) et son delta (Shanghai, Hangzhou) dont les liens sont forts avec Taiwan, le Japon, les États-Unis. Sa vocation est mixte : marché intérieur et exportation.

3 - le Guangdong (delta de la rivière des Perles, voir annexe ci-dessous), étroitement lié à Taiwan, Hong Kong (Région autonome spéciale), reçoit d'abondants capitaux de la diaspora chinoise et a une vocation exportatrice très affirmée.

L'ensemble de ces dynamiques font de la façade maritime de la Chine un moteur essentiel de l'"aire de puissance" d'un "corridor économique" en Asie orientale (voir article)

Sauf mention particulière, ce qui précède résulte des travaux de François Gipouloux,(directeur de recherches au CNRS - Centre Chine, École des Hautes Études en Sciences Sociales) et de l'adaptation des sources suivantes :

  • une présentation power-point,
  • Determinants in Foreign Direct Investment's Uneven Distribution in China : A comparative Study of three Macro-regions–East Centre and West. Intervention à la 7ème conférence des études asiatiques - Institute of Asian Cultural Studies, International Christian University, Tokyo - 21-22 June 2003
  • Intégration ou désintégration ? Les effets spatiaux de l'investissement direct étranger en Chine - Perspectives chinoises, n°46 - mars - avril 1998

 

 

Annexe :

Au-delà des risques, les cercles vertueux du développement régional extraverti ? L'exemple de la province du Guangdong

Les investissements directs étrangers dans la province du Guangdong (Canton, Shenzhen et villes du Delta)

L'IDE joue un rôle primordial dans le décollage économique du Guangdong au cours des vingt dernières années. Attiré à l'origine par le volontarisme politique des autorités chinoises, qui ont fait de la Chine du Sud le laboratoire de l'ouverture économique du pays au début des années 1980, l'afflux actuel de capitaux étrangers est encouragé par la qualité croissante du tissu industriel d'une part, par le potentiel du marché intérieur de la province d'autre part. Cependant, à mesure que l'ensemble du pays s'ouvre à l'économie de marché, le statut privilégié de la province s'efface peu à peu, et les autorités provinciales devront trouver des nouveaux arguments pour continuer à attirer les capitaux étrangers, notamment dans les Zones Economiques Spéciales, dont l'avenir demeure incertain.

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La promotion des atouts logistiques de la province, la mise en valeur de l'expérience acquise des acteurs économiques provinciaux en vingt ans de collaboration avec les entreprises étrangères ou encore la montée en gamme de la production locale permettent cependant aux autorités d'envisager l'avenir sereinement. Ainsi, en annonçant un nouvel investissement de 300 millions d'USD à Canton pour y produire 300 000 véhicules/an destinés à l'exportation, Honda montre l'exemple et tire vers le haut l'IDE. Depuis l'été 2003, une nouvelle vague d'implantations de multinationales de renom semble se dessiner, ce qui constitue un point très encourageant pour le Guangdong.

Adaptation d'un document de la Mission Économique de Canton (© MINEFI – DREE/TRÉSOR). Disponible sur le site de la DREE : www.dree.org/chine/

Avec l'autorisation du Chef de la mission économique de Canton

 

Pour compléter, pour prolonger

 

François Gipouloux, (directeur de recherches au CNRS - Centre Chine, École des Hautes Études en Sciences Sociales)

Première mise en ligne le 19 décembre 2003

 

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Mise à jour :   01-10-2003

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Pour citer cet article :  

François Gipouloux, « Archive. Les effets spatiaux de l'investissement direct étranger (IDE) en Chine : intégration ou désintégration ? », Géoconfluences, septembre 2003.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Chine/ChineScient3.htm