Encadré 1. La construction des catégories statistiques de l'urbain aux États-Unis
L’émergence des Metropolitan Regions aux États-Unis a eu lieu dès les années 1920-1930 en corrélation avec l’adoption de l’automobile comme mode de transport quotidien. L’automobile crée une nouvelle répartition de la population en rupture avec la répartition concentrée autour des gares. Désormais, il n’est plus possible de dire où finit la ville et où commence la campagne. C’est à partir de ce moment que la ville est appréhendée non plus comme une agglomération densément peuplée mais comme un territoire de relations quotidiennes.
Dans un premier temps, les sociologues des universités de Chicago et du Wisconsin (notamment Roderick McKenzie, The Metropolitan Community, 1933) posent un nouvel objet : la « communauté métropolitaine qui est d’échelle régionale et correspond à un espace de relations sociales.
Puis les géographes promoteurs des méthodes de l’analyse spatiale (notamment Brian J.L. Berry) reprennent cette notion dans le cadre d’une application régionale de la théorie des lieux centraux. Cette fois, l’espace de relation construit par l’automobile est conçu selon des critères économiques comme un lieu d’emploi et selon la vision hiérarchique d’une périphérie dominée par un ou plusieurs centres. Le critère adopté pour l'approche statistique est principalement celui des navettes (ou déplacements domicile-travail). Sur ces bases, le Census Bureau élabore la notion de Standard Metropolitan Areas (1949), formés d’un comté contenant une (ou plusieurs) municipalité(s) de plus de 50 000 habitants ainsi que de « comtés contigus de caractère métropolitain et intégrés socialement et économiquement » à la (ou les) municipalité(s) centrale(s). En 1983, le Census Bureau abandonne les Standard Metropolitan Statistical Areas au profit des Metropolitan Statistical Areas. Dans cette nouvelle définition, la zone centrale est constituée d’une agglomération morphologique et non plus d’une municipalité. En outre, seul le critère des navettes est utilisé pour évaluer le degré d’intégration des comtés périphériques au pôle central. Enfin, les zones polycentriques font l’objet d’une attention particulière et sont prises en compte dans des aires plus larges, appelées Consolidated Metropolitan Statistical Areas ; en effet, les centres d’emploi et de peuplement secondaires constituent une réalité forte aux États-Unis dès le milieu du XXe siècle. Ces inflexions reposent notamment sur les travaux que Brian J.L. Berry a menés à la fin des années 1960.
La genèse des catégories statistiques des aires métropolitaines
Date |
Objet |
Auteur |
Application |
Définition du coeur |
Critère relationnel |
Flux croisés |
1933 |
Metropolitan Community |
R.D. McKenzie |
Chicago |
Localité (city town) |
Journaux, isochrones |
|
1949 |
State Economic Area |
D.J. Bogue |
États-Unis |
Localité(s) |
Activités économiques (emplois non-agricoles) |
|
1949 |
Standard Metropolitan Area puis SMSA |
Census Bureau |
États-Unis |
Localité |
Flux téléphonique, emplois non-agricoles, densité, navettes |
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1960 |
Metropolitan Community |
B.J.L. Berry |
Seattle |
Localité |
Navettes |
|
1968 |
Functional Economic Area |
B.J.L. Berry |
États-Unis |
Agglomération morphologique |
Navettes (seuil 15 %) |
Cascading process, Hierarchical association |
1983 |
Metropolitan Statistical Area |
Census Bureau |
États-Unis |
Agglomération morphologique (ou municipalité jusqu'en 2000) |
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Consolited Area (CMSA)
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D'après Anne Bretagnolle, « La naissance du périurbain comme catégorie statistique en France. Une perspective internationale », L’Espace géographique 1/2015 (tome 44), p. 18–37.
MCD.
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