Archéologie et histoire des paysages industriels
Il n'est pas de lieu sans histoire. Aussi s'agit-il de mettre à jour les superpositions des mémoires inscrites dans le paysage : affectations passées des objets observables, succession des usages, etc. Elle pourra ainsi participer à un "diagnostic territorial" destiné à évaluer, déterminer ce qui doit être protégé, de quelle manière, ce qui peut, dans un paysage donné, avoir valeur patrimoniale. "L'histoire du paysage contribue à son intelligence globale, fait saisir sa diversité dans le temps et la complexité des liens qui le solidarisent avec les pratiques symboliques et techniques des sociétés passées et présentes." (Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement - P. Merlin, F. Choay).
Ce sont d’abord des historiens britanniques (Michael Rix, Robert Angus Buchanan, Kenneth Hudson) des universités de Birmingham, d’Edimbourg et de Hull qui ont pris conscience de l’intérêt du patrimoine industriel et minier. Dès le milieu des années 1950, ils créent une nouvelle discipline appelée "archéologie industrielle" (Hudson 1971, Buchanan 1972, Falconier 1980), dont l’objet est d’étudier les constructions ou les ouvrages fixes illustrant les débuts et l’évolution des développements industriels et techniques.
Partant du Royaume-Uni, cette discipline nouvelle s'est diffusée dans tous les pays anciennement industrialisés. Elle s'est progressivement organisée et tint son premier congrès international en 1973 à Ironbridge (Shropshire au Royaume-Uni), haut lieu et berceau de la Révolution industrielle. Le Comité international pour la conservation du patrimoine industriel (The International Comittee for the Conservation of the Industrial Heritage / TICCIH), fondé dès le troisième congrès à Stockholm en 1978, œuvre notamment pour qu’un certain nombre de sites industriels entrent au Patrimoine mondial de l’Unesco. Le premier site classé au titre de "the industrial heritage" est la mine de sel de Wieliczka en Pologne (inscrite en 1978), suivie en 1980 par l’ancienne ville minière de Røros en Norvège. Depuis lors, 32 autres sites "industriels" ont été inscrits au patrimoine de l’UNESCO, qui comporte désormais douze anciens sites miniers ou villes minières. D’abord limitée aux ouvrages et aux bâtiments légués par la révolution industrielle du XVIIIe et du début du XIXe siècle, si nombreux au Royaume-Uni, la curiosité des chercheurs s’élargit ensuite aux héritages techniques de périodes plus récentes à travers la grande variété d’objets (anciennes usines, forges, moulins, barrages, systèmes d’irrigation, canaux, voies ferrées, ponts, etc…) étudiés par l’archéologie industrielle.
Cependant, ce n’est que très progressivement que l’archéologie industrielle a commencé à s’intéresser à l’ensemble du paysage de régions marquées par l’industrie ou l’exploitation minière (R. Slotta, 2000). Cet élargissement de l’optique s’est traduit aussi dans la conception de patrimoine, qui englobe désormais non seulement un site en particulier, mais aussi tout un paysage. À ce titre, les paysages de trois anciennes régions minières ont été récemment inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco : le paysage culturel de Hallstatt et du Salzkammergut en Autriche (ancienne exploitation du sel de l’âge du bronze), le paysage industriel de Blaenavon, berceau de l’exploitation charbonnière au Pays de Galles et la région minière du Koppaberg à Falun en Suède.
(ST) 2008.