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Coupeurs de route

Publié le 16/10/2025
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Les coupeurs de route sont des bandes armées agressant les automobilistes sur les routes, principalement la nuit. L’expression a été vulgarisée par la presse au cours des années 1990, principalement à propos de l’Afrique subsaharienne puis, plus récemment, par la presse française à propos de Mayotte. Ces coupeurs de route contribuent à entraver les mobilités, les échanges et les investissements licites, mais favorisent au contraire des opportunités d'un large secteur informel. Cette activité est liée à l'affaiblissement plus ou moins important de l'État de droit et, souvent, à l'aggravation de la corruption associant gardiens de l'ordre et délinquants.

Le phénomène des coupeurs de route touche aussi bien l’Afrique que l’Amérique latine et n’épargne pas la France et l’outre-mer : Nouvelle-Calédonie en 2024, Mayotte de façon plus récurrente depuis les années 2010.

Encadré 1. Les conséquences économiques et spatiales du phénomène des coupeurs de route en Afrique subsaharienne, analysées par l’anthropologue américaine Janet LeeRoitman

« Un trajet sur les routes qui relient les différents États-nations du bassin du lac Tchad est une expédition fort hasardeuse. On est sans cesse obligé de faire des embardées et de négocier des virages pour éviter des cratères sur les quelques axes goudronnés, de contourner des ornières et des trous sur les pistes poussiéreuses. Certaines régions sont particulièrement périlleuses : on y est à la merci d’une rencontre avec les nombreux gangs armés qui sillonnent les routes à la recherche d’argent et de biens de valeur, érigeant des barrages routiers, brandissant des fusils faits maison et surtout des kalachnikovs. Bien qu’opérant dans des espaces bien délimités, ces « gangs de grand chemin », connus localement sous le nom de « coupeurs de route », sont perçus comme un phénomène régional lié à des flux transnationaux. Y participent des nationaux de tous les pays du bassin du lac Tchad – Nigérians, Camerounais, Tchadiens et Centrafricains (peut-être aussi des Nigériens, des Sénégalais et des Soudanais itinérants). Connectés aux marchés régionaux et internationaux d’armes légères et de fausse monnaie, ces « bandits » s’insèrent dans un réseau d’échanges économiques et de relations de travail qui est à la base d’un important mode d’accumulation dans la région. Ce dernier, s’étendant au-delà des formes violentes d’appropriation, est également composé d’une foule d’activités économiques non régulées qui ont transformé la brousse et les frontières internationales en un espace de grand business et couvrent aussi bien la contrebande de quincaillerie, d’électronique et de tissus que le commerce d’essence sur le marché noir, de 4 x 4 volés, d’ivoire, de cornes de rhinocéros et d’or. (...)

« Ce phénomène a été exacerbé par la chute des prix des matières premières comme le coton et l’arachide sur les marchés mondiaux, et par les recompositions récentes dans la production industrielle, privilégiant les marchés du travail de l’Asie du Sud-Est, de l’Asie du Sud et de l’Amérique latine. D’où la migration massive de nombreux « réfugiés économiques » vers ces espaces frontaliers, où ils sont employés comme transporteurs, gardes, guides et porteurs dans le commerce non régulé, puis l’arrivée des « réfugiés militaires » nés des programmes de démobilisation et de l’incapacité des armées nationales à subvenir aux besoins de leur personnel. (...) Souvent, ils « entrent en brousse », comme ils disent (...). Ce mouvement d’hommes a transformé les régions frontalières et les périphéries de certaines villes, aujourd’hui tachetées de campements, d’entrepôts ou de dépôts et de points d’éclatement. Bien qu’inscrits sur les marges, ces espaces ne sont nullement marginaux. À l’instar des activités qu’ils hébergent, ils reposent en grande part sur des relations commerciales et financières qui les relient aux villes. Ils sont nés, et dépendent, du lien militaro-commercial, qui est particulièrement bien saisi par le lieu et la métaphore de la garnison-entrepôt. En tant que matérialité, la garnison-entrepôt concentre et résume à elle seule, en effet, le lien militaro-commercial. Bien qu’ils fassent sans aucun doute partie des plus démunis, ceux qui sont impliqués dans ces activités sont très souvent financés et encadrés par le personnel militaire, les douaniers, les gendarmes, les riches marchands et les chefs locaux (...) »

Janet Lee Roitman (CNRS-MALD), « La garnison-entrepôt, une manière de gouverner dans le bassin du lac Tchad », Critique internationale. n° 19, avril 2003.

(ST) 2006, dernières modifications (SB et CB) octobre 2025.

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