Empowerment
La notion d'empowerment est très en vogue depuis les années 1990 dans le monde à propos des plus pauvres. Elle désigne l’accès à plus de pouvoirs des catégories les plus défavorisées : les femmes, les pauvres ou les minorités ethniques ou sociales. Quand elle est traduite en français, la notion d'empowerment devient « pouvoir d'agir » ou « autonomisation » ; elle désigne à la fois un processus et un résultat.
La rhétorique de l’empowerment associée à celle des droits de l’homme prend sa place dans les stratégies d’aide au développement dans les pays pauvres ou émergents mais également dans les pays riches face à la crise économique. Elle repose sur deux principes : autonomisation et responsabilisation des individus et des groupes.
Les origines et sources d’inspirations de la notion d’empowerment sont à chercher du côté du féminisme américain du début du XXe s., du freudisme, de la religion, du gandhisme ou encore du mouvement des droits civiques aux États-Unis.
La Banque Mondiale, à partir du milieu des années 1980, importe le terme d’abord dans le discours sur les femmes, le genre et le développement puis dans le champ du développement international et de la lutte contre la pauvreté dans le monde, en s’appuyant sur les travaux d’A. Sen pour les valider. Partant de l’échec du modèle de développement orthodoxe top down, on fait appel à la rhétorique participative et aux modèles bottom-up pour prôner un développement dont le moteur est l’empowerment des pauvres et des communautés plutôt que l’État et le marché.
L’enthousiasme initialement suscité par l’adoption du concept d’empowerment par les agences internationales de développement n’a pas duré car, à l'épreuve du terrain, il s'est révélé difficile à mettre en oeuvre. De plus, les objectifs du développement ont été décidés d'en haut, comme c’est le cas des objectifs du Millénaire, alors que l’essence même de l’empowerment est de laisser aux principaux intéressés sur le terrain le rôle de définir les objectifs et modalités d’action. C'est pourquoi de nombreux chercheurs et activistes sur le terrain, notamment les féministes, cherchent à renouer avec la conception d’origine de l’empowerment.
En France, ce terme s'est invité dans la politique de la ville dans les années 2010, en réaction à un système construit d'en haut depuis trente ans par les techniciens de la ville et les politiques, sans aucune interaction réelle avec les habitants des quartiers visés. Le rapport Bacqué-Mechmache, Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera plus sans nous. Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, rendu en juillet 2013, dessine les contours d'un « empowerment à la française », teinté de valeurs hexagonales telles que l’équité territoriale. Mais les conditions politiques nationales et locales sont-elles réunies pour permettre un passage à la pratique ?
(MCD) janvier 2016.
Pour compléter
- Aurélie Delage, « Le Bronx, des flammes aux fleurs : combattre les inégalités socio-spatiale et environnementale au cœur de la ville-monde ? », Géoconfluences, 2016
- Célia Quenard et Julie Le Gall, « Microfinance et recomposition des espaces urbains. Une étude de cas à Buenos Aires », Géoconfluences, 2015
- dans le monde :
- Banque mondiale, What is empowerment ?, 2001, 14 p.
- Calvès Anne-Emmanuèle, « "Empowerment" » : généalogie d'un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers Monde 4/ 2009 (n° 200), p. 735-749
- en France :
- Bacqué, M.-H., Mechmache, M., Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Ça ne se fera plus sans nous. Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, Rapport au ministre délégué chargé de la Ville, juillet 2013.
- Vers un empowerment à la française ? À propos du rapport Bacqué-Mechmache, Thomas Kirszbaum, La Vie des Idées, 2013. Un article pour expliquer que les conditions ne sont pas réunies pour une adaptation de l'empowerment à la France
- L'"empowerment", nouvel horizon de la politique de la ville, Le Monde, 7 février 2013