Évangélisme
L’évangélisme est un phénomène religieux en pleine expansion : Cela concernerait 665 millions de personnes dans le monde en 2021. 98 millions d'évangéliques sont présents en Amérique du Nord dont 91 aux États-Unis, et près d’un million en France. Les évangéliques des Suds sont aujourd’hui les plus nombreux : 54 millions de membres au Nigeria, 46 millions au Brésil, 20 millions au Kenya, 15 millions au Congo, 9 millions en Corée du Sud. Mais il est impossible d’obtenir un chiffre précis compte tenu du fait que les statistiques officielles sont rares et que les auteurs ne sont pas toujours d’accord entre eux sur les dénominations entrant dans la catégorie évangélique.
Évangéliques ou évangélistes ?
« Le terme « évangéliques » fait référence aux fidèles d’Églises et de mouvements qui sont rattachés à l’évangélisme (autrement dit au protestantisme évangélique). Il ne doit pas être confondu avec celui d’« évangélistes », qui désigne les auteurs des quatre Évangiles du Nouveau Testament (Marc, Matthieu, Jean et Luc) ou des spécialistes des Évangiles ou de l’évangélisation (qui ne sont pas nécessairement protestants). »
Source : Le Monde diplomatique, septembre 2020, page 13.
La diffusion se fait aujourd'hui en large part en provenance des Suds qui, par leur apport en missionnaires, animent les lieux de culte des métropoles européennes : les flux d’évangélisation s’inversent, portés par les dynamiques prosélytes et diversifiées de l’évangélisme des Suds. La vitesse de diffusion en fait un des meilleurs exemples de la mondialisation culturelle à l’œuvre aujourd'hui. Cette diffusion rapide tient à trois facteurs principaux : les réseaux Internet, les migrations internationales, en particulier de l’Afrique Noire vers l’Europe, et l’organisation interne en communautés locales qui rend les missions très réactives et très flexibles.
Dans les pays du Sud, il n’existe pas un seul modèle organisationnel, mais plusieurs qui se complètent : de petites Églises locales avec un rayonnement limité, des Églises nationales ou régionales, des Églises transnationales qui s’implantent dans de nouveaux pays, souvent par le biais de ce qu’on pourrait appeler des « églises franchisées ». Parmi celles-ci, on peut citer les Assemblées de Dieu (ADD) fondées aux États-Unis dans le sillage du Réveil pentecôtiste et des Églises nées en Afrique à l’initiative d’entrepreneurs religieux, et qui connaissent actuellement une croissance importante comme Deeper Life Bible Church (Nigeria), Redeemed Christian Church of God (Nigeria),
Comment définir l'évangélisme par-delà la diversité des communautés ? Quatre caractéristiques peuvent être retenues comme typiques des évangéliques (Bebbington, 1989) :
- le biblicisme, à savoir l'autorité de la Bible dans tous les aspects de la vie du chrétien. L'évangéliste est bien un protestant.
- le crucicentrisme, soit la référence à la croix de Jésus-Christ, la voie obligée du salut des chrétiens. L'évangéliste est bien un chrétien.
- la conversion : ce n’est pas la naissance qui fait le chrétien, mais la nouvelle naissance (born again), c’est-à-dire la conversion, définie comme une rencontre personnelle avec Jésus-Christ.
- l’engagement qui fait des évangéliques des militants qui s'impliquent quotidiennement dans leurs pratiques.
Si l'on suit l'historien français Sébastien Fath (2006), l'évangélisme est un mouvement transconfessionnel, car ce qui compte pour les évangéliques, ce n’est pas l’étiquette confessionnelle, mais c’est d’être converti et « engagé pour Jésus ». On les retrouve donc dans de nombreuses Églises, dénominations, mouvements, sectes. L'évangélisme présente une grande diversité interne. Deux grandes familles se distinguent : les » piétistes-orthodoxes » et les » charismatiques-pentecôtistes ». Les premiers mettent l’accent sur la fidélité biblique, l’orthodoxie, la piété (prière, lecture de la Bible), ils se méfient des expressions émotionnelles spectaculaires. Les seconds mettent l’accent sur l’efficacité de l’action miraculeuse de Dieu au travers du Saint-Esprit, avec la prophétie, la glossolalie (capacité à parler des langues inconnues) et la guérison. Ils sont beaucoup plus expansifs que les premiers. Ces deux grandes tendances s’accordent assez difficilement et comportent, chacune, de nombreuses subdivisions internes.
L'évangélisme ne possède aucune institution centralisée, représentative de l’ensemble des Églises évangéliques. Elle est composée d'un grand nombre de réseaux évangéliques. Le mode d'organisation principal est celui de l’Église locale, de l’assemblée des fidèles, suivant un principe d’autonomie ou congrégationalisme. Il en résulte une multitude d’expressions locales diverses.
Un dossier du Monde diplomatique, paru en septembre 2020, montre l'influence grandissante des églises évangéliques sur la sphère politique et médiatique, à travers les exemples brésilien et coréen. L'analyse de la « République pentecôtiste » du Nigeria montre que si celle influence est très forte, elle n'en décide pas pour autant le résultat de l'élection présidentielle.
(MCD) octobre 2016 ; mises à jour (JBB, SB et CB) septembre 2020, septembre 2024.
Références citées
- Bebbington, David W. (1989). Evangelicalism in Modern Britain: A History from the 1730s to the 1980s.
- Fath Sébastien (2006), "Les évangéliques, c’est quoi ?", blog, 13 avril 2006.
- Dossier : Expansion de l'évangélisme, Le Monde diplomatique, septembre 2020.
Pour compléter avec Géoconfluences
- dans les villes ouest-africaines : Maud Lasseur, « Le pluralisme religieux dans la production des villes ouest-africaines », Géoconfluences, 2016.
- dans les banlieues françaises : Hervé Vieillard-Baron, « Les religions dans les banlieues : territoires et sociétés en mutation », Géoconfluences, 2016.