Génocide
Le terme de génocide a été créé en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin. L’ONU en a donné une définition juridique dans la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention de la répression du crime de génocide (art II) : il désigne les actes « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Joël Kotek, qui a travaillé sur le génocide des Herero et des Nama par les Allemands dans le Sud-Ouest africain allemand (actuelle Namibie) de 1904 à 1908, en donne une définition plus stricte. Selon lui, cinq caractères sont requis pour qualifier l’entreprise génocidaire : la désignation d’un groupe humain dont l’élimination est recherchée ; une idéologie, généralement un racisme teinté d’ethno-nationalisme ; la volonté d’éliminer totalement le groupe objet du génocide ; la décision, préméditée, d’engager cette action ; l’exécution de cette entreprise au nom de l’État.
Les liens entre territoire et génocide sont pluriels, tout d’abord en termes de contrôle territorial : « la fermeture des frontières est primordiale, et ce afin de rendre le territoire hermétique pour éviter toute fuite de victimes dans les pays limitrophes ». (Duterme, 2021). Cependant, « les massacres agissent non comme un moyen mais comme une fin en soi. En d’autres termes, il n’est ici [c’est-à-dire : dans le cas d’un génocide] pas question de « seulement » nettoyer un territoire mais d’exterminer purement et simplement un peuple considéré comme « de trop », pas uniquement ici mais partout ailleurs ». Car il s’agit, selon les euphémismes employés par les génocidaires, de « purifier », de « nettoyer » un territoire d’une population jugée indésirable. « Cependant l’extermination dépasse ainsi l’idéal de pureté territoriale et se justifie notamment par la volonté d’empêcher toutes représailles futures de la part des exilés et survivants ».
La notion de génocide est de plus en plus mobilisée dans l’analyse des conflits actuels ou récents, en particulier depuis la création « en 1993 du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui a jugé d’actes de génocide (le massacre de Srebrenica en 1995), puis l’année suivante celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda », comme le souligne Vincent Duclert (2023). Le terme revêt de plus en plus une portée symbolique, permettant de requalifier une situation locale en événement à portée mondiale. De nombreux événements tragiques, passés ou actuels, font ainsi l’objet de débats souvent violents pour leur caractérisation de génocide. La définition de 1948, moins restrictive que celle de Joël Kotek, n’évoque ni une intentionnalité précédant l’acte, ni la planification du massacre par un État (qui caractérisent par exemple le génocide des Herero et des Nama, celui des Arméniens, de même que la Shoah), et peut ainsi qualifier de génocidaire tout crime de guerre perpétré par un État contre des populations civiles.
(La rédaction) 2004, dernière modification en décembre 2023.
Références citées
- Duterme Renaud (2021). « Comprendre les génocides par la géographie ». Géographies en mouvement. 23 septembre 2021.
- Duclert Vincent (2023) « Bande de Gaza : "Une situation humanitaire, même effrayante, ne suffit pas à définir un génocide" », entretien, Libération, 28 novembre 2023.
- Organisation des Nations Unies, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 1948.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Clara Loïzzo, « Trente ans après le génocide : un "miracle rwandais" ? », Géoconfluences, mai 2024.
- Martin Michalon, « Religions, politique et espace(s) : « la question rohingya » en Birmanie (Myanmar) », Géoconfluences, octobre 2016.