Westphalien (État, diplomatie, frontière…), post-westphalien
L’ordre westphalien correspond à une situation internationale dans laquelle les États exercent les fonctions régaliennes, sont souverains, et dont les limites correspondent, au moins théoriquement, à celles des nations. Cet état de fait permet une négociation arbitrée entre des États responsables de l’application des traités ; dès lors, « les États se reconnaissent mutuellement comme seuls interlocuteurs légitimes, et définissent les traités comme outils mutuels reconnaissant les souverainetés et les tracés frontaliers des parties en fixant les lignes de front en frontières. » (Ciapin, 2018, p. 81).
L’adjectif westphalien renvoie aux traités de Westphalie de 1648, entérinant plusieurs traités négociés au cours des années précédentes par les États européens. La paix de Westphalie met fin simultanément à la guerre de Trente ans qui ravagea les États allemands et à la guerre d’indépendance des Pays-Bas espagnols. La présence de la plupart des monarchies européennes, dont la France, la Suède, l’Autriche des Habsbourg, ou encore les États pontificaux, fait considérer la paix de Westphalie comme une préfiguration des conférences interétatiques qui se sont tenues à l’issue des conflits ultérieurs tout au long des époques moderne et contemporaine : « pour la première fois dans l’histoire, les représentants des États du continent européen sont assis à une table de négociation et fixent conjointement les limites de souveraineté de chacun. » (Ciapin, 2018, p. 56).
Les frontières westphaliennes désignent des frontières bornées et cartographiées, prenant l’apparence d’une ligne et non d’une bande, privilégiant les territoires d’un seul tenant, sans laisser de vide ni permettre de superposition. Cette conception westphalienne de la frontière a été imposée hors d’Europe lors de la colonisation sans jamais s’imposer totalement partout.
L’adjectif post-westphalien est apparu dans les années 1970, d’abord dans un contexte de guerre froide pour désigner l’effacement des États derrière deux blocs supranationaux, puis dans le cadre de la mondialisation pour rendre compte de l’effacement partiel des frontières, de l’affaiblissement relatif des pouvoirs régaliens de l’État, de l’accélération des échanges économiques et culturels, et de la construction d’ensembles supranationaux tels que l’Union européenne.
(JBB) mai 2019.
Référence citée
- Étienne Ciapin. Frontières et populations : territoires, mobilités, voisinages européens. Thèse de sociologie, Université Grenoble Alpes, 2018.
Pour compléter
- Ninon Briot, Jean-Benoît Bouron et Pauline Iosti, « Les frontières disputées et conflictuelles dans le monde », carte à la une de Géoconfluences, décembre 2021.
- Raymond Woessner, « Covid-19, tramway et frontière franco-suisse dans le périurbain bâlois », Géoconfluences, novembre 2020. Une partie de l'article montre comment les frontières westphaliennes peuvent entrer en contradiction avec l'existence d'une culture et de pratiques quotidiennes transfrontalières.