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Mobilités, flux et transports

L'Airbus A380, infrastructures et logistiques d'une aventure industrielle

Publié le 29/11/2004
Auteur(s) : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon

Mode zen

Le projet consiste à livrer un avion gros porteur capable de transporter 555 passagers, et jusqu'à 800 en version charter, ce qui sera alors un record mondial. Après une période de polémiques, Toulouse a été retenue plutôt que Hambourg comme site d'assemblage final.

 

Un puzzle européen, industriel et logistique - Anatomie d'un itinéraire

La filière industrielle de l'A380 est complexe. Elle est partagée entre une très grande quantité de fabricants principaux et de sous-traitants. Il convient donc d'acheminer l'ensemble des éléments et des pièces produites dans des sites éclatés vers le site d'assemblage de Toulouse. L'ensemble de la chaîne logistique a été organisée principalement autour de la voie maritime, avec des segments fluviaux et terrestres .

Pour collecter les éléments du puzzle de chaque Airbus A380 depuis l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, jusqu'au site d'assemblage à Toulouse, Airbus a fait construire en Chine, un navire roulier spécialisé, le Ville de Bordeaux (armateur, Louis Dreyfus, agent, Seainvest).

Quelques lieux de fabrication

Les lieux de fabrication des différents éléments de l'A380 sont dispersés. Pour prendre quelques exemples :

  • une partie des ailes est fabriquée au Pays de Galles, à Broughton ;
  • les ailes sont montées en Allemagne, à Brême, où on fabrique aussi l'avant du fuselage ;
  • les parties centrales et arrière du fuselage sont construites à Hambourg ;
  • l'empennage est fabriqué à Getafe, près de Madrid ;
  • en France, les mâts des réacteurs sont assemblés aux Mureaux, les trains d'atterrissage à Oloron-Sainte-Marie, le caisson central de voilure à Nantes, la partie arrière de l'habitacle à Saint-Nazaire, différents éléments à Méaulte en Picardie ;
  • Toulouse produit le cockpit, l'information à bord, et, au-delà de l'assemblage final, assure les études, les essais en vol, la commercialisation, le SAV ;
  • l'assemblage et les essais terminés, l'avion s'envole vers Hambourg pour l'aménagement intérieur.

Une fois dans l'estuaire de la Gironde, la cargaison est transférée, au terminal 700 de Pauillac, sur une barge, Le Breuil, aux tirant d'eau et tirant d'air adaptés (en vue du délicat passage du "Pont de pierre" de Bordeaux par exemple), pour un parcours fluvial de 100 km sur la Garonne, jusqu'à Langon.

Flux d'un nouveau type sur la Garonne (diaporama)

 

De Pauillac à Langon, les éléments très volumineux de l'Airbus empruntent le chemin du fleuve. Deux ruptures de charge sont donc nécessaires.

Ci-dessus, dans l'ordre :

  • les passages de la barge sous les ponts d'Aquitaine et le "pont de pierre" à Bordeaux,
  • sur le parcours, de Pauillac à Langon, les populations riveraines assistent au renouveau du transport fluvial sur le fleuve,
  • à l'arrivée à Langon, déchargement de la barge, chargement sur une remorque automotrice puis sur les remorques du convoi terrestre regroupées en vue du départ.

 

Pour suivre les mouvements du terminal 700 à Pauillac (port autonome de Bordeaux) : www.bordeaux-port.fr

Et compléter par les propositions de la rubrique "Savoir faire" du dossier : Suivre des déplacements, des itinéraires - Les chaînes logistiques.

 

La dernière étape, de 240 kilomètres, est routière, entre Langon et l'usine de Cornebarrieu à l'ouest de Toulouse. Les convois (six ensembles routiers de 50 m de long chacun) roulent à la vitesse de 10 à 30 km/h, exclusivement la nuit, pour ne pas trop perturber l'activité locale. Il faut alors trois nuits pour faire le parcours. La circulation doit être neutralisée par tronçons de 15 km sur l'itinéraire, 50 personnes sont mobilisées. Lorsque le site d'assemblage de Toulouse fonctionnera à son régime normal (à partir de 2008), les convois se succèderont régulièrement, les barges déchargeant à Langon le lundi soir, les convois livrant l'usine d'assemblage le jeudi suivant.

L'aménagement d'une liaison routière à grand gabarit

Pour des précisions sur le "Grand itinéraire" (Itinéraire à grand gabarit, IGG) et pour avoir des nouvelles des convois, un site spécial des services de l'Équipement Midi - Pyrénées : www.igg.fr

Cet aménagement a été décidé dans l'urgence (loi d'exception de mai 2001 le décrétant "d'intérêt national") et les procédures se sont rapidement enchaînées. Malgré certaines manifestations d'opposition au projet, l'infrastructure routière a été prête pour le passage du premier convoi en septembre 2003.

Extrait de l'avis d'ouverture d'enquêtes publiques du 15 octobre au 19 novembre 2001

"Prefectures : de la Haute Garonne, de la Gironde, du Gers, des Landes - Réalisation d'un itinéraire à très grand gabarit (IGG) entre le port de Bordeaux et Toulouse.

Par arrêté interpréfectoral des enquêtes publiques conjointes sont ouvertes dans les formes prévues par le Code de l'Expropriation et le Code de l'Urbanisme. Elles porteront sur :

1) l'utilité publique des travaux d'aménagement fluvial (port de Langon) et routier (entre Langon et Toulouse) dans le cadre de la réalisation d'un Itinéraire à très grand gabarit (IGG), entre le port de Bordeaux et Toulouse, dont le maître d'ouvrage est l'État ;

2) l'utilité publique des travaux de surélévation et d'adaptation des lignes électriques Haute Tension (B), dont le maître d'ouvrage est EDF/RTE ;

3) la mises en compatibilité des Plans d'Occupation des Sols (POS) ou des Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) des communes concernées ;

4) la mise en compatibilité du Schéma Directeur de l'Agglomération de Toulouse (SDAT) ou du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) de l'agglomération de Toulouse ;

5) le statut de déviation d'agglomération pour la déviation de Cornebarrieu en Haute-Garonne."

Un réseau industriel territorialisé

Comment est-il possible de produire un avion par "petits morceaux" et dans divers lieux de production ? 1 500 entreprises se répartissent le travail sur l'ensemble de la chaîne de production (600 à Toulouse, 450 sur Hambourg, 220 environ en Grande-Bretagne).

La construction des sous-ensembles qui constituent l'A380 est répartie sur 16 sites européenns. Et, de plus, environ 70% d'un Airbus est sous-traité. La ZAC de 380 ha du site Aéroconstellation est conduite par un groupement de six communes (dont Toulouse, Blagnac et Colomiers). Des taxiways la relient à l'aéroport de Toulouse - Blagnac, entraînant la délocalisation d'Air France et d'Airbus du site de Montaudran. À la clef : 10 000 emplois et 6 500 hab supplémentaires.

Des sites industriels en réseau

Broughton (Pays de Galles)

Hambourg (site de Finkenverder, Allemagne)

Laupheim (Allemagne)

Nantes (France)

Toulouse (ZAC Aéroconstellation, France)

Toulouse (France)

Agrandissements des photos et autres documents : www.airbus.com/A380/default1.asp

 

En aval : quelles mobilités dans le transport aérien de demain ?

Le pari industriel de l'A380 est aussi un pari commercial. Il repose sur une logistique fondée sur le principe "concentration - éclatement", à partir des grandes plates-formes aéroportuaires d'interconnexion (hubs). Boeing, dans le contexte de concurrence mondiale dans laquelle sont engagés les deux avionneurs, mise plutôt sur la multiplication des lignes nationales et internationales "point à point" permettant de relier directement les villes entre elles sans passer par les hubs.

La réussite commerciale de l'A380 tiendra aussi aux capacités des plates-formes aéroportuaires de disposer des installations et des moyens nécessaires pour l'accueillir, avec ses passagers.

 


Documentation pour compléter

  • Les propositions de la rubrique "Savoir faire" du dossier : Suivre des déplacements, des itinéraires - Les chaînes logistiques.
  • Une autre page du "corpus documentaire" : Aspects du transport aérien
  • Café géographique du 27 février 2002 à Toulouse : L'aéronautique et les villes, Airbus en Europe (Toulouse, Hambourg, Madrid, Chester, etc.). Débat introduit et animé par Guy Jalabert, Frédéric Leriche, Jean-Marc Zuliani (Université de Toulouse II - Le Mirail). www.cafe-geo.net/cafe2/article.php3?id_article=165
  • Le site d'EADS : www.eads.net
  • Et sur le site d'Airbus, l'A380. A partir du "A380 Navigator", voir plus particulièrement la section > Production > Logistique : www.airbus.com/A380/default1.asp
  • Pour des précisions sur le "Grand itinéraire" (Itinéraire à grand gabarit, IGG) et pour avoir des nouvelles des convois, un site spécial des services de l'Équipement Midi - Pyrénées : www.igg.fr

 

 

Sélection et mise en page web : Sylviane Tabarly

Mise à jour :   29-11-2004

Pour citer cet article :  

Sylviane Tabarly, « L'Airbus A380, infrastructures et logistiques d'une aventure industrielle », Géoconfluences, novembre 2004.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/Mobil/MobilDoc.htm