Poumon vert
« Poumon vert » est une expression anthropomorphique souvent utilisée pour caractériser les grandes forêts tropicales, voire les forêts en général, dans la mesure où elles fixent le CO2 atmosphérique grâce à la photosynthèse. Elle fut popularisée dans la seconde moitié des années 1980 avec la prise de conscience internationale de la déforestation de l’Amazonie, cette dernière étant alors désignée « poumon vert de la planète ».
Le rôle des grandes forêts intertropicales dans la capture de CO2 est difficile à mesurer. S’il est indéniable dans le cas d’une forêt en période de croissance, une forêt à l’état d’équilibre tend à rejeter autant de CO2 qu’elle en absorbe (Selosse et Thomas, 2000). Dans tous les cas, le rôle des forêts dans l’absorption de CO2 est très inférieur à celui des océans. Pierre Thomas (2019) fait d’ailleurs remarquer que le mot poumon par analogie aux humains est ici un contre-sens, puisque le poumon des humains inspire de l’oxygène pour relâcher du gaz carbonique.
En fait, l’expression repose sur une confusion : si les forêts n’absorbent pas nécessairement du CO2, leur destruction en revanche est un puissant émetteur de GES, notamment lorsque le bois est brûlé. Dans ce cas, le CO2 accumulé dans la biomasse, qui dans une forêt en fonctionnement normal est évacué très lentement lors de la décomposition du bois, est libéré d’un seul coup en grande quantité dans l’atmosphère. De plus, les nouveaux usages qui succèdent à la forêt (agriculture, élevage...) émettent eux aussi des GES.
Depuis les années 2000, avec la médiatisation croissante de l’expression, « poumon vert » est souvent employé à d’autres échelles, de façon abusive : « poumon vert de l’Île-de-France » pour la forêt de Fontainebleau, « poumon vert de Paris » pour les bois de Vincennes ou de Boulogne. De même, de nombreuses municipalités utilisent le terme dans un cadre de marketing territorial pour justifier le verdissement de telle ou telle place ou avenue.
Pour toutes ces raisons, il est préférable d’éviter l’utilisation du terme, si ce n’est dans une perspective critique.
(JBB, SB et CB) juin 2022. Dernière modification (JBB), juillet 2023.
Références citées et liens externes
- Marc-André Selosse et Pierre Thomas, « Les forêts produisent-elles de l'oxygène ? », Planet Terre, juillet 2000.
- Pierre Thomas, « L'Amazonie, le "poumon de la Terre"… ou le révélateur des limites de nos dirigeants ? », Planet Terre, août 2019.
- Alain Labelle. « L’Amazonie, "poumon de la terre" : vraiment ? » Radio Canada 31 août 2019