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L’effondrement de la microfaune en Europe de mieux en mieux documenté

Publié le 13/11/2019

Une étude publiée dans Nature le 30 octobre 2019 et reprise dans Le Monde et Libération montre que l’effondrement des populations d’arthropodes est massif à l’échelle de trois régions allemandes.

Ce qui n'est resté longtemps qu’une intuition observée empiriquement par les jardiniers est de mieux en mieux documenté par des études scientifiques réalisées sur le temps long. Cette étude parue dans Nature applique un protocole strict, sur une période de 9 ans (2008-2017) et sur 290 sites dans trois régions allemandes, qui a permis de collecter des données sur plus d’un million d’arthropodes.

Les arthropodes représentent le plus grand nombre d’espèces animales puisque cet embranchement inclut notamment les araignées et les insectes. Leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes est considérable et l’effondrement de leur population peut avoir des répercussions sur toutes les autres composantes de la biosphère.

 
Résumé de l’étude publié par ses auteurs

Les études récentes signalant localement des extinctions d’espèces d’arthropodes et des déclins massifs de la biomasse arthropode mettent en avant l’intensification des usages du sol comme facteur majeur de déclin de la biodiversité. Cependant, à notre connaissance, il n’existe pas de série chronologique multisite des occurrences d’arthropodes croisées avec l’intensité des usages des sols permettant de confirmer une relation causale. En outre, les types d’usage du sol et de groupes d’arthropodes concernés ne sont pas encore clairement établis, ni si les déclins de biomasse et de diversité observés sont liés à l’un ou à l’autre. Nous avons analysé dans cette étude des données provenant de plus d’un million d’arthropodes individuels (environ 2 700 espèces), à partir d’inventaires standardisés réalisés entre 2008 et 2017 dans 150 sites de prairies et 140 sites forestiers de trois régions en Allemagne. Globalement, la diversité gamma [diversité des espèces dans un milieu donné] dans les forêts et les prairies a décru dans le temps, indiquant une perte d’espèces dans les différents sites et régions. Dans les prairies échantillonnées chaque année, la biomasse, l’abondance et le nombre d’espèces ont respectivement décliné de 67 %, 78 % et 34 %. Le déclin est conséquent dans tous les niveaux trophiques [place dans la chaîne alimentaire] et affecte principalement les espèces rares ; son intensité est indépendante de l’intensité des usages du sol. Cependant, les sites intégrés à des paysages ayant les plus grandes parts de couvert agricole montrent un déclin plus fort dans le temps. Dans les trente sites forestiers inventoriés annuellement, la biomasse et le nombre d’espèces ont respectivement décru de 41 % et 36 %, mais pas l’abondance. C’est ce que confirment les analyses de tous les sites forestiers échantillonnés sur un intervalle trisannuel. Le déclin affecte les espèces rares et les espèces abondantes, et les tendances diffèrent selon les niveaux trophiques. Nos résultats montrent un déclin de grande ampleur de la biomasse arthropode, de l’abondance et du nombre d’espèces à travers les niveaux trophiques. Le déclin des arthropodes dans les forêts montre que les pertes ne sont pas limitées aux milieux ouverts. Nos résultats suggèrent que les facteurs principaux du déclin des arthropodes agissent à des échelles spatiales vastes et sont, au moins pour les prairies, associés à l’agriculture à l’échelle du paysage. Cela implique que les politiques doivent agir à l’échelle du paysage pour réduire les effets négatifs des pratiques d’utilisation des sols.

disparition des insectes

Seibold, S., Gossner, M.M., Simons, N.K. et al. "Arthropod decline in grasslands and forests is associated with landscape-level drivers". Nature 574, 671–674 (2019).

Traduit de l’anglais par Géoconfluences


 
Pour compléter
Cet article paru dans The Conversation le 30 octobre 2019 indique une méta-étude établissant le bilan de la littérature internationale sur les facteurs de déclin de l’entomofaune, à l’échelle mondiale. Les faits saillants de l’étude sont alarmants :
  • Plus de 40 % des espèces d’insectes sont menacées d’extinction.
  • Les Lépidoptères, les Hymenoptères et les Coléoptères sont les taxons les plus affectés.
  • Quatre taxons aquatiques sont menacés et ont déjà perdu une importante proportion d’espèces
  • La perte de leurs habitats par conversion vers l’agriculture intensive est le facteur principal de déclin
  • Les polluants agro-chimiques, les espèces invasives et le changement climatique sont des causes supplémentaires.

Source : Sánchez-Bayo Francisco & Wyckhuys Kris, “Worldwide decline of the entomofauna: A review of its drivers”, Biological Conservation, volume 232, April 2019, pages 8-27.

Pour aller plus loin
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