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Le Brésil, ferme du monde ?

Questions foncières et politiques de réforme agraire au Brésil

Publié le 15/05/2009
Auteur(s) : Ludivine Eloy - CNRS
Pablo Sidersky - Instituto Interamericano de Cooperación para la Agricultura (IICA) et Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária (INCRA
Jean Philippe Tonneau - Centre international de recherche agricole en coopération pour le développement (Cirad)

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1. Genèse des inégalités foncières au Brésil

2. Les politiques publiques d'accès à la terre

3. Les impacts de la politique de "réforme agraire"

 

Le processus de colonisation européenne au Brésil [2] s'est traduit par l'élimination d'une grande partie des populations amérindiennes pour l'appropriation de la terre. Le Portugal a opté pour la concession d'immenses portions de territoire à quelques notables en donnant la priorité au développement des plantations pour une agriculture d'exportation. Aussi, le marché intérieur a souvent été négligé [3] et la production alimentaire brésilienne a largement dépendu d'une agriculture familiale, dont l'accès à la terre n'a jamais été stabilisé. Et l'exploitation minifudiaire [4], "rejetée sur les versants abrupts, intégrée aux réserves indiennes ou tolérée dans les grands domaines", a servi avant tout comme pourvoyeuse de main d'œuvre à bas prix aux grands domaines latifundiaires (Dufumier, 1986 : 63).

Mais si aujourd'hui au Brésil l'inégalité foncière demeure plus forte que jamais, l'agriculture familiale [5] fait preuve d'un étonnant dynamisme (Sabourin et al., 2005). Pour expliquer cette situation, nous nous proposons de traiter dans une première partie l'histoire des structures agraires brésiliennes. Dans la deuxième partie, la présentation du débat sur la question foncière permettra de mieux comprendre les différentes politiques publiques mises en œuvre depuis le XVIIIe siècle. Une troisième partie esquissera un bilan des différentes politiques actuelles et proposera quelques perspectives.

Genèse des inégalités foncières au Brésil

La période coloniale et l'imposition du grand domaine

C'est en 1534, quelques années après la découverte du Brésil, que la couronne portugaise divise le territoire brésilien en 15 capitaineries héréditaires (carte ci-dessous) (Piletti 1990). Chacune était attribuée à un capitaine-gouverneur, chargé de l'occuper et de la peupler. Il pouvait concéder de vastes domaines (sesmarias) à des familles de notables portugais. Ces derniers vont les diviser pour en distribuer des portions à des "obligés" qui vont développer la production de sucre en plantation.

Sur la côte atlantique, la première zone colonisée, la production et la transformation du sucre a permis de contrôler progressivement le territoire (Furtado 1977 ; Ferlini 1986). La main d'œuvre des plantations est constituée d'esclaves d'abord amérindiens, puis d''origine africaine via la traite (Menard et Schwartz 2002). Ce système a pour conséquence la concentration des terres et du pouvoir économique dans les mains d'un petit nombre de familles (Andrade, 1963).

Mais dès son origine, la plantation ne peut vivre que grâce à la présence d'une classe de travailleurs agricoles, libres mais dépendants. Ces dépendants étaient des esclaves affranchis ou des "petits blancs", émigrés volontaires ou exilés qui n'avaient qu'un choix limité d'activités. Ils ont eu un rôle particulièrement important dans le processus de colonisation de l'intérieur des terres qui avait pour objet la capture d'indiens pour en faire des esclaves, puis le développement de l'élevage pour fournir les animaux nécessaires au fonctionnement des raffineries de sucre.

Les nouvelles terres conquises restaient attribuées en "sesmarias" aux familles influentes qui possédaient leurs propres troupeaux et qui concédaient certaines parties du domaine en faire-valoir indirect (Antonil, 1982). Le propriétaire était "absentéiste". Il habitait en ville ou dans la plantation de sucre. Le domaine était exploité par un dépendant, le vaqueiro, le plus souvent rémunéré par le système du "quart " [6].

Peu à peu, les activités se sont diversifiées selon les zones : production alimentaire ou autres cultures d'exportation en fonction des cycles économiques, qui sont une des caractéristiques de la formation du Brésil (Thery et al. 1991 ; Droulers, 2001) (cartes ci-dessous)

La division de l'Amérique portugaise en capitaineries

Carte de Luís Teixeira (c. 1574), bibliothèque de Ajuda (Lisbonne)

Au coté des agriculteurs "dépendants", il y a toujours eu une paysannerie libre. À la fin du XVIIIe siècle, dans l'État du Pernambuco, région la plus anciennement colonisée et grande productrice de canne, la population était constituée presque au trois-quart d'agriculteurs pauvres mais libres (Palacios 2004). L'importance économique du paysannat est attestée par d'autres auteurs (Couty 1844; Forman 1979 ; Linhares et Teixeira da Silva 1981). Certains de ces agriculteurs se sont installés dans les régions moins accessibles, sur la frontière : ils étaient appelées les "posseiros" (les possédants, c'est à dire munis d'un seul droit d'usage, sans droit de propriété).  Ils produisaient des aliments mais aussi du tabac et le coton (carte ci-dessous).

Formation et maillage du territoire

Réalisation : H. Parmentier

Au Pernambuco (voir la carte ci-dessus pour la localisation des États de la fédération), cette relative liberté a duré jusqu'à ce que les grands propriétaires producteurs de sucre étendent les surfaces cultivées en raison de la hausse généralisée des prix agricoles. Des milliers de paysans sans titre foncier ont été alors expulsés à la fin du XVIIIe.

Cet événement est significatif de l'histoire agraire du Brésil. Les paysans libres peuvent utiliser la terre jusqu'à ce qu'elle ait une valeur économique. L'absence des titres de propriété permet toujours la récupération des terres au profit des grands propriétaires.  Le recours aux armes est alors fréquent et entre dans le cadre du grilagem [7] et c'est une pratique toujours courante.

Les paysans ont alors migré vers l'ouest pour défricher de nouvelles terres. Ils ont pu aussi se fixer dans l'environnement du "latifundia", si des besoins en main d'œuvre existaient, sous des statuts divers, mais toujours de dépendance. 

Dans le Nordeste c'est la morada qui s'est imposée. Le morador (habitant) est soit un métayer (surtout dans le Sertão), soit un paysan installé sur les terres "d'un autre" et qui travaille pour lui ponctuellement.

On remarque donc que la situation socio-économique de l'agriculture familiale brésilienne a toujours dépendu des besoins en terre et en main d'œuvre dans les grandes propriétés, malgré des tentatives croissante de régulation.  L'analyse historique du débat et des lois autour des questions foncières à partir du XIXe siècle permet de préciser cette évolution.

Les premières tentatives de régulation foncière

À la veille de son indépendance en 1822, le Brésil compte 4 millions d'habitants (190 millions à la fin de 2008 [8]). D'immenses superficies sont encore officiellement non-occupées, car les droit d'usage des terres des amérindiens et autres agriculteurs familiaux peut être toujours contesté vu la faiblesse des instruments juridiques et le caractère rudimentaire du cadastre. Juste après l'indépendance, l'Empire brésilien décrète l'indépendance avec le Portugual et abolit le régime des sesmarias. Le vide juridique renforce le processus selon lequel la terre est à celui qui se l'approprie et fait acte de possession (posse). L'accès à la terre dépend toujours des rapports de force et le grilagem assure l'expulsion des agriculteurs familiaux.  Ce mode d'appropriation "physique" exacerbe les tensions d'autant plus que le cycle du café commence et que les besoins en terres et en main d'œuvre sont importants. Au XIXe siècle, la plupart des terres des régions de Rio de Janeiro, São Paulo et Minas Gerais, souvent occupées par des petits agriculteurs familiaux posseiros, sont transformées en grands domaines caféiers (del Priore et Venâncio 2006).

En 1840, la quantité de terre revendiquée en posse au Brésil est immense. Certains revendiquent 130 000 hectares ! Établir de nouvelles règles concernant l'accès et la transmission du foncier apparaît nécessaire pour diminuer la violence. Nous avons vu qu'au Nordeste, plus anciennement peuplée, le morador apparaît vite comme la solution permettant de garantir une réserve de main d'œuvre pour les activités de récolte. En revanche dans les régions où les plantations de café se développent rapidement (surtout l'État de São Paulo) et dans les zones frontalières où l'État souhaite contrer les ambitions des nations voisines, l'immigration européenne offre de nouvelles possibilités.

À partir de 1850, avec les premiers signes de l'abolition de l'esclavage [9], l'élite terrienne a intérêt à limiter l'accès à la propriété sur les terres libres, afin que les esclaves affranchis et les immigrés restent à proximité des plantations et continuent d'y travailler. Le débat politique porte alors sur le modèle de colonisation et le statut de ces populations. Pourront-elles avoir accès à la propriété de la terre, dans un colonat où chaque immigrant est installé sur un lot, déjà cadastré, et reçoit un titre de propriété définitif remis après quelques années d'exploitation ? Ou, au contraire, devront-elles se contenter d'un statut de salariat agricole ? En d'autres termes, le débat porte sur le choix de l'option de "la terre chère pour garantir une main d'œuvre bon marché" contre celle d'une "terre bon marché", comme source de prospérité pour le plus grand nombre. Le débat a été vif. Quelques uns, bien peu nombreux, il est vrai, ont même avancé l'idée de distribution de lots aux esclaves au moment de leur affranchissement (Andrade 2004, Pereira Sodero 1990) .

Finalement, la loi sur la terre est votée en 1850. Elle stipule que les terres encore non occupées deviennent propriété de l'État et qu'elles ne peuvent être aliénées que par la vente. Les posseiros, quelle que soit la superficie des terres revendiquées, peuvent régulariser leur situation. Même si elle est limitée, le prix à payer est toujours bien trop élevé et le processus trop complexe pour que les agriculteurs posseiros les plus pauvres accèdent à la propriété. La situation ne change pas fondamentalement d'autant plus que faute de moyens administratifs, la loi sur la terre a été peu appliquée. La "loi du plus fort" et l'usurpation de terres continuèrent au profit de l'oligarchie. En fait, la loi sur la terre reconnaît les situations acquises et rend presque impossible l'installation des anciens esclaves ou des nouveaux migrants. Durant tout le XIXe siècle, dans les régions du café, les immigrés européens travaillent au service des grands domaines (les fazendas) dans un système de métayage. Le modèle de la plantation est encore une fois privilégié par rapport au modèle d'agriculture familiale.

Il faut noter cependant l'exception notable du sud du pays où une partie importante des terres publiques (un tiers de l'État de Santa Catarina, notamment) est vendue à des entreprises de colonisation. Après avoir chassé et spolié les amérindiens et "caboclos" (métis) encore présents, ces entreprises attirent des colons d'origine européenne et octroient des droits de propriété sur des lots. L'agriculture de cette région sera plus orientée sur la satisfaction du marché intérieur. La moindre dépendance envers le marché d'exportation et la relative sécurité foncière sont à l'origine de la force de l'agriculture familiale dans le sud du Brésil, force qui perdure jusqu'à aujourd'hui (Abramovay, 1981).

La modernisation conservatrice et ses conséquences

Le débat sur l'accès à la terre revient d'actualité après la Seconde guerre mondiale. Le retard de l'économie brésilienne est directement imputé au secteur agricole dont le niveau technologique, la faible capacité à nourrir les populations, la difficulté à fournir des produits pour l'industrie et à engendrer une demande "solvable" en intrants sont considérés comme autant d'obstacles au développement. Le secteur agricole "traditionnel" doit être modernisé. C'est surtout la critique du système latifundiaire qui fait consensus mais le débat subsiste sur les priorités à donner à sa modernisation. Faut-il d'abord réaliser la réforme agraire pour donner naissance à des exploitations familiales ou privilégier le développement d'une agriculture d'entreprise ?

Qu'est-ce qu'une réforme agraire ? Des définitions 

"Dans son acception courante, la réforme agraire se définit comme une opération de redistribution foncière en faveur des paysans les plus démunis en terre. Elle peut impliquer des mesures destinées à partager aussi les autres moyens de production agricole : matériel, bâtiments d'élevage, cheptel, eau d'irrigation, etc. Elle signifie un transfert de tout ou une partie des revenus des anciens propriétaires (rente foncière, profit capitaliste) vers la paysannerie pauvre". (Dufumier, 1986 : 57). En redistribuant la propriété foncière et les moyens de production monopolisés par l'oligarchie terrienne et en assurant à la paysannerie un accès plus égalitaire au foncier, la réforme agraire a pour objectif de mettre en place des exploitations agricoles beaucoup plus productives que celles des grands domaines extensifs ou des petits lopins étriqués. […] Mais pour devenir effective, la réforme agraire suppose de profonds changements dans les rapports de forces entre les classes sociales. […] En tant qu'intervention de l'État, la réforme agraire n'a de chance d'être pleinement réalisée que si elle est conforme aux intérêts des classes dirigeantes. (ibid : 61-62). En Amérique Latine, les tensions issues de la situation agraire se multiplièrent au cours du XXe siècle […]. Il y eut finalement peu de véritables réformes agraires, si on conserve la notion au sens strict de "redistribution foncière qui remet en cause la propriété du sol agricole" (Bret, 2002 : 109). [...] Les positions idéologiques qui s'affrontaient en Amérique latine […] aboutirent à trois types de réformes : les redistributions amples et radicales, opérées soit par des gouvernements démocratiques […] soit par des États autoritaires et modernisateurs ; des redistributions limitées, effectuées avec l'accord des grands propriétaires ; ou des mesures qui consistaient à attribuer des terres considérées comme "vides". (Dureau et al, 2006).

L'avènement des militaires en 1963 clôt le débat et le choix de la réforme agraire est écarté. Le nouveau gouvernement opte résolument pour la colonisation de terres "vierges", principalement en Amazonie et pour la modernisation des latitundia : l'apparition, à la fois d'entreprises rurales capitalistes [10] chargées de répondre à la demande externe, et d'une paysannerie, classe rurale moyenne, chargée de la production alimentaire destinée au marché interne, est la conséquence attendue de cette transformation (Weid et al., 2003). Les évolutions selon les zones et les produits sont diverses. Dans certaines régions, la faillite de grands domaines permet l'installation des anciens paysans dépendants. Dans d'autres situations, la mécanisation contribue à l'expulsion des moradores. En règle générale, l'agriculture familiale, sauf au sud, a rencontré des difficultés à se moderniser. La monoculture en grands bassins de production s'est généralisée, une agriculture puissante et de plus en plus insérée dans la filière agroalimentaire s'est constituée. C'est elle qui a fait que le Brésil est devenu la deuxième puissance exportatrice de produits agricoles du monde de nos jours.

L'agriculture familiale, présente dans toutes les régions sous des formes différenciées est soumise aux exigences de la compétitivité. La modernisation exige des superficies par actif plus importantes alors que la croissance démographique soutenue de la deuxième moitié du XXe siècle entraîne une diminution de la taille des propriétés (Dureau et al., 2006). Cette contradiction se traduit par un fort exode rural et une demande en terres largement insatisfaite. Les sans-terre deviennent des journaliers et offrent leur travail aux propriétaires qui les recrutent à la journée. Ils vivent souvent dans les bidonvilles des agglomérations proches des exploitations.

Face à cette demande de terres, les politiques publiques ont longtemps privilégié la conquête de nouveaux espaces agricoles grâce à la colonisation des savanes arborées des plaines centrales (les cerrados) et de l'Amazonie (Heredia et al. 2002). La revendication du droit à la terre comme droit fondamental s'est organisée, entraînant la mise en œuvre de politiques de réforme agraire, à la fois par la création de périmètres dans de nouvelles zones de colonisation et dans des terrains expropriées, ainsi que par la création d'une politique de crédit foncier. Ce sont ces trois axes (colonisation, réforme et marché) qui ont constitué l'essence des politiques foncières.

Les politiques publiques de réforme agraire

La naissance d'une politique d'accès à la terre

Depuis la loi sur la terre (1850) la situation foncière a très peu évolué jusqu'aux années 1960. Notons cependant qu'en 1930, l'expropriation de terres considérées comme d'intérêt public est autorisée et qu'en 1946, la nouvelle constitution attribue une fonction sociale à la terre [11]. Promulgué au début du gouvernement militaire, en 1964, le Statut de la terre veut encadrer les mouvements de revendication qui se multipliaient. Il établit une logique d'intervention sur le foncier par l'expropriation – il prévoit même la désignation des "zones prioritaires de la réforme agraire" – et aussi par l'encadrement et l'appui à la colonisation. C'est le premier instrument de politique terrienne, toujours en vigueur, qui prévoit d'intervenir sur l'accès à la terre et à la propriété et qui oriente les actions des organismes gouvernementaux chargés d'administrer le crédit agricole et la réforme agraire. Cependant, les gouvernements militaires n'ont utilisé que les instruments visant la colonisation, négligeant complètement l'aspect de redistribution des terres. En fait, l'initiative gouvernementale de réforme agraire est inhibée par le Code Civil (1916), qui, plus conservateur, bénéficie aux élites terrienne. Cette politique de colonisation a perduré comme priorité jusqu'à la promulgation de la Constitution Fédérale de 1988 qui légitime plus clairement la désappropriation des terres pour la réforme agraire (Bruno, 1995).

Réforme agraire ou colonisation de "nouvelles terres" ? La migration organisée vers l'Amazonie

La colonisation et l'occupation de l'Amazonie est ancienne. Si le mouvement de migration et d'appropriation privée des terres en Amazonie a commencé spontanément, le gouvernement militaire le favorise au nom du progrès, de l'équité et de l'affirmation de sa souveraineté sur les territoires périphériques. Parallèlement à la construction de routes et d'infrastructures pour l'exploitation des ressources minières et hydroélectriques, trois politiques de colonisation vont se succéder et se superposer en Amazonie : appui à une colonisation privée, organisation directe par l'État de la colonisation, régularisation foncière. L'Institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA), créé en 1970, doit encadrer ces actions.

Tout d'abord, (1966-1991), le gouvernement finance des entreprises désireuses d'investir en Amazonie. Les avantages fiscaux et les crédits subventionnés facilitent l'émergence de projets de colonisation privée, notamment dans le Sud de l'Amazonie. Le gouvernement organise ensuite la colonisation officielle (1971-1974). L'INCRA met en place des plans de colonisation aux abords de la route transamazonienne en construction. Selon le slogan officiel, l'axe qui devait relier Recife au Pérou devait donner "de la terre sans homme pour des hommes sans terre". Des lots de 100 hectares sont attribués aux familles avec un titre provisoire de propriété. Enfin, la régularisation foncière (1975-1979) offre un cadre pour la titularisation de la terre, essentiellement pour les grandes propriétés d'élevage (De Reynal, 1999) qui se sont constituées grâce au grilagem. En effet, les éleveurs s'approprient en général les terres des premiers occupants, qui n'ont pas de titre de propriété, ni même de titre provisoire de l'INCRA [12].

À côté des grandes entreprises agro-industrielles qui s'installent en Amazonie, deux principaux types d'agriculteurs familiaux ont tenté leur chance dans la forêt. Les premiers sont les paysans venus du Nordeste, expulsés des grands domaines qui se modernisent. Ils arrivent généralement avec très peu de capital de départ. Ils sont le plus souvent les premiers défricheurs de la forêt, et occupent la terre, sans garantie foncière. Certains verront leurs droits fonciers reconnus par la suite grâce à la politique des assentamentos (cf. infra). L'autre groupe est formé par les agriculteurs familiaux venus généralement du Sud, possédant un petit capital, qui intègrent les projets privés de colonisation, ou qui occupent les espaces réservés par l'INCRA pour l'installation de petites fermes d'élevage (500 à 3 000 ha) et de plantations. Ils étaient les moins compétitifs d'une agriculture qui se modernise au Sud où les propriétés sont de plus en plus morcelées (cf. supra).

L'État brésilien démocratique (post 1985)  et la politique des assentamentos

Depuis la fin de la dictature, les mobilisations sociales sont devenues plus actives. Les mouvements de lutte pour la terre (comme le Mouvement des Travailleurs sans-terre / MST [13]) ont deux principaux types d'actions : soit ils organisent l'occupation de grandes propriétés considérées comme non productives, soit ils encadrent la résistance des agriculteurs cultivant déjà une terre (posseiros, métayers, fermiers, moradores) afin d'obtenir un droit de propriété. Face à cette pression, surtout à partir de 1995, l'INCRA a multiplié la création des assentamentos : il s'agit de territoires divisés en plusieurs lots, situées sur le domaine foncier public ou sur des terrains expropriés et sur lesquels ont été installées des familles sans terres à des fins d'agriculture. Ils ont permis l'installation de 790 000 familles (total cumulé en 2007, tableau ci-dessous) [14]. En Amazonie, il est courant que le périmètre soit créé par l'INCRA après l'occupation de la zone par les sans-terre. Les occupants n'obtiennent alors qu'un titre foncier provisoire, c'est-à-dire un "contrat de concession d'usage", qui leur permet d'avoir accès aux crédits. L'octroi du titre définitif n'intervient souvent qu'après de nombreuses années d'occupation, une fois l'assentamento "consolidé".

Les résultats de la politique publique de réforme agraire au Brésil

Date et source
1984 (INCRA 2000) 
1994 (INCRA 2000)
Fin 1999 (INCRA 2000)*
Octobre 2007 (INCRA 2007)
Projets d'assentamentos
 
 
3 518
7 784
Superficie (ha)
 
 
 
73 306 000
Nombre total de familles "installées" (cumulé)
166 200
316 300
682 200
790 521

*Guanzirolli, Romeiro et al. 2001

Campement du MST dans l'État du Pará

Source :
www.mst.org.br/mst/pagina.php?cd=835

Selon le Censo Agropecuário 2006 (IBGE), il y aurait au Brésil 5 204 000 exploitations, travaillant sur 355 000 000 d'hectares. Cela signifierait donc que les 790 000 familles installées représentent 15% du total des exploitations, et que les 73 millions d'hectares attribués correspondent à 20% du total des terres. Ces chiffres doivent être relativisés car 60% de ces installations ont eu lieu en Amazonie et ces installations n'ont pas été souvent pérennes (Arnaud de Sartre et Sébille, 2009). Le taux d'abandon des lots octroyés aux sans-terre varie en fait considérablement selon la période et la région considérée. Alors que les assentamentos des régions Sud et Nordeste enregistrent généralement de faibles taux d'abandon, celui-ci peut atteindre 62% dans certains lieux d'Amazonie (Servolo et Leite, 2004).

Sparoveck (2003) indique que ce taux a été particulièrement élevé durant le mandat Cardoso (1995-2001), durant lequel 57 271 familles sur 386 000 (14,8%) ont abandonné leur lot, puisque la majeure partie de ces assentamentos ont été créés en Amazonie dans des conditions de vie très difficiles.

Familles en occupations et familles installées : 1988 à 2006

Source : www4.fct.unesp.br/nera/atlas/luta_pela_terra.htm

Nous remercions vivement Eduardo Paulon Girardi pour nous avoir permis de publier deux cartes figurant dans son remarquable "Atlas de la question agraire brésilienne" (Atlas da Questão Agrária Brasileira).

Depuis 1988, on estime que près d'un million de sans-terre ont réalisé des occupations dans le cadre de mouvements de lutte pour la terre (Girardi, 2009). Mais la carte ci-dessus montre une claire opposition entre les zones d'occupations (situées dans le sud, centre-ouest et nordeste), et les principales zones assentamentos (situées principalement au nord). Or, les régions Centre-Sud et Nordeste sont celles où se concentrent la majeure partie de la population, la plupart des familles expropriées par la modernisation agricole, mais aussi l'essentiel des services publics et de la demande alimentaire interne. C'est donc dans ces régions là que le latifundium est le plus mal accepté et où la réforme agraire jouerait véritablement son rôle pour le développement agricole durable du Brésil. Il semble donc que les problèmes agraires locaux ne sont pas résolus avec la politique d'assentementos au nord, ce qui explique le maintien des conflits (op. cit.).

La réforme agraire par le marché

Durant les années 1990, les occupations de fazenda par le MST se sont multipliées et les violences en milieu rural se sont intensifiées. Cela a amené le gouvernement Cardoso à augmenter les procédures d'expropriation de grandes propriétés improductives, mais aussi à trouver d'autres solutions, comme la réforme agraire par le marché. Depuis 1997, le modèle de développement adopté par les économies latino-américaines libérales a été élargi au régime foncier. La réforme agraire basée sur le marché, avec l'appui de la Banque mondiale, est considérée comme plus rapide, moins coûteuse et moins conflictuelle que les réformes agraires traditionnelles. L'objectif est d'intervenir sur le marché foncier pour financer l'accès à la terre. Ses principes fondamentaux sont que les transferts doivent être volontaires, le gouvernement jouant un rôle de médiateur dans la négociation entre acheteurs et vendeurs.

Ces politiques excluent l'expropriation et s'appuient sur des impôts progressifs visant à inciter les propriétaires des grands domaines inexploités à vendre leurs terres. Il ne s'agit pas ici de redistribuer la terre mais plutôt de combiner des mécanismes de cession et de financement. La Banque mondiale a appuyé le gouvernement dans le financement du programme Cédula da Terra et pour la création de la Banque des Terres (Banco da Terra). Face aux résultats mitigés de ces deux programmes (le dernier a été interrompu en 1999), une meilleure implication des mouvements sociaux dans le dispositif a été jugé nécessaire. Depuis 2001, le gouvernement a lançé le Programa Nacional de Crédito Fundiário (PNCF), d'inspiration similaire et associant la principale centrale syndicale agricole, la CONTAG.

C'est dans un contexte de conflit entre le gouvernement, les grands propriétaires et les mouvements sociaux que  Lula a été élu président en 2002. Compte tenu de son passé et de sa campagne électorale, les mouvements de lutte pour la terre attendaient de ce gouvernement une accélération notable du rythme des expropriations. Mais, si celui-ci a recours à l'expropriation, il fait également de l'agrobusiness un des piliers principaux de son plan de développement économique. La réforme agraire sous le gouvernement de Lula n'a donc pas l'ampleur que les mouvements sociaux souhaiteraient.

Les impacts de la politique de "réforme agraire"

Échec des fronts pionniers comme alternative à la réforme agraire

Malgré la croissance sans précédent du nombre de familles installées depuis le retour à la démocratie (1985), facilitée durant les années 1990 par la chute du prix de la terre qui a suivi la stabilisation monétaire (Veiga, 2003) [15], les modifications dans la structure agraire ne sont visibles que sur le plan local. Cela signifie que, si la création d'assentamentos a un impact important à l'échelle des communes rurales concernées (production agricole, niveau de vie des paysans les plus pauvres, infrastructures, etc.), l'intervention publique n'a pas modifié de manière radicale la concentration de la propriété de la terre au Brésil (Hoffman, 1998). De fait, de nombreuses contraintes politiques, économiques et environnementales empêchent un véritable rééquilibrage des inégalités foncières.

À partir de l'étude d'un échantillon d'assentamentos, Heredia et al. (2002) observent la concentration des projets de réforme agraire dans des régions spécifiques. La formation de  "territoires de la réforme agraire" est liée à la crise des grandes plantations (cacao dans le sud de la Bahia, canne à sucre sur le littoral du Nordeste, coton dans le sertão cearense), à la difficulté de reproduction de la petite agriculture dans le sud du pays (l'ouest de l'État de Santa Catarina), et à la faillite des grandes entreprises financées par l'État dans le sud-est du Pará. La carte suivante montre que, depuis le début de la réforme agraire, si les assentamentos crées sont répartis dans l'ensemble du pays (et correspondent, comme on l'a dit, aux régions agricoles en crise), les fronts pionniers d'Amazonie restent les zones qui accueillent le plus grand nombre de sans-terre et les plus grandes surfaces d'assentamentos.

Répartition des assentamentos, de leurs bénéficiaires et de leur surface au Brésil de 1979 à 2006

 

Source : Atlas da Questão Agrária Brasileira
www4.fct.unesp.br/.../luta_pela_terra.htm

Schéma de l'évolution de la colonisation en Amazonie à la fin du XXe siècle

Source : Théry et Fleury, 2000, d'après Martin Coy (1986)

Dans la plupart des assentamentos des fronts pionniers d'Amazonie, on constate un phénomène de substitution de colons et de concentration foncière. En effet, les premiers installés sont en général des familles pauvres et sans terre issues d'un autre front pionnier amazonien ou d'exploitations familiales en crise du Centre-Sud et du Nordeste (Arnaud de Sartre et Sébille, 2009). Cherchant avant tout à assurer leur sécurité alimentaire, manquant de capital et d'outils performants pour défricher, et n'ayant pas de titre de propriété définitif (statut de posseiro ou d'assentado), ils pratiquent un système de culture sur abattis-brûlis (riz, manioc, haricot, maïs). Peu à peu, ils sèment du pâturage de façon à valoriser leur terrain. Après une période qui peut aller de 5 à 15 ans, une fois qu'une partie du terrain est défriché et planté en pâturage, les agriculteurs les mieux dotés en capital leur rachètent leurs terres, pour y pratiquer, le plus souvent, l'élevage bovin extensif. Les premiers occupants, et surtout leurs enfants, tendent à repartir vers un front pionnier plus récent. Par exemple, Martin Coy (1986)a montré que 63% des colons installés par l'INCRA sur des lots de 100 ha d'un assentamento du Rondônia avaient vendu leurs terres onze ans après leur arrivée, laissant place à des minifundia, juxtaposés aux latifundia aux mains des grands éleveurs (cf. schéma ci-dessus).

Au fur et à mesure qu'ils s'enrichissent, les grands exploitants habitent de plus en plus en ville, créant des commerces et/ou confiant la gestion du domaine à un régisseur, ce qui explique, entre autres, une urbanisation particulièrement rapide sur les fronts pionniers (Lena, 1986). En résumé, le bilan de la colonisation en Amazonie est contrasté. La colonisation de terres dites "libres " ou "mal valorisées" tend à reproduire ou accélérer le modèle d'expansion territoriale brésilien, reportant le problème des inégalités foncières et de l'injustice sociale sur de nouveaux espaces. De plus, les impacts négatifs, sociaux et environnementaux [16], sont considérables. Les pouvoirs publics ont été dépassés par la colonisation spontanée et les projets d'assentamentos privés. L'objectif, en 1970, était d'installer, en Amazonie, 500 000 colons en 5 ans. Malgré ses efforts [17], l'INCRA n'a pu encadrer qu'une fraction des migrants arrivant dans la région, et n'a pu garantir la réalisation des infrastructures nécessaires [18] (Lena, 1986 ; Veiga, 2003). En fait, l'occupation de l'Amazonie est un processus dans lequel l'INCRA est loin d'être l'acteur principal, puisque les processus d'occupation spontanée et les investissements privés sont dominants.

Cependant l'action de l'INCRA a permis la stabilisation de l'accès à la terre pour les agriculteurs familiaux. En effet, le titre de posse, même s'il ne s'agit pas encore d'un titre de propriété privée, donne une meilleure capacité, toujours relative, pour résister aux phénomènes de grilagem. Par ailleurs, la vente d'un lot d'assentamento peut être réalisée au profit d'une famille ayant des conditions de vie similaire, ne provoquant pas forcément la concentration foncière, comme on l'observe souvent dans le nordeste ou le centre-Sud (Sidersky, comm. pers).

Une lutte pour la terre relayée par les pouvoirs publics ?

Ailleurs dans le pays, si l'INCRA affiche un nombre élevé d'installations depuis le retour à la démocratie, ces installations découlent pour la plupart des luttes sociales des travailleurs sans terre. Les actions encadrées par les mouvements de travailleurs constituent en fait le moteur de la réforme agraire, les installations étant souvent légitimées a posteriori par l'INCRA (Heredia et al. 2002).

Sur un échantillon de 92 assentamentos, Heredia et al. (2002) montrent que 88 d'entre eux (95%) étaient nés d'un conflit. En fait, le principal résultat obtenu par l'INCRA est la régularisation des situations de posse. Selon l'histoire régionale ou locale, une part importante des familles installées par l'INCRA était auparavant des posseiros, des métayers ou des moradores cultivant déjà sur le lieu de l'assentamento, occupant des terres vacantes ou une partie d'un terrain non exploité par le propriétaire. L'INCRA a permis la reconnaissance des droits d'usage, toujours précaires.

D'autres familles installées sont celles des anciens métayers ou moradores. Dans ce cas il s'agit de familles qui ont été expulsées ou qui sont parties des fazendas et qui vivent dans les chefs-lieux municipaux. Enfin, dans certaines régions (comme la zone sucrière du NE) les assentados sont souvent des salariés agricoles. Ils peuvent aussi être des enfants d'agriculteurs et des citadins recrutés par le MST. La diversité et la proportion de chaque catégorie dépend bien sûr de la région considérée (Arnaud de Sartre et Sébille, 2009).

Par ailleurs, au vu de la forte mobilité des agriculteurs familiaux brésiliens, il est difficile de savoir combien de familles installées produisent et vivent de l'agriculture. L'assentamento de l'INCRA est parfois créé 10 ans après l'installation des premiers agriculteurs et leur "lutte" initiale, même si la reconnaissance de leur droit a été plus rapide depuis 1990 (op.cit.). Il semble donc qu'au-delà de l'accès à la terre proprement dit, un des rôles important de la politique publique de "réforme agraire" menée au Brésil est de faciliter l'accès au statut de propriétaire pour des agriculteurs sans capital.

L'émergence d'un développement territorial favorable à l'agriculture familiale

Heredia et al. (2002) rappellent que dans toutes les situations d'assentamento, même celles qui ne constituent que de simples régularisations foncières, des changements significatifs peuvent être constatés. Dans la mesure où les conflits diminuent et que l'État  intervient directement sur des espaces ruraux (infrastructures, assistance sociale, etc.), une nouvelle catégorie apparaît : les assentados. Ils deviennent des bénéficiaires privilégiés des politiques publiques auxquelles ils n'avaient pas accès auparavant (p. 21). Les assentamentos deviennent le lieu de consolidation d'une agriculture familiale et un foyer d'expansion de mouvements sociaux (op. cit). Les mouvements des travailleurs réussissent progressivement à définir des "zones prioritaires" pour les interventions de l'État. Dans ces "territoires de la réforme agraire", Leite et al. (2004) ont constaté une diversification des productions, la modification du paysage, la création de revenu, et un meilleur accès au crédit (voir en corpus documentaire, un texte de Cécile Follet : La réforme dans la Pampa, l'exemple du Rio Grande do Sul). Des territoires d'agriculture familiale se construisent. Il faut mentionner les efforts du gouvernement Lula qui vont dans le sens d'une meilleure valorisation de la production agricole familiale issue des assentamentos et de la diffusion d'expériences originales de formation des agriculteurs.

"Territoires fragiles", un témoignage sur une expérience de développement dans le territoire du Cariri (Nordeste)

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texte alternatif

 

Le film documentaire "Territoires fragiles" présente une expérience de mobilisation de la recherche sur des questions de développement dans le territoire du Cariri au Nordeste du Brésil. L'agriculture y est soumise aux risques climatiques et vit une grave crise de compétitivité de ses productions. Certains auteurs parlent d'"économie sans production". Cette situation est représentative des limites des modèles de développement agricole : phénomènes d'exclusion, dépendance des subventions et aides de l'État, insuffisance des capitaux pour les investissements, externalités environnementales et faiblesse des ressources humaines. Le film s'attache à présenter le rôle de la recherche dans des dispositifs d'expérimentation sociale et de gouvernance plus complexe, qui allient système d'information technique, accompagnement des acteurs et forums de discussion pour réduire les asymétries d'informations. La participation des acteurs locaux révèle le poids des savoirs pratiques et des organisations agraires pour construire des organisations territoriales qui articulent le local et les interventions publiques. De nouvelles territorialités se dessinent alliant des secteurs-clés de la gestion de l'environnement, des organisations collectives rénovées, et des dispositifs institutionnels enchevêtrés.

Réalisation Gérard Paillard, conseillers scientifiques Jean-Philippe Tonneau et Emilie Coudel, production INRA - CIRAD, 2008. Préparation technique : SCAM, ENS de Lyon

Mais les contraintes à surmonter pour consolider ces territoires sont particulièrement importantes. Les assentamentos sont pour la plupart situés dans des zones marginales, tant du point de vue des conditions édaphiques et climatiques, qu'économiques (accès aux capitaux), logistiques (accès aux moyens de communication et de commercialisation) et sociales (éducation, santé). La combinaison de terres marginales ou déjà surexploitées, avec le manque de formation et l'incapacité à investir rend particulièrement difficile la mise en place de systèmes de production durables (Sparovek, 2003). Les agriculteurs familiaux obtiennent souvent des superficies trop réduites [19] et détiennent trop peu de capital pour intensifier les systèmes d'activité.

Le problème des superficies limitées est fondamental, surtout dans la perspective d'installation des jeunes de la deuxième génération. Veiga (2003) regrette l'absence d'une structure qui puisse réguler les transferts fonciers au sein des assentamentos créés, à l'image des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural en France [20]. Les terres qui retournent sur le marché foncier après l'arrêt d'une exploitation (retraite sans héritiers, le plus souvent) sont généralement achetées par des entrepreneurs agricoles ou des notables habitant en ville. Les enfants issus des familles paysannes ont alors souvent du mal à reprendre les terres de leurs parents ou à en obtenir d'autres dans la même région.

Des incertitudes sur l'efficacité de la réforme agraire par le marché

Les programmes Banco da Terra et Cédula da Terra ont bénéficié à 42 670 familles (1 465 000 hectares) entre 2000 et 2004. Le PNCF (qui a plusieurs volets) a bénéficié à 63 280 familles (1 213 000 hectares) depuis 2003 [21]. Dans les cinq États brésiliens où le programme Cédula da Terra a été implanté, la valeur des terres était souvent survalorisée et les terres acquises étaient de très mauvaise qualité. Les travailleurs ruraux ont été obligés de créer des associations qui dépendaient des oligarchies locales. L'endettement des paysans est très sérieux et les risques de faillites dans quelques années semblent grands. Ces deux programmes, financés à hauteur de un milliard de dollars par la Banque mondiale, pourraient ainsi augmenter la pauvreté dans les milieux ruraux brésiliens (Fernandes, 1999).

Ce relatif échec ne doit pas faire oublier qu'un instrument spécifique de crédit pour pouvoir accéder à la terre est une nécessité pour garantir la pérennité de l'agriculture familiale. Les évolutions sont d'ailleurs positives puisqu'avec le temps, ce programme de crédit foncier a su se perfectionner. Sparovek (2006, tableau ci-dessous) prouve que le programme de Crédit foncier et de Combat de la Pauvreté Rurale (CF-CPR) a permis une amélioration significative des infrastructures, de la production et de la transformation des produits au sein des exploitations qui en ont bénéficié. Il note également l'amélioration des revenus agricoles et une meilleure insertion sur le marché du travail local.

 
Bénéficiaires du CF-CPR qui vivent sur leur terrain (%)
Revenu annuel moyen /famille (réal)
Bénéficiaires responsables de la production agricole dans
la région du projet (%)
Revenu agricole moyen annuel /famille (réal)
2003
8
1 656
37
460
2005
66
4 064
82
1 210

Source : (Sparovek 2006 : 8)

 

Conclusion

Mis à part quelques régions du Sud du pays, la structure agraire brésilienne reste marquée par la prédominance de très grands propriétaires qui ont empêché l'accès à la terre à la majeure partie de la population rurale et qui ont développé divers dispositifs de domination pour garantir une main d'œuvre dépendante. Le couple latifundia/minifundia, auparavant majoritaire, est aujourd'hui en voie de régression, faisant place à des entreprises agricoles, de grande taille, modernisées et fortement capitalisées. Les processus de mise en valeur de la frontière agricole en Amazonie et dans le Mato Grosso répètent dans une certaine mesure ce qui s'est passé ailleurs, à d'autres époques de l'histoire brésilienne.

Pourtant, même si le Brésil n'a jamais eu de véritable réforme agraire et n'en envisage pas (Veiga, 2003), plus de 70 millions d'hectares ont été transférés à des centaines de milliers de familles au cours des dernières décennies. Ce transfert a permis de lutter efficacement contre la pauvreté en renforçant le poids de l'agriculture familiale dans le pays (op. cit.). Mais cet effort, bien que significatif, n'a pas permis de résoudre les inégalités foncières qui expliquent la poursuite du mouvement historique d'avancée sur des terres nouvelles. En effet, comme le rappelle Dufumier (1986) une réforme agraire dépend des rapports de force en place dans la société. Les rapports de forces existant au Brésil expliquent le format complexe des politiques d'accès à la terre et leurs résultats. Comme nous l'avons vu, dans "l'analyse spatiale" de la réforme agraire, les assentamentos se concentrent là où on en a moins besoin, puisque politiquement, il est encore bien plus difficile d'installer une famille dans le Sud, le Sud est et le Nordeste qu'en Amazonie.

En plus des problèmes sociaux et environnementaux qu'elle pose, la colonisation de "nouvelles terres" ne garantit pas, à elle seule, l'accès durable à la terre aux populations rurales qui le désirent. La (re)distribution foncière n'est pas suffisante si l'État fédéral et les collectivités territoriales ne mettent pas en place des politiques publiques permettant des investissements de longue durée. Il s'agit de politiques d'infrastructures, de logement, de santé, d'éducation mais surtout des politiques agricoles ayant pour priorité le crédit, le transfert de propriété [22] et la formation.

Ces politiques peuvent-elles exister dans un environnement compétitif qui conduit de fait à toujours privilégier les entreprises agricoles ? Les interactions positives entre réforme agraire et développement territorial que nous avons analysées restent encore limitées. Les rapports de force dans le contrôle des marchés ne rendent-il pas illusoire le maintien d'une agriculture familiale productive et compétitive ? Pour quelles fonctions ? La reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture (production de produits alimentaires, gestion de l'environnement, emploi..) peut-elle justifier des politiques publiques agricoles volontaristes ? Les politiques d'accès à la terre sont relativement bien acceptées par la société brésilienne mais elles ne pourront donc se pérenniser que si elles permettent l'émergence d'une agriculture familiale consolidée.

Notes

[1] Les auteurs :
- Ludivine Eloy, docteur en géographie (2005) et ingénieur agronome de l'INA-PG (2002), aujourd'hui chargée de recherche au CNRS, au Laboratoire ARTDEV (FRE3027) à Montpellier. Ses recherches concernent les transformations de l'agriculture sur abattis-brûlis et des modes de gestion paysanne de l'agrobiodiversité face à l'urbanisation et aux changements de normes foncières. Ses terrains sont tous situés en Amazonie brésilienne (Amapá, Acre, Amazonas – Medio Juruá et Alto Rio Negro).
- Pablo Sidersky, économiste et sociologue rural. Il réside depuis 25 ans au Brésil où il a longuement travaillé pour des ONG sur les thèmes du développement de l'agriculture familiale, de l'agroécologie et de la formation de techniciens et d'agriculteurs et comme consultant de la FAO pour la formation d'agents territoriaux de développement. Actuellement employé par l'Instituto Interamericano de Cooperación para la Agricultura (IICA), il est détaché au programme de vulgarisation agricole de l'Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária (INCRA, ministério de Desenvolvimento Agrário, Brésil).
- Jean Philippe Tonneau, agronome et géographe, chercheur au Centre International de Recherche Agricole en coopération pour le Développement (Cirad) et professeur consultant à SUP AGRO (école d'agronomie) de Montpellier. Il est directeur adjoint de l'UMR Tetis (information spatiale et spatialisée dans le monde rural) et il développe des activités de recherche, d'expertise et de formation sur l'organisation spatiale des territoires, les modèles de développement, les politiques publiques et l'élaboration de plans et de schémas régionaux d'aménagement (au Brésil, en Afrique, au total dans près de trente pays du Sud).

[2] Le traité de Tordesillas du 7 juin 1494, ensemble d'accords passés entre le roi Ferdinand II d'Aragon et la reine Isabelle Ire de Castille d'une part, le roi Jean II de Portugal d'autre part, avait fixé à 370 lieues à l'ouest des îles du Cap-Vert (50° de longitude ouest) la ligne de partage fondamentale entre les deux colonisations, espagnole et portugaise. Cette ligne de démarcation donna naissance, du côté portugais au Brésil, divisé en capitaineries, dont l'administration, centralisée à Salvador, dépendait directement du roi à Lisbonne.

[3] Un des premiers gouverneurs a été obligé de publier un décret imposant un quota de production de manioc pour toutes les plantations de canne.

[4] Une latifundium (pl. : latifundia ou latifundios) est une grande propriété caractérisée à la fois par sa taille, de quelques centaines d'hectares à des dizaines de milliers d'hectares, et par la très faible mise en valeur des terres. Les latifundios sont le plus souvent consacrés à l'élevage extensif et à quelques cultures vivrières assurées par des paysans sans terre, liés au maître du domaine par des liens de dépendance à la fois personnelle et financière. C'est en Amérique latine que ces grands domaines sont les plus nombreux, qu'ils soient appelés haciendas, estancias ou fazendas. À côté des latifundia, on trouve des minifundia, exploitations très petites qui ne produisent pas de quoi couvrir les besoins alimentaires minimaux des familles. Celles-ci sont contraintes de compléter leurs revenus en travaillant aux conditions des latifundistes, qui sont souvent les seuls employeurs dans les campagnes (Mazoyer et Roudart, 1997, apud Ciparisse, 2005 : 121).

[5] La production familiale suppose une main d'œuvre familiale et la propriété familiale des moyens de production.

[6] Système par lequel le vacher recevait un quart des génisses et veaux nés au sein du troupeau comme paiement de son travail.

[7] Un "grileiro" est une personne qui "cherche à s'approprier les terres d'autrui en produisant des faux titres de propriété" (trad. pers.). (Buarque de Holanda, A. 1986). Notons que la violence des hommes de main (jagunços) accompagne toujours ce type de fraude.

[8] Population estimée du Brésil, sur le site IBGE (www.ibge.gov.br/home)

[9] Les origines du peuple brésilien sont étroitement liées à la traite des esclaves. Entre le XVIe et le XIXe siècles près de 4 millions d'esclaves africains seraient arrivés au Brésil, or, en 1872, la population esclave y était estimée à 1,5 million ! Ce qui montre la dureté particulière de leur condition (par comparaison, les États-Unis ont reçu environ 400 000 esclaves africains pendant toute la période de la traite atlantique et comptaient, en 1860, plus de 4 millions d'esclaves). Les esclaves débarquaient dans les ports de Rio de Janeiro, Salvador, Recife et São Luis, où ils étaient entassés dans des baraques en attendant d'être vendus.
Des mouvements de rébellion se sont constitués créant des communautés d'esclaves marrons appelées quilombo. Le quilombo le plus important, celui de Palmares à l'intérieur de l'État d'Alagoas, fut fondé au XVIIe siècle et devint, avec la figure légendaire de Zumbi (arrêté et exécuté en 1695), le centre de la résistance contre l'esclavage. La traite des esclaves fut interdite en 1850 mais, d'étape en étape, il fallut attendre 1888 pour que l'esclavage soit totalement aboli (lei Aurea) : le Brésil aura été l'un des derniers pays au monde à abolir l'esclavage et, au début du XXIe siècle, différentes formes de travail forcé y subsistent encore, surtout dans le monde rural.

[10] Il s'agit de grandes exploitations que le propriétaire ne gère pas directement et dont les ouvriers sont salariés, souvent journaliers. Alors que les anciens grands domaines (latifundia) emploient une paysannerie dépendante sous diverses formes de métayage.

[11] Constituição dos Estados Unidos do Brasil de 1946. www.planalto.gov.br/ccivil_03/Constituicao/Constituiçao46.htm

[12] L'INCRA appelle ça  "contrato de concessão de uso". Ils doivent emettre ce document pour que la famille puissse, par example, avoir accès au Pronaf A. À la fin du processus de "consolidação", ils passent un titre de propriété.

[13] Le Mouvement des Travailleurs sans-terre (MST) a été créé officiellement en janvier 1984, mais il résulte d'une longue trajectoire de lutte sociale commencée depuis le début de la dictature militaire (1964-1985). Pour certains, l'occupation de la fazenda Anoni (Rio Grande do Sul) en 1976 fonde le MST, puisque c'est un des principaux symboles de la lutte contemporaine pour la terre au Brésil.

[14] De plus, ces chiffres n'incluent pas les terres "réformées" par les gouvernements de chaque État.

[15] En trente années, de 1964 à 1994, le Brésil a engagé des tournants démocratique et économique déterminants. De 1964 à 1985, le pays a subi un régime de dictature militaire au cours duquel se sont succédés cinq présidents, tous généraux. Les libertés civiles étaient limitées, de nombreuses mesures d'austérité affectaient la vie politique, économique, sociale et culturelle du pays. Mais, à partir de 1979 et sous la pression populaire et internationale, le mandat du cinquième "Général-président" Figueiredo a été marqué par un processus de restauration des droits politiques. Ainsi, en 1982, sont organisées les premières élections directes pour les gouverneurs des États depuis 1965.
En janvier 1985, Tancredo Neves, candidat d'une coalition de partis d'opposition alliés pour faire contrepoids au candidat officiel du régime militaire, est le premier président civil élu depuis plus de vingt ans. Il meurt cinq semaines plus tard, c'est donc le vice-président, José Sarney, qui poursuit le processus de démocratisation engagé : une Assemblée nationale constituante promulgue, le 15 octobre 1988, après dix-huit mois de délibérations, une nouvelle constitution.
Fernando Collor, élu président de la République en novembre 1989 à l'issue de la première élection présidentielle directe depuis 1960 sera l'objet d'une procédure d'impeachment déclenchée par le Congrès pour faits de corruption, ce qui le poussera à démissionner avant d'être finalement destitué. C'est son vice-président, Itamar Franco, qui lui succède et lance, en 1994, le "plan Real" (Plano real), véritable tournant pour l'économie brésilienne : il permet de mettre fin à l'inflation endémique qui mine le pays depuis de nombreuses années (6 000% d'inflation en 1993 !) et crée le real, la nouvelle monnaie brésilienne.

[16] La baisse imprévue de la fertilité des sols après les trois premières années de récolte, les difficultés de stockage et de transport, l'inadaptation de l'encadrement des colons, l'imbroglio foncier  et la pauvreté le long de la transamazonienne sont décrits par M. Droulers (2001).

[17] Pour la période 1970-1976, 30 000 familles ont été installées dans le cadre du Plan d'intégration nationale, ce qui représente à peu près 150 000 personnes (De Reynal, 1999). En 1974, 7 700 colons ont été installés sur la Transamazonienne et 5 000 en Rondônia (Thery, 2005).

[18] Comme le rappelle Lena (1986), entre 1970 et 1980, ce sont environ 100 000 familles de paysans sans terre, des minifundistes et de petits producteurs qui, d'une façon ou d'une autre, ont pu accéder à la terre en Amazonie. Veiga (2003) annonce que la colonisation officielle pendant la période militaire a installé 115 000 familles en 20 ans.

[19] Il faudrait au minimum 50 ha par famille nucléaire pour vivre de l'agriculture dans le semi-aride, alors que les lots de l'assentamento ne sont que de 25 ha (Coudel, comm. pers.).

[20] En France, les Safer, Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, sont des organismes d'intervention sur le marché foncier rural dont la mission est de contribuer à l'amélioration des structures foncières du secteur agricole.

[21] Source : www.creditofundiario.org.br/principal/index.

[22] En particulier la gestion des terres post-colonisation est une question en suspens pour que les enfants de la deuxième génération puissent s'installer. Dans ce sens, la "réforme agraire" basée sur le marché peut constituer une des alternatives à la colonisation et permettre la consolidation et même l'expansion d'une agriculture familiale.

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  • Veiga L.E. - Poverty alleviation through access to land: the experience of the Brazilian agrarian reform process, Rapport pour le Committee on World Food Security, 16 May 2003, FAO, Rome, 2003 www.fao.org/docrep/006/j0415t/j0415t07.htm

 

Ludivine Eloy, CNRS, Laboratoire ARTDEV (FRE3027) à Montpellier,


Pablo Sidersky, Instituto Interamericano de Cooperación para la Agricultura (IICA)
et Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária (INCRA)


Jean Philippe Tonneau, Cirad,
UMR Tetis (information spatiale et spatialisée dans le monde rural),

édition de la page web : Sylviane Tabarly

pour Géoconfluences le 15 mai 2009

Pour citer cet article :  

Ludivine Eloy, Pablo Sidersky et Jean Philippe Tonneau, « Questions foncières et politiques de réforme agraire au Brésil », Géoconfluences, mai 2009.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Bresil/BresilScient2.htm