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Le développement durable, approches géographiques

Entreprises et développement durable ... drôles d'atmosphère ! L'exemple du Rhône et de l'agglomération lyonnaise

Publié le 26/07/2004
Auteur(s) : Sylviane Tabarly, professeure agrégée de géographie, responsable éditoriale de Géoconfluences de 2002 à 2012 - Dgesco et École normale supérieure de Lyon

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La cohabitation entre certains sites industriels et les zones résidentielles denses n'est pas toujours aisée. Au cours des dernières décennies, d'importants progrès ont cependant été réalisés, mais certains incidents mineurs, parfois des accidents majeurs (AZF à Toulouse), rappellent que la vigilance s'impose à l'égard des risques technologiques et industriels et que les arbitrages sont parfois délicats pour concilier croissance et développement d'une part, durabilité et gestion environnementale d'autre part.

La région lyonnaise doit une partie de son développement et de sa prospérité à l'industrie et, en particulier, au pôle chimique localisé au Sud de la cité dans ce que l'on appelle parfois le "couloir de la chimie" rhodanien. Rançon de ce développement industriel, la pollution atmosphérique y est souvent importante, en fonction des conditions météorologiques.

Lyon est un berceau historique de la chimie française qui y est née vers la fin du XVIIIe siècle pour apporter à l'industrie textile les teintures nécessaires. Elle s'est développée avec la fabrication de produits pour les soieries (teinture, détergents, acides), la création de Rhône-Poulenc dans les années 20, la mise en route de la raffinerie puis du vapocraqueur de Feyzin en 1967, le développement des activités chimiques de Rhône-Poulenc dans les années 1970, devenu Rhodia à la fin des années 1990.

Plus de 13 200 salariés sont employés directement à Lyon dans le secteur de la chimie (chimie lourde, chimie fine et parachimie). La chimie de spécialités (ou chimie fine) compte une soixantaine d'établissements employant un total de 7 500 salariés. La chimie lourde et la parachimie représentent quant à elles respectivement 28 et 79 établissements (source SIRENE, janv 2002). Elle compte de nombreux groupes mondiaux dont AtoFina (groupe Total, Elf), Rhodia, Air liquide, Ciba spécialités chimiques, etc.

La chimie fine, exige un processus de recherche et de développement intense et propose des produits à très forte valeur ajoutée. C'est l'axe stratégique que la région a choisi en matière d'industrie chimique.

Au total, la chimie y constitue un véritable cluster* (voir définition ci-contre à gauche), alimenté en amont par la pétrochimie, et alimentant en aval une multitude d'activités (sous-traitance, logistique, traitement des déchets, ingénierie...). Les compétences proches d'Oyonnax, "plastic valley" française, des bassins de Saint-Étienne et de Sainte-Sigolène, capitales du film plastique, renforcent le cluster lyonnais.

Localisations à partir de l'image Spot 2 du 2 juillet 2000 Composition colorée en "fausses couleurs naturelles"

Cliquer sur l'image pour une meilleure définition de l'image.

Voir aussi les photographies ci-dessous.

Copyright CNES / distribution Spot Image, d'après les données de la banque d'images MJENR - Spot Image

Composition colorée en "fausses couleurs naturelles" construite selon l'ordre suivant : plan rouge = canal XS2 ; plan vert = canal XS1 ; plan bleu = canal XS3.

Informations sur les images Spot sur cette page du dossier "Les espaces littoraux"

Qu'est-ce qu'un "cluster" ? Dans la doctrine économique récente le concept de "cluster", qui peut être traduit par "grappe technologique", désigne un regroupement d'entreprises de tailles et de provenances sectorielles diverses, unies par des intérêts communs, des complémentarités ou des interdépendances et développant volontairement des relations de coopération dans un ou plusieurs domaines. Les institutions publiques sont également associées pour favoriser ces alliances. Une entreprise peut appartenir à une ou plusieurs grappes.

L'agglomération lyonnaise est par ailleurs un pôle de dimension internationale dans le domaine de la pharmacie et des sciences de la vie. Réalisant 20% de la production nationale, l'industrie pharmaceutique de Rhône-Alpes s'impose comme un pôle d'excellence à l'échelle européenne, notamment en matière de santé humaine et animale (deuxième pôle national de recherche en matière de santé)

Chimie lourde et chimie de spécialité sont concentrées dans le secteur Sud-est du Grand Lyon, incluant Feyzin. L'analyse des indices de spécificité y fait ressortir particulièrement quatre branches d'activité : le raffinage de pétrole, l'industrie chimique minérale, la fabrication d'équipements automobile, les activités de recherche & développement.

Vues sur le port, le "couloir de la chimie" et l'environnement urbain du sud de l'agglomération lyonnaise

Cliquer sur la miniature pour voir le panoramique et les indications de localisation*

Voir le point de vue et l'angle de vue sur l'image satellite ci-dessus. Clichés : Sylviane Tabarly, juillet 2004

Le "couloir de la chimie", situé sur les deux rives du Rhône, s'étend à partir du port fluvial Édouard Herriot en direction du sud. Tous les grands groupes chimiques lyonnais y sont présents : AtoFina, Rhodia, Ciba Geigy, Air Liquide. Le secteur accueille aussi des centres de recherche, soit intégrés aux grands groupes, soit indépendants comme l'Institut Français du Pétrole.

Le rôle de la chimie, essentiel au développement économique de l'agglomération et de la région, a des conséquences sur la nécessaire gestion du risque technologique. Ainsi, plusieurs sites industriels sont "classés Seveso". On dénombre sur le territoire Sud-est du Grand Lyon huit établissements ICPE*, tous sont classées à risques technologiques "AS" seuil haut (voir l'encadré ci-dessous):

  • à St Fons : AtoFina, Ciba spécialités, Rhodia Belle Étoile, Rhodia Organique, Rhodia Silicones,
  • à Feyzin : Total Fina Elf, Air Liquide, Rhône Gaz

 

L'appellation "Établissement SEVESO" est issue d'une première Directive européenne (SEVESO I) datée de 1982 et d'une seconde qui la remplace (Directive n°96/82/CE dite SEVESO II du 9 décembre 1996), concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. Elle prend en compte la quantité de substances dangereuses présentes dans l'établissement et prévoit deux seuils de classement. On parle alors d'établissements SEVESO II Seuil haut et d'établissements SEVESO II Seuil bas.

Cette Directive européenne a été transcrite en droit français notamment à travers l'Arrêté ministériel du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d'ICPE (Installations Classées pour la Protection de l'Environnement) soumises à autorisation. Les seuils retenus dans la réglementation française diffèrent parfois de ceux proposés dans la Directive SEVESO II. Les critères français sont plus larges et plus pénalisants. Pour exemple, les dépôts pétroliers (essences et assimilés) sont classés Astreints à Servitudes (AS) dès 10 000 tonnes alors que SEVESO Seuil haut retient le seuil de 50 000 tonnes.

"L'étude de dangers" est un document de référence. Si le classement d'un établissement permet de déterminer un potentiel de risques, l'étude de dangers va permettre d'apprécier l'extension des conséquences d'accidents et les mesures de prévention. C'est donc un document fondamental qui est élaboré, sous la responsabilité de l'exploitant, pour toute installation soumise à autorisation au titre des ICPE. Pour les établissements SEVESO Seuil haut ou AS, ce document sert à examiner et à mettre en place des mesures de prévention et de protection visant à réduire les risques ainsi qu'à élaborer des plans de secours et les procédures liées à la maîtrise de l'urbanisation. Il est également essentiel pour la mise en œuvre des documents internes d'intervention de l'exploitant (Plan d'Organisation Interne) et des services de secours (Plan d'Établissement Répertorié).

La législation des installations classées : http://aida.ineris.fr

 

Industries et rejets atmosphériques

26 juin 2004, dans l'après-midi, vue depuis le quai Rambaud (rive gauche de la Saône, à proximité de la confluence avec le Rhône).

Voir les localisations sur l'image satellite ci-dessus.

Un nuage noir chargé en dioxyde de soufre et en azote s'élève au-dessus de la raffinerie TotalFinaElf de Feyzin, conséquence d'un incendie "banal". L'incendie fut maîtrisé et les fumées jugées "non toxiques", en deçà du "seuil d'information et de recommandations" aux populations selon les informations officielles délivrées aux médias.

Analyse des rejets atmosphériques du Rhône (niveau départemental) : les dix entreprises les plus polluantes par type de polluant

Document réalisé d'après le Bilan 2002 de l'environnement en Rhône-Alpes de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) et le magazine Lyon - Capitale (semaine du 30 juin 2004) : www.lyoncapitale.fr/actu-483-05.html

On peut constater que la raffinerie Total Fina Elf de Feyzin domine très largement le tableau. Les opérations d'incinération sont également très impliquées dans les rejets, on sait qu'il s'agit d'une des principales sources de pollution à la dioxine. Mais une baisse significative des rejets atmosphériques dus à l'activité industrielle en Rhône-Alpes peut être constatée : le dioxyde de soufre, rejeté à 80% par l'industrie, est passé de 40 000 tonnes en 1994 à 30 000 tonnes en 2000. La diminution des rejets de particules est engagée : Total Elf Fina s'est récemment dotée d'un "dépoussiéreur", filtre à particules géant.  

Notons enfin que les transports routiers sont également très largement responsables de la pollution atmosphérique de la région Rhône-Alpes, les industries n'en étant que partiellement la source. Et n'oublions pas que, si l'industrie chimique est parfois "le problème", elle peut aussi, bien souvent contribuer à "la solution".

 

Ressources en ligne, une sélection

Petit glossaire de la pollution et de la santé

  • Dose journalière admissible (DJA) - Dose d'exposition sans conséquence appréciable pour la santé de l'homme (ou de l'animal). Valeurs établies pour les additifs alimentaires et les résidus de pesticides dont la présence dans les aliments répond à des besoins techniques ou qui sont nécessaires pour la protection des plantes (définition de l'OMS).
  • Dose journalière d'exposition (DJE) - Dose (interne ou externe) de substance reçue par l'organisme rapportée au poids de l'individu et au nombre de jours d'exposition (dans le cas d'une substance non cancérogène) et au nombre de jours de la vie entière (dans le cas d'une substance cancérogène).
  • Indice de risque - Rapport entre la dose journalière d'exposition et la dose journalière tolérable. Un indice supérieur à 1 indique la possibilité de survenue d'un effet toxique.
  • Indice Atmo - C'est un indicateur destiné à fournir une information synthétique sur la qualité de l'air dans les agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants. Actuellement, près de 60 agglomérations ont l'obligation de le fournir quotidiennement. Il est calculé par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA). Il varie sur une échelle allant de 1 (très bon) à 10 (très mauvais). Une carte de France des indices en 2002 : www.ifen.fr/dee2003/qualiteair/qualiteair9.htm
  • Dose létale 50 ou DL50 - Dose moyenne requise pour entraîner la mort de 50 % des sujets d'une population.
  • Exposition aiguë - Exposition unique à un corps chimique ou exposition multiple dans une brève période, généralement 24 heures ou moins.
  • Exposition chronique - Exposition de longue durée à faible concentration (la dose est subie à une certaine fréquence, généralement quotidienne ou hebdomadaire, sur une longue période) pour laquelle le taux d'exposition dépasse la capacité de détoxification d'un organisme.
  • Facteur de sécurité - Facteur destiné à tenir compte de l'incertitude inhérente à l'estimation des effets d'un corps chimique sur l'humain à partir des résultats tirés d'animaux d'expérience. Le facteur de sécurité permet de tenir compte des différences éventuelles de sensibilité entre les animaux d'expérience et l'être humain, entre des humains moyens et d'une personne à une autre dans la population humaine.
  • Polluant organique persistant (POP) - Ensemble de composés organiques qui possèdent des caractéristiques toxiques ; ils sont persistants ; ils sont susceptibles de bio-accumulation ; ils peuvent aisément être transportés dans l'atmosphère sur de longues distances et se déposer loin du lieu d'émission ; ils peuvent avoir des effets nocifs pour l'environnement et la santé aussi bien à proximité qu'à une grande distance de leur source.

En complément :

 

Sélection et mise en page web : Sylviane Tabarly

 


Mise à jour :   26-07-2004

 

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Pour citer cet article :  

Sylviane Tabarly, « Entreprises et développement durable ... drôles d'atmosphère ! L'exemple du Rhône et de l'agglomération lyonnaise », Géoconfluences, juillet 2004.
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/transv/DevDur/DevdurDoc2.htm