Conflit
Dans leur ouvrage Géographie des conflits, Amaël Cattaruzza et Pierre Sintès (2011) proposent la définition suivante du mot « conflit » : « situation relationnelle structurée autour d’un antagonisme » (p. 15) ; cette situation serait caractérisée par « la présence de forces opposées, […] un désaccord, […] une rivalité ou à une inimitié » (p. 15). Par ailleurs, ces auteurs rappellent que « les conflits peuvent avoir différentes formes et être considérés selon leur degré de gravité ou selon la profondeur des dissensions entre les différents acteurs » (p. 15).
La notion de « conflit » serait privilégiée à celle de controverse par la recherche géographique en France sur les situations conflictuelles. Si les définitions et les typologies de conflits sont nombreuses dans la littérature scientifique contemporaine (Lecourt 2003 ; Dziedzicki 2003), l'ensemble des travaux s'inscrit dans la lignée du sociologue Georg Simmel (1995), décrivant les situations conflictuelles comme des formes positives de socialisation et non comme des pathologies sociales (Lascoumes 2001). Amaël Cattaruzza et Pierre Sintès (2011, p. 10) soulignent que « depuis plusieurs années, l’étude des conflits connaît un regain d’intérêt ». D’une part, l’engouement des sciences humaines et sociales pour l’étude des conflits s’expliquerait par des relations géopolitiques de plus en plus complexes à l’échelle mondiale depuis la fin de la Guerre Froide. D’autre part, il serait lié à l'émergence de nouveaux mouvements sociaux, à des conflits environnementaux (Charlier 1999) ou d'aménagement (Lecourt 2003) capables d'inverser des rapports de force et de bloquer des projets d'aménagement (Darly et Torre 2008).
En amont du conflit, des « tensions » peuvent être analysées (Depraz 2016) : « la tension sociale peut être définie comme la manifestation (verbale, symbolique) de jeux d’opposition n’ayant pas encore produit de démonstrations effectives et collectives de refus ». Plutôt que de s’intéresser à la formation d’un « système d’action » (Melé et al. 2004), les géographes étudiant les tensions sociales chercheraient à « mettre à jour les potentiels conflictuels dans le débat public, sans certitude de leur manifestation effective à terme » (Depraz 2016).
Silvia Flaminio, février 2017.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Clara Loïzzo, « La crise en mer Rouge, révélatrice de la vulnérabilité des grandes routes maritimes mondiales », Géoconfluences, janvier 2024.
- Ninon Briot, Jean-Benoît Bouron et Pauline Iosti, « Carte à la une. Les frontières disputées et conflictuelles dans le monde », Géoconfluences, décembre 2021.
Pour aller plus loin
- Cattaruzza, Amaël, et Sintès, Pierre. 2011. Géographie des conflits. Paris, Bréal.
- Cattaruzza, Amaël, et Sintès, Pierre. 2016. Géopolitique des conflits. Paris, Bréal.
- Charlier, B. 1999. La défense de l’environnement: entre espace et territoire. Géographie des territoires environnementaux déclenchés en France depuis 1974. Thèse de doctorat. Pau, Université de Pau et des Pays de l’Adour.
- Darly, Ségolène, et Torre, André . 2008. « Conflits liés aux espaces agricoles et périmètres de gouvernance en Ile-de-France ». Géocarrefour 83 (4): 307–319.
- Depraz, Samuel. 2016. « Introduction générale : Pourquoi et comment travailler l’acceptation sociale dans les territoires ? » Acceptation sociale et développement des territoires, dirigé par Samuel Depraz, Ute Corenc, et Ulrike Grabski-Kieron. Lyon, ENS Éditions.
- Dziedzicki, Jean-Marc. 2004. « Au-delà du Nimby: le conflit d’aménagement, expression de multiples revendications ». Conflits et territoires, dirigé par Patrice Melé, Corinne Larrue, et Muriel Rosemberg. Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 34–64.
- Lecourt, Arnaud. 2003. Les conflits d’aménagement: analyse théorique et pratique à partir du cas breton. Thèse de doctorat. Rennes, Université Rennes 2.
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Melé, Patrice, Larrue, Corinne et Rosemberg, Muriel. 2004. Conflits et territoires. Tours, Presses Universitaires François Rabelais.