Chypre
Depuis 1974, l'île de Chypre est divisée. Au Sud, la République de Chypre qui abrite la communauté chypriote grecque, est la seule autorité reconnue par la communauté internationale. Au Nord, une République turque de Chypre-Nord (RTCN) autoproclamée en 1983 et qui n'est reconnue que par la Turquie. Elle occupe la zone envahie en 1974 par les troupes turques en riposte au coup d'État d'ultranationalistes chypriotes grecs qui souhaitaient le rattachement de l'île à la Grèce. Entre les deux, une ligne de démarcation (ligne verte) de 180 km de long sur laquelle stationne une force de paix des Nations unies (UNFICYP) de 1 200 hommes.
Dans les années 1990, la partition de l'île est redevenue un sujet sensible lorsque la République de Chypre a sollicité son intégration dans l'Europe communautaire poussant les deux parties à renouer, en 2002, les négociations sous l'égide des Nations unies. Un plan servant de base de négociations entre les deux belligérants a été présenté par l'ONU en novembre 2002. Ce "plan Annan" (du nom du secrétaire général de l'ONU) prévoyant une réunification de l'île a fait l'objet de longues tractations puisque cinq versions successives ont été élaborées entre 2002 et 2004. Le 24 avril 2004, les Chypriotes grecs l'ont massivement rejeté (à 75%) à l'occasion d'un référendum alors que les Chypriotes turcs le plébiscitaient (à 65%). La partition de Chypre est donc maintenue : le 1er mai 2004, c'est la seule partie sud de l'île qui a intégré l'Union européenne. Ce vote montre la volonté des chypriotes grecs de maintenir la communauté turque hors de l’Union, pour des raisons politiques et économiques, et l’échec de la solution fédérale avancée.
La conséquence première est la fermeture d’une frontière qui venait d’être rouverte par le chypriote turc Denktash, après de très denses négociations entre 2002 et 2004. Cette "ligne verte", matérialisée par un mur à Nicosie, symbolise la partition entre les deux communautés. Mais 2004 marque une rupture nette dans l’évolution de la situation de l’île : en effet, c’est la perspective de l’adhésion à l’Union Européenne qui a permis la reprise des négociations entre les deux partitions de l’île. Elles n’ont toutefois pas abouti. Or, en février 2005, lors des élections législatives anticipées en RTCN, le parti républicain turc du premier ministre Mehmet Ali Talat, favorable au plan de réunification de l’île proposé par l’ONU, remporte les élections avec 44,5% des voix, soit 24 sièges sur 50. La perspective d’adhésion a donc fait évoluer la situation. L’UE est en réalité devenue l’acteur majeur, se substituant à l’ONU, et c’est désormais dans cette perspective que les enjeux doivent être étudiés.
La question chypriote est un enjeu stratégique pour la candidature turque à l’UE, sans compter que les Turcs eux-mêmes sont extrêmement divisés sur ce sujet. La question si complexe de l’adhésion de la Turquie à l’UE est donc ici transposée sur le territoire de Chypre : la "ligne verte", de frontière fermée et militarisée, est devenue aussi frontière externe de l’UE, un des espaces-clefs de contrôle des flux migratoires. Cette situation pourrait creuser davantage les écarts de développement entre la partie grecque et la partie turque de l’île. Au printemps 2010, l’élection du chef de file du parti nationaliste turc chypriote M. Dervis Eroglu à la présidence de la RTCN jette le doute sur l’avancée des négociations relancées en 2008 entre les deux parties de l’île.
Pour compléter :
- dans le cadre du dossier "La frontière, discontinuités et dynamiques", Jeux de frontières à Chypre : quels impacts sur les flux migratoires en Méditerranée orientale ? (article d'Olivier Clochard)
- un dossier de la Documentation française, Chypre, vers la réunification ?, octobre 2011
Mise à jour : octobre 2011