Modernisation conservatrice
Dans son contexte d’élaboration au Brésil, la modernisation conservatrice désigne, suite à l’abolition de l’esclavage en 1888, le développement du salariat des ouvriers agricoles employés dans les grandes propriétés insérées dans les filières agroalimentaires nationales et internationales en lien avec l’urbanisation et la mondialisation des échanges. Ces évolutions servent la croissance économique et sont soumises aux exigences de flexibilité et de compétitivité liées à l’affirmation du contexte néolibéral. En contrepoint, elles entraînent le maintien de situations de précarité des plus pauvres tant dans leur emploi (journaliers, dépendants des périodes exigeantes en main d’œuvre, alors que la mécanisation et l’industrialisation des pratiques agricoles réduisent encore les possibilités d’emploi) que dans leur logement (ils font partie des personnes qui, expulsées de leurs terres, se concentrent dans les favelas des villes brésiliennes, surtout petites et moyennes, qui ont des liens directs avec la campagne). On observe donc dans ce cas la recomposition des mécanismes et dispositifs de la domination sociale (Quéré, 2008), permettant la concentration des capitaux aux mains de quelques-uns (terres, outils de production, pouvoirs…) et la dépossession des plus démunis, concurrents entre eux et intégrés certes mais dans des rapports de domination.
Principalement utilisée pour décrire la situation brésilienne, l’expression de modernisation conservatrice a été également employée pour caractériser les systèmes agraires d’autres pays d’Amérique latine, ou encore la situation indonésienne.
Judicaëlle Dietrich, 2020, dernière modification (CB et SB), février 2023.
Référence citée
- Quéré Louis, « Une modernisation conservatrice ? », Réseaux, 2008/2 (n° 148-149), p. 29-46.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Eloy Ludivine, Sidersky Pablo, Tonneau Jean-Philippe, « Questions foncières et politiques de réforme agraire au Brésil », Géoconfluences, 2009.