Oligarques
Dans son sens premier, le terme oligarque désigne des personnes puissantes, membres d’une oligarchie, c’est-à-dire d’un pouvoir politique détenu par un petit nombre d’individus. Le terme, qui fut longtemps utilisé pour qualifier la République romaine dans l’Antiquité, a été remis à l’ordre du jour dans les années 1990 à propos de la Russie post-soviétique pour désigner l’ensemble de personnes qui, derrière Boris Eltsine, président de 1991 à 1999, se sont emparé du pouvoir économique et politique, dans un contexte de privatisation de l’économie et d’ouverture à la mondialisation. Cette première génération d’oligarques a notamment bénéficié du système « Prêts contre actions » de 1995 qui leur a permis de prendre des participations dans les 12 plus grandes entreprises d’État, en échange de prêts destinés à renflouer le budget fédéral.
L’ascension des oligarques russes a largement été favorisée par la « thérapie de choc » appliquée sur la suggestion de conseillers américains et du Fonds monétaire international (FMI). Trente ans après, le Monde diplomatique (Warde, 2022) tire ce sinistre bilan : « Le président Boris Eltsine, auréolé de sa gloire de tombeur du communisme, assurait que les privatisations produiraient « des millions de propriétaires plutôt qu’une poignée de millionnaires ». En réalité, c’est l’inverse qui se produisit : […] du temps de l’Union soviétique, la personne la plus riche l’était six fois plus que la plus pauvre ; en 2000, ce ratio était passé à 250 000 ». La Russie n'est pas la seule concernée : dans d’autres anciennes républiques soviétiques comme l’Ukraine, les grandes entreprises d’État sont aussi passées aux mains d’oligarques devenus milliardaires.
L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 fut marquée par une volonté de rupture et la tentative de limitation de leur pouvoir, ou par l’arrestation d’un certain nombre de ces oligarques, voire par des tentatives d'assassinat à leur encontre. Mais parallèlement, Vladimir Poutine a facilité l’apparition d’une seconde vague d’oligarques par le biais de contrats d’État : des entreprises privées appartenant à quelques personnes très riches fournissent à l’État des services tels que santé, transport ou armement. Ce sont donc elles qui contrôlent encore l’économie russe, et le pouvoir réel des oligarques en Russie reste considérable, même s’il est difficilement chiffrable. Une part souvent importante de leur richesse est domiciliée dans les paradis fiscaux, ce qui a d’ailleurs compliqué les saisies dans le cadre des sanctions internationales imposées à la Russie après l’agression contre l’Ukraine en 2022.
Les anciennes républiques soviétiques ne sont pas les seuls États contemporains dans lesquels les grandes fortunes jouent un rôle majeur auprès du pouvoir politique. De même, dans certaines démocraties, quelques milliardaires contrôlent de grands médias et de grands groupes industriels et financiers tout en bénéficiant de l’oreille du pouvoir politique, tels Bernard Arnault ou Vincent Bolloré en France. Le terme oligarque est parfois employé pour qualifier leur position. L’ancien président des États-Unis Donald Trump est, au sens romain du terme, un oligarque.
Première version (ST) février 2005, réécrit (SB, CB, JBB) en septembre 2022.
Références citées
- Warde Ibrahim (2022), « La chasse aux oligarques russes est ouverte », Le Monde diplomatique, no. 822, septembre 2022, p. 6 et 7.
Pour compléter avec Géoconfluences
- Sur l'oligarchie texane du pétrole : Laurent Carroué, « Le boom des hydrocarbures non conventionnels dans le Bassin permien (Texas et Nouveau-Mexique, États-Unis) », Géoconfluences, juin 2022.
- Pascal Orcier, « Guerre en Ukraine : quelques clés sur un conflit en cours », Géoconfluences, mai 2022.
- Laurent Carroué, « Swift : le réseau international de messagerie au cœur de la mondialisation financière face à la crise ukrainienne », Géoconfluences, mars 2022.