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Réconciliation et pacification en Afrique subsaharienne

Publié le 27/01/2022
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NB. Cette entrée date de 2006 et n’a pas fait l’objet de mise à jour depuis.

Des processus de réconciliation et de résilience se sont efforcés de mettre un terme à des conflits particulièrement meurtriers et de réduire le niveau de conflictualité. Différents exemples en Afrique subsaharienne peuvent être analysés et comparés.

Le défi judiciaire du génocide des Tutsis au Rwanda est exemplaire. On estime que 760 000 Hutus sont responsables du massacre de plus de 800 000 tutsis en trois mois (du 6 avril au 4 juillet 1994). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) siège à Arusha en Tanzanie depuis novembre 1994 mais ne juge que « les échelons suprêmes » de l’élite qui gouvernait le Rwanda à l’époque du génocide.

Les « génocidaires » hutus réfugiés dans l’Est du Congo ont été invités, par le régime du président Paul Kagamé, à rentrer dans leur pays où ils sont accueillis dans des ingandos (« camps de solidarité »). Leur sont alors dispensées, en chanson, les vertus de la réconciliation nationale. Des juridictions gacaca (« tribunal sur gazon »), des tribunaux populaires traditionnels jugent, localement, les Rwandais qui ont participé aux massacres de 1994. Composé d’une douzaine de pays et de représentants des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Union africaine, le Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT) a appelé à « une collaboration totale des autorités rwandaises et congolaises pour assurer le bon déroulement des opérations de rapatriement ». Mais ce processus de réconciliation peut avoir un goût amer aux yeux de ceux qui considèrent que le procès des « génocidaires » reste inachevé : des « impunis », bénéficiant d’influence et de réseaux, n’ont pas eu à s’expliquer sur leurs actes. Certains observateurs (ONG, experts internationaux) jugent ce processus de pacification insuffisant pour garantir une cohabitation sereine.

De son côté, le Burundi avait plongé, en 1993, dans un cycle de coups d’État et de massacres politico-ethniques entre Hutus et Tutsis. Douze années de guerre civile ont fait plus de 300 000 morts. En août 2000, sous l’autorité du président sud-africain Nelson Mandela, un accord de paix était signé à Arusha en Tanzanie. La première traduction, dans les faits, de cet accord a été l’intégration de quelques 3 000 soldats rebelles à l’armée régulière. Le processus de pacification, garantit par les États voisins, (Ouganda, Tanzanie et Rwanda), repose sur le retour à une vie constitutionnelle normale et sur un programme électoral (voir l’entrée ethnie du glossaire).

Dans l’Afrique du Sud tout juste libérée de l’apartheid (Nelson Mandela avait été libéré en 1990, les trois dernières lois de l’apartheid abolies en 1991), la création, en 1993, de la Commission « Vérité et réconciliation » (CVR, en anglais Truth and Reconciliation Commission, TRC) a contribué à éviter l’affrontement direct entre victimes (en majorité noires) et bourreaux (blancs pour la plupart) du régime de discrimination raciale. La personnalité de Mgr Desmond Tutu, archevêque anglican de Johannesburg et prix Nobel de la paix, qui l’a présidée, n’est pas étrangère à la réussite de cette expérience originale sur le plan juridique. Mais le processus s’inspire aussi de l’esprit d’« Ubuntu », mot d’origine africaine qui désigne une forme d’harmonie, de fraternité, d’humanité commune, prenant en compte l’humanité totale de l’individu et de ses rapports avec la collectivité au lieu de s’attacher exclusivement à ses actes illicites.

Destinée à juger les infractions aux droits de l’Homme commises pendant le demi-siècle de l’apartheid, le principe en était simple : bénéficieraient d’une amnistie tous ceux qui viendraient devant la CVR reconnaître leurs exactions à condition que le requérant « expose tous les faits » et qu’il prouve que ses crimes étaient « politiquement motivés ». L’objectif était de faire jaillir la vérité en révélant des événements passés, première étape du processus de réconciliation. Les déposants étaient surtout des membres de la police qui avaient torturé, et parfois tué, des militants des mouvements de libération noirs, principalement du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela.

Le 15 avril 1996, la Commission tenait sa première audience publique et, au fil des dépositions, elle a réussi la catharsis réparatrice espérée en explorant les « peurs » et les « douleurs » du régime d’apartheid. Évitant le piège de cycles de vengeance sans fin, la révélation des sévices infligés par les bourreaux a facilité la réconciliation entre les communautés, pour les actes commis dans le passé. En 1998, le rapport final de la CVR avait recensé 21 000 victimes, dont 2 400 ont témoigné en audiences publiques. Sur les quelque 7 000 demandes d’amnistie reçues, la plupart ont été accordéesCependant, l’expérience de la CVR n’a pas été sans heurts. Beaucoup de blancs, en particulier Afrikaners, y ont vu une chasse aux sorcières qui prenait pour cible leur communauté. Pourtant, la CVR s’est également intéressée aux violations des droits de l’Homme perpétrées par les mouvements de libération. Son impartialité à cet égard apparaît clairement dans son rapport et constitue en elle-même une importante contribution à la réconciliation.

Observons pour finir que les situations de post-conflit sont très complexes à gérer. On parle, dans les documents internationaux de « Peace building » (consolidation de la paix), de « Nation building » (construction et consolidation de la nation). Il s’agit de ramener la confiance dans un pays, de désarmer les belligérants, de faire rentrer et d’accueillir les réfugiés, de réintroduire au plus vite les services de base (éducation, santé), de sécuriser les voies de communication pour relancer l’économie, d’insuffler les règles de justice et d’État de droit… des objectifs qui légitiment souvent l'ingérence extérieure (présence militaire et missions de l'ONU, rôle des ONG par exemple), avec d'éventuels effets pervers quon peut imaginer.

(ST) 2006.


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