La Chinafrique, mythe ou réalité ?
Dans un article paru sur le site des Cafés géographique, Thierry Pairault déconstruit le mythe de la Chinafrique.
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Thierry Pairault, « Quelle présence chinoise en Afrique ? », Les cafés géographiques, janvier 2018.
Voici quelques-uns de ses arguments :
- L'expression est trop englobante et donne une vision trop uniforme des 54 pays africains, qui permet mal de saisir des situations économiques pourtant très variées à l'intérieur du continent.
- L'origine de l'expression, basée sur la Françafrique (attitude néo-coloniale de la France cherchant à maintenir une influence dans son ancien pré-carré après la décolonisation), rend mal compte de l'attitude de la Chine, qui n'a pas d'héritage colonial et cherche à conserver une image de partenaire économique fiable.
- En tout la Chine n'a investi « que » 2,4 milliards de dollars en Afrique en 2016 : ce n'est qu'une part faible des IDE chinois (1,2 %) et mondiaux (0,2 %).
- Les IDE chinois en Afrique sont très médiatisés mais leur réalité est souvent moins tangible que ne l'annoncent les médias. Les chiffres des investissements chinois en Afrique sont souvent gonflés, ou portent sur des annonces de projets plutôt que sur des réalisations concrètes. De plus, dans de nombreux cas, les transferts de capitaux correspondent plutôt à des commandes africaines qu'à des investissements chinois, et l'implication locale de la Chine ne dure que le temps du chantier (voir le tableau « Main-d'œuvre chinoise en Afrique en 2016 »). L'auteur cite ainsi l'exemple de la Grande mosquée d'Alger : « La Grande mosquée d’Alger est construite par des travailleurs chinois soit 2 000 personnes évidemment très repérables mais les plans étaient allemands, et des cabinets de conseil algérien, allemand, canadien et français (EGIS de la Caisse de Dépôt et de Consignation) y ont participé sous contrôle algérien. »
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L'Afrique ne représente qu'une petite part des ambitions extérieures chinoises dans les domaines commercial, financier, militaire, politique, etc. Les nouvelles routes de la soie contournent en partie l'Afrique. Parmi les pays visés par les IDE du programme « nouvelles routes de la soie », seule l'Égypte est concernée, et elle arrive après 22 autres pays, tous asiatiques (voir le tableau : « Investissement, routes de la soie et Afrique (2016) »)
La Chine ne serait donc rien de plus qu'un partenaire important pour les États d'Afrique, aux côtés de leurs autres partenaires comme l'Inde ou les États de l'Union Européenne. Dans ce contexte, parler de « Chinafrique » ne serait qu'un moyen de souligner le rôle de la Chine dans l'insertion plus générale des pays africains au système économique mondial multipolaire. Il n'en demeure pas moins que la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique sud-saharienne, prise comme un ensemble, et celui de nombreux pays du continent, y compris en Afrique du Nord, comme le montrent le tableau et la carte suivants.
Balance commerciale et partenaires commerciaux de quelques États africains (2016)
Source : WITS (d'après ONU, OMC et Banque Mondiale, 2014—2016), données sélectionnées par Géoconfluences, 2018. |
Ce tableau permet aussi rappeler le poids de la Chine dans l'économie mondiale, ce qui explique qu'elle soit un partenaire aussi important pour les pays africains comme pour bien d'autres États dans le monde. Mais l'inverse n'est pas vrai, car aucun pays africain n'apparaît parmi les premiers partenaires commerciaux de la Chine (qui sont ses voisins, les États-Unis, et des pays européens). Pour autant, la Chine est loin d'être le seul partenaire commercial des pays africains, l'Europe et l'Inde jouent également un grand rôle comme le montre la carte ci-dessous.
Source : WITS (d'après ONU, OMC et Banque Mondiale, 2014—2016). Réalisation : Géoconfluences, 2018. Libre de droits pour l'usage pédagogique dans la classe. |
Pour compléter
Nuancer la Chinafrique
- Thierry Pairault, « Quelle présence chinoise en Afrique ? », Les cafés géographiques, janvier 2018.
- Thierry Pairault, « Investissement, routes de la soie et Afrique (2016) », blog Chine-Afrique, novembre 2017.
- Thierry Pairault, « Main-d'œuvre chinoise en Afrique en 2016 », blog Chine-Afrique, novembre 2017.
- Thierry Pairault, « Approximation, confusion, semi-vérité », blog Chine-Afrique, novembre 2017.
Rappeler le rôle de la Chine et de l'Inde dans l'émergence de l'Afrique
- Un rapport du Sénat : « Les grands émergents à marche forcée » in Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, L'Afrique est notre avenir, rapport du Sénat, 29 octobre 2013.
- Deux articles de presse récents : Aboubacar Yacouba Barma, « La Chine, ce partenaire presque comme les autres », La Tribune Afrique, mars 2017 ; Marc Bassine, « Économie : la Chine, désormais premier partenaire financier de l'Afrique », Le 360 Afrique, 27 novembre 2017.
- Le site World Integrated Trade Solution fournit un très grand nombre de statistiques économiques à partir de données officielles (en anglais).
- Glossaire de Géoconfluences : Chinafrique | BRICS | Néo-colonialisme | Françafrique
- Diaspora indienne (en Afrique du Sud notamment) : Pierre-Yves Trouillet, « Les populations d'origine indienne hors de l'Inde : fabrique et enjeux d'une "diaspora" », Géoconfluences, 2015, mis en ligne le 18 septembre 2015.
- David Bénazéraf, « Les Chinois en Afrique : les investissements dans le secteur de la construction », Géoconfluences, février 2016.
- Jean-Pierre Cabestan, « Les relations internationales de la Chine après la crise de 2008 », Géoconfluences, février 2016.