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Chinafrique

Publié le 30/03/2023
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La très rapide montée en puissance de la présence chinoise dans une large partie de l'Afrique a incité à parler d'une Chinafrique, qui supplanterait une Françafrique à l'agonie et, plus généralement, les intérêts occidentaux sur le continent. Ce concept a été largement repris par les journalistes et le monde des médias.

Précisons tout d'abord que l'expression, qui intègre l'ensemble des États du continent africain, permet mal de saisir des situations économiques pourtant très variées à l'intérieur du continent. 

Au-delà des fantasmes, partons des constats. Entre 2000 et 2015, les échanges chinois avec le continent ont été multipliés par 30, pour atteindre la barre des 300 milliards de dollars. Depuis 2011, la Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique sud-saharienne prise comme un ensemble. Elle a consolidé ses positions dans les secteurs des industries extractives et des infrastructures. Elle a aussi commencé à investir dans l’industrie manufacturière, mais les flux restent encore assez modestes (officiellement 22 milliards de dollars en 2012 mais probablement beaucoup plus).

Les grands sommets entre les représentants de la Chine et les gouvernements africains se multiplient, ce qui traduit l'intérêt réciproque pour ces relations. Avec la création du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), l’an 2000 constitue un tournant à partir duquel les relations sino-africaines connaissent un essor particulièrement rapide. La Chine multiplie les gestes de séduction, en annulant la dette de plusieurs pays africains par exemple. Lors du sommet du Focac de Johannesburg en décembre 2015, le président chinois Xi Jiping a annoncé une enveloppe de 60 milliards d'aide financière pour l'Afrique incluant 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels.

Les Chinois sont aussi présents dans les opérations de maintien de la paix en Afrique et la Chine use de son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations Unies pour entraver les possibles ingérences internationales dans les affaires africaines, ce qui lui sert de monnaie d'échange diplomatique et économique. Inversement, Pékin convoite les voix des États africains pour défendre ses propres intérêts dans les instances internationales (dans ses relations avec Taïwan par exemple) et le temps où les ex-colonies votaient comme un seul homme à l'ONU derrière l'ancienne puissance tutélaire est fini.

Contrairement aux Occidentaux, la Chine n'impose pas de conditions politiques en échange de ses investissements et ne pose pas de questions sur les Droits de l’Homme. Les Chinois s'efforcent d'emporter l'adhésion des gouvernants africains et, autant que possible, des populations en se centrant sur un échange largement fondé sur les extractions de matières premières contre des infrastructures : construction de ports, de routes, de barrages (par exemple, sur l'Omo en Ethiopie, barrage de Merowe au Soudan), de stades et d'hôpitaux, de zones industrielles (parc industriel sino-éthiopien de Dukem). Ils prennent souvent en charge une large partie, voire la totalité des travaux et s'installent alors parfois durablement, créant de véritables villages ou quartiers chinois, multipliant les installations d'entreprises ou de commerces. On compte plus de 2 500 entreprises chinoises installées sur le continent en 2015. En Algérie, la Chine a détrôné la France depuis 2012 comme premier partenaire du pays en remportant quasiment tous les grands appels d’offres dans le BTP, comme la construction de la grande mosquée d’Alger, la troisième plus grande au monde, ou encore l’agrandissement de l’aéroport de la capitale. Partout sur le continent, les produits chinois bon marché remplacent peu à peu ceux importés d'Occident mais aussi les productions locales et africaines.

Au demeurant, ce qui pourrait sembler une forme de néo-colonisation de l'Afrique peut être confronté à certaines limites et réactions. Bon an, mal an, une part des pays africains est engagée dans des processus de démocratisation et l'opinion publique, la société civile se font de plus en plus entendre. La présence chinoise est parfois perçue comme une menace ou une forte concurrence pour les productions et les emplois locaux et des incidents, voire des émeutes populaires, en résultent parfois. Dans certains pays l'immigration massive de travailleurs chinois est mal vécue, en Algérie par exemple, des émeutes ont éclaté.

Certains auteurs comme Thierry Pairault (2018) estiment que l'expression est à bannir. Parmi d'autres arguments, ils estiment qu'elle donne une vision trop uniforme des pays du continent, que l'attitude de la Chine n'est en rien comparable à celle des anciennes puissances coloniales. Thierry Pairault insiste sur le fait que les chiffres des investissements chinois en Afrique sont souvent gonflés, ou portent sur des annonces de projets plutôt que sur des réalisations concrètes. De plus, dans de nombreux cas, les transferts de capitaux correspondent plutôt à des commandes africaines que des investissements chinois, et l'implication locale de la Chine ne dure que le temps du chantier.

Dans le cadre de la compétition mondiale entre la Chine et l'Occident, les Africains ont compris qu'ils seront de plus en plus courtisés et ils sont bien décidés à faire monter les enchères. La Chine contribue certainement à la « désoccidentalisation » de l'Afrique. Elle contribue aussi largement à l'actuel décollage économique de certains pays africains comme l'Éthiopie et au transfert de nouvelles technologies adaptées au continent. Plusieurs pays africains sont considérés, de plus en plus souvent, comme des émergents. C'est un retournement de perspective susceptible de s'accélérer avec la montée en puissance des échanges Sud-Sud et avec le renforcement du rôle d'autres nouveaux intervenants que sont le Brésil et l'Inde. Dans ce contexte, parler de « Chinafrique » est un moyen de souligner le rôle de la Chine dans l'insertion plus générale des pays africains au système économique mondial multipolaire.

(La rédaction) mise à jour : janvier 2017 ; mars 2018.


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