Lyon-Confluence, un exemple de rénovation urbaine

Publié le 18/07/2005
Auteur(s) : Sylvain Genevois, maître de conférences - INSPÉ de La Réunion

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Avec 55 communes et 1,5 million d'habitants, l'agglomération urbaine de Lyon (le Grand Lyon) est à la recherche d'une dimension et d'une organisation territoriales à la mesure des métropoles européennes avec lesquelles elle veut rivaliser. En même temps que la métropole lyonnaise s'étale, elle se restructure à travers de nouveaux lieux de centralité* (les * de ce texte renvoient au glossaire) : après la Presqu'île (l'hypercentre historique), la Part-Dieu (le centre commercial et administratif), Gerland (le technopôle industriel et tertiaire), le projet de Perrache-Confluent constitue désormais la grande opération de rénovation urbaine*, qui permettra un recentrage de la ville sur le site de confluence entre Saône et Rhône.

Le secteur de la confluence donne lieu aujourd'hui à de grands projets d'aménagement urbain, qui ne sont pas sans rappeler ceux des ingénieurs Perrache ou Morand au XVIIIe siècle. Ce chantier considérable, censé "faire entrer Lyon dans le troisième millénaire", (selon les termes de Raymond Barre, maire de Lyon de 1995 à 2001) est prévu pour s'étaler sur plus de 30 ans.

 

Un remarquable site de confluence

Bien qu'occupant une place très importante sur le plan topographique et sur le plan symbolique, le confluent a été occulté jusqu'à une date très récente. Il s'est retrouvé isolé du reste de la ville par la gare de Perrache et le centre d'échanges autoroutiers du tunnel de Fourvière.

La vue aérienne oblique ci-contre, montre le site de la confluence entre la Saône, à gauche de la photo, et le Rhône à droite et le sud de la presqu'île, longtemps dédié à l'industrie et aux transports.

Ce territoire en marge est devenu un territoire à forts enjeux pour le Grand Lyon. C'est un espace d'expansion métropolitaine, une composante majeure de la Porte Sud de Lyon, noud de communication essentiel pour l'agglomération, un site fluvial à mettre en valeur.

La ville de Lyon vue depuis la confluence

Source : SEM Lyon-Confluence www.lyon-confluence.fr/index.php

Une trame urbaine discontinue

La vue aérienne de la presqu'île lyonnaise fait apparaître une dissymétrie majeure dans la trame urbaine :

  • la partie nord qui s'étale de la colline de la Croix-Rousse à la gare de Perrache est caractérisée par un quadrillage régulier de rues délimitant des ilôts d'habitat ancien (en tonalités de dominante rouge sur la photo). C'est cette exceptionnelle continuité dans le tissu urbain qui a valu à la ville de Lyon d'être classée au Patrimoine de l'humanité (périmètre UNESCO depuis 1998)
  • la partie sud, qui s'étend de la gare de Perrache à la pointe de la confluence, apparaît au contraire comme un quartier industriel, caractérisé par un enchevêtrement de grands bâtiments et d'infrastructures de transport (en tonalités de dominante gris-blanc). Cette discontinuité urbaine se prolonge sur la rive gauche du Rhône dans le quartier de Gerland, également délimité au nord par l'emprise routière et ferroviaire.

 

Vue aérienne verticale

Source : SEM Lyon-Confluence www.lyon-confluence.fr/index.php

Localisations

Paradoxalement, le quartier industriel de la presqu'île, séparé de la ville par deux fleuves, une gare et une autoroute, a longtemps fait figure de territoire enclavé au cœur même de la ville. Les Lyonnais lui ont d'ailleurs donné un nom symbolique : le quartier "au delà des voûtes", où l'on rejetait depuis le XIXe siècle toutes les activités qu'on ne voulait pas en ville (industries polluantes, entrepôts, marché-gare, prisons). Les friches* industrielles et urbaines sont devenues un espace urbain à reconquérir, un espace stratégique qui prolongera le centre historique de la ville.

Un déplacement progressif de la confluence vers le sud

Jusqu'au XVIIIe siècle, le confluent du Rhône et de la Saône était instable en raison des nombreux chenaux (les "lônes") et ilôts (les "brotteaux") qui fragmentaient et fragilisaient le sud et l'est de la ville, espaces à risques.

Il revint à Michel-Antoine Perrache (1726-1779) d'étendre la ville, qui étouffait dans ses remparts, en déplaçant le confluent plus au sud et en raccordant l'île Moniat au reste de la presqu'île. Mais la Révolution et l'Empire ont interrompu le projet de Perrache. Ce territoire instable a eu longtemps l'image d'un "no man's land" mal identifié : dans les représentations, la presqu'île s'arrête aux remparts d'Ainay. Pourtant les travaux entrepris par l'ingénieur Perrache ont abouti à terme à doubler la superficie de la presqu'île.

À partir du XIXe siècle, l'essor économique conduit à la construction d'infrastructures industrielles (usine à gaz, abattoirs, entrepôts) et portuaires (port Rambaud), en lien avec l'arrivée du chemin de fer et la construction de la gare de Perrache en 1860.

Extrait de la carte de Cassini (1784)

 

Une opération de rénovation urbaine de grande envergure

Cet espace urbain a été frappé de plein fouet par la crise et la désindustrialisation à partir des années 1970.

À la fin des années 1990, plusieurs projets d'aménagement urbain* se sont succédé pour transformer ces 150 ha de friches industrielles en véritable quartier de ville. Le premier projet visait à transformer la confluence en "quartier d'avenir", sur le modèle des centres hypermodernes des grandes métropoles européennes. Jugé trop ambitieux et trop coûteux, il a été remplacé par un second projet plus réaliste. Ce dernier comprend des espaces ouverts, avec la création d'un parc, l'aménagement des quais en promenade, des bassins portuaires qui feront entrer l'eau dans les terres et des espaces de développement urbain pour des logements, des bureaux, des commerces et des équipements culturels. Il s'articule autour des axes suivants :

  • requalification de la confluence et de la presqu'île par reconquête des terrains industriels (marché de gros, anciens sites postaux, EDF-GDF, port Rambaud) ;
  • suppression de l'échangeur de Perrache et déclassement de l'autoroute A6-A7, remplacée à terme par un boulevard (mail) urbain ;
  • prolongement du tramway de la gare de Perrache au confluent ;
  • reconquête des berges du Rhône et de la Saône avec création d'espaces verts et d'une place nautique ;
  • implantation d'habitats résidentiels, accompagnés d'un grand complexe de loisirs associant tous les types d'activités ludiques, dont un ensemble de salles de cinéma de type multiplex ;
  • construction des Archives municipales, du musée des Confluences et, plus récemment, décision d'y implanter le nouveau siège de la région Rhône-Alpes.
Les projets d'après l'exposition Grands espaces Ville durable (Lyon - 2004)

Source : SEM Lyon-Confluence www.lyon-confluence.fr/index.php

Un jeu d'acteurs complexe

En 1995, le projet urbanistique est lancé par la municipalité de Lyon. Son maire à l'époque, Raymond Barre, en fait le projet phare de la métropole : "Si Lyon abandonne le projet du confluent, elle redeviendra une petite ville de province". La réalisation de l'opération rend nécessaire la création d'une Société d'économie mixte, la SEM Confluence, créée en juillet 1999 pour promouvoir et réaliser l'opération Lyon Confluence.

La Communauté urbaine de Lyon (Courly) et la Ville de Lyon sont les maîtres d'ouvrage. Elles financent 50% de l'opération, l'autre moitié étant prise en charge par des capitaux privés. La conception est confiée à deux architectes et paysagistes, François Grether et Michel Desvignes, qui ont en charge d'établir un nouveau plan d'urbanisme. Il s'agit d'un schéma évolutif et modulable, incluant des objectifs à court terme et des perspectives à très long terme, "un projet à cent projets", qui implique une multitude de cabinets d'architectes-urbanistes et de maîtres d'œuvre. D'autres partenaires fonciers publics sont associés sous des formes diverses : Voies navigables de France (VNF), la SNCF, le Réseau ferré français (RFF), EDF.

www.lyon-confluence.fr/htm/amenageur.php

Les collectivités engagées dans le projet s'efforcent de la conduire en concertation avec la population, invitée à participer à des réunions-débats et tenue régulièrement informée des différentes phases de l'opération. Les équipements structurants lourds devraient être réalisés entre 2005 et 2008 : aménagement du cours Charlemagne et de la place des Archives, prolongement du tramway, construction du Musée des Confluences.

Mais le déplacement du marché de gros et la démolition des prisons devraient intervenir à l'horizon 2010-2015. La rénovation* complète du quartier par réaménagement d'ilôts successifs devrait s'étaler jusqu'en 2030.

Vues sur le site

 


Source : SEM Lyon-Confluence © Erick Saillet pour Lyon Confluence, juillet 2003
www.lyon-confluence.fr/index.php

Commentaires des photographies, dans l'ordre du défilement :

1 - Sud de la Presqu'île - Cette vue oblique, prise dans l'axe du cours Charlemagne (axe de prolongement de la ligne T1 du tramway), montre le marché de gros (en bas à droite), le terrain de football et la patinoire (au centre), les anciens bâtiments industriels, en attente de démolition en 2003 (à gauche, démolis en 2005). Le quartier d'habitation (en haut à droite) est appelé à rester en place. À noter le fort compartimentage de cet espace, en îlots délimités par les voies routières et ferroviaires.

2 - Place des Archives - La gare de Perrache et le faisceau de voies ferrées constituent une coupure nette dans le paysage de la presqu'île. Mais le percement de la nouvelle place des Archives offre une possibilité de rééquilibrage de l'espace urbain. Au fond de la photographie subsiste encore la prison Saint-Paul, appelée à être désaffectée et déplacée en périphérie.

3 - Tramway - Le cours Charlemagne réaménagé pour recevoir une nouvelle ligne de tramway, qui permettra de relier le Confluent à Perrache.

4 - Gare de Perrache - La gare ouvre sur la place des Archives et sur le cours Charlemagne par son entrée sud. Le tramway se prolonge désormais "au delà des voûtes" (encore visibles de chaque côté de l'entrée).

5 - Rhône et Saône - Cette photographie met en valeur les quais du Rhône (avec des embarcations légères au premier plan) et les quais de la Saône (au deuxième plan) avec l'ancien port Rambaud et les silos de la Sucrière. Entre ces deux axes fluviaux, la presqu'île très étroite est entièrement occupée par le passage des axes autoroutier et ferroviaire.

À compléter par cette vue panoramique du quai de Saône : www.lyon-confluence.fr/htm/atouts.php#


Ainsi qu'une vue panoramique (360°), de type "hyperpaysage", en pop-up

Centrée sur la sortie sud de la gare de Perrache

Des approches, techniques et pédagogiques, des hyperpaysages sont présentées, par exemple :

 

Ou en simple page Web (cliquer sur la miniature) :

De gauche à droite : le cours Charlemagne en travaux pour le prolongement de la ligne de tramway (TCSP) ; des travaux de démolition pour dégager la place des Archives ; le bâtiment des Archives municipales en cours de réhabilitation ; la gare de Perrache avec sa nouvelle entrée sud, le tramway se prolonge désormais "au delà des voûtes" (encore visibles de chaque côté de l'entrée) qui ont longtemps constitué une rupture dans l'espace urbain ; la future place des Archives qui sera plantée d'arbres au-dessus d'un parking souterrain de 550 places qui facilitera les interconnections et le désenclavement du quartier ; en arrière-plan la prison Saint-Paul qui, à terme, devrait être délocalisée.

Un projet qui suppose de nouvelles dynamiques territoriales

La gestion des mobilités à l'échelle de l'agglomération lyonnaise

Source : SEM Lyon-Confluence  www.lyon-confluence.fr/index.php

Pour voir le jour, Lyon-Confluence implique la réalisation d'un grand contournement autoroutier (pour permettre le déclassement de l'autoroute A6-A7 qui transperce aujourd'hui le site), le contournement ferroviaire de Lyon par l'est, le bouclage du périphérique encore incomplet à l'ouest (voir le plan ci-contre à droite), la construction d'une nouvelle prison pour libérer l'espace occupé par les centrales Saint-Paul et Saint-Joseph, la démolition du centre d'échange de Perrache (véritable monstre de béton qui rompt la continuité de la presqu'île), le déménagement du marché gare, le déplacement d'une station de métro, la construction d'un nouveau pont sur le Rhône !

Le projet de contournement ouest de Lyon, sans cesse repoussé, constitue un défi majeur. Pourtant, il n'est pas le seul problème de ce nouveau quartier Perrache-Confluent qui devrait passer de 7 000 habitants aujourd'hui à 25 000 demain. Comment éviter par exemple le refoulement des populations modestes en périphérie ? Comment éviter également l'enclavement d'une presqu'île, condamnée à rester fortement compartimentée par le maintien de la voie ferrée Lyon-Saint-Étienne ? En fait, c'est toute une approche nouvelle du territoire urbain qui est en train de se dessiner, avec des préoccupations nouvelles en termes d'environnement et de développement durable : dépollution des sols, économies d'énergie, développement des transports en commun.

 

Pour prolonger, des ressources en ligne

 

Présentation, sélection des documents : Sylvain Genevois,

agrégé de géographie, formateur à l'IUFM de Lyon

 

Mise à jour :   18-07-2005

 

 

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Pour citer cet article :  

Sylvain Genevois, « Lyon-Confluence, un exemple de rénovation urbaine », Géoconfluences, juillet 2005.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/territ/FranceMut/FranceMutDoc2.htm