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Rural isolé, hyper-rural, rural "profond"

Publié le 25/04/2023
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Rural isolé, hyper-rural et rural profond sont trois termes souvent utilisés pour caractériser les espaces ruraux les plus éloigné des villes : les espaces ruraux étant souvent envisagés à partir d’un point de vue centré sur la ville, le vocabulaire utilisé pour désigner ce type d’espaces est souvent péjoratif. L’expression « rural profond » donne ainsi l’impression de « s’enfoncer » dans la campagne à mesure qu’on s’éloigne des villes. Elle est à relier au vocabulaire dépréciatif utilisé pour décrire les campagnes depuis l’étymologie latine de « rustique », « rustre », en passant par les rednecks nord-américains (les « nuques rouges »), et jusqu’à la gloubinka russe (la « campagne profonde »). L’expression « rural isolé » est donc à préférer à celle de « rural profond », en choisissant soigneusement les indicateurs servant à la définir, afin d’éviter les analyses fondées sur des jugements de valeur. Dans le zonage en aires d’attraction des villes construit par l’INSEE en 2020, on parle de rural « hors attraction des villes » (6 % de la population), et dans la typologie fondée sur la grille de densité, de « rural autonome peu dense ».

Même dans le contexte de retournement démographique connu par les espaces ruraux depuis la fin de l’exode rural dans les pays développés, accompagné d’une revalorisation de leur image, certains d’entre eux continuent de subir leur isolement relatif. La grande vitesse (autoroutes, LGV, haut-débit internet…), a privilégié les connexions les plus rentables et certains espaces y ont perdu en accessibilité relative par effet tunnel. Les espaces ruraux isolés sont ceux qui continuent de perdre de la population (parfois en dépit d’un solde migratoire positif, ce qui peut s’expliquer par un fort vieillissement et un solde naturel fortement négatif, comme dans certaines campagnes françaises ou japonaises). La part des actifs agricoles y reste plus élevée que la moyenne des espaces ruraux, et le problème de la difficulté d’accès aux services (publics ou marchands) y est patente. À des temps de trajets très longs pour accéder à des services rares (médecins spécialistes, université) ou vitaux (maternité, service d’urgence) peuvent s’ajouter une désertification (fermeture et dématérialisation des guichets administratifs, fermeture des commerces de proximité, départ à la retraite de médecins généralistes non remplacés, cf. Chasles et al., 2013) qui touche plus particulièrement les populations les plus vulnérables, par exemple les personnes âgées pauvres ou non motorisées. 

Il ne faut pas noircir le tableau. En raison même de leur isolement, les espaces ruraux les plus éloignés des villes possèdent des atouts, d’autant que les paysages agricoles et « naturels » sont revalorisés voire idéalisés dans des sociétés majoritairement urbaines. Ils sont recherchés par des personnes souhaitant expérimenter des modes d’habiter en marge des normes sociales (Imbert, Chapon et Mialocq, 2018). Des initiatives culturelles existent aussi comme le musée du lac de Vassivière dans le Limousin ou le festival d’art contemporain d’Echigo Tsumari dans le département de Niigata au Japon (Boven 2017).

En France

En France, le rapport du sénateur Alain Bertrand a introduit en 2014 la notion de « territoires hyper-ruraux » reposant sur des données chiffrées. Fondé sur la typologie des campagnes françaises (Hilal et al., 2011) et prenant en compte l’accessibilité des services à la population, le rapport identifie 250 bassins de vie hyper-ruraux regroupant environ 5 % de la population française et 14 % des communes sur près de 26 % du territoire national. L’hyper-ruralité incarne la « ruralité de l’éloignement » sous toutes ses formes :

  • éloignement des individus entre eux (faible densité de population) ;
  • éloignement des individus vis-à-vis des services du quotidien et éloignement entre les pôles qui assurent modestement, parfois avec difficulté, le rôle de centralité pour ces territoires (faible densité en pôles de services de tous types) ;
  • éloignement de ces territoires vis-à-vis des métropoles, agglomérations, pôles urbains, bassins d’emploi, centres universitaires ou de décision, tant du fait des distances à parcourir que des conditions d’enclavement géographique.

Ces bassins de vie hyper-ruraux concentrent :

  • la grande majorité des communes à faible densité de population, avec une médiane de 22 hab./km², soit 3 à 4 fois plus faible que dans les autres territoires « ruraux » (74,6 hab./km²) ;
  • des populations généralement à faibles revenus, avec une moyenne d’âge élevée et un vieillissement nettement accentué (plus du quart de la population est âgé de plus de 65 ans, contre seulement 17 à 18 % dans les autres territoires) ;
  • un taux d’emploi significativement plus faible (63,4 % contre 65,6 %) que dans les autres territoires ruraux, avec une part relativement plus élevée de l’économie présentielle (72,9 % contre 64,8 %), du fait de la faible représentation du tissu productif. Devenue largement minoritaire en France, la part d’emploi agricole y reste relativement élevée, voire très élevée pour certaines communes ;
  • un temps d’accès aux services et à l’emploi nettement supérieurs à la moyenne française pour la majorité de leurs communes qui les composent, en lien avec l’absence de centralités fortes. 

(JBB), novembre 2019, dernière modification : mars 2022.


Références citées
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