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Le Burkina Faso, le Mali et le Niger quittent la CÉDÉAO pour fonder la Confédération du Sahel

Publié le 05/09/2024
Auteur(s) : Christian Bouquet, professeur émérite de géographie politique - Université Bordeaux-Montaigne, Sciences Po Bordeaux
En juillet 2024, trois États sahéliens ont quitté la Confédération Économique des États de l'Afrique de l'Ouest pour fonder un nouvel ensemble régional, dans un contexte déjà fragilisé par une crise démographique et climatique et par l'insécurité liée au djihadisme.

Bibliographie | citer cet article

À l’intérieur des limites généralement retenues par les géographes pour circonscrire le Sahel (entre les isohyètes 200 et 600 mm ; Bouquet, 2017), on identifie un bloc de sept pays (sur dix) qui constituent un arc de crise : Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad, Soudan, Éthiopie, Érythrée. Depuis 2020, cinq d’entre eux (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Soudan) ont « rompu avec l’ordre constitutionnel », expression diplomatique signifiant qu’ils ont transgressé les règles démocratiques. Les deux autres (Éthiopie, Érythrée) connaissent soit une guerre civile soit une dictature absolue.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette instabilité chronique, mais la principale se trouve dans l’équation eau-terre-population (Bouquet, 2021). En effet, le changement climatique a entraîné, depuis les années 1970, une diminution sensible et régulière des précipitations sur la zone sahélienne, faisant descendre l’isohyète 200 mm de plus de 250 km vers le sud, ce qui réduit les terres disponibles pour l’agriculture et l’élevage. Or la population a été multipliée par cinq depuis les indépendances. Lorsqu’il y a beaucoup plus de monde sur beaucoup moins d’espace, des conflits d’usage éclatent inévitablement et la guerre du Darfour en a fourni le premier exemple dès 2003.

Parallèlement, la progression vers le sud des groupes terroristes armés (djihadistes) en provenance d’Algérie et de Libye a créé une grande insécurité, plus particulièrement dans trois pays sahéliens : le Mali, le Burkina Faso et le Niger, justifiant en 2011 une intervention militaire française (Serval, Barkhane) et onusienne (MINUSMA) à la demande de Bamako.

Arguant de l’inefficacité de ces soutiens extérieurs, des militaires ont pris le pouvoir au Mali (deux coups d’État en 2020 et 2021), au Burkina Faso (deux coups d’État en 2022), et au Niger (un coup d’État en 2023). Apparemment approuvés par la rue (du moins dans les capitales), les putschistes ont entretenu un vif sentiment anti-français, habilement relayé par les réseaux d’influence russes dont la présence militaire est rapidement apparue évidente (Wagner, puis Africa Corps). Ils ont obtenu le départ des forces étrangères.

La CÉDÉAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), qui parvenait habituellement à gérer ces situations troublées, a échoué cette fois-ci, malgré les sanctions prononcées à l’endroit des régimes putschistes. Et ceux-ci ont fait sécession en proclamant d’abord en septembre 2023 l’Alliance des États du Sahel (Bouquet, février 2024), puis en juillet 2024 la Confédération du Sahel (Bouquet, juillet 2024).

Document 1. La CÉDÉAO et la Confédération du Sahel

cédéao et confédération du Sahel

Désormais séparés de leurs voisins et anciens partenaires économiques, le Mali, le Burkina Faso et le Niger risquent de souffrir à la fois de leur enclavement (car ils n’ont plus de débouchés maritimes) et du gigantisme de leurs trois territoires (en tout 2 758 000 km²) difficiles à contrôler. Ils ne sont pas davantage à l’abri des conséquences néfastes du changement climatique, ni des incursions récurrentes des groupes terroristes armés.

Quant à la politique française en Afrique, elle est entrée dans une nouvelle ère, marquée par un repli de ses positions militaires et par une dégradation de son image, dans une région où elle est concurrencée de façon croissante par la Russie pour l’implication militaire et la Chine pour la coopération économique (Bourdillon, 2023).


Références citées

 

Christian BOUQUET

Professeur émérite de géographie politique - Université Bordeaux-Montaigne, Sciences Po Bordeaux

 

Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron

Pour citer cette brève :

Christian Bouquet, « Le Burkina Faso, le Mali, et le Niger quittent la CÉDÉAO pour fonder la Confédération du Sahel », Géoconfluences, septembre 2024.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/confederation-du-sahel-2024