Juin serait-il en passe de devenir le nouvel août ? Une actualité brûlante
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En moins de 72 heures, l’alerte aux très fortes chaleurs s’est emballée : déclenchée sur treize départements le 27 juin 2025, la vigilance orange concerne, le lundi 30 juin, 84 départements, quasiment tout l’Hexagone hormis une fine frange littorale à l’ouest, tandis que seize départements d’Île-de-France et du Centre passeront en vigilance rouge dès le mardi 1ᵉʳ juillet. Cette alerte est liée à la remontée d’une masse d’air saharienne, avec des pointes prévues jusqu’à 41 °C et des minimales nocturnes souvent supérieures à 20–24 °C. Météo France rappelle que l’épisode a débuté le 19 juin : il constitue déjà la 50e vague de chaleur enregistrée depuis 1947 (source). Parallèlement, la mer Méditerranée a atteint 26,01 °C de température moyenne le 29 juin, un record absolu pour ce mois et plus de 3 °C au-dessus des normales 1991-2020, de quoi renforcer encore les nuits tropicales du pourtour méditerranéen. Cette précocité confirme la tendance des dix dernières années : le cœur de l’été se décale vers la fin du printemps, faisant du mois de juin un mois désormais aussi chaud qu’août dans les années 1990.
Au-delà des thermomètres, les premiers effets collatéraux se font sentir : restrictions de circulation pour limiter l’ozone en Île-de-France et appels au télétravail, diffusion de conseils pour se protéger de la chaleur ou mieux vivre avec elle, multiplication des départs d’incendies dans le Midi et activation du numéro vert « Canicule Info Service ». Ces signaux transforment l’actualité météorologique en pré-alerte sanitaire et opérationnelle pour les collectivités comme pour l’ensemble des établissements scolaires. Conformément à la note ministérielle qui renvoie la décision aux maires, préfets et recteurs, près de 200 écoles publiques ferment partiellement ou totalement ce début de semaine, les équipes pédagogiques improvisant ventilateurs et gardes alternées faute de protocole national. Dans des salles qui dépassent déjà 35 °C, enseignants et élèves doivent pourtant boucler à cette époque de l’année, oraux de français, Grand oral du baccalauréat et corrections du brevet : une « souplesse » exigée par le ministère, mais qui se heurte aux limites physiques des locaux et d’un personnel déjà sous tension.
Document 1. Carte Météo France des très fortes chaleurs prévues le 1er juillet 2025 : jusqu’à 41 °C sur la moitié sud. Source : Météo France
Une mutation géographique du climat
Depuis vingt ans, la ligne des 35 °C « habituels » s’est déplacée bien au-delà de la vallée du Rhône : cette semaine, Météo France prévoit encore 37 °C à Chartres, 35 °C à Beauvais et 33-34 °C jusque sur la frange littorale picarde, des valeurs jadis réservées au Sud-Ouest. Dans les simulations Climadiag (Météo France), Toulouse basculerait d’un climat « toulousain » à un climat comparable à celui de Valence (Espagne) d’ici 2050, avec un passage de 2 à 9 jours > 35 °C par an. La « zone espagnole » remonte, tandis que les Hauts-de-France connaissent aujourd’hui les chaleurs d’un Centre-Val-de-Loire d’hier. Le signal nocturne confirme la translation : Reims, jusque-là référence d’un climat dit tempéré, verra le nombre de « nuits tropicales » (> 24 °C) quintupler entre 1976-2005 et 2050 (de 3 à 14 nuits), contraignant les élèves (et leurs enseignants) à travailler fenêtres closes dès la fin juin et compliquant la récupération physiologique. Ce cas illustre la mobilité des isothermes de 20 °C la nuit et de 35 °C le jour. Enfin, les collectivités du nord commencent à se comporter comme celles du Midi : la métropole de Lille figure désormais parmi les territoires pilotes du Cerema pour cartographier les îlots de chaleur via l’outil LCZ (zones climatiques locales) et adapter urbanisme et mobilités, ce qui donne à voir la progression de la chaleur vers la Manche. Cette convergence Sud-Nord offre une entrée vivante pour faire mesurer aux élèves que, pour la France, rester au même endroit sur la carte revient de plus en plus à changer de latitude climatique.
Selon Météo France, l’été précédent (2024) se classe comme le 8e plus chaud depuis 1900. Santé publique France lui attribue 3 711 décès liés à la chaleur — les bilans de 2022 (10 420 morts) et 2023 (5 167 morts), mais incluant 263 décès excédentaires sur les seuls jours caniculaires (+ 4,3 %), dont plus des trois quarts concernaient des personnes de 75 ans et plus. Mais la vulnérabilité n’est pas qu’une question d’âge : 70 % des habitants des quartiers prioritaires déclarent subir une chaleur excessive dans leur logement (contre 56 % des Français) et 36 % des travailleurs sont déjà exposés aux chaleurs extrêmes, un contexte dans lequel sept accidents du travail mortels ont été signalés en 2024. Ces chiffres rappellent que les vagues précoces frappent des populations encore au travail ou à l’école, bien avant la trêve estivale, creusant les inégalités sanitaires. Depuis 2004, Santé publique France suit désormais au jour le jour l’activité des urgences et les hospitalisations liées à la chaleur entre le 1er juin et le 15 septembre, de sorte à déclencher plus tôt les messages de prévention et l’assistance aux publics à risque. Parallèlement, le ministère du Travail prépare un « plan de prévention canicule » obligatoire pour les employeurs, activé dès la vigilance orange de Météo France : il imposerait horaires aménagés, distribution d’eau et possibilités de télétravail afin de mieux protéger les salariés exposés.
Document 2. Les canicules sont beaucoup plus fréquentes au XXIe siècle. Source : Statista, sous licence CC.
Porte d’entrée pédagogique
Pour introduire une activité liée à ces canicules au collège, proposez aux élèves de tracer une frise alignant les records de 2003, 2019 et 2025 afin d’illustrer le glissement saisonnier des canicules, puis d’en tirer un kit canicule qui adapte concrètement leur établissement à ces nouvelles chaleurs précoces. Commencez par faire tracer aux élèves une frise graduée qui aligne 44,1 °C relevés à Conqueyrac (Gard) le 12 août 2003, 46,0 °C validés à Vérargues (Hérault) le 28 juin 2019 et les 38-40 °C annoncés pour la fin juin 2025. La simple juxtaposition de ces trois jalons montre que les records français sont non seulement de plus en plus élevés, mais surtout battus de plus en plus tôt dans l’été, et désormais au-delà du strict pourtour méditerranéen. Vous pouvez demander aux élèves d’annoter cette frise avec les principales réponses institutionnelles : la création du Plan national canicule (PNC) en 2004 à la suite des 15 000 décès de l’été 2003 et la première vigilance rouge déclenchée par Météo-France en juin 2019, afin de croiser faits climatiques et politiques publiques de prévention.
Dans un second temps, transformez l’observation en action en organisant un atelier de prévention. À partir de la fiche officielle « Vague de chaleur » du ministère de la Santé (hydratation, ventilation, horaires aménagés), chaque groupe conçoit un kit canicule pour l’établissement : affiches rappelant les bons gestes, protocole pour identifier les salles les plus fraîches, micro-plan de végétalisation de la cour et liste des publics à protéger en priorité (élèves ULIS, personnels techniques, etc.). Cet exercice lie directement les données climatiques au quotidien de l’école : il fait réfléchir à l’inégale exposition des espaces, à la dimension sociale du risque et à l’évolution des pratiques nécessaires dans un climat qui, chaque année, bascule un peu plus tôt dans la chaleur extrême.
Sources
- Cerema, Surchauffe et sécheresse : comprendre et agir (dossier de presse, 11 juin 2025), en ligne (consulté le 30 juin 2025).
- Le Café pédagogique, « Canicule partout, des réponses au cas par cas », 30 juin 2025, en ligne (consulté le 30 juin 2025).
- Météo France, « Canicule : encore de très fortes chaleurs », 29 juin 2025, en ligne (consulté le 30 juin 2025).
Pour aller plus loin
- Ministère de l’Intérieur, « Alerte canicule : fortes chaleurs, risques d’incendies et mesures d’urgence activées », mis à jour le 30 juin 2025.
- Sur les dispositifs nationaux de gestion sanitaire des vagues de chaleur : Santé.gouv.fr, « La gestion sanitaire des vagues de chaleur », mis à jour en juin 2025.
Victor PIGANIOL
Professeur d'histoire et géographie, docteur en géographie du tourisme, Université Bordeaux Montaigne, UMR PASSAGES 5319
Édition et mise en web : Jean-Benoît Bouron
Pour citer cette brève :
Victor Piganiol, « Juin serait-il en passe de devenir le nouveau août ? Une actualité brûlante », brève de Géoconfluences, septembre 2023.
URL : https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/juin-serait-il-en-passe-de-devenir-le-nouveau-aout-une-actualite-brulante